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Full text of "Annales des sciences naturelles"

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SCIENCES NATURELLES. 


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| SECONDE SÉRIE. 


TOME VII. 


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ENCORE TN EE TER RERO | 
IMPRIMÉ CHEZ PAUL RENOURRD, | 
RUE GARANCIÈRE, N. 5. 


-_ ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES 


COMPRENANT 
LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE, 


L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES, 
ET L’HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; 


RÉDIGÉES 
POUR LA ZOOLOGIE 


PAR MM. AUDOUIN ET MILNE EDWARDS, 


ET POUR LA BOTANIQUE 


PAR MM. AD. BRONGNIART ET GUILLEMIN, 


Seconde Série. 


TOME HUITIÈME. — ZOOLOGIE. 


PARIS. 


CROCHARD& C*, LIBRAIRES-ÉDITEURS, 


PLACE DE L'ÉCOLE =DE-MÉDECINE , N. 13. . 


1837. 


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ANNALES 


DES 


SCIENCES NATURELLES. 


PARTIE ZOOLOGIQUE. 


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Nonce sur les ravages causés dans\quelques cantons du Ma- 
connais par la PYRALE DE LA VIGNE, et sur les moyens qui ont 
été jugés les plus convenables pour arréter le fléau , 


Par M. Vicror Aupouiw., D. M... 
lue à l'Académie des Sciences, le 4 septembre 1837. 


En même temps que les autorités municipales d'Argenteuil ; 
commune située aux portes de la capitale , attiraient l'attention 
de l’Académie des Sciences sur un Insecte dévastateur qui faisait 
les plus grands torts aux Vignes de leur territoire, M. le ministre 
du commerce transmettait à la Société royale et centrale d’a- 
griculture de Paris des plaintes semblables qui lui parvenaient 
des plus riches vignobles du Mâconnaïs et du Beaujolais : on y 
réclamait là présence d’un naturaliste, pour étudier le fléau et 
pour rechercher un moyen de l'arrêter. 

Désigné au Choix de M. le ministre (1} par mes honorables 
confrères, pour remplir cette mission, j'aurais tardé jusqu'à la 
reprise de nos réunions, qui aura lieu au mois dé novembre, 
pour leur faire connaître le point où m'ont conduit mes re- 
cherches, ét j'aurais attendu pour en entretenir l’Académie des 


(1) M. Martin (du Nord) ministre de l’agriculture et du commerce. 


6 V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


Sciences que mon travail, qui est accompagné d'un grand 
nombre de dessins, fût éomplètément. rédigé, si l'intérêt qui se 
rattache à ce grave sujet ne me faisait en quelque sorte un de- 
voir de rendre publics les résultats que j'ai obtenus. C’est sur 
ces résultats que je prie l'Académie de vouloir bien m ‘entendre 
un moment. a. 

Elle connait ateudte des dégâts Coin par la Pyrale 
à Argenteuil; ceux que le même insecte exerce depuis tant 
d'années dans les contrées que je viens de visiter ne sont pas 
moins considérables. | 

Dans ur lettre en date: du 7 ‘juillet dérniér, et qui a motivé 
mon départ, l'administrateur habile qui occupe la préfecture 
du département -de Saône-et-Loire, M. Barthélemy ; écrivait à 
M. le ministre de l’agriculture et du commerce, que, s'étant 
transporté dans les vignobles envahis par ia Pyrale , le mal lui 
avait apparu beaucoup plus grand qu'il'né s’y attendait; que 
des parties très importantes de territoire ne feraient pas de ré- 
colte ; qu'enfin il ne fallait pas se dissimuler que si on ne trou- 
vait pas un moyen de se préserver de cet insecte destructeur, 
c'en était fait des meilleurs crus du Mâconnais, et que, par 
suite de ce redoutable fléau, une nombreuse ACC ARE atta- 
chée depuis des siècles à la culture de la Vigne allait être ré- 
duite à la plus grande misère. 

Dés mon arrivée sur les lieux du désastre, le 5 août, j'ai pu 
reconnaître la vérité de ce triste tableau. C'était un spectacle 
affligeant que de voir ces laborieux cultivateurs, constans dans 
leurs habitudes de travail, reprendre pour la troisième ou la 
quatrième fois le labour, dans ces vignes dépouillées presque 
complètement de leurs fit. sans songer à rien entreprendre 
pour combattre le mal qui rendait tant de soins inutiles, Leur 
résignation ou leur ignorance étaient donc bien grandes, pour 
leur donner cette apparence de calme vis-à-vis un si, grand 
danger ? Comment les tirer, de cet état? C'était là une première 
difficulté à laquelle je ne n'étais pas attendu, mais que j'ai 
été assez heureux pour surmonter, grâce à l'intervention de 
quelques personnes éclairées dont j'aurai souvent à citer les 
noms dans le travail que je prépare. Elles eurent l'heureuse 


V. AUDOUIN. — Sur da Pyrale de la vigne. 7 


idée (1) de provoquer une réunion à laquelle seraient invités 
les petits comme les grands propriétaires des vignobles in- 
festés, afin. de s'entendre sur les mesures les plus efficaces à 
prendre pour ‘opposer quelque obstacle au fléau. Cette réu- 
nion, quieut lieu le 13 août, et que présida avec cette chaleur 
d'âme et ce haut mérite qui le distinguent, notreillustre auteur 
M: de Lamartine, député du département de Saône-et-Loire, 
produisit sur les esprits un ‘effet moral dés plus: satisfaisans. 
Mon travail était assez avancé pour qu’à cette séance j'aie pu 
prendre’ la parole, et traiter la question sous le double rapport 
de l'histoire naturelle ‘et de la mise en pratique des moyens les 
plus efficaces dé déstruction. La convietion: devint générale, et 
la preuve en fut que des le lendemain le‘plus grand nombre des 
assistans mettaiént en œuvre les procédés que nous avions indi- 
qués comme méritant la préférence. Jusque-là, on était resté les 
bras croisés ; c’étaient maintenant les bras qui manquaient pour 
agir. © | 90 | 

Le quartier de mes observations avait été établi x Chénas , 
dans la propriété de l'honorable M. de la Hante, receveur-géné- 
ral du département: du Rhône. Dévasté par la Pyrale, ce riche 
vignoble tient à ‘ceux des Romanèche et des Thorins, qu'on 
peut considérer comme les véritables centres et on peut dire 
les foyers de infection. De ée point, j'ai pu facitement visiter à 
la ronde les diverses localités ravagées par l’insecte : elles occu- 
pent une éténdue d'environ six lieues de long sur une lieue de 
large. Ces fréquentes visites et l’étude de tons les instans faite sur 
le terrain, m'ont fourni beaucoup d'observations qu’il eût été 
difficile de recuéillir dans des circonstances moins favorables. 
Elles me permettront, j'espère, d’ajouter quelques pages à l'his- 
toire assez imparfaitement connue de la Pyrale. 

Toutefois, la saison était déjà trop avancée pour qu'il me fütpos- 
sible d'étudier la Chenille dans toutes sés phases; mais je l'avais 
observée en 1836 sur des individus envoyés de Romanèche (1) 


(1) Cette pensée philantropique appartient surtout à deux administrateurs éclairés, MM. Ca- 
pand et Foillard , le premier Maire de la Chapelle-de-Güinchay,, et le second de Romanèche, 

(2) Ces envois me furent faits par M. de la Hante et par un autre propriétaire non moin 
zélé, M. Coubayon, 


8 V. AUDOUIN. -— Sur la, Pyrale de la vigne. 


à Paris. J'ai pu, au contraire, examiner. à. loisir les Chrysa- 
lides et suivre les Papillons dès leur éclosion , j'ai pu les voir au 
moment de leur accouplement , assister à la ponte, puis obser: 
ver. le, développement des œufs jusqu'à la sortie de la petite 
chenille, qui, bien qu’elle naisse en.août au moment où la 
végétation produit de. nouvelles feuilles, les respecte, et se ré- 
fugie immédiatement sous l'écorce de la plante, pour ÿ rester 
engourdie. jusqu’au printemps de l’année suivante, époque à 
laquelle elle commencera ses ravages sur les jeunes pousses. 

Ces études d'histoire naturelle proprement dites étaient 
utiles, indispensables même, pour arriver à faire choix du 
moyen le plus capable de réduire le mal,et pour savoir ensuite 
dans quel cas on devait l’employer. 

Mais il,était. une condition plus, nécessaire à remplir: ; 
il n'aurait, pas suffi que la science eùt découvert un,procédé 
capable de tuer l’insecte dans. l’un ou l’autre de ses états il 
fallait encore que ce procédé füt jugé exécutable par les culti- 
vateurs, c'est-à-dire que, tout compte fait, il y eut pour,eux 
bénéfice à le mettre en pratique. 

C’est faute d’avoir satisfait à cette juste exigence que plusieurs 
recettes proposées pour la destruction de la Pyrale ont manqué 
leur but; et sans doute que je n'aurais pas, évité moi-même 
cet écueil, si, me bornant à étudier l'insecte en Naturaliste , 
et dans lisolement de mon cabinet, j'eusse négligé le contactsi 
nécessaire des gens de pratique; c’est un aveu que j'ai déjà fait 
et que Je me plairai toujours à faire, 

Un séjour de près d’un mois au milieu de cette intéressante 
population des vignobles du Mâconnais et du Beaujolais, à eu 
pour moi l'avantage de m’identifier en quelque sorte à leur po- 
sition , et de me mettre à même de bien comprendre leurs be- 
soins. De leur côté , ils ont puisé dans ces relations journalières 
et de tous les momens des connaissances exactes qui, man- 
quaient à la plupart; ils ont appris à bien cennaître dans 
toutes ses phases et dans ses habitudes les plus cachées l’en- 
nemi auquel ils avaient à faire. Dès-lors , ils ont pu juger com- 
ment il était possible de l’attaquer avec succès , ‘et lorsque én- 
suite des expériences ont été tentées sous leurs yeux par des 


V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. q 


prupriétaires éclairés , ils ont été capables de discuter sur leurs 
avantages, sur leurs inconvéniens, sur la possibilité de feur 
mise. en, pratique, et sur la préférence qu'on devait donner à 
tel procédé plutôt qu'à tel autre. 

C’est en procédant dela sorte que nous sommes bientôt ar- 
rivés a nous entendre, et'un premier moyen sur les avantages 
duquel nous avons été ananimément d'accord , ç'a été, au mo- 
ment de l'apparition des Papillons, emploi simultané des feux, 
no pas; comme l'ont entendu et l’entendent encore quelques 
pérsonnes, des feux rlairs et élevés , maïs des feux petits, bas, 
multipliés, c’est-à-dire placés à la distance de 25 pieds au plus 
lun'de l’autre, QE 

Uneilluümination de cette espèce ne saurait se faire avec des 
brins de bois , de la paille ou toute autre matière plus on moins 
analogue ; car pour les alimenter il faudrait un nombre infini de 
bras,et, à cause de la nature du combustible, on devrait user de 
trop de précautions pour ne pas risquer d’endommager les plans 
de Vignes. On n'aurait à cramdreaucun de'ces'inconvéniens, si 
on-employaitune flamme qui s'entretint elle-même, par exemple 
une mèche entourée de:suif, un lampion,; une chandelle. Maïs, 
d'tin autré côté, on ne manquera pas d’objecter qu'une flamme 
si peu étendue ne détruirait qu'un bien petit nornbre de Papil- 
lotis s'il n'y avait d’atteint que ceux qui viennent s’y bräler en 
tournoyant autour ; or, ce tournoiement que viennent exécuter 
les! Pyrales à Ja circonférence de la flimme, cette sorte de spi: 
ralé ou de cercle qu'elles décrivent, est une: circonstance des 
plus héureuses, car elle permettra, comme on va le voir, de 
s'emparer de tous les Papillons qui s'en approcheront, même 
sans la toucher. 

En effet, Supposons que cette lumière soit un lampion, qu’au 
lieu dé le tenir élevé on le mette dans un vase plat et qu'on pose 
celui-ci sur le‘sol, on: concoit que le Papillon, qui tend à dé- 
crire un cercle autour de la flamme, ne pourra plus décrire 
qu'une portion de cercle, arrêté qu'il sera par la surface plane 
_ sur laquelle est, posé le lampion et qu'il viendra sans cesse frap- 
per de sesailes : or, si on couvre maintenant cette surfaceavec de 
l'huile, l'insecte, en la touchant, sera arrêté et asphy xié aussitôt 


1Q V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


par celiquide. Donc l'effet dela flamme ne sera pas tant de brü- 
ler le Papillon que de l’attirer dans ce piège. Je reviendrai ail- 
leurs sur l'emploi de ce procédé, quia d’abord été essayé parun 
propriétaire animé d’un ardent desir d’être utile, M. Bruyère, 
mais qui a été expérimenté réellement chez M. de la Hante; je 
me bornerai à donner ici les résultats de ces expériences, afin 
qu'on puisse apprécier à sa juste valeur le degré d'efficacité et 
d'avantage de ce nouveau moyen. 

Deux cents feux du genre de ceux dont je viens de parler, 
c’est-à-dire 200 plats dont le fond était couvert d’une couche 
d'huile d’une à deux lignes d’ épaisseur avec une petite lumière 
haute de 3 à 4 pouces placée au centre, furent établis à la chute 
du jour le 6 août dans un clos de vignes de M. de la Hante, sur 
une étendue d'un hectare et demi environ et à des distances 
les uns des autres de 25 pieds. 

Ces feux durèrent deux heures environ. À peine avaient-ils 
été allumés qu'un très grand nombre de Papillons volaient au- 
tour, et ne tardaient pas à se noyer dans l'huile. 

Le lendemain on en fit le compte; chacun des deux'eents 
vases contenait, terme moyen, 150 Papillons. Ce chiffre mul- 
tiplié par le premier dorina par conséquent en total 30; ,000  Pa- 
pillons détruits. 

Sur ces 30,000 Papillons on compta un sg rt de femelles 
ayant toutes l'abdomen plein d'œufs. Elles n’eusseut pastardé à 
pondre chacune 150 œufs, terme moyen; ce dernier nombre 
multiplié par le cinquième de 30,000 c’est-à-dire par 6,000, don: 
nerait donc pour résultat définitif de cette première chasse le 
chiffre élevé de 900,000 Pyrales dont on aurait arrêté le déve- 
loppement. 

Le lundi 7 août un nouvel éclairage fait à la même heure et 
dans les mêmes lieux avec 180 feux a produit, pour chacun 
d'eux, 80 Papillons; c’est-à-dire en total 14,400 Pyrales. Sur ces 
14,400 on a compté non plus un sixième, mais les trois quarts 
de femelles. En admettant qu'il ne s’en fût trouvé que la moitié 
c'est-à-dire 7,200 et en multipliant ce nombre par 150 qui'est 
celui des œufs que chacune d'elles eût pondu, on voit que le 
résultat de cette expérience est encore plus satisfaisant que ce- 


V. AUDOUIN, — Sur la Pyrale de la vigne. 11 


lui de la première, puisqu'il donne un: total de 1,080,000 œufs 
détruits. 

Deux nouvelles expériences furent établies sur un autre point 
le 8 et le 10 août, et elles procurèrent ensemblella destruction 
de 9,260 Papillons. 

Nul doute, par conséquent, que l'usage des feux employés 
de la manière qui vient d’être indiquée ne soit un très puissant 
moyen d'arriver à la diminution du fléau; mais il Aevrait ètre 
répété pendant plusieurs jours et mis simultanément en pra- 
tique sur toute l'étendue du territoire infesté; car, le pro- 
priétaire qui en fera usage aujourd’hui ne garantira pas ses Vi- 
gnes des Papillons du voisin qui le lendemain viendront y dé- 
poser leurs œufs. Pourrait-on ensuite déterminer facilement ou 
bien obliger une population entière ,pauvres ou riches, à faire 
la dépense première qui est nécessaire pour opérer ? Voilà 
la seule objection fondée qu’on puisse alléguer contre l'emploi 
de ce puissant moyen. 

Au contraire, ilest un autre procédé qui n'entraine aucun 
frais, aucune mise d'shesiné de fonds, et qui n’exige que la 
inain-d’œuvre. 

Ces Papillons avons-nous dit pondent 150 œufs environ; ils 
sont réunis par plaques à la face supérieure des feuilles de vi- 
gne ; chaque plaque en contient un plus ou moins grand nom- 
bre; mais on peut regarder le chiffre 60 comme un terme mo- 
yen; c’est de ces œufs ainsi groupés que naissent les Vers dé- 
vastateurs. Si donc on parvenait à détruire ces pontes, on ar- 
réterail certainement le fléau dans sa source. 

J'étais préoccupé depuis long-temps de cette idée; mais l’ex- 
périence seule devait m’apprendre si elle pouvait avoir une 
utile application, 

M.de;la Hante se décida sur, ma proposition à la tenter. 

Le 7 août, une vingtaine de vignerons de femmes et d’'en- 
fans se mirent à l’œuvre sur divers points de son grand vignoble, 
l'opération eut lieu jusqu'au 11 août inclusivement, Voici le 
résultat qu’on obtint dans cet intervalle de 5 jours. 

156,900 Pontes furent ramassées. Je dirai ailleurs comment 
on à pu s'assurer exactement de ce nombre. 


1e : V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


Si maintenant on multiplie ce chiffre par celui de 6o qui re- 
presente la quantité d'œufs contenus dans chaque plaque, on 
trouvera que par cette opération On à obtenu la destruction 
de 11,214,000 OEufs qui eussent bientôt donné naissance à 
autant de Chenilles. (1) 

L'opération continuée du 12 au 18 août inclusivement par 
une trentaine de personnes a donné pour ces sept journées un 
autre total de 482,000 plaques d'œufs, ou Pontes, qui multi- 
plié également par le nombre d'œufs existant danis chaque pla- 
que, c'est-à-dire par 60, donne 25, 920,000. 

Aiünsi, 12 journées de 20 à 30 travailleurs ont suffi pour dé- 
truire 40,182,000 OEufs, lesquels œufs eussent éclos dans l’es- 
pace de12 à 15 jours ét souvent plutôt, selon l’époque plus ou 
moins ancienne à laquelle. ils avaient été déposés. 

Ces résu'tats parurent si satisfaisans que M. de la Hante n’hé- 
sita pas à opérer sur une beaucoup plus grande échelle. Il fit re- 
chercherles OEufs dans sa belle propriété dite du bois de Loize 
et qui n’a pas moins de 120 hectares. C’est, je crois, le plus 
grand des vignobles d’une seule pièce qui existe en France. 

Le travail fut entrepris par la presque totalité des vignerons 
et avec beaucoup de'zèle, il commença le 9 août et fut con- 
tinué jusqu'au 19 imclusivement. 

On recueillitdans ce laps de onze jours qu'il faut réduire à dix 
à cause d'une journée entière de pluie pendant laquelle on ne 
put opérer, on recueillit, dis-je , durant ces onze jours : 
1,134,000 plaques d'œufs. Ce chiffre multiplié par 60 donnéen 
total : 68,040,000 CEufs détruits. 

Or, ilest à remarquer d’une part que lopération fut com- 
mencée un peu tardivement, lorsque déjà bien des œufs étaient 
éclos (ces œufs éclos qui ne furent pas ramassés par les travail- 
leurs ne figurent pas dans le chiffre ci-dessns), et que de l’autre 
on dut à cause de Péclosion qui dévénait trop générale, cesser le 
travail avant que tout le vignoble eût été exploré; en sorte que 
ce n'est pas trop élever le chiffre que de dire qu'il aurait été 


(1) Je fais ici abstraction des causes de destruction qui font périr quelquefois beaucoup 
d'œufs et de jeunes chenilles ; je les apprécierai pius tard à leur jusle valeur. 


V. AUDOUIN: — Sur la Pyrale de la vigne. 13 


quintuplé, sextuplé peut-être, si l'opération eût pu se faire en 
temps opportun et complètement. 

Tandis que ces expériences se faisaient sous mes yeux et je 
puis dire sous ma direction, car M. de la Hante desireux..de 
donner l’exemple, les étendait et les variait suivant que je le 
croyais utile, un autre propriétaire fort instruit et dont j'aurai 
souvent à rappeler le nom, M. Desvignes l'aîné, exécutait aussi 
en grand la recherche des OEufs, et 1l la faisait faire avec un 
très grand soin. Il l'avait commencée dés le 4 août et la conti- 
nuait encore le 19 du.même mois. | 

Les résultats auxquels ce cultivateur est arrivéet que je détail: 
lerai ailleurs, coïncident parfaitement avec ceux dont j'ai fait 
mention ; il a vbtenu la destruction de 31,000,000 d'OEufs dans 
une:propriété infiniment moins grande que celle de: M. de la 
Hante. Or, il a calculé, et M. L'esvignes est un habile négociant. 
qui s'entend parfaitement en calcul, que la dépense de cette 
opération qu'on a répétée deux fois dans le même vignoble, ne, 
s'élevait pas à plus de 20 francs, par hectare ; que signifie cette 
somme comparée au produit que fournit la récolte: moyenne 
sur un sol qui se vend jusqu’à 10 et 14,000 francs l’hectare: 
D'ailleurs jene doute pas que bientôt le propriétaire ne:soit en 
tout ou en partie allégé. de cette charge, le vigneron étant 
toujours disposé à ajouter aux, façons qu’il donne à la vigne, 
lorsqu'il est convaincu du bon effet de son travail: 

Des chiffres aussi élevés que ceux que je viens de citer,en 
même temps qu'ils donnent une idée exacte de la gravité du 
mal, font voir combien est efficace le procédé qui consiste à 
détruire les œufs. J'ai montré qu'il était praticable tant à cäuse 
de sa simplicité que par ce qu’il est dès à présent peu coûteux. 
Les avantages qu'on en retirera seront plus sensibles encore 
lorsque les, vignerons plus confians dans l'opération seront 
devenus plus habiles à opérer, et se décideront à agir em 
temps opportun. C’est ce que comprennent tres bien tous les 
propriétaires éclairés qui ont commencé la recherche des pontes 
apres la réunion du 13 août. Ils ne comptent pas pour lan 
prochain sur des résultats. comparables à céux qu'obtiendront 
. MM. Desvignes et de la Hante qui les premiers ont marché 


14 v. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


avec confiance dans cette nouvelle voie; mais ils sont convain- 
cus que leurs Vignes se ressentiront de ce travail tardif et que 
quelque faible qu’elle puisse être, ils auront leur dose de ré- 
compense. 

En résumé et dans l'état actuel des choses, je considère la 
Cueillette des œufs comme préférable à tous les moyens qui 
jusqu'ici ont été proposés ou mis en pratique. Faite avec soin 
elle garantira la récolte de l’année suivante, pratiquée sur toute 
"étendue du territoire infesté elle anéantira le fléau ou du 
moins elle le réduira à tel point, que ses effets deviendront 
insensibles. Je regarde ce procédé comme de beaucoup supé- 
rieur à celui qui a pour objet la recherche des Chrysalides, 
et même à l'opération longue, difficile et toujours très impar- 
faite de l'Echenillage, et cependant je ne proscris pas ce der- 
nier moyen ; mais je ne l'admets que comme la ressource de 
l'imprévoyant vigneron qui ayant vu l'année précédente des 
pontes sur ses Vignes a négligé de les enlever. En effet, je mon- 
trerai que les Chenilles qui au printemps commencent leurs 
ravages sur un pied de Vigne proviennent des œufs déposés 
précédemment sur les feuilles de ce même pied, en sorte 
qu’un cep sur lequel on les aurait tous enlevés serait exacte- 
ment intact l’année suivante. Celui donc qui agira ainsi aura 
réellement travaillé pour son propre compte, il en recueillera 
tout l'avantage quelle que soit la conduite tenue par son 
voisin. 

1! resterait encore à attaquer les Chenilles pendant la longue 
saison de l'hiver, lorsqu'elles sont nichées sous l’écorce de la 
Vigne, ou, lorsqu'elles se disposent à gagner les jeunes feuilles. 
Je ne me dissimule pas l’avantage qu'il y aurait à pouvoir opé- 
rer dans ce moment et dans ces circonstances; mais aussi je 
ne me fais pas illusion sur les difficultés de plus d’un genre 
qui se présentent, et sur les conséquences tres graves d’une 
non-réussite. Le cep de Vigne cache sous une enveloppe gros- 
sière des tissus d’une délicatesse excessive qui ne permet pas 
qu'on le mette impunément en contact avec une foule d'a- 
gens chimiques qu’on aurait jugés incapables de lui nuire, j'en 
pourrais citer de nombreux exemples. 


1 


pucès. — Ænnelides abranches sétigères. 15 


Toutefois je n’ai pas négligé les essais de ce genre et je 

compte les renouveler cet hiver. 

Dès à présent je crois être arrivé à la découverte d’un pro: 
cédé qui n'aurait aucun des inconvéniens que je signale; i 
serait peu dispendieux et d’un emploi facile. Je saurai au prir- 
pui prochain : à quoi m'en tenir sur son effet. D'ici là, et Ju:- 
qu'au moment ou dans l'intérêt public il serait utile de le faire 
connaître, je prierai l’Académie de vouloir bien permertre qu 
j'en’ fasse le dépôt dans ses TR t) 


NOUVELLES OBSERVATIONS sur la zoologie et l'anatomie de: 
Annelides abranches sétigères, 


Par M. Ducis, 


Professeur à l'École de médecine de Montpellier. 


ne 
© 


"ARTICLE Le. 
Considérations zoologiques sur les espèces du genre Lombric. 


Déjà Swammerdam et Redi avaient pressenti la multiplicité 
des espèces de vers de terre, réunies pourtant en une seule par 
Linné sous le nom de Lumbricus terrestris. M. Savigny fit con- 
naître aux zoologistes combien il s’en fallait que le genre Lum- 
bricus ne renfermât qu’une espèce; il en énuméra et décrivit 
succinctement vingt indigènes , et j’eus, quelque temps aprés, 


(1) Ge dépôt a été accepté par l'Académie. 


16 puGès. — {nnelides abranches sétigères. 


moi-même l’occasion d’en distinguer six autres, incertain pour- 
tnt qu’elles différassent de toutes celles du savant académicien 
cont le travail n’a jamais été publié que par extrait. Six espèces 
eiccre, ont été découvertes depuis par le professeur Fitzinger 
d> Vienne, qui malheureusement ne nous a pas donné de ca- 
ractères plus précis. Au reste, cette indécision dépend de la na- 
ture même du sujet et de la similitude des formes chez .ces 
arimaux : ce n’est guère que sur la situation des organes géni- 
taux externes et de leurs accessoires, plus la disposition des 
säes locomotrices, qu'on peut établir leur diagnose; et comme 
ily a des temps où ces organes n'apparaissent que peu ou point 
di tout , il devient impossible de déterminer alors les espèces. 
C:t inconvénient, au reste, est le même en botanique pour la 
pupart des plantes, et ne doit pas faire abandonner comme in- 
siffisant ce mode de caractéristique : c’est celle que nous allons 
œnsacrér encore, à l'exemple de MM. Savigny et Fitzinger, 
nais cette fois avec plus de connaissance de cause, ayant pu 
examiner presque toutes les espèces que nous aurons à mention- 
ner. En effet, grâce à l’obligeance de M. de Blainville, nous 
avons eu entre les mains les échantillons même de Savigny, et 
nous en avons pu faire une étude comparative, rectifier quel- 
ques erreurs , confirmer quelques découvertes, et ajouter quel- 
ques notions de plus à celles qui étaient déjà du domaine pu- 
blic. Pour faire saisir d’un coup-d’œil l’ensemble du genre tel 
qu’il nous paraît pouvoir être aujourd’hui constitué, nous dis- 
poserons en tableau les trente-cinq espèces admises par nous, 
et qui ne sont pas tout-à-fait les mêmes que celles de M. Fitzin- - 
ger, quoique en nombre à-peu-près égal. 


DuGËs, — Annélides à branches séligères. 17 


Ceinture de { ceinture terminée avec 
22 anneaux. (le 53° anneau, — Lumbricus gigas nobis. 
12 —— 45° ictericus Savigny. 


39° — opimus Say. 
TON 38° — Lerrestris Say. 
37° — mollis nob. 
| 38° — chloroticus Say. (1) 
DUT, 36° — teres nob. 
35° — trapezoideus nob, 
35e _—_ caliginosus Sav. 
| Vulves 8 — 35e — carneus Sav. (2) 
sous le 16° 34e — Blainvilleus nob. 
anneau, 34e ou 32° — roseus Say. 
a f 35e = Cyaneus Say. 
’ 33° —  fætidus Sav. 
{ 7 eu | 33° _— dubius nob. 
? — cinctus Fitzgenser. 
— polyphemus Fitz. 
'_ 4o° _— festivus Sav. 
Soies 38° — herculeus Say. 
gémiuées. 37° — mammalis Say. 
Le 36° — tyrlœus Say. 
! ê 29 35° — purus nob. 
F 24° — castaneus Say. (3) 
-£ 33° — Isidorus nob. 
"È 32° _ rubidus Saw. 
E — vaporariorum Fitz. 
s —  fimetorum Fitz. 
Velves e[ 7 anneaux. 28° _— tetraedrus Say. 
| sous le 14 é 
\ AUDE EME SE 28° _ amphisbæna nob. 
Vulves 110 — 39° — complanatus nob. 
| sous lexGe) 6. — _—_ platyurus Fitz. 
À anneau, 37e — gmœus Sav. 
mas (24 Se + { 33e — re Sav. 
fe Vulves {5 — —  brevicollis Fitz. 
sous le 14° 
anneau, gene 19° 2 phosphoreus nob. 


Je dois faire observer d’abord que, dans les nombres déter 
minés ci-dessus, j'ai toujours fait entrer comme premier seg- 
ment la lèvre, que ne comptent ni Savigny, ni Fitzinger, mais 
que comptait comme nous O. F. Müller. Il suit de là que nous 
Tapportons au seizième, ou quatorzième anneaux, ce que les 


(x) Chloroticus, virescens, Sav., et anatomicus, Nob., espèce unique sous ces trois 
noms. 


(2) Cette espèce et les deux précédentes diffèrent par des caractères sucondaires autres 
que ceux du tableau qui sont exactement les mêmes, Cette réflexion s'applique à quelques 
autres espèces. 


(3) Castaneus et purnilus Sav., espèce unique. 
VIII, Zooz.— Juillet, 4 


18 puGÈs. — Ænnelides abranches sétisères. 


zoologistes précédemment nommés assignent au quinzième, on 
treizième. Quant à l'expression de soies géminées, on devine 
qu'elle exprime l'assemblage des huit soies crochues de chaque 
anneau en quatre couples plus ou moins serrés. Le degré de 
rapprochement de ces couples m'a paru trop difficile à préciser 
en paroles pour en pouvoir Urer parti. Je nomme simplement 
espacées les soies dont les rangs ne sont pas géminés, mais à 
des distances à-peu-pres égales de ceux qui les avoisinent. Quant 
au clitellum ou ceinture, je tire quelques caractères des appa- 
rences de pores, de bandelettes ou hourrelets visibles à la face 
inférieure, et paraissant faire office de ventouse pour fixer les 
deux individus l'un contre l’autre durant l'acte du coït. Déjà 
‘Savigny en avait déterminé le nonibre et la position pour bean- 
coup d'espèces ; mais nous ne mettons pas comme lui ce carac- 
ière au même rang que les autres, parce qu'il est plus souvent 
inappréciable : on va voir, dans une revue rapide des espèces , 
jusqu’à quel pot il peut être utile à la diagnose. 

Première espèce. — Lompric GÉANT {voyez Ann. des Sciences 
nat., nov. 1828). — Cette espèce parait être méridionale. De- 
puis la première description que j'en ai donnée, j'en ai trouvé 
des individus atteignant jusqu’à deux pieds trois pouces dans 
leur plus grand allongement. La lèvre présente souvent , près 
de son extrémité antérieure, un petit sillon transversal (pl. 1, 
fig. 1 ). 

Deuxième espèce. — 1,. ICTÉRIQUE conservé dans l'alcool où je 
lai vu, et non ailleurs, est pale, cylindrique ; la lèvre parait 
élargie. Espèce médiocre. 

Troisième espèce. — Le L. TERRESTRE, que je n'ai pas non plus 
observé vivant, est grand; la lèvre étroite, fendue longitudina- 
lement en dessous. Sous le clitellum est, de chaque côté, une 
bandelette occupant les trois ou quatre avant-derniers segmeps ; 
sur quelques indiviüus, le premier anneau de la ceinture était 
effacé , il ne lui en restait que neuf. 

Quatrième espèce.— Je n'ai pas retrouvé le L. APIME parmi les 
échantillons donnés par Savigny au Muséum. 

Cinquième espèce.— Le L.mou, que j'ai trouvé depuis une pre- 
mière publication, ressemble beaucoup au L. cylindrique : il est 


pUGÈs. — Annelides abranches sétigères. 19 


égalément rosé, mou, se contracte irrégulièrement par nœuds 
et forme souvent sa queue en olive; mais sa lèvre (fig. 2) est 
large, demi circulaire, anguleuse en arrière, où elle échancre 
partiellement le deuxième anneau ; elle est un peu concave en 
dessous. Les rangées de soies les plas externes sont très laté- 
rales, un peu supérieures même (fig. 3). Le cliteilum est tres 
saillant et jaune. Ce ver rejette une liqueur blanche parles pores 
du des , et cette liqueur circule dans son corps à chaque mou- 
vement. Il n’a pas les points rouges du teres, et ne paraît pas 
acquérir une taille comparable à celle qu'atteint celui-ci. Les 
plus longs n'avaient que quatre pouces. Plusieurs ont offert, 
sous le clitellum , une paire d’appendices fusiformes, mous et 
blanchâtres. Je les ai trouvés en grand nombre dans un terreau 
peu humide. 

Sixième espèce.—Lorsque je décrivis le L. cyrivprique en 1828, 
je n'avais pu voir chez aucun individu ni le clitellum, ni les 
vulves que j'ai observés depuis. La ceinture est jaunâtre , peu 
saillante, avec une bandelette longitudinale en dessous et de 
chaque côté. Le deuxième segment est complètement coupé par 
la lèvre; il est court; je avais pris à tort pour une portion du 
suivant. 

Septième espèce. — Le L.carororiQue et le L. verdâtre de Savi- 
gny ne sont, comme ce zoologiste le soupçonnait lui-même, que 
des variétés d’une même espèce dont la coloration est plus ou 
moins foncée suivant la nature du terrain où on les trouve. Il y 
a plus , notre Lombric anatomique, si décoloré, paraît devoir 
complètement se rattacher à la présente espece, D'abord je ne 
l'avais trouvé que sans vuives ni ceinture ; depuis lors je l’ai ren- 
contré offrant, à cet égard, tous les caractères du L. chlorotique. 
IL habite les terres argilenses et humides, et non le terreau 
comme les variétés verte et jaune. Je n’ai, du reste, trouvé ces 
deux dernières qu'aux environs de Paris, et la première aux en- 
virons de Montpellier. 

Huitième , neuvième et dixième espèces. — Je n'ai pas vu le 
L.caricineux de Savigny, et je n’en parle que d’après la brève ca- 
ractéristique qu’il en donne. Cette espèce, aussi bien que ke 


L. cHannu (Sav.) et le T. rrarézoïor (nob.) se touchent de bien 
2, 


20 DUGÈs. — Ænnelides âbranches sétigères. 


pres; et un segment tantôt en plus, tantôt en moins, se voit à la 
ceinture des uns et des autres. La seule différence essentielle 
consisterait donc dans les pores ou ventouses sous-clitelïiennes. 
D'après Savigny, il en doit exister une paire sous le trente- 
deuxième et le trente-quatrième anneau du caligineux; j'en 
trouve une sous le trente-troisième et le trente-cinquième chez 
Je L:charnu,et une sous les trente-et-unième, trente-troisième et 
trente-quatrième du L. trapézoïde ; ce dernier d’ailleurs a ane ban- 
delette ou bourrelet sous les trente-deuxième, trente-troisième 
et trente-quatrième anneaux. Il se pourrait que la différence 
entre le 3. trapézoïde et le £. caligineux fût nulle; pour le L. 
charnu, il a une lèvre demi circulaire bien différente de la lèvre 
allongée et ligulée (pédiculée) du trapézoïde. 

Onzième espèce. — Le L. BLAINViLLIEN, nouvellement observé 
par nous, et auquel nous avons cru devoir attacker ur souvenir 
de gratitude pour une complaisance dont nous avons dit un mot 
ci-dessus, est un Lombric de petite taille, de conleur rosée, 
rendant par les pores du dos une humeur jeune. La lèvre est 
demi circulaire, à angle peu prononcé en arrière. On voit des 
pores ou ventouses entre les vingt-huitième et vingt-neuvième 
etentre les trentième et trente-et-unième anneaux. Un des in- 
dividus que j'avais recueillis montrait au-dessous du corps une 
saillie blanche et rigidule qu'on eût pu prendre pour un pénis: 
c'était la partie postérieure d’une larve de diptère. enfoncée 
dans le corps par sa tête garnie de crochets noirs. J'ai vu depuis 
de pareilies larves sortir de divers points du corps de plusieurs 
autres Lombrics. Celui-ci a par fois neuf anneaux à la ceinture, 
un de plus en avant que le nombre ordinaire. 

Douzième espèce.— Le L. ROSÉ m'a montré, au contraire, des 
individus à sept anneaux seulement, les deux postérieurs man- 
quant, mais avec un de plus en avant. Je n’en parle, au reste, 
que d’après les échantillons de Savigny. Il y a deux paires de 
pores ou ventouses, et c’est sous le vingt-neuvième et le tren- 
tième anneau, ce qui distingue cette espèce de la précédente 
à laquelle elle ressemble beaucoup. 

Treizième espèce. — Ja ressemblance n’est pas moins grande 
pour le L. soureüx, nouvelle espèce qui se distingue du T:Blain- 


DUGÈS. — Ænnelides abranches séligères. 21 


villien et du L. rosé par les ventouses placées aux vingt-neu- 
vième et trente-et-unième segmens. 

Quatorzième espèce.— Le L. FÉTDE est au contraire bien ca- 
ractérisé ; vif, rigidule , il est comme zébré d’anneaux bruns sé- 
parés par des jointures jaunâtres. La lèvre est assez allongée , 
ligulée, et son pédicule coupe presque totalement le deuxième 
anneau ( fis. 4); elle n’est pas fendue en dessous. Il habite les, 
fumiers. Il porte sous la ceinture deux bandelettes longitudi- 
nales sans pores visibles. 

Quinzième espèce. LeL. BLEU conservé dans l’alcooi était pâle, 
contradictoire à son rom. Sa taille est médiocre; u u sillon trans-. 
versal sépare le pédicule de la lèvre et la partie élargie. Savigny 
ne lui donne que six anneaux à la ceinture; ce n'est.pas là. 
l'ordinaire. 

Seizième et dix-seplième espèces. — Ye F.. criNTURÉ et le L. 
Poz»PHÈME de Fitzinger ne nous sont connus que par les seuls. 
indices qui motivent leur classement au tableau. 

Dix-huitième espèce.— Le L. nérCuLÉeN arrive à 7 à 8 pouces. 
de longueur. C’est la plus grande espèce des environs de Paris, 
où nous l’avions observée vivante avant même de connaître les 
échantillons de Savigny; c’est aussi une des mieux caractérisée. 
Eneffet, si le nombre quelque peu variable des segmens de la 
ceinture (un septième en avant)(1) peut laisser quelques doutes, 
les bandelettes qui occupent en dessous quatre segmens(34-37°) 
y suppléent déjà : je n’y ai point vu pourtant les pores indiqués 
par Savigny au nombre de deux paires, intermédiaires chacun 
à deux segmens ; mais la forme de sa lèvre est surtout caracté- 
ristique (fig. 5); comme dans le [. cylindrique, le L. agréable, le 
L.châtain et le L.amphisbène, son pédicule coupe, en dessus, 
toute l'épaisseur du deuxième segment ; mais, de plus, comme dans 
leL.. bleu , un sillon transversal sépare le pédicule et l’élargisse- 
ment. La queue est spatulée et tout le corps aplati. 

Dix-neuvièéme espèce.—Le L. AGRÉABLE est gros, court, violacé 


(1) Tel était en particulier l'individu sur lequel M.Morren a pris sa délermination du siège 
du clitellum. C'est visiblement l'espèce hereuléeune qui lui a servi de type sous le titre de. 
Lombric terrestre de Linneus. 


22 DUGÈS. — Ænnelides abranches sétigères. 


( dans l’alesol ); il a à-peu-près la même disposition de lèvre 
que le précédent (fig.6), dont il se rapproche beaucoup, du 
reste, ayant aussi, selon Savigny, deux paires de ventouses 
sous-clitelliennes intermédiaires à deux segmens. 

V'inglième espèce. — Le L. MammaIRE a une forme de lèvre qui 
ne diffère de celle des précédens qu’en ce que le pédicule ne 
coupe pas tout-à-fait le deuxième segment ( fig. 3 ). Cette lèvre 
n'est pas creusée en dessous (fig. 8). Les vulves sont très suil- 
Jantes. Selon Savigny, les pores ou ventouses de la ceinture sont 
aussi au nombre de deux paires, mais occupant chacuné un an- 
neau seul Ce caractère s'était effacé par l’action de l'alcool. 

V’ingt-et-unième espèce.—Je n'ai pas vu le L.Tyrrée. Il ne dif- 
fère pas, à l'égard des ventouses, du LE. herculéen et du L. 
agréable , mais la position de son clitellum l’en sépare suffi- 
samment. 

Vinst-deuxième espèce. — Le LL. ner est une nouvelle espèce 
de petite taille, de couleur rouge, à lèvre sémi-lunaïre creusée 
en dessous , à clitellum jaunâtre, mais n’émettant point de li- 
queur jaune, et ceci servirait déjà à le distinguer du L. bleu dont 
il diffère peu par le cliteflum. Ce qui l’en distingue mieux, c'est 
que le L. bleu a les rangs de soies assez écartés, et qu'ils sonit ser- 
rés dans celui-ci; c’est encore que les deux paires de ventousés 
sous-clitelliennes répondent chacune à deux anneaux dans le 
premier , à un seulement ( 32° et 34°) dans le second. 


Vingt-troisième espèce.—V'airéuni ensemble le L. cæarain et le 
L. nain de Savigny, qui ne diffèrent véritablement pas. Ils s'éloi- 
gnent mème bien peu du L. bleu : un segment de plus à la cein- 
ture pour celui-ci, et la brièveté des bandelettes sous-clitel- 
liennes qui ne dépassent pas les pores ou ventouses, comme 
dans ceux-là, telle serait toute la différence, si on ne tenait 
compte de la forme de la lèvre; elle échancre seulement le 
deuxième segment chez le L. bleu, le coupe complètement chez 
le L. châtain. 

Vingtquatrième espèce.— Le L:Isipore nous-a été donné par 
M. Geoffroy Saint-Hilaire fils, qui l’a trouvé dans des eaux mi- 
nérales salines et froides. Il est petit, violacé; son clitellum est 
jaune, plat mais épais; il porte en dessous une bandelette lon- 


DUGÈs. — {nnelides abranches sétigères. 29 


gitudinale de chaque côté. La lèvre échancre partiellement le 
deuxième anneau. Les rangs de soies géminées sont serrés, ce 
qui le distingue bien du suivant. 

Vingt-cinquième espèce. —En effet, le L. rover a quelquefois 
aussi la ceinture terminée au trente-troisième segment, mais elle 
en embrasse alors sept. Ce qui le distingue surtout, ce sont les 
rangées de soies très écartées les unes des autres, quoique 
réellement géminées. Du reste, il y a aussi des handelettes sous 
les trentième , trente-et-unieime et trente-deuxième anneaux ; 
Savigny parle aussi de pores sous les trentième et trente-et-. 
unième. Ce vers rejette une humeur jaune. Le corps est rouge, 
la ceinture pale ; la lèvre, demi circulaire, est tronquée en ar- 
rière ( fig. 9 ). 

V'ingt-sixième et vingt-septième espèces. — Le Lomsric prs 
éruveset le L;. DES FUMIERS n’ont été pour ainsi dire que nommés 
par Fitzinger. Le dernier est peut-être le. même que le fétide, 
si l'on re tenait pas compte du degré d'écartement des soies 
que-signale ce zoologiste , et d’un anneau en moins au clitellum. 

Vingt-huitième ef vingt-neuvième espèces. — Le L. TÉTRAÉ- 
DRIQUE est petit, fragile ; il fréquente le bord des eaux stagnantes 
et rampe la nuit à leur voisinage ; c’est là aussi qu’on trouve le L. 
amphishène , dont il diffère, non-seulement par le nombre des 
segmens à la ceinture, mais encore par sa taille moindre , par 
la forme prismatique et crénelée de la queue, et par sa lèvre 
sémi-lunaire et seulement un peu anguleuse du côté du deuxième 
anneau, tandis que celle du [.amphisbème coupe complètement 
cet anneau. Le [. tétraédrique est d’un brun obscur, le L. am- 
phisbène violet, irisé comme nous l’avions noté il y a long-temps. 

Trentième espèce. — Nous renverrons aussi à notre ancien 
mémoire pour ce qui concerne le Lomeric APLATI. Depuis lors 
pourtant nous avons trouvé des individus plus grands (ro ptes), 
et leurs organes génitaux étaient bien développés ; nous en don- 
nons au tableau les caractères numériques. Le clitellum est 
rougeâtre , garni en dessous de deux bandelettes longitudinales 
qui se prolongent jusque sous le quarantième et le quarante- 
el-unièéme segment: À l'intérieur, les organes génitaux sont pa- 
reils à ceux du géant, à peu de chose près; au smmum de 


24 pucis. — _Ænnelides abranches sétigères. 


développement, il y a quatorze vésicules séminales ou testicules 
et quatre ovaires, plus les houppes dont il sera question plus 
loin. Cette espèce recherche les terres fortes et médiocrement 
humides. Elle est, à ce qu’il parait, méridionale. Redi l’avait 
probablement en vue quand il parlait de la queue élargie de 
certains vers de terre. 

Trente-et-unième espèce.—Le L. OCTAÉDRIQUE a une lèvre demi 
circulaire ( fig. 10); des pores sous les trente-deuxième, trente- 
troisième et trente-quatrième anneaux ; point de liqueur colo- 
rée. Ces divers caractères, non moins que ceux indiqués au 
tableau, le distinguent du L. rouge, dont les soies assez écartées 
induiraient aisément en erreur. Je l'avais trouvé déjà avant de 
voir les échantillons de Savigny. 

Trente-deuxième espèce. — Ve L. PYGMÉE, que je n'ai pas vu 
vivant, est effectivement fort petit : il a aussi trois paires de 
pores sous-clitelliens ; sa queue est cylindroïde. 

Trente-lroisième et trente-quatrième espèces.— 1e TL. PLATYURE 
auquel Fitzinger n'a pas trouvé de pores génitaux ne powævait 
conséquemment être placé qu'avec doute dans la section où 
nous l'avons mis. Il n’y 2 que ce point de plus en faveur de la 
diagnose du L. brevicol. 

Trente-cinquième espèce.— Enfin le L.PHOSPHORESCENT nous a 
été décelé par l'humeur lumineuse qu'il excrète de la surface 
de son corps, et qui sans doute est analogue à l’aumeur colorée 
que rejettent par leurs pores dorsaux tant d’autres Lombrics. 
Déjà M. de Blainville a parlé de la phosphorescence de certaines 
Annelides appartenant à ce genre, mais rien de précis n’a été, 
que nous sachions , publié à cet égard. Celui-ci a été trouvé 
dans la tannée à la serre chaude du Jardin des plantes de 
Montpellier. Les plus grands individus avaient 15 lignes de ion- 
gueur; leur couleur était rosée, leur peau demi transparente 
laissait bien voir les vaisseaux rouges. Le-L. phosphorescent est 
mou, cylindrique à queue un peu déprimée; la lèvre demi cir- 
culaire. Ce n’est que par conjecture que j'ai assigné pour siège 
aux vulves le quatorzième anneau qui est le premier du clitel- 
lium ; je ne les ai point aperçus. Les soies distantes et courtes 
sont crochues et sur huit rangs comme à tous les Lombrics, dont 


DUGÈs. — _Ænnelides abranches sétigeres. 2 


au reste cette espèce a la forme et les proportions plutôt que celles 
du genre dont nous dirons plus loin quelques mots. 

Voilà trente-cinq espèces qui certainement ne sont pas les 
seules existantes pour le.genre Lombric , mais dont peut-être la 
liste pourrait être réduite encore par une étude plus approfon- 
die ; il sera utilé, sous ce rapport, de bien comparer de nou- 
vean : 1° le teres et le mollis ; 2° le Blainvilleus , le roseus et le 
dubius ; 3° le caliginosus et le trapezoideus ; 4° enfin l’herculeus 
et le festivus. 


ARTICLE II. 


Considérations anatomiques et physiologiques sur les Lombrics. 


Malgré les travaux de Leo, de Morren, si remarquables, le 
dernier surtout, par les soins minutieux qu’ils ont coûtés à leur 
auteur ; et malgré les recherches auxquelles nous nous étions 
livré nous-même, il y a quelques années, bien des points res- 
taient encore indécis dans l'anatomie et la physiologie des Lom- 
brics. Nous avons ajouté depuis à nos connaissances par des re- 
cherches ultérieures à ces premiers essais, et nous n’aurions 
voulu les livrer au public qu'après avoir résolu complètement 
les derniers problèmes; mais, défavorablement placé pour des 
observations de mœurs, et distrait par des occupations qui se 
multiplient chaque jour davantage, nous nous voyons dans la 
nécessité d'indiquer au contraire les lacunes que de plus heu- 
reux que nous auront à remplir, n'en ayant pu, quant à nous, 
combler qu’un petit nombre. 


1. Circulation et respiration. — Dans la préface de son im- 
portant ouvrage, M. Morren révoquait en doute nos asser- 
tions sur la direction du courant sanguin dans le vaisseau 
dorsal : nous avons pu, peu après, le convaincre par ses 
propres yeux de la réalité du fait, notanment sur une autre 
Annelide dont nous parlerons plus loin. Quelques expériences 
nouvelles, telles que la section du vaisseau moniliforme , ont 
confirmé nos idées sur la direction supéro-inférieure du courant 
dans leurs chapelets. Enfin, tout en retrouvant les globules 


26 DUGES. — AÆnnelides abranches setigères, 


minimes que nous avions mentionnés dans le sang du Lombric, 
nous avons reconnu que la matière colorante rouge est dissoute 
dans sa masse et non rassemblée. autour des globules. 

Un des points que nous croyons avoir le plus complètement 
éclaircis, c’est celui de la respiration et de la circulation pulmo- 
paire (fig. 11 et 12). Un vaisseau assez volumineux parti de la 
veine ventrale côtoie, en se repliant, d’abord la vésicule intesti- 
niforme aquifére que connaissaient déjà divers observateurs ,et 
que nous avons nous-même décrile en 1828. Immédiatement 
après, ce vaisseau suit le bord interne d’une expansion mem- 
braneuse confondue avec la vésicule précédente par Leo et 
Morren, mais qui n'est point une poche comme ils l'ont pensé. 
Cette expansion blanchâtre, élargie vers le dos, formant, 
avec sa congénère, une cloison transversale très incomplète, 
molle et flottant dans la cavité de chaque anneau , entre les deux 
cloisons charnues qui le séparent dr voisin, se trouve ansi 
baignée par l’eau qui remplit toujours cette cavité et qui sort 
par le pore dorsal conjointement avec l'humeur colorée que 
sécrète sans doute le foie. Du bord interne de cette branchie et 
du vaisseau qui la côtoie, partent des rameaux transverses qui 
vont se rendre dans les branches sous-cutanées abdomino-dor- 
sales indubitablement destinées, d’après cela comme d’après nos 
précédentes expériences, à reporter au vaisseau dorsal da sang 
aéré dans les branchies et celui qui l’a été également dans les 
capillaires de la peau. Ce sont des détails que je donne pour 
certains et positifs. J'ai aussi bien observé que les vésicules in- 
testiniformes sont couvertes de ramifications vasculaires ; elles 
ne contiennent, au reste, jamais que de l’eau, quoique Leo dise 
en avoir extrait de l'air, et que Morren les nomme vésicules 
aériennes. Jamais la moindre bulbe ne s’en est échappée dans 
nos recherches faites à dessein sous l’eau. Il résulté de tout cela 
que les Lombrics ne respirent l'air que par la peau , et que par 
leurs branchies internes et leurs vésicules ils ne ressirent que de 
l'air dissous dans de l’eau. On s’étonnera peu, d’après cela, que 
Lco en ait pu conserver de vivans dans l’eau pendant qua- 
torzu jours, et pendant trois à quatre jours dans l'huile, les 
cavités intérieures conservant leur liquide ordinaire. Peut-être 


Ducs. — Ænnelides abranchs sétigères. 2 


les vésicules servent-elles surtout à l'absorption et à la mise en 
réserve de l’humidité répandue à la surface du ver et surtout“à 
sa face abdominale plus habituellement en contact avec le sol : 
peut-être la sécrètent-elles ensuite dans la cavité de chaque seg- 
ment où elle achève de se dépouiller d’air. Ces conjectures sont 
du moins assez probables. Je noterai, en passant, que les appa- 
reils respiratoires existent aux anneaux même où siègent les 
ovaires, et qu'on ne doit pas conséquemment, avec Carus , re- 
garder ceux-ci comme une modification de ceux-là. 

2. Reproduction et propagation. — Nous avons trouvé assez 
souvent des Lombrics dont la partie postérieure, dans la lon- 
gueur de deux à douze lignes , était très amincie et de couleur 
pâle, évidemment de nouvelle formation et de repoussement : 
tel était l'individu figuré par Morren dans sa premiere planche. 
Quant à la reproduction de la tête, nous n’avons rien à ajouter 
à ce qui en a été dit dans notre premier Mémoire, 

En ce qui concerne la génération proprement dite, nous avons 
en vain cherché à compléter les notions précédemment acquises 
sur le trajet des ovales et la formation des œufs. Nous n’avons 
pas découvert les ouvertures qu’on dit leur donner issue au 
voisinage de l'anus. Leo à pensé qu'ils sortaient par les pores 
du dos, et nous opinerions plutôt pour cette assertion, étant 
surtout aujourd'hui en grand doute à l’égard de leur sortie par 
les vulves. Il reste donc là des découvertes à faire, et nous de- 
vons nous borner à faciliter la solution du problème en recti- 
fiant quelques erreurs et ajoutant quelques faits de plus aux 
descriptions déjà publiées. 

a. En ce qui concerne les organes masculins , les vésicules 
séminales ou testicules se sont montrées tantôt au nombre de 
quatre paires seulement, tantôt de sept dans le Lombric aplati 
comme dans le géant ; j'en ai tfouvé trois pyriformes ou pédicu- 
lées chez le F. chlorotique. Plusieurs fois j'ai pu remarquer le canal 
qui les fait communiquer l’ané avec l’autre et y faire marcher le 
sperme d’arrière en avant, mais non d'avant en arrière. En for- 
çant la résistance dans ce dernier sens, j'ai fait quelquefois 
suivre à cette humeur blanche et opaque un trajet prolongé en 
dehors des vulves et ‘jusque par-delà le clitellum, mais sans 


, 


28 DUGÈS. — Ænnelides abranches setigères. 


doute dans un interstice des muscles longitudinaux et non dans. 
un vrai canal. C’est de cette façon que je comprerds comment 
Leo à pu injecter au mercure de prétendus oviductes parcou- 
rant toute la longueur du corps, et au nombre de cinq exacte- 
ment parallèles. Nous ne pensons pas que les ventouses du eli- 
tellum aient de véritables ouvertures communiquant avec ces 
canaux ; tout au plus recevraient-elies l’orifice des vésicules res- 
piratoires que nous avons trouvées [à comme ailleurs, et qui 
constituent probablement les prétendues glandes du clitellum 
décrites par Morren. | 

Nous avons vu, plusieurs fois aussi, ce que divers natura: 
listes ont pris pour des pénis, c’est-à-dire des languettes molles 
tantôt simples et tantôt doubles, tantôt attachées au clitellum, 
tantôt ailleurs. Nous n’y avons vu que les apparences d’une vé- 
sicule respiratoire retournée , ou bien d’un lambeau d’épiderme 
tiraillé par l'adhésion des vulves où des ventouses d’un autre 
individu lors de la copulation. Le sperme est sans doute directe- 
ment évacué par les pores des testicules de l’un, et absorbé par 
les vulves de l’autre des deux individus accouplés. 

d. Quant aux organes féminins, les vulves et les canaux qui 
en partent, leur renflement au point de départ et à leur termi- 
naison près des ovaires, sont des particularités déjà connues; 
mais le peloton en forme de houppe enveloppé d’une membrane 
qui se continue avec celle des ovaires, et qui nous avait d’a- 
bord paru formé par les sinuosités d'un canal élargi, s'est mon- 
tré tout différent dans des investigations plus minutieuses; c'est 
un assemblage de vésicules fusiformes à plusieurs renflemens 
terminés en pointe dont plusiears se dirigent en faisceau vers 
les ovaires. Ces longues vésicules s'ouvrent chacune par un Ca- 
nal particulier dans un bassinet commun , et ce bassinet c’est le 
deuxième renflement du canal parti de la vulve ( fig. 14 ). Les 
extrémités flo‘tantes de ces vésicules sont-elles bien closes ou. 
communiquent-elles avec les ovaires? jouent-elles le rôle de 
vésicules copulatrices, recevant le sperme absorbé par les vulves 
pour le transmettre aux masses d’ovules enfermés dans les. 
ovaires? J'y ai trouvé quelquefois nn ou deux globules isolés et 
d'assez grand volume ; mais du reste c’est une substance lactes- 


C4 


DUGES. — Æ{nnelides abranches setigères. 29 


“cente qu’on y trouve et qu'on en exprime par la compression. 
A un fort grossissement , cette matiere se montre composée de 
très fins globules réunis en agrégats assez réguliers et discoides 


(fig. 16). 


Les masses généralement connues pour des ovaires depuis 
Willis même, et qui sont effectivement remplies d'innombrables 
ovules. Les deux plus avancées de ces masses ovariques sont des 
sacs en forme de cornue (fig. 15) dont le bec ou sommet re- 
courbé contient un gros cordon fusiforme et creux qui mérite 
d'être étudié de nouveau; est-ce un canal excréteur jetant les 
œufs dans la cavité du corps pour étre ensuite expulsés par les 
‘pores dorsaux? Je n’y ai pas reconnu d'ouverture visible, et des 
vaisseaux paraissaient au contraire s’y insérer en faisceau ; 
d’autres, qui ne sont peut-être que des sous-divisions d’un ca- 
nal commun, se répandent en divergeant dans la masse de l’o- 
vaire. Une singularité de plus, c’est que sur la surface de ces 
ovaires se montrent de petites vésicules qui ne sont que la dila- 
tation terminale d'un vaisseau sanguin ( fig. 17). 


Les ovules sont groupés, dans les masses ovariques,en grappes 
plus ou moins considérables ordinairement ovalaires, et qui pa- 
raissent s'échapper simultanément hors de l'ovaire pour former 
des œufs à un ou à deux germes. Ceci ne peut avoir lieu le plus 
souvent sans qu'un bon nombre d’ovules périsse pour n’en laisser 
subsister dans chaque grappe qu’un seul ou deux tout au plus ; 
cette dégénérescence est souvent sensible en partie et parfois en 
totalité dans les grappes déja plus condensées, recouvertes d’une 
enveloppe commune et constituant lors les corps réniformes 
Jaunes ou noirâtres qu'on trouve flottans dans le corps et sur- 
tout vers l'extrémité caudale. Nous avons cherché à suivre la 
trans{ormation de ceux de ces corps qui n'étaient pas totalement 
aktérés, et leur changement en œufs ou capsules telles que nous 
les avons décrites ailleurs et que les ont vues Swammerdam , 
Léon Dufour, Leo, Morren, mais nos efforts ont été infruc- 
tneux. Quant aux ovules, remplis de substance granuleuse , ils 
offrent de plus une vésicule de Purkinje, ronde, transparente, 
et paraissant contenir dans son intérieur un autre petit sic aussi 


» F sx 0 
50 DUGÈS. — ÆAnnelides abranches sétigères. 


incolore et qui se chiffonne quand on l’écrase par la compres- 
sion (fig. 18, 19, 20). 


ARTICLE III. 


De quelques autres Annelides abranches séligères. 


Il s'en faut beaucoup qu’on ait fixé convenablement la déter- 
mination des genres à établir parmi les Annelides sans bran- 
chies ni ventouses et armées de soies. Les divisions établies 
même par Cuvier et M. de Blainville sont bien peu rigoureuses, 
et nous nous hasarderons à en tracer la délimitation pour leur as- 
signer quelques espèces que nous avons plus particulièrement 
étudiées. Les genres C/itellio, Nais, Tubifer , qui ont si grand 
besoin d’être révisés, ne manqueront pas de l'être d’une ma- 
nière définitive par MM. Audouin et Edwards, et il sera pos- 
sible alors de les adapter avec certitude aux Annelides que nous 
allons décrire et dénommer spécifiquement. : 


$ 1. — Espèces à deux rangs de soies ou de faisceaux. 


a. J'ai décrit dans mes nouvelles recherches sur les Planariées 
(Ann. des Sc. nat. sept. 1830) un Dérostome de très petite taille 
auquel je donnai le nom de Zaticeps. J'ai depuis reconnu que ce 
petit animal aquatique est une Annelide qt’on peut ranger dans 
le genre Naïs; il est pourvu de soies latérales fort courtes sur un 
seul rang de chaque côté : je lui ai vu des anneaux peu distincts 
et reconnu une couleur rougeâtre malgré sa pellucidité presque 
complete. La lèvre large et en palette presque circulaire le ca- 
ractérise suffisamment. La longueur totale ne dépasse guère 
une ligne; le canal intestinal est large, droit, comme chiffonné. 

b. J'ai rencontré aussi dans la vase des eaux courantes , et en- 
core dans la cavité branchiale de l’Ancylus fluviatilis, une Naïde 
transparente ( Vaïs vermicularis? Müller), de deux lignes de 
longueur senlement ; caractérisée par deux rangs de tubercules 
comparables aux fausses pattes des chenilles (fig. 21), et au 


; Lu 
puGËs. — _Ænnelides abranches setigères. 31 


nombre de quinze paires; armés chacun de sept à huit soies 
courtes et raides ( fig. 22 ). Les deux tubercules voisins de la 
bouche sont séparés des autres par un long espace, et lenrs 
soies sont plus longues. La bouche est largement ovale, en ven- 
touse : à un œsophage étroit fait suite un large estomac (fig. 23). 
On voit ensuite des paquets blancs appartenant aux organes 
génitaux. L’anus est infére. Les anneaux sont peu distincts. 

c. On peut placer auprès de la Vais digitata,et dans le genre 
Proto d'Oken, celle que je nommerai Nais: equisetina (fig. 23). 
Elle se rapproche aussi de l’Elinguis par la présence de deux 
points oculiformes à la tête. Longue de plusieurs lignes, demi 
transparente, incolore, à anneaux peu nombreux et courts, 
l'Eqguisetina a , de chaque côté, un rang de soies grosses, cro- 
chues, assez longues et ordinairement doubles pour chaque 
point d'insertion ( fig. 24). l'extrémité postérieure de ce ver- 
misseau est garnie d'un gros faisceau de lanières charnues pro- 
bablement branchiales. Je l'ai trouvée sur les ulves de nos étangs 
salés. 


$ 2. — Esnèces à quatre rangs de soics. 


d. En examinant de nouveau, avec plus d'attention, la Naïde 
filiforme aplatie sur le porte-objet du microscope, je me suis 
assuré qu'elle à quatre rangs de faisceaux de soies, sinon par- 
tout, du moins au plus grand nombre de ses anneaux; et cette 
particularité, non moins que le grand allongement et la ténuité 
de son corps, sa vie presque complètement souterraine, doivent la 
faire mettre dans un genre à part (Tubifex ou Clitellio). J'ai 
cherché avec soin à découvrir par l’écrasement gradué du corps 
le système nerveux que Lamarck, Meckel même refusent aux 
Naiïdes, et j'en ai parfaitement constaté l'existence dans la pré- 
sente espèce et dans plusieurs autres, Le cordon nerveux se dis- 
tingue , à la vérité, assez difficilement des faisceaux musculaires, 
mais 1l a un léger renflement correspondant à chaque anneau, 
et de là parient des branches latérales. Déja ce système avait été 
indiqué pour la Naisdiaphana par Gruithuisen (Bull. Fér., juillet 
1829), qui en même temps a constaté le mécanisme de: la cir- 
culation tel que nous l’avions précédemment décrit. 


32 pucès. — Ænnelides abranches sétigères. 


Une autre espèce bien voisine et également rouge, à quatre 
rangs de faisceaux aussi, mais à soies plus courtes, différait 
surtout de la précédente par son intestin droit et non en hélice. 
Les plus grands individus avaient deux pouces; ils étaient en- 
foncés dans la terre humide et non dans la vase. Ce ver m'a rap- 
pelé plus positivement le Zumbricus tubifex de Müller, qui ne 
lui aurait reconnu que deux rangs de soies. 

e. Toutefois , cette dénomination conviendrait peut-être aussi 
bien à une Annelide sétigère, fort menue , mais moins pourtant 
que la précédente , rouge et noirâtre ( fig. 26), et que j'ai trou- 
vée dans les marais de la Glacière à Gentilly ( Tubifex gentili- 
nus Nob.). Elle rampe ou nage indifféremment , et montre beau- 
coup de vivacité. Sa longueur est d'environ deux pouces, et sa 
largeur d’une demi-ligne. Les soies sont extrêmement courtes, 
raides , et au nombre de deux ou trois seulement à chaque fais- 
ceau. Bien que je n'aie vu que deux rangs de ces faisceaux, l’a- 
nalogie me porte à croire qu’il y a eu erreur à cause de l’opa- 
cité du corps qui a masqué les deux autres. La lèvre ou tête est 
ici très longue, en feuille de myrte, sans points aculiformes. 
Les anneaux 7, 8, 9, très renflés, paraissaient contenir les or- 
ganes génitaux. Malgré ce que j'ai dit de la couleur obscure de 
la peau, cette espèce, à sang bien rouge , n’en laisse pas moins 
aisément voir la circulation, et la lenteur du cours du sang ne 
permet pas les équivoques auxquelles prête la rapidité et les 
oscillations chez les Lombrics : aussi est-ce sur cette Annelide 
que j'ai fait remarquer la direction des courans à M. Morren, 
en présence de M. de Blainville. 

f. J'ai trouvé assez souvent, soit dans de l’eau à une très 
faible profondeur, aux bords des ruisseaux et parfois sous des 
pierres, soit dans le terreau souvent arrosé, un petit ver qui 
pourrait bien être celui qui a donné le change à M. Morren et 
lui a fait croire à la viviparité des grandes espèces de Lombrics. 
J'estime aussi qu'il peut être rapporté au Lunibricus vermicula- 
ris de Müller , et c’est aussi lui sans doute qui a récemment été 
assez complètement décrit par M. Henle sous e nom générique 
d’Enchytrœus. Je ne crois pas à la nécessité d’un nouveau genre 
pour cette espèce, qui se rapproche beaucoup de celles dont 


DuGÈs. — Annelides abranches sétigères. 33 


nous venons de parler; je le placerais en conséquence volontiers 
avec elles dans le genre 7ubifex avec l’épithète spécifique de 
pallidus pour l'en distinguer. En effet, il est blanchâtre, par- 
fois jaunâtre; son sang est incolore , et pourtant on reconnaît 
aisément que les vaisseaux et les pulsations du dorsal sont bien 
manifestes. Ce ver a parfois un pouce de longueur ; ses anneaux 
sont assez longs; ils sont renflés du douzième ou treizième au 
quinzième inclusivement, ce qui lui constitue une sorte de cli- 
tellum comme chez la Naïde ôu Tubifex filiforme dont il a les 
organes génitaux. La lèvre est demi circulaire et n’échancre pas 
du tout le deuxième anneau. Les faisceaux de soie ne se comptent 
bien qu’en aplatissant l'animal entre deux verres ; on en aper- 
coit alors quatre : elles sont courtes, droites, au nombre de 
trois à chaque faisceau pour la plupart, mais quelquefois de 
cinq à six. l'intestin est renflé à chaque segment et un peu con- 
tourné en pas de vis. 


g- On peut rapporter aussi au genre Tubifex une Annelide 
qu'on prendrait au premier abord pour la W. féliforme : je lui 
donne le nom spécifique d’'Uncinarius (fig. 28), ou Tubifex à cro- 
chets. Son séjour est le même que celui de son congenère auquel 
je viens de le comparer ; c’est aussi la même couleur. Sa lon- 
gueur est de trois pouces. Le corps était peu renflé, et les or- 
ganes génitaux peu apparens, sans doute à cause de la saison où 
je l'ai observée : c'était en hiver. Les anneaux sont, du reste, 
aussi longs que larges, bien divisés et même séparés à l’intérieur 
par des cloisons transverses comme ceux des Lombrics. Le vais- 
seau dorsal est gros et rempli de sang fort rouge; on voit aussi 
des vaisseaux latéraux fort sinueux, presque pelotonnés, J'ai pu 
parfaitement reconnaître le système nerveux; quoique difficile 
à séparer des faisceaux charnus, j'y suis parvenu par un écrase- 
ment ménagé et conduit avec adresse. Il est en forme de cordon 
droit, pellucide, formé de deux filets adossés , intimement adhé- 
rens , à renflemens fusiformes et peu sensibles, et il est, comme 
chez les Loimbrics, côtoyé de vaisseaux ténus. Le caral intestinal 
brun, rempli de limon , n’est point en hélice, mais droit et large 
si on le considère de face, un peu courbé en arcade du côté du 


dos à chaque segment si on le regarde de profil. Cette Annelide, 
VIIL Zoo. — Juillet. 3 


34 DUGÈS. — _Ænnelides abranches sétigéres. 


au premier aspect, semble mutique, mais chaque anneau porte 
réellement une paire de crochets rétractiles et fort gros propor- 
tionnellement (fig. 29). Ils sont durs, mais transparens (fig. 30). 
Une douzaine d’anneaux après la bouche possèdent, en outre, 
deux crochets ou plutôt deux faisceaux de crochets plus petits, 


ce qui fait quatre rangs pour cette partie antérieure du corps. 
Les grands crochets y sont même accompagnés de quelques 
petits satellites. 


Voilà les Vers sur lesquels nous voulions appeler l'attention 
des zoologistes qui s’occupent de cette partie de l’histoire natu- 
relle ; nous en représenterons ici la liste, et nous dresserons en 
même temps un tableau des groupes qui nous paraîtraient pour- 
voir être établis, et dont les principaux seulement mériteraient 
l'application d’un des noms génériques déjà consacrés dans la 
science, mais seulement avec trop peu de précision. 


Nais elinguis de Müller. 
Naïs ?.equisetina, nobis. (e) 


pue PE proboidea , Müll. : genre Stylaria de La- 
l I. Soies marck. 
sur deux Naïs serpentina, Müll, ? 
rangs. Naës ? laticeps , nob. (a) 


courtes.\ Mais vermicularis, Müll. (b) 
l'Enngie arerarius, Müll, : genre Clitellio, 
; Sax. 


Naëïs barbata, Müll. 
gi ! à TL ie: ken. 
Annélides | Bouche | Ir. Soies | 1°28u€$ M nu GE Proto, Oken 
rss Due . Genre Trophonia. Aud. et Edw. 
RENE q Tubifex ? gentilianus, nob. Tubifez? pallidus, 
divisées TaDBS- | courtes. nob 
Loi Lumbricus vermicularis, Müll. 
mué De iques - Tubifex ? uncinarius , nob. 
mal III. Soies sur six rangs? Lumbricus variegatus, Bonett. 
former des 


IV. Soies sur huit rangs. Genre Lombricus , L. 
V. Soies sur neuf rangs. Genre Æypogéon, Say. 
Bouche armée, Genre Clymene, Sax. 


genres. 


EXPLICATION DES FIGURFS DE LA PLANCHE I. 


Fig. 1. Tête du Zombricus gigas vue en dessus ; grossie de même que toutes les figures 
suivantes. 

Fig. 2. L. mollis. 

Fig. 3. Coupe transversale du même. 

Fig. 4. L. fœtidus. 

Fig. 5. ZL. herculeus. 

Fig. 6. L. feshvus, 


DUVERNOY. — Sur la Chimère arctique. 35 


Fig. 7. L. mammulis. 

Fig. 8. Profil du mème. 

Fig. 9. L.rubidus. 

Fig. 10. L. octaedrus. 

Fig. 11. Coupe du L. gigas, pour faire voir les organes de la respiration en place. —a, 
coupe du vaisseau ventral d’où partent les vaisseaux branchiaux internes.—b, 6, coupe des 
vaisseaux nervieus latéraux d’où partent les vaisseaux abdominaux dorsaux ou branchiaux ex- 
ternes.—c} c; ouverture des vésicules respiratoires. —d, coupe du vaisseau dorsal recevant les 
vaisseaux branchiaux externes. 

Fig. 12. Une vésicule et une branchie détachée avec le vaisseau branchial interne. 

Fig. r3. Trois vésicules séminales du Z. gigas. 

Fig. :4. Une des houppes génitales internes du même, considérablement grossie, qui 
part de la vulve et se dilate en forme de bassinet, &, qu'entourent les canaux excréteurs 
de vésicules allongées c, c. 

Fig. 15. Un des ovaires du Lombric aplati, grossissement moindre. 

Fig: 16. Une des graines de la matière contenue dans les vésicules allongées. 

Fig. x7. Une des ampoules qui hérissent la surface de l’ovaire. 

Fig. 18. Une grappe de trois ovules contenant chacun un vitellus transparent. 

Fig. 19. Le vitellus plus grossi. 

Fig. 20. La vésicule de Purkinje plus grossie encore. 

Fig. 21. Naïs vermicularis ? vue de profil. 

Fig. 22. Un pied très grossi. 

Fig. 23. Partie antérieure de la même aplatie et vue par le dos. 

Fig. 24. Waïs ? equisetina où N. queue de cheval, 

Fig. 25. Sés soies crochues. 

Fig. 26. Tète du Tubifez? gentilianus. 

Fig. 27. Un segment plus grossi. 

Fig. 28. Tête du Tubifex ? uncinarius, 

Fig. 29. Deux anneaux très grossis montrant le vaissaeu dorsal et l'intestin. 

Fig. 30. Un crochet plus grossi encure. 


Nore Sur deux bulbes artériels faisant les fonctions de cœurs ac- 
cessoires , qui se voient dans les artères innominées de la Chi- 
“ e . à 
mére arclique ; 


Par M. G. L. Duverxoy. 


L 
Lue à l'Académie des Sciences le 25 septembre, 1837. 


À la fin du Mémoire sur quelques particularités du systè me 


sanguin abdominal, que j'ai eu l'honneur de lire à l’Académie, 
3, 


. 


36 DUVERNOY. — Sur la Chimère arctique. 


dans la séance du 15 octobre 1833 (Mémoire inséré depuis 
dans le t. 3°, p. 275 des Annales des Sciences naturelles, 2° sé- 
rie), je n’ai fait qu'indiquer, sans la décrire, la particularité 
organique , sujet de la note actuelle. 

Je l'avais observée , pour la première fois, déjà en septembre 
1809 , sur une Chimère rapportée de Nice par mes amis Péron 
et Lesueur (1). Depuis cette époque reculée, je n’ai eu que 
cette année l’occasion de revoir en détail cette singulière or- 
ganisation. 

On sait que , dans les poissons, le tronc de l'aorte commence 
en arrière du cœur, sous la colonne vertébrale , après la réu- 
nion successive des veines artérielles , ainsi que les appelaient 
les premiers membres de cette Académie. Elles lui apportent, 
des branchies , le sang oxigéné, et le versent ainsi dans le tronc 
principal des artères du corps, sans l’intermédiaire d’un cœur. 

A peu de distance de son origine , l'aorte fournit, dans la 
Chimère trois branches considérables (1). Deux s’en séparent de 
chaque côté, presque à angle droit; ce sont les analogues des 
sous-clavières ou mieuxencore de l'artère innominéede l’homme. 
La troisième branche naît de la face inférieure moyenne du 
tronc aortique , immédiatement avant les précédentes ; c’est la 
cœliaque , qui porte le sang aux principaux viscères de la 
digestion. | 

Après avoir fourni ces trois artères, l’aorte, considérable- 
ment diminuée dans son calibre , continue de se porter direc- 
tement en arrière sous le corps des vertebres et ne m'a rien 
présenté de remarquable dans sa distribution ultérieure. 

Les premières branches latérales, que nous venons d'indiquer 
comme les analogues des artères innominés, sont appliquées 


' 


(x) Lors de la publication des mémoires cités, en rappelant que je devais à ces voyageurs si 
dévoués aux progrès de l’histoire naturelle l’exemplaire que j'avais eu à disséquer, j'ai dit à 
tort qu'il provenait des mers antarctiques ; une note que j'ai retrouvée me met dans le cas de 
rectifier cette erreur. C’est à leur retour de Nice, où Peron s'était rendu par les conseils de 
Corvisart, dans l'espoir d’arrêter les progres de la maladie dont il est mort l’année suivante , 
qu’As avaient mis à ma disposition cet exemplaire de la Chimère arctique, provenant de la 
Méditerranée. 


(1) Planche 3 À, fig. r. 


DUVERNOY. — Sur la Chinère arctique. Sy 


contre le côté dorsal de la partie la plus avancée de Ha cavité 
abdominale , où le péritoine les recouvre. Leur diamètre est 
un peu moindre que celui du tronc cœliaque. Leurs parois sont 
blanches et, bien évidemment de même nature que celles des 
autres artères. Mais à trois ou quatre millimètres de leur origine, 
l'apparence de ces deux branches artérielles change subitement. 
Elles augmentent beaucoup de diamètre, prennent la couleur 
rouge des muscles et forment même un bouton de la figure 
d’une olive, et de la longueur de trois millimètres environ , qui 
enveloppe évidemment les parois artérielles d’un anneau mus- 
culaire. La coupe de cet anneau en montre l'épaisseur et fait voir 
en même temps qu'ilest comme surajouté ou appliqué aux parois 
de chacune des artères. Elles ne présentent d’ailleurs, dans leur 
partie interne qui répond à cet anneau,aucun repli valvulaire. 


Voilà donc deux bulbes dans ce système artériel du corps, 
entièrement analogues au bulbe qu'on a vu jusqu'ici, se 
trouver exclusivement et constamment à l’origine de l'artère 
branchiale ou pulmonaire de tous ces poissons, et caractériser 
cette classe , ainsi que les Reptiles à branchies. 

Les artères qui en sont ainsi pourvues dans la Chimère arcti- 
que, donnent une première branche qui se dirige en arrière sur 
les côtés des corps et transmet le sang aux grands muscles la- 
téraux , ensuite les sous-clavières s'avancent en se portant un 
peu en dehors et se divisent en deux rameaux : l’un se rend aux 
nageoires pectorales, qui sont très considérables dans ce pois- 
son , et doivent avoir une grande part dans ses mouvemens de 
natation ; l’autre rameau se dirige vers la tête (1), dont le vo- 
lume extraordinaire est disproportionné avec celui du tronc et 
de la queue, et n’a pas moins contribué que sa forme singulière 
à faire donner à ce poisson le nom fabuleux de Chimère, par 
lequel ZLinné a cru devoir le distinguer. Il semble que ce déve- 
loppement extraordinaire des nageoires pectorales et de la tête 
de la Chimère ait nécessité cette organisation toute particulière 


(1) Nous aurons soin de rechercher et de décrire sa distribution dans un autre individu ; et 
de voir si les veines artérielles des premières branchies fournissent aussi des rameaux eépha- 
liques, comme cela a lieu dans les autres poissons. 


35 DUVERNOY. — Sur la Chimère arctique. 


(dont on ne connaît pas d’autre exemple) de deux cœurs acces- 
soires , destinés à renforcer le mouvement du sang artériel, vers 
ces parties. 

Je crois pouvoir les appeler cœurs accessoires, à cause de 
leur grande ressemblance avec le bulbe pulmonaire de l'artère 
branchial, lequel placé à Forigine de cette artère, immédiate- 
ment au devant du cœur, augmente singukèrement par ses con- 
tractions énergiques, l'impulsion que le sang a reçue de son 
premier et principal moteur. 

A cet égard, la Chimère m'a présenté une seconde particula- 
rité correspondante à celle que je viens de décrire, Je présu- 
mais , avant d'avoir mis le cœur à découvert , que ces bulbes 
innominés pourraient tenir lieu du bulbe branchial, et que ce 
dernier manquerait peut être Ma présomption s’est vérifiée. 

Le cœur (1), de grandeur médiocre, ou même petit, relative- 
ment au volume de l'animal ressemble à un tétraède dont les 
arêtes seraient émoussées et le sommet tronqué, pour l'inser- 
tion du tronc pulmonaire. Celui-ci ne présente aucun renfle- 
ment à son origine, qui soit comparable au bulbe des autres 
poissons. Seulement son calibre estun peu plus gros , dans l'in- 
tervalle qui existe entre le cœur et la première paire d’artères 
branchiales et ses parois semblent un tant soit peu plus épaisses. 
Leur couleur rougeâtre à l’intérieur serait-elle due à une cou- 
che mince de faisceaux musculeux, et les plis de leur membrane 
interne indiqueraient-ils que les parois de l'artère pulmonaire 
ont, dans le commencement de cette artère , une plus grande 
énergie de contraction ? Ce serait bien là quelques traces de l'or- 
ganisation du bulbe ; mais le renflement musculeux, si re- 
marquable par sa forme, par son volume et par l'épaisseur ou 
la structure de ses parois dans la classe des poissons, manque 
dans la Chimère. 

Je ne connais queles Lamproies qui offrent une sorte de 
passage à cette nullité absolue du bulbe branchial, par la forme 
cylindrique , le petit diamètre et le peu d'épaisseur des parois 
de celui dont elles sont pourvues. 


(x) Planche 3 À, fig. 2. 


pUYERNOY. — Sur la Chinère arctique. 39 


Aussi la Chimère m'a offert, dans son système artériel , deux 
particularités correspondantes qu'aucun autre poisson n’a en- 
core montrées aux anatomistes. 

1° L'absence d’un bulbe pulmonaire ou branchial. 

2° L'existence de deux bulbes artériéls qui paraissent devoir 
le remplacer. Cette circonstance d’être doubles et symétriques 
est la première singularité qu'ils présentent. 

3° Ils ont, pour seconde singularité, d’appartenir au système 
aortique. 

4 Une troisième singularité de ces bulbes, c'est de n'être 
point situés à l’origine de l'aorte, mais un peu après la nais- 
sance de ses premières branches , lesquelles distribuent leurs 
rameaux aux muscles latéraux du corps, aux nageoires pecto- 
rales et à la tête. 

3° La plus grande impulsion qu'ils doivent donner au sang 
qui va à ces derniers organes, semble être le moyen principal 
de leur développement extraordinaire. 

Cette organisation si particulière m'a vivement intéressé, 
comme un nouvel exemple de la grande variété des arrange- 
mens organiques, suivant les besoins de l'existence ; (comme 
une nouvelle preuve, à mes yeux, qu'il faut avoir recours aux 
systèmes surrationnels des conditions d'existence et des causes 
finales, pour comprendre les combinaisons de formes multi- 
pliées à l'infini des organismes animaux. | 

Meckel ; au lieu de voir en premier lieu dans l'existence du 
bulbe pulmonaire, la nécessité de son action surajoutée à celle 
du cœur , pour donner au sang une impulsion suffisante à tra- 
vers le système capillaire des branchies , et au-delà de ces or- 
ganes , dans toutes les parties du corps , le considère plutôt ici 
sous le point de vue des organismes qui se perfectionnent ou 
se détériorent; ou des organes qui se développent dans le 
premier Cas , qui s'inveloppent dans le second, qu'on me per- 
mette cette dernière expression , qui se séparent ou se fondent 
les uns dans les autres à mesure qu’on remonte ou qu'on des- 
cend la’ prétendue écheile des êtres. Ce célébre anatomiste ne 
voit conséquemment dans le bulbe pulmonaire des poissons 
qu'une fusion plus complète des deux aortes et de l'artère pul- 


4o DUVERNOY. — Sur la Chimère arctique. 


monaire , qui se trouvent déjà fondés , à leur origine, dans les 
trois premiers ordres des reptiles ; ou bien en remontant des 
poissons aux reptiles , il considère l'union des aortes et de l’ar- 
tère pulmonaire de ceux-ci, comme une suite de l'existence du 
bulbe pulmonaire dans les poissons. 4 

Mais outre que cette trace du bulbe pulmonaire ou bran- 
chial des poissons et des reptiles à branchies, ne se voit pas 
dans les Batraciens à l'état parfait, qui n’ont plus de branchies 
ou qu'elle ne s’y trouve que d’une manière obscure et contes- 
table , l'absence de ce bulbe dans la Chimére ,met en défaut; 
sous ce rapport, 1l nous le semble du moins, ce système du 
développement successif des organismes , en général, et des 
organes en particulier , auquel des esprits d’ailleurs éclairés 
sont pour ainsi dire enchaïnés. 

Les parties que nous venons de décrire et auxquelles nous 
avons donné le nom de cœurs accessoires, ne sont pasà la vérité 
des organes de direction, et à-la-fois, d’impulsion du fluide 
nourricier , ainsi que l’est un cœur complet. Ils ne remplissent 
que cette dernière fonction, etla direction du sang à travers leur 
canal ne peut venir que d’une force à terso et non des 
valvules qui la détermineraient puisqu'ils en manquent. Mais 
ils nous semble devoir être ajoutés à la liste des cœurs acces- 
soires , soit sanguins , soit lymphatiques ou des organes parti- 
culiers d’impulsion du fluide nourricier élaboré ou non élaboré, 
découverts dans ces derniers temps dans Ja classe des pois- 
sons et dans celle des reptiles. (1) 


(x) Voyez notre mémoire cité plus haut , pour la veine mésentérique faisant les fonctions de 
cœur dans le système de la veine-porte de plusieurs genres de Squales. 

Le cœur caudal de l’anguille , dont les battemens se voient à l’extrémité de la queue ; il a 
été découvert par M. Marskall-Hall—Les cœurs lymphatiques des Batraciens et des Ophidiens, 
que MM. J. Muller, Paniza, Weber et Valentin ont fait connaître. Nous les avons décrits 


en détail dans la nouvelle édition des Lecons d'anatomie comparée, tome vi, qui est sous 
presse en ce moment, 


A 


DUVERNOY. — Sur l'anatomie des Squilles. 41 


EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 3 À. 


Fig. x. e. à. a. a. Branches artérielles dont la réunion forme l'aorte. 


c. Tronc analogue au cœliaque. 
ë. 6, Branches que fournit l'aorte, à-peu-près en même temps que l’analogue 
du tronc cœliaque, 
d. Renflement charnu que présentent !ces branches artérielles avant de four- 
nir des rameaux. 
€. Rameau qui va aux grands muscles latéraux. 
f &- Autres rameaux qui fournissent à la poitrine et aux nageoires pecto- 
rales (f) — à la tête (g). 
k. Continuation du trons de l'aorte, devenu beaucoup plus petit, après avoir 


fourni les trois branches importantes (2. b. c.) 
ii, ÀArtères intercostales. 


Fig. 2. a. Le cœur, 
&. Son oreillette. 
c. L'artère branchiale, 


e...e.e.e. sont les cinq branches qu’elle envoie aux quatre branchies de chaque 
côté; la première et la cinquième appartiennent à la première et à la der: 
nière demi-branchie. Les trois moyennes aux trois branchies moyennes, 
qui sont complètes, 

d, Branchies. 

J. Ouverture du sac branchial. 


MÉMOIRE sur quelques points d'organisation concernant les 
appareils d'alimentation et de circulation, et l’ovaire des 
Squilles, 


Par M. Duverwox. 


Des recherches que je viens de continuer sur l’organisation 
des squilles me mettent à même de suppléer à ce que j'en ai dit 
dans mon second mémoire sur le foie lu à l'Académie dans sa 
séance du 7 novembre dernier et publié dans un des précédens 
cahiers de ce recueil. (1) 


(2) Annales des Sciences Naturelles ,a®"® série, tome 6, p. 243, et pl. 15. 


4a DUVERNOY. — Sur l'anatomie des Squilles. 


Deux des exemplaires de la Squille mante que j'ai eus à ma 
disposition étaient des femelles. 

1° Ovaire. — Dans l’une les œufs étaient assez formés et dé- 
veloppés pour confirmer au besoin la détérmination de l'ovaire. 
Cet organe est très considérable et divisé en lobes alternative- 
ment plus grands et plus petits qui répondent aux articulations 
du corps. Il s'étend au dessus de l'intestin , depuis l'estomac 
jusque dans la capsule que forme le dernier segment de l’abdo- 
men dans la partie moyenne de laquelle il s’enfunce au-delà de 
l’anus. Les œufs qu'il renferme m'ont paru à-peu-près d’égale 
grandeur dans toutes ces parties. 

Dans un de mes exemplaires, la portion antérieure se conti- 
nuait de cetorgane en une partieplus dure, plus compacte et com- 
posée de cellules polygones, à parois assez résistantes, dont les 
unes étaient remplies d’une substance jaune et les autres vides. 
Cette partie, placée immédiatement sur le commencement de 
l'intestin , pourrait bien être le foie? Je reviendrai plus tard sur 
cette détermination. 


2 Cœur ou vaisseau dorsal. — Immédiatement sur l'ovaire 
se voit le vaisseau dorsal que l’on considère comme le cœur de 
ces crustacés. Le vaisseau commence derrière l'estomac par 
une portion carrée (pl. 2. fig. r, 2 et 3), dont la partie moyenne 
antérieure envoie un vaisseau (2) directement à l'estomac, et 
les angles antérieurs deux branches (3. 3) aux parties latérales 
de la tête. La face dorsale de cette portion est relevée en arrière, 
et inclinée en avant comme un toit. (La fig. 111, qui montre cette 
portion carrée de profil , fait bien voir cette singulière struc- 
ture). (1) 

Derrière l’arête transversale qui forme le côté postérieur du 
petit carré, il y a une seconde portion (5) de figure prismati- 
que, qui fournit de chaque côté du bord inférieur de la face 
latérale, laquelle est plane , trois branches (4.4.4.) pour les 


(1) On ne peut s'empêcher de trouver un certain rapport de forme entre celte portion 
carrée qui termine en avant le vaisseau dorsal des Squilles , et le cœur proprement dit des Dé- 
capodes. Sans doute pour que la ressemblance fût complète, il faudrait que les vaisseaux bran- 
chio-ca rdiaques vinssent aboutir dans cette mème partie. 


DUVERNOY. — Sur l'anatomie des Squilles. 34 


pieds qui‘sont rapprochés de la bouche. Cette portion prisma- 
tique, un peu affaissée sur elle-même , à l'air d’être composée 
de deux vaisseaux séparés Pun de l’autre par une rainure; mais 
si on relève la face dorsale de cette partie, les faces latérales 
planes du prisme se déploient et la rainure disparaît. Les parois 
de cette seconde partie et celles de la première sont très résis- 
tantes. C’est seulement en deçà de sa seconde portion que le 
vaisseau dorsal prend laspect d'un gros vaisseau, à calibre 
cylindrique, donnant régulièrement une pairé de branches 
(fig. r.6-16) à chaque anneau et aux organes qu’il renferme. 
Les deux dernières paires (15 et 16) sont très rapprochées et 
s’en détachent à-peu-près vis-à-vis l'articulation du pénultième 
anneau avec l’antépénultième. Enfin ce vaisseau se change en 
une pelite artère médiane (fig. 1. 18) qui se porte directement 
en arrière dans le dernier segment, à travers le pénultième. 

Je n’ai pas vu , malgré les recherches les plus attentives, de 
vaisseaux se rendant à la face dorsale de cette artère; mais je 
suis loin de contester des observations positives faites avant 
moi, sur l’existence de ces vaisseaux qui s’y rendent des bran- 
chies. (1) 

3° Grand sinus veineux (sorte de veine cave) enveloppant le 
canal intestinal. — Lorsqu'on a enlevé l'ovaire (je suppose l’ani- 
mal ouvert par le dos) on trouve immédiatement au dessous ce 
long canal ou sinus aplati, mince et comme irrégulièrement 
dentelé sur ses bords, plus épais dans sa partie moyenne , assez 
régulièrement branchu , qui commence au pylore et se pro- 
longe dans presque toute la capacité de la capsule profonde et 
large formée par le dernier segment du corps (k. k.l: 1.1.). Il 
est ordinairement farci d’une substance homogène qui à toute 
l'apparence de lait caillé ou de laite de poisson, et qui donne à 
tout ce canal, au premier coup-d'œil, sous le rapport de la 
couleur seulement , l'apparence d'un nerf. J'ajoute à la descrip- 
tion que j'en ai donnée dans mon travail précédent plusieurs 
détails que j'ai observés depuis et quim’en ont fait mieux appré- 


(1) V. le Mémoire de MM. Audouin et Mile Edwards sur les organes de la circulation des 
Crustacés, Annales des Sciences nat, T. 11. 


44 DUVERNOY. — Sur d'anatomie des Squilles. 


cier, à ce que j'espère du moine, et la nature et les fonctions. . 


‘4° Description particulière de l'intestin. — Ce canal, que 
j'appellerai dorénavant sinus venineux, renferme ainsi que l’a 
indiqué M. J. Muller, l'intestin proprement dit (fig. nc. c.), 
très petit cylindre (1),comme dans les décapodes macrogastres, 
d’un diamètre à-peu-près égal, qui se dirige sans détour , du 
pylore à l'anus. Seulement vis-à-vis le milieu de l’avant-dernier 
segment , il se dilate en! une poche ovale (fig. n. d) à parois 
intérieures très finement réticulées, dont l'issue ou l'anus est 
percé à sa partie inférieure (e), un peu en deçà de son fond. 
Toutes les parois de cet intestin sont d’ailleurs très minces, 
quoiqué résistantes, et ne présentent pas de réseau comme 
celles du rectum ou de la portion dilatée. Je les ai trouvées 
remplies, par intervalle, d’excrémens durs, moulés en cylindre 
de même forme et d’un blanc sale. 


5° Description plus spéciale du srand sinus veineux et de ses 
branches. — Le sinus commence , en avant (k. k. fig. 1v), par 
une portion plus étroite, donnant de chaque côté , par inter- 
valles , des branches latérales comme la suivante ; mais ici ces 
espècesde cœcums ne sont pas branchus (fig. 1v. 1. m). Plusieurs 
sont très courts et ne pénètrent nullement entre les muscles 
(fig. 1v. 0. o. o.). 

Le canal intestinal étant enfermé, pour ainsi dire, dans la 
partie longitudinale de ce grand sinus, le vide considérable de 
celui-ci paraît limité, en dedans, par les parois extérieures de 
l'intestin , et, en dehors, par ses propres parois, dont la face 
interne, que j'avais cru d’abord être celle de l'intestin, est toute 
celluleuse et présente , sous ce rapport, quelque ressemblance 
de structure avec le grand sinus veineux des Lam proies. Ce sinus 
dans lequel le canal intestinal et comme invaginé, est même di- 
visé en trois autres , par autant de cloisons longitudinales com- 
plètes, ne laissant passer de lun dans l'autre ni l'air ni le 
mercure. Il y en a deux au-dessus de l'intestin qui se touchent 


(x) 11 est indiqué dans la fig. x. de mon Mém. publié dans les Annales des Se. Nat. 2 
séme , t. 6. pl. 11; par une ligne médiane longitudinale, blanche qui paraît dans la partie ou- 
vxerle de ce sinus. 


DUYERNOY. — Sur l'anatomie des Squilles. 45 


sur la ligne médiane. Ce sont ceux (k.k. fig.1r) qui se prolon- 
gent dans la capsule du dernier segment de l'abdomen et y for- 
ment de chaque côté, en se divisant ,environ sept ou huit cœ- 
cums (I. LL. fig. rr et fig. x), disposés en éventails, dont plusieurs 
se sous-divisent encore en d'autres cϾcums plus petits, lesquels 
ont aussi leurs parois très celluleuses. Le sinus inférieur, plus 
court, se termine au niveau de l'anus. Les cellules qui divisent 
en dedans la paroi de ces trois sinus, la rendent plus ou moins 
bosselée , extérieurement , lorsqu'on les distend par l'air qu’on 
y insuffle, ou même par du mercure. 

6° Des branches latérales des deux sinus longitudinaux su- 
périeurs. — Les branches latérales qui se prolongent des deux 
sinus supérieurs, se divisent et se sous-divisent en pénétrant 
entre les muscles qui meuvent les pattes thoraciques, et plus en 
arrière , entre ceux qui vont aux appendices natatoires de l’ab- 
domen. Elles semblent enfin se terminer par des culs-de-sacs 
arrondis , obtus, dans la Squille rubannée ; plas ovales dans la 
Squille mante. La plupart de ces branches latérales se portent 
évidemment à la rencontre des branchies auxquelles elles m'ont 
paru envoyer de petits filets qui pourraient être des vaisseaux. 
Mais j'avoue n'avoir pu encore m'assurer positivement qu'il 
existe réellement une communication des branchies dans les si- 
nus, oudes sinus dans les branchies. Les parois de ces cœcums 
branchus sont d’une minceur extrême et d’une transparence 
telle, qu’il faut les avoir vues remplies de l'humeur laiteuse dont 
ils sont les réservoirs pour se douter de leur existence quand ils 
sont vides. 

Cependant j'ai réussi à en distendre momentanément plu- 
sieurs avec du mercure, afin d’en rendre la structure évidente, 
Comme celle des sinus, leurs cellules ne forment, dans ce cas, 
que des bosselures comparables à celles d'un cœcum de mam- 
mifére rongeur, herbivore; mais elles ne m’ont pas paru se dé- 
tacher les unes des autres comme des feuilles creuses. Cepen- 
dant j'ai vu dans l'un, qui était rempli de matière blanche 
grumelée , que les bords des culs-de-sacs étaient divisés, comme 
festonnés, ainsi que les représente M. J. Muller (de glandularum 
secernentium penitiori structura pl. IX, fig. 2 et 4). 


46 DUVERNOY. — Sur l'anatomie des Squilles. 


N'ayant pas distingué, dans ma première description de l'in- 
testin , la cavité si simple de ce canal, de celle si compliquée du 
triple sinus celluleux qui l'enveloppe, j'avais pu admettre que 
les branches latérales des sinus avaient peut-être pour fonc- 
tion de séparer une humeur digestive analogue au suc gas- 
trique, au suc pancréatique ou à la bile, et qu’elles rempla- 
çaient, entre autres , le foie. Ma première détermination était 
au reste une partie de celle de M. J. Müller qui a décrit comme 
le foie, toute l'étendue de ce sinus, c’est-à-dire non-seulement 
ses cœcums latéraux , mais encore sa grande portio longitu- 
diuale. Dans cette hypothèse , l’humeur laiteuse si abon- 
dante que cette vaste cavité renferme serait de la bile. Il faut 
dire ici que cette humeur prend une couleur d’un blanc jau- 
nâtre sale, et se rapproche de celle de la bile dans les individus 
long-temps conservés dans l'esprit-de-vin, ce qui était proba- 
blement le cas du seul exemplaire que cet habile anatomiste 
avait à sa disposition lorsqu'il a fait ses recherches. (1) 

M. Cuvier avait indiqué depuis long-temps ce même sinus 
comme une. veine : « Ja découvert, dit-il (Leçons d’anat. 
comp. t. 1v, p. 408), depuis peu... dans une Mante de mer 
« (Squilla fasciata Fas.) d’où vient le sang aux branchies. C'est 
« d’une grosse veine cave longitudinale qui va d’un bout du 
« corps à l’autre sous l'intestin et par conséquent à la face op- 
« posée à celle qu'occupe le cœur. Elle est d’un tissu beaucoup 
« plus mince que lui, et transparent, et elle donne, de chaque 
« côté , autant de paires de vaisseaux pour les branchies que le 
« cœur en reçoit. » À la vérité , cette description ne comprend 
que le sinus inférieur au canal intestinal, et il n’y est pas 
question de deux sinus supérieurs à ce même canal. Quant 
à sa position relative à l'intestin, ce sinus compliqué, me 
semble avoir beaucoup de rapport avec celui que Ramdohr a 
décrit dans la larve de la guèpe et représenté tab. XII, fig. x 
et 2 de ses planches sur /’anatomie des Insectes. Hall. 1809 }!, 
dont l'intestin proprement dit est contenu dans un sac d’un 
plus grand diamètre formé par sa membrane la plus extérieure, 


(x) Op. cit. pag. 70 et 7x et sabl. 1x. Leipsig. 1830. 


DUVERNOY. — Sur l'anatomie des Squilles. 47 


qui se remplit de chyle, suivant cet auteur. Comme dans cette 
larve, le sinus de la Mante est ordinairement rempli de chyle 
ou de sang blanc opaque et comme granulé ou composé de 
petits grumeaux ; «lors on n’en trouve pas dans le vaisseau dor- 
sal. Mais lorsque celui-ci en renferme, ce que j'ai vu dans un 
de mes exemplaires , le sinus en est beaucoup moins rempli et 
ses branches n’en contiennent que par intervalle , ou bien elles 
sont entièrement vides. Je ne doute pas, d’après cela, que 
cette humeur laiteuse ne soit le sang de ces animaux, et que le 
grand sinus-compliqué, enveloppant l'intestin n’en soit le ré- 
servoir veineux dont les branches latérales , ainsi que l’a pensé 
M. Cuvier, le porteraient aux branchies. Sans doute, il y a 
bien encore à l'égard des organes de la circulation, bien des cir- 
constances importantes à préciser, sur les rapports de ce sinus 
avec les branchies, et avec les artères. du corps , que des indi- 
vidus frais, que j'espère recevoir incessamment, me donneront 
peut-être l’occasion de découvrir. 

Si je prends la liberté d'adresser à l'Académie les résultats en- 
core incomplets de mes nouvelles recherches sur ce sujet inté- 
ressant, c’est que je dois être empressé de rendre mon dernier 
travail moins incomplet. Ce travail et le supplément actuel ont 
pour but de démontrer: 

1° Que trois déterminations successives du foie des Squilles 
devaient être rectifiées; celle dans laquelle on a pris l'ovaire 
pour cet organe (M. Cuvier); celle qui détermine, comme le 
foie , un sinus veineux et ses branches (M. J Miller); celle enfin 
que j'avais avancée dans mon précédent mémoire , que ces 
mêmes branches pourraient , entre autres , tenir lieu par leur 
sécrétion de ce viscère. 

. J'avais donc bien raison dedire, en commençant mon second 
Mémoire sur le foie : « Rien n'est plus difficile que de détermi- 
« ner dans les classes inférieures quels sont les organes analo- 
« gues à ceux des classes supérieures. » 

20 Je crois avoir fait connaître en second lieu , dans ce sup- 
plément, que la Squi!le a de grands sinus veineux , enveloppant 
son canal intestinal , en se ramifiant dans les membres par des 
culs-de-sacs dilatés , quoique plus ou moins divisés; quelun 


48 pUVERNOY. — Sur l'anatomie des Squilles. 


d'eux avait déjà été indiqué par M. Cuvier, comme une sorte de 
veine cave inférieure au canal intestinal. 

30 Ces grands réservoirs du sang veineux me paraissent de- 
voir conduire à des idées nouvelles sur le mouvement du fluide 
nourricier dans ces animaux. 

4° Du moins semblent-ils annoncer par leur capacité et par 
leur forme anfractueuse, que le sang est dans le cas de refluer 
dans ces anfractuosités et peut-être de s’y arrêter souvent en 
grande abondance. 

5o On verra enfin dans l'explication des figures jointes à ce 
supplément , des détails bien remarquables sur plusieurs 
points d'organisation des organes d'alimentation de ces ani- 
maux. 

EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 2. 


Fig. 1. La Squille ouverte par sa face dorsale montre le vaisseau dorsal et l'ovaire. 

a. a. Sont les muscles droits érecteurs qui ont été renversés de côté pour mettre à décou- 
vert le vaisseau dorsal et l’ovaire.—1. Partie antérieure du vaisseau dorsal, ayant en petit, 
la forme d'un cœur de Crabe.—2. Artère médiane ou gastrique qui en sort.—3. Artére anten- 
naire ou latérale de la tète.—5. Portion prismatique du vaisseau dorsal—.4. 4. 4. Branches 
artérielles qui se rendent aux pieds-mâchoires.—1”. 1”. Vaisseau dorsal proprement dit.—6. 
7. 8.9. 10.11. 12. 13,14. 15. 16. Branches artérielles qui en sortent de chaque côté.— 18 
Artère médiane postérieure dans laquelle il se termine en arrière. 

8.b. Grands lobes de l'ovaire. Ils forment sur les côtés un mamelon arrondi qui s'enfonce 
un peu entre les muscles. On a marqué en (c) un des petits lobes de ce même ovaire, qui al- 
ternent avec les grands d’une matière assez régulière. 

Fig. 2. Cette figure fait voir le grand sinus veineux et le canal intestinal. On a enlevé l’o- 
vaire, excepté la partie qui est sous l’extrémité antérieure du vaisseau dorsal. (r et 5)et ses 
branchies (4. 4. 4) qui ont été conservées. — c. c. c. le canal intestinal, dont le petit dia- 
mètre, et le calibre nniforme sont très remarquables, Il se voit à travers les parois du grand 
sinus veineux , dans les branches (£. i. 2. 1.) se portent directement en dehors pour s’enfoncer 
dans les muscles des parties latérales inférieures du corps. 

On n’a pas mis à découvert leurs ramifictions; celles-ci ayant été représentées dans la 
pl. 15 du t. 6 des Annales des Sc. nat.—d est le cloaque.—e est l’anus.—#. k. sont les prolon- 
gemens , dans l’étui du dernier segment, des deux sinus latéraux supérieurs; — /. 2. Les 
branches cœcales dans lesquelles ils se divisent, 

La fig. 3 représente le profil de l'extrémité antérieure du vaisseau dorsal. Sa portion carrée 
(x) en forme de toit; sa portion prismatique (5) et les branches qui en partent (4. 4. 4.) en 
formant comme une sangle autour de la portion la plus avancée de la suite de l'ovaire, sur la 
détermination de laquelle j'ai quelque incertitude, l'organe trouvé plus compacte, plus ré- 
sislant, dans un de mes exemplaires et formant un paquet de petites cellules membraneuses à 
parois épaisses et de forme polygone. 

La fig. 4 représente les viscères contenus dans la tête et le thorax de’la Squille, daubies de 
grandeur et vus en dessus. 


RÉ, ne 


DES EE 


DUVERNOY. — Sur l'anatomie des Squilles. 49 


Après avoir enlevé le bouclier occipital et coupé une partie du derme en 4.4. b., on a mis 
à découvert la cavité de l'estomac en (2). Le repli du côté droit (c) de l'intérieur des parois de 
l'estomac, ayant été tiré de côté, on a mis à découvert la branche supérieure et longitudinale 
de la mandibule{( d. fig. xv et 2. fig. v. vi. var) qui pénètre dans la partie la plus reculée du 
eul-de-sac cardiaque, et triture les alimens dans l’estomac: pendant que la branche transver- 
sale (a. fig. v. vr. et vix) les mâche comme à l'ordinaire, en dehors et avant leur entrée dans 
l'estomac. 

La cavité gastrique s'étend fort avant, en formant dans ce sens un profond cul-de-sac qui 
occupe l'espèce de masque qüe présente le dessous de la tête de ces animaux. 

M. Cuvier a bien décrit les dents de l'estomac des Squilles, mais sans s’apercevoir qu’elles 
appartenaient à une branche de la mandibule. 

« Les Branchiopodes ne m'ont offert qu’un petit estomac en prisme triangulaire, membra- 
- neux et garni de chaque côté de son extrémité postérieure, d’une rangée de petites dents 
« pointues, suivi d’un canal intestinal très mince, allant d’un bout du corps à l’autre et à-peu- 
« près égal partout, » (Leçons d’anat. comparée t. 1v. p. 128 de la pre.nière édition. ) 

J'ai vu, p.408 même tomeet pag. 306. du tome. 111, que M. Cuvier avait compris parle mot 
Banchiopodes, \es Squilles et non les Branchipes, ainsi que je l'ai imprimé t. v. p.236, etnoter 
de la seconde édition.Dansle tome ur, pag. 306 de la première édition, dont le texte est reproduit 
dans le tome v, p. 123 de la seconde, M. Cuvier a très bien décrit les deux branches de la mandibule 
etimème indiqué'que la mandibule a une branche antérieure cachée sous la lèvre dirigee selon 
l'axe du corps. Il est étonnant qu’il ne se soit pas aperçu qu’en se cachant sous la lèvre, elle 
pénétrait dans l'estomac, et qu’elle le garnissait, de chaque côté deson extrémité postérieure, 
de cette rangée de petites dents pointues. C’est à M. Milne Edwards que je dois l'indication 
plus précise, plus explicite de ce singulier arrangement, Dans la même figure 1v, (e) est la val- 
vule que j'ai décrite t. v. p. 231 de la nouvelle édition des Lecons. Cette valvule s’élève du pha- 
rynx en arrière du cardia, se recourbe en arriére et pénètre jusqu’en (4) dans une part.e du 
canal alimentaire qui pourrait être considérée comme le boyau pylorique de l’estomac, de sorte 
que le pylore proprement dit ne commencerait qu'en (k). Elle se compose de deux piècés, 
l'une antérieure (e) convexe, lisse, ayant une arête extérieure plus dure (/f) se continuant 
avec l’épiderme de l'estomac qui est épais. L'autre pièce commence en (2) et se prolonge jus- 
qu’en (k). Elle est creuse ou concave en dessous et présente une carène longitudinale sur sa 
face dorsale, et se termine en arrière par deux petites dents médianes. La seconde pièce de 
cette valvule est libre dans le boyau pylorique. L’une et l’autre répondent aux pièces cartila- 
gineuses qui occupent la face antérieure et inférieure de la poche et du boyau pylorique, dans 
les Décapodes et particulièrement dans les Brachygastres (p. 224 et 225 des Lecons. t. 5, 
2° édition). 

Nous avons fait dessiner cette valvule à part { fig. vtr). (a) Est la première pièce. (d-e) La 
seconde ou celle qui est carénée en dessus et libre dans le boyau pylorique.—6 Indique l'a- 
rête double qui borde la première pièce.— (c) Une portion de l’épiderme de l’estomac qui se 
continue avec le bord de cette première pièce. 

Les figures v, vr et var, que nous avons déjà citées, représentent la mandibule.—a est la 
branche externe et transversale, (2) la branche gastrique et longitudinale autérieure. (c) la 
portion creuse de la mandibule dans laquelle s’attachent les muscles qui la meuvent. La figure 
y représente celte mandibule par sa face interne ; la fig. vrc par sa face’ externe, et la fig. vr 
un peu obliquement. 

Quoique nous ayons déjà fait représenter le grand sinus veineux, fig. 1, pl.15, du tome 6 
de la 2° série des Anuales des Sciences naturelles, comme la détermination que ous lui avons 
donnée, en le décrivant comme le canal intestinal, ne nous parait plus juste, d'après ce que nous 

VIII. Zooz. — Juillet, ; “4 


50 FLOURENS. — Mécanisme de la rumination. 


avons dit dans le texte de ce supplément, nous‘avons dû nôus empresser de nous corriger ou 
de perfectionner nos descriptions et faciliter leur intelligence par des figures. Notre figure 1v 
représente la portion antérieure de ce gränd sinus, grossie du double comme toutes les 
parties de cette figure.— #k. Sont les deux parties les plus avancées de ce sinus, qui commen- 
cent par un cul-de-sac étroit, de chaque eôté du boyau pylorique. (é) Sont abat petites bran- 
ches qui partent d’une arêle commune , vis-à-vis du pylore (k) et se portent en divergeant et 
en se dilatant un peu, jusqu’à l’origine de cette portion pylorique. Leur extrémité en forme 
de massue m’a paru tenir par des fils très fins qui sont peut-être des vaisseaux, aux parois de 
l'estomac ou à la peau qui le recouvre. Ces deux petits boudins étaient remplis de grumeaux 
blancs, semblables à ceux du grand sinus. (/: /) Sont les deux premières branches un peu 
longues du grand sinus; leur base (m) présentait une poche arrondie, à surface'inégale , rem 
plie comme ses branches de cette matière laiteuse, que je prends pour le sang de ces ani- 
maux. (0. 0.0.0) sont des-cœæcums latéraux courts, non branchus, plus ou moins remplis de 
ces mêmes grumeaux blancs. (p.p.p) sont les deux premières branches latérales du grand 
sinus, qui se divisent en six sous-divisions. La portion (p') pénètre dans la hanche de là | pre- 
mière patte thoracique. La fig. 1 fait voir comment la branche qui répondait au cinquième 
anneau de Fabdomen, du côté droit, se sous-divisait dans un de nos individus. Dans Taïfig. x, 
on a enlevé la paroi supérieure du côté droit du dernier anneau de l'abdomen formant une 
capsule profonde dans laquelle se divisent en cœcums les deux sinus longitudinaux supérieurs. 
On a ainsi mis à découvert les cæœcums du sinus droit 2. Z. Z./. Le premier se sous-divisé beau- 
coup; le second n’est qüe fourchu. On y voit des traces du réseau celluleux qui sillonne leur 
paroi interne. Ces cœcums étaient remplis de sang blanc coagulé, 

Nous saisirons aussi cette occasion pour faire les rectifications suivantes dans lexplication 
de la planche 15 du tome 6, p. 257 ; ligne 9 lisez laïteuse au lieu de lardeuse ; 1. 14 rectum 
au lieu de cœcum ; ligne 18, cœur au lieu de cœcum; enfin la légende de cette planche, au lieu 
de foie de la squille, devrait être «ovaires, intestin et grands sinus veineux de Squille, » 


TnolsièME MÉMOIRE sur le mécanisme de la rumination. Expé- 
riences touchant l'action de l’émétique (tartrate de potasse et 
d’'antimoine) , sur les animaux ruminans ; 


Par M. FLourEns. 


(Lu à l'Académie des Sciences, le 25 février 1833). (1) 


HR 


1. On avu, par mes précédentes expériences sur le mécanisme 
de la rumination, que le vomissement propre des animaux ru- 


(1) Voyez, pour les deux premiers mémoires, les Annales des Sciences naturelles, 1° série 
t ett. 27,p. 291. 


FLOURENS. — Mécanisme de la rumination. hi 


minans differe essentiellement du vomissement des animaux 
erdivaires, en ce que, au lieu d’être comme celui-ci une ré- 
Jection confuse et er masse , il constitue , au contraire, une ré- 
Jection qui ne s’opère que par portions réglées et détachées. 

2. On ya voir, par les expériences qui suivent, qu'une dif- 
férence non moins essentielle entre cette réjection réglée et dé- 
terminée, d’une part, et le vornissement ordinaire, de l'autre, 
consiste en ce que ce n’est pas des mêmes estomacs, c’est-à- 
dire des mêmes organes immédiats, que l'un et l’autre de ces 
deux phénomènes dépendent. 

3. La réjection des animaux Ruminans et le vomissement des 
animaux ordinaires sont donc deux phénomènes essentielle- 
ment distincts. Ils diffèrent par leur nature ; ils diffèrent par 
leurs organes ; et ce sont là deux points sur lesquels les expé- 
riences qui suivent touchant l'action de l’émétique sur les 
animaux Ruminans ne sauraient, je crois, laisser aucun 
doute. 

4. Ces expériences montrent: 1° que l'énétique a sur les ani- 
maux Ruminans une action constante et déterminée; 2° que 
ce n'est pas sur tous les estomacs indifféremment, maissur l'un 
d'eux en particulier, que porte cette action coustante et dé- 
terminée ; et 3° que c’est précisément par cette spécialité d’ac- 
tion sur un estomac donné, que s'explique cette difficulté qui 
a si long-temps embarrassé les physiologistes et les vétéri- 
naires, savoir, pour quoi des animaux qui régurgilent si facile- 
ment ne vomissent, au contraire, qu avec une peine extrême, 
ou même ne vomissent point. 


& IT. 


lo Détermination de l’action de l'émétique sur les animaux 
Ruminans. 


1. On sait depuis long-temps, et surtout depuis les expé- 
riences de Daubenton , de Gilbert, de M. Huzard, que l'éme- 


tique, à quelque haute dose qu’il soit donné aux animaux Ru- 
4. 


52 FLOURENS. — Mécanisme de la rurnination. 


minans, ou ne produit aucun effet sensible , ou du moins 
ne produit que des effets qui ne vont pas jusqu'au vomis- 
sement. 

2. Daubenton donna, à un mouton, quatre grains d'éméti- 
que en hol, et à un autre, la même dose en lavage; et, de plus, 
il augmenta cette dose, de deux jours l’un, de quatre grains. 
Or, l'émétique en bol ne produisit aucun effet sensible, même 
à la dose de trente-six grains ; quant à l'émétique en lavage, 
il causa , à la dose de trente-deux grains, des symptômes très 
graves, mais le Mouton ne vomit pas. (1) 


3. Gilbert donna jusqu'à trois gros d’émétique à une Brebis, 
quatre gros à une autre, et six gros à une troisième ; et, dans 
aucun de ces cas, il n'y eut aucun effet sensible. (2) 

4. M. Huzard a donné d’abord trente-six grains d’émétique, 
comme Daubenton; il a successivement quadruplé ensuite cette 
c'ose; et il n’a jamais produit de vomissement. (3) 

5, Donc l’émétique, à quelque haute dose qu'il soit porté 
chez les Moutons, ou ne produit aucun effet sensible, ou du 
moins, et comme je l’ai déjà dit, ne produit que des effets qui 
ne vont pas jusqu'au vomissement. 

6. Tel est le résultat des expériences de Daubenton, de Gil- 
bert (4), de M. Huzard (5); et tel, à-peu-près, a été aussi le ré- 
sultat des miennes, tant queje me suis borné à administrer 
l'émétique, par la simple déglutition. Mais, il n'en a plus été 
ainsi, dès que, au lieu de le faire avaler à l'animal, je l'ai in- 
jecté dans ses veines; car dans ce cas, les effets ont été aussi 
prompts qu'énergiques, quoiqu'il n’y ait jamais eu pourtant de 
vomissen ent. 


(tr) Daubenton : sur les remèdes purgatifs bons pour les bêtes à laine. 
(2) Feuille du cultivateur, ?. VII, 

(3) Annales d'agriculture, t, XXXI, an 1807. 

(4) Feuille du cultivateur , t, VII. 

(5) Annales d'agriculture 1, XXXI, an 1807, 


FLOURENS. —— Mécanisme de la rumination. 53 


$. IE 


r, J'injectai, dans la veine jugulaire d'un Mouton, dix grains 
d'émétique (tartrate de potasse et d'antimoine) dissous dans 
Veau. A peine quelques minutes s’étaient-elles écoulées que 
l'animal parut excessivement essoufflé ; bientôt survinrent quel- 
ques légers efforts de vomissement'; et ces efforts devinrent de 
plus en plus violens. L'animal était gonflé ; ibgrinçait des dents; 
il écumait ; à chaque violent effort on:eût dit qu'il allait vomir, 
ou même qu'il avait vomi, si je puis ainsi dire, intérieurement ; 
car on le voyait, après chacun de ces efforts, comme oecupé 
à ravaler pendant quelques instans. 


Ces efforts de vomissement durèrent à-peu-près une heure; 
mais il n’y eut jamais aucune réfection de matières , c'est-à- 
dire aucun vomissement réel et effectif. 

2. J'ai répété cette expérience sur plusieurs autres moutons , 
en variant la dose-de l’émétique , depuis quatre grains jusqu’à 
vingt. Dans tous ces cas, il y a eu des.efforts plus ou moins vio- 
lens de vomissement , mais, dans aucun, il n’y a eu de vomis- 
sement. , 

3. Ainsi donc, mème injecté dans les veines, et injecté à 
haute dose , l'émetique se borne, chez les. moutons, à pro- 
duire des efforts de vomissement ; et il ne produit pas de vo- 
missement. 


4. D'une part donc, l’'émétique a, sur les moutons, la même 
action excitatrice des efforts de vomissement (1) qu’il a sur les 


(1) La force excitatrice du vomissement dépend essentiellement du système nerveux. Dans 
mes nombreuses expériences sur l'ablation des lobes ou hémisphères cérébraux, j'ai remarqué 
que, chez les Pigeons, l'ablatiou de ces lobes provoque le. vomissement, lorsque le jabot est 
plein ; cette même ablation, opérée demême pendant la-plénitude-du jabot , est, au contraire, 
suivie, dhez les Poules et les Coqs, de la défaillance de l’animal;.on ne prévient sa mort, 
qu’en: ouvrant immédiatement le jabot, peur le vider. Dans ces deux cas, l’ablation des lobes 
cérébraux réagit donc sur l'estomac ; mais, dans l'un , elle provoque le vomissement , et, dans 
l’autre, la défaillance. 

Si, sur un animal vivant, on irrite le nerf de la huitième paire (nerf pneumo-gastrique ), 
on voit l'œsophage, mis a au, se resserrer eu certains points, se goufler eu d'autres, en un 


54 FLOURENS. — Mécanisme de la rumination. 


autres animaux , et, de l'autre, il ne produit pourtant pas, 
chez eux, de vomissement ; et cette dernière ci:constance ne 
peut évidemment tenir qu’à la disposition particulière des or- 
ganes immédiats ; c’est-à-dire des estomacs, sur lesquels cette 
action excitatrice porte. Tout se réduit donc à savoir quel est, 
ou quels sont, parmi ces divers estomacs des animaux rumi- 
nans , celui ou ceux sur lesquels l'émétique agit. 


2° Détermination de l'estomac sur lequel l’émérique porte son 
action, dans les animaux rurminans. 


1. On a vu, par mes précédentes expériences sur le méca- 
nisme de la rumination , que c’est aux anus artificiels , prati- 
qués successivement à chacun des quatre estomacs , que j'ai dû 
la détermination du rôle particulier que chacun de.ces esto- 
macs joue dans ce mécanisme. 

2 Cest à ces mêmes anus artificiels que j'ai dû la détermina- 
tion de l'estomac sur lequel l'émétigue agit. 

3. En effet, quand on pratique un anus artificiel à lun ou à 
l’autre des trois premiers estomacs, on n’observe que les phé- 
nomenes généraux, et relatifs à la rumination , que j'ai décrits 
dans mes précédens mémoires. 

4. Mais il n’en est pas de même pour la gage car à peine 
y a-t-on pratiqué une ouverture, que les replis làches et 
mous de son intérieur , tombent au dehors en se déroulant, 
et que l'animal ne tarde pas à être pris d’un essoufflement, pro- 
fond ; essoufflement tout-à-fait pareil à celui que l’on voit suc- 
céder à l'injection de l'énétique dans les veines, et qui, pour 
plus de parité encore, s'accompagne bientôt de tous les autres 


mot, se contracter, se mouvoir, Sur les Moutons, en particulier, on voit l'ouverture cardiaque 
de l'æsophage se resserrer ou se contracter, ainsi que les bords du demi-canal. 

Les deux nerfs de la huitième paire étant coupés, sur un Mouton, il ne rumine plus; à 
peine si quelquefois iltessaie de manger ; il n’avale pas; il reste immobile; sa respiration devient 
gènée, laborieuse; il: menace de suffoouer à chaque instant, et né survit quelques jours 
dans cet état pénible, qu'autant qu'on lui ouvre la trachée-artère, ete. , etc. Je réserve pour 
un mémoire particuliér les résultats de mes expériences touchant l'action du système nerveux 
sur la rumination: ! 


D RE 


FLOURENS. — Mécanisme de la rurninalion: 55 


symptômes de ce dernier essoufflement, c’est-à-dire , du:gon- 
flement de l'abdomen , du grincement des dents., de l’écume. à: 
la bouche , et enfin de véritables efforts de vomissement, quoi- 
que moins violens que dans le ças de l'injection de l’émétique. 

5. Voilà donc un estomac donné, et un estomac. seul parmi 
tous les autres, dont la lésion directe , dont la lésion méca- 
nique amène et, provoque les mêmes symptômes que l'action 
même de l'émétique. 

6. Ainsi donc, la lésion mécanique de la caillette produit les 
mêmes effets que l'injection de V'émétique dans les veines ; c'est 
donc ;sur cet estomac même, et sur cet estomac seul parmi 
tous les autres , que porte l’action de l’émétique. 


S IV. 


3° Détermination des conditions organiques. qui rendent le 
VOMISSEMENT sé difficile chez les animaux ruminans. 


4. Or, ce point établi, savoir, que c’est sur la caillette, et 
sur la caillette seule , que l'énétique agit, rien n’est plus aisé 
que d'expliquer pourquoi la régurgitation est si facile chez ces 
animaux , et pourquoi le vomissement ,; au contraire ; y est si 
difficile, C’est que , comme je l'ai déjà dit, ce n’est pas par les 
mêmes estomacs, c'est-à-dire, par les mêmes organes immé- 
diats, que l’un et l’autre de ces deux phénomènes s'opèrent. 

2. En effet, on a vu par mes précédentes expériences sur la 
rumination, que les deux premiers estomacs seuls concourent 
immédiatement, soit par eux-mêmes , soit par l'appareil parti- 
culier, qu'ils contiennent , à la régurgitalion ou retour à la 
bouche dés alimens; et Von vient de voir, par ces expériences 
touchant l’action de l’émétique , que ce n’est ni sur l’un ni sur 
l’'antre de ces deux estomacs , mais sur la caillette, c’est-à-dire, 
sur un estomac qui précisément ne concourt pas à la régurgita- 
tion , que cette action porte. 

3. Lés éstomacs de la régurgitation et ceux du vomisséement 
ne sont donc pas les mêmes ; et cela seul suffit pour expliquer 


36 FLOURENS. — Mécanisme de la rumination. 


pourquoi l’un de ces phénomènes est si facile, et l’autre , au 
contraire, si difficile. 

4. Plus on examine, en effet, la structure, et des’ deux pre- 
miers estomacs , et du demi-canal, et de l’œsophage, c’est-à- 
dire, de toutes les parties qui, comme l’ont montré mes pré- 
cédentes expériences, concourent immédiatement à la régur- 
gitation ou retour à la bouche des alimens, plus on voit que 
tout y est disposé pour faciliter et déterminer cette régurgt- 
tation. 

5, Tout est disposé, au contraire, dans la caillette pour 
rendre plus ou moins difficile le vomissement , ou le rétour à 
la bouche des matières qu’elle contient. D'abord, cet estomac 
est le dernier de tous; il faudrait donc que, pour revenir à 
la bouche , les matières qu’il contient traversassent tous les 
autres estomacs. Ensuite, il ya, à l’ouverture par laquelle il 
communique avec le feuillet, un repli plus ou moins marqué, 
repli qui fait, jusqu'à un certain point, fonction de valvule, 
et qui s'oppose ainsi , plus ou moins , au retour , ou à la rétro- 
gradation des matières (1); de plus, la caëllette, pressée par les 
muscles abdominaux et le diaphragme , ne peut se contracter 
sans que les autres estomacs, et par conséquent le feuillet | se 
contractent aussi, et celui-ci ne peut se contracter, sans que 
son ouverture supérieure se ferme, comme je l’ai précédemment 
montré; enfin, la caillette étant le plus mou, le plus lâche , le 
moins résistant des quatre estomacs, il s'ensuit que la com- 
pression des muscles abdominaux et du diaphragme portera 
toujours beaucoup plus sur ceux-ci, surtout sur les deux pre- 
miers , que sur elle. 

6. Tout est donc disposé, dans les animaux ruminans, pour 
rendre la réjection des deux premiers estomacs facile; et tout 
y est disposé, au contraire, pour rendre la rgection du dernier, 
c'est-à-dire , le véritable vomissement difficile. 


(1) J'ai souvent rempli d’eau la caillette après la mort de l'animal ; puis, j'ai lié l'ouverture 
prlorique ou inférieure, et j'ai toujours vu alors qu’un léger effort m’a suffi pour faire repasser 
l’eau, par l'euverture supérieure, de la caillette dans le feuillet. Cette espèce de repli valvulaire 
n’est donc pas un obstacle absolu, mais un obstacle qui concourt avec tous les autres pour ren- 
dre plus ou moins difficile la réjection par la caillette. 


+ 


. FLOURENS. — Mécanisme de la rumination. bg 


7. Je ne dis pas impossible, car quelques auteurs assurent 
avoir vu des animaux rumiaans vornir. 

8. Ily a pourtant sur ces cas de vomissement , d’ailleurs très 
rares, rapportés par ces auteurs, deux remarques à faire : la 
première, c’est que ces cas de vomissement dépendaient pres- 
que toujours de quelque maladie, c’est-à-dire, de quelque 
altération qui pouvait avoir changé les rapports naturels des 
parties; et la seconde , c’est que dans ces cas mêmes , et d’a- 
près les expressions des auteurs qui les rapportent, tout 
montre que c'était de la panse, et non de la carllette, que ve- 
naient les matières rejetées, et par conséquent que c'était là 
non un véritable vomissement , c'est-à-dire une réection de la 
caillette, mais une simple réjection ordinaire, quoique viciée, 
de la panse. 


6 V. 


1. En résumant tout ce qui précède, on voit: 


1° Que l'érnétique produit sur les moutons les mêmes effets 
généraux (c’est-à-dire, la même action excitatrice de toutes les 
puissances qui provoquent ou déterminent le vomissement)que 
sur les animaux ordinaires; 

2° Que parmi les divers estomacs des animaux ruminans, 
c'est sur la caillette, c'est-à-dire, sur celui-là même qui seul, 
parmi tous ces estomacs, répond par sa structure , comme par 
ses fonctions, à l'estomac simple des animaux ordinaires , que 
l'émétique porte son action; 

3° Que c’est à la disposition particulière et tout opposée de 
cet estomac par rapport à ceux de la régurgitation , que tien- 
nent, d’une part, la facilité que les animaux ruminans ont de 
régurgiter , c'est-à-dire de rejeter, ou de ramener à la bouche 
les matières contenues dans les deux premiers estomacs ; et, 
de l'autre, la difficulté qu'ils ont de vomir, c’est-à-dire, de re- 
Jeter, ou de ramener à la bouche les matières contenues dans 
le quatrième. 

2. Et maintenant, si l’on se rappelle que ce quatrième esto- 
mac est celui où se fait la conversion définitive de l'aliment en 


58 DE BLAINVILLE.— .#rticulations desvertèbres. 

chyme, celui qui contient les matières rumninées, les matières 
qui, par conséquent, ne doivent plus revenir à la bouche, 
tandis que les deux premiers estomacs, au contraire ; sont ceux 
où l’aliment ne subit qu'une certaine préparation, ceux qui ne 


contiennent qué les matières non ruminées , les matières qui, 


par conséquent, doivent revenir à la bouche , on verra tout de 
suitepourquoi tout devait être disposé et pour rendre difficile le 
vomissement ou la réjection du quatrième estomac, et pour 
faciliter, au contraire, le vomissement ou la réjection des deux 
premiers. 

3. Il est évident , en effet, que, sans cette disposition oppo- 
sée des deux premiers estomacs au quatrième par rapport au 
vomissement, lesmatières ruminées du ‘quatrième eussent. été 
constamment mêlées , confondues et ramenées à la bouche avec 
les matières 207 ruminées des deux premiers ; confusion et mé- 
lange que tout a précisément eu pour objet de prévenir dans le 
mécanisme de la rumination, comme l'ont montré mes précé- 
dentes expériences. 

4: 11] me reste plusieurs dsiqhs à examiner encore tou— 
chant les modifications si remarquables et: si singulières de la 
fonction digestive dans les animaux ruminans; je renvoie l’exa- 
men de ces questions à d’autres mémoires, 


Norte sur la forme des extrémités articulaires du corps des 
vertebres, par M. pe BLAINVILLE. ( Extrait.) 


«On trouve dans les ouvrages d’histoirenaturelke, d'anatomie comparée et sur- 
tout de palæontologie les plus répandus , que les classes d'animaux vertébrés se 
distinguent fort bien entreelles parla conformatios desarticulations vertébrales; 
que chez les inammifères les surfaces articulaires des vertèbres sont planes; 
que‘dans les oiseaux et les reptiles elles:sont convexo-concaves cylindrinquement 
ou sphériquement , et enfin que dans les poissons, elles sont bi-concaves. « Le 
fait est cependant, observe M. de Blainville, que, sauf les oiseaux qui sont con- 
struits sur un plan beaucoüp plus uniforme que celui des autres classes des ver- 
tébrés, cette généralisation est tout-à-fait erronée. Ainsi, dans les mammifères , 


CE NO 


DE BLAINVILLE.. — Articulations des vertèbres. 59 


les vertèbres cervicales chez les espèces à col fort long , comme les chevaux et 
les ruminans, ont leur corps fortement convexe en ayant et concave en arrière. 
Parmi les reptiles, les Geckos ont leurs. vertèbres aussi concaves en avant qu’en 
arrière, comme dans les poissons, pour ne pas parler des Ichthyosaures qui 
sont dans le même cas , ce qui leur a même valu le nom sous lequel on les dis- 
tingue parmi les amphibiens, et les dernières espèces , comme les Salamandres , 
les Protées , les Sirènes, les Cœcilies ont leurs vertèbres concaves ; il n’en est 
pas de même des Ranaires ou Grenouilles , où elles sont convexes d’un côte et 
concaves de l’autre. Enfin, j'ai montré dans mon cours d’anatomie comparée , 
fait en 1836, au Muséum d'histoire naturelle, qu’un poi-son fait aussi excep- 
tion à la forme des surfaces articulaires du corps des vertèbres dans les animaux 
de sa classe. C’est le Lépisostée. En effet dans ce genre, il est vrai, déjà fort 
singulier par d’autres points de son organisation , les vertèbres nombreuses, fort 
larges et assez courtes, sont convexes à leur extrémité antérieures et concaves 
à la postérieure, et bien plus, les surfaces articulaires sont encroûtées de cartilages, 
et par conséquent ceux-ci revêtus de membranes LR” comme chez tous 
les oiseaux et la plupart des reptiles. 

« En sorte, qu'aujourd'hui il faut rectifier ainsi les généralités sur la forme 
des surfaces articulaires du corps les pièces qui constituent la colonne verté- 
brale des Ostéozoaires ou animaux vertébrés. 

« Dahs les mammifères , les vertèbres sont le plus souvent planes aux 
deux extrémités de leur corps; quelquefois convexo-concaves ; mais toujours 
sans appareil synovial intermédiaire ou sans solution de continuité. 

& Dans les oiseaux, elles sont constamment convexo-concaves cylindrique- 
ment et CRAN et toujours avec appareil synovial et solution de con-— 
tinuite. 

« Dans les reptiles, le plus souvent convexo-concaves sphériquement , avec 
appareil synovial, elles sont quelquefois profondément bi-concayes sans solution 
de continuité. 

« Dans les amphibiens, les vertèbres sont aussi souvent conyexo-concayes 
avec appareil synovial que convexo-concaves sans solution de continuité. 

« Dans les poissons, enfin, le plus souvent le corps des vertèbres est profon- 
dément bi-concave ; mais quelquefois aussi il peut être convexo-concave avec 
appareil synovial. » 

( Annales d'anatomie no 2.) 


60 1siD GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. -— Mammif. de Madagascar. 


Norice sur les Mammifères épineux de Madagascar , par 
M. Isivore GEoFFRoY Saint-HiLAiRE; lue à l’Académie des 
Sciences le 4 septembre 1837. ( Extrait. ) 


Bien que les Mammifères qui s’écartent par leurs tégumens du type commun de 
leur classe, aient de tout temps fixe l'attention des zoologistes, on ne connaît 
encore qu’u petit nombre d'espèces, et surtout de genres, chez lesquels les 
poils se trouvent transformées , dans une ou plusieurs regions du corps, soit en 
plaques cornées, soit en écailles, soit en piquans ou en épines. Cette dernière dis- 
position, quoique moins rare que les deux autres|, ne se trouve en tout, si l’on 
excepte les Rongeurs, que dans trois genres savoir: parmi les Monotrèmes, le 
genre si exceptionnel des Échidnés; et parmi les Insectivores, les Hérissons et 
les Tanrecs. Cette notice, outre la description d’une espèce nouvelle de ce der- 
nier groupe, a pour sujet l'établissement d’un troisième genre d’Insectivores 
épineux, habitant, comme les Tanrecs, l’île de Madagascar, et exactement in- 
termédiaire par ses rapports naturels entre ceux-ci et les Hérissons. Voici les 
caractères de ces animaux nouveaux : 

Tanrec armé ( Centetes armatus}. Pelage d'un gris noirâtre très tiquete de 
blanc , composé sur la nuque, le col, les épaules, le dos et les lombes, de pi- 
quans très résistans; sur la croupe, de piquans fins et demi flexibles, et en- 
dessous de poils ordinaires. 

Genre Ericure ( Ericulus). Corps couvert en-dessous de poils, en-dessus de 
piquans raides, sans soies intermédiaires (presque exactement comme chez les 
Hérissons). Membres courts, pentadactyles, à ongles robustes, assez allongés , 
un peu comprimés. Une queue très courte. Tête allongée. Molaires au nombre 
de six de chaque côté, et à chaque mâchoire, savoir, cinq mâchelières et une 
fausse molaire. À chaque mâchoire une cauine peu allongée, très peu différente 
de la fausse molaire. Incisives au nombre de quatre à chaque mâchoire. 

Les animaux qui ont servi de types à ces descriptions, ont été rapportés de Ma- 
dagascar par M. Sganzin, capitaine d'artillerie de la marine , et par M. Goudot, 
voyageur du Muscum d’histoire naturelle. 


Norte sur les Marmrnifères des Antilles, 


Par M. P. Gervais. 


Lue à la Société Philomatique. (Eztrait.) 


Les premiers descripteurs des Antilles ont signalé dans ces iles plusieurs 
espèces de Mammifères qui paraissent y avoir été amenées du continent par les 


P. GERVAIS. — Mammifères des Antilles. 6t 


Caraïbes, et d'autres que l’on peut considérer comme s’y trouvant "naturelle- 
ment. Beaucoup d’autres Mammifères domestiques de l’homme ou même para 
sites de ses habitations s’y sont propagés depuis l'établissement des Européens; 
mais le nombre de ceux qui sunt propres aux Antilles, et dont l'auteur a pu 
observer la plupart en nature, est plus considérable qu'on ne le penscrait 
d’abord. Ces animaux appartiennent principalement à l’ordre des Carnassiers 
et à celui des Rongeurs ; on a aussi parle d’une espèce de Tatou propre à Ta- 
bago, et M. Gervais a reconnu que le Manicou décrit par Dutertre, etc., est bien 
une espèce de Didelphe, le Didelphis cancrivora. 

Les Antilles possèdent treize espèces de Carnassiers, savoir : une Musa- 
raigne, fort remarquable , et douze Chéiroptères. Les Rongeurs de cet archipel, 
que M. Gervais a étudiés, sont au nombre de sept : quatre Capromys ( C. Fur- 
niert, C. prehensilis, C. Poeyi et Plagiodontia œdium) ; un ÆAgouti du 
sous-genre CAloromys, le Rat piloris (us piloris) et un autre Rat dont l’au- 
teur n’a vu qu'un individu trop jeune pour caractériser d’une manière posi- 
tive l'espèce à laquelle il appartient , cette espèce est de petite ‘taille. 


Les carnassiers que M. Gervais à rassemblés sont les suivans : 


Phyllosioma jamaicense ; Phyllostoma perspicillatum ; Noctilio lepori- 
nus; Molossusobscurus; Vespertilio(Nycticœus) Blossevillei; Vespertilio du- 
tertreus. On a indiqué quelques autres Chauve-souris que l’auteur n’a point vues: 
Vespertilio Maugei àe M. Desmarest; Mormoops Blainvillei et Monophyllus 
Redmanni Leach; Brachyphylla cavernarum Gray et Glossophaya soricinum 

Geoffroy et J.-B. Fischer. 


Les Vespertillo lepidus et V. dutertreus sont deux espèees que M. Gervais 
croit nouvelles, elles lui ont'été communiquées par M. de la Sagra , qui les a 
recueillies à Cuba. Le 7. lepidus est remarquable par sa petite taille (6.172 
pouces d'envergure), par ses dents ( 2/3 incisives, 171 canines, 6/6 molaires de 
chaque côté), qui sont en même nombre que celles des Murins, mais affectant 
une disposition assez particulière, et par son oreillon pour ainsi dire cupuliforme; 
cette espèce est intermédiaire à celle que M. F. Cuvier appelle Furia Horrens 
etaux Chauve-souris murinoïdes. k 

Le Veipertilio dutertreus est plus grand et se rapporte au sous-genre des 
Noctules : il a sept dents seulement de chaque côte de la supérieure et neuf à 
Vinférieure ( 4/5 molaires à chacune ); son oreillon est cultriforne et sa queue 
libre dans une petite partie de sa pointe. Cette espèce a onze pouces d’enver- 
gure : elle a quelque chose du Vespertilio caroliniensis, mais elle est plus 
petite ; elle sera figurée , ainsi que la précédente, dans l'ouvrage que M. de la 
Sagra prépare sur l'ile de Cuba. 

La Musaraigne citée plus haut (Sorex paradoxus) a élé récemment décrite, 
par M. Brand, sous le nom &e Solenodon paradoxum. Ses caractères génériques 
ne différent point de ceux des autres Musaraignes, mais elle est beaucoup plus 
grande que celles que l'on connaît, On n'avait point encore signalé de Mam- 


* 


62 E. COULON. — Animaux du musée de Neufchätel. 


mifère de ce genre dans l'Amérique méridionale ni dans ses îles ; le Sorex para- 
doxus est d'Haïti. 

Le chien domestique que signale Dutertre comme étant celui des indigènes, 
et qu'il compare à ün renard, était sans doute le Canis azaræ qui vit sur le 
continent, en Colombie, au Pérou , à la Guyane, et jusqu’en Patagonie. 


DescriPpTIoN de quelques animaux nous eaux ou peu connus qui se 
trouvent au musée de Neufchätel, par M.CouLox.(Extrait.) 


Dans cetravail, publié récemment dans le premier volume des Mémoires de 
la Société des Sciences Naturelles de Neuchâtel, l’auteur s'occupe d’abord d’une 
espèce nouvelle d’Ecureuil qu'il désigne sous le nom de Sciurus humeralis Coul. 
Sa taille est un peu moindre que celle du Sc. maximus et du S. auriventer ; 
toute la partie supérieure de son corps est d’une teinte fauve-verdâtre excepté 
tout-à-fait en arrière où le pelage est noirâtre parsemé de points blancs; cette 
couleur noirâtre s’étend le long des flancs et de l’épaule de façon à former de 
chaque côté une raie qui s’étend jusqu'aux oreilles ; enfin toute la partie infe- 
rieure du corps et la partie interne des membres sont blanches. L’extrémité des 
membres est noire, et la queue, qui est plus longue que le corps, est éssentiel- 
lement blanche, mais laisse voir dans son milieu la base des poils qui est noire. 
Les oreilles sont très courtes, brunes et sans bouquet de poils terminal ; le 
menton est brun. Enfin le pouce rudimentaire des. membres antérieurs est pourvu 
d’un ongle arrondi et presque plat. Cet Ecureuil est originaire de l’île de Java, 
et l’auteur en donne une figure coloriée dans la planche 8. 

M. Coulomb donne ensuite de nouveaux détails sur le Sciurus auriventer (Is. 
Geof.), et figure un individu mâle (pl. 12). La troisième espèce dont il soc- 
cupe est le Sciurus Rafflesii (Horsfeld) dont il doane la première figure qu’on 
ait encore publiée. Il consacre aussi deux planches (n° 10 et 11) au Sc. grisei- 
venter (1s. Geof.) dont le pelage varie tellement suivant l’âge qu’au premier 
abord on croirait le vieux individu être une espèce distincte du jeune mâle. En- 
fin l'auteur termine ce Mémoire par une note sur une variété de la Perruche à 
longs brins (Pa/æornis bengalensis Wegl.) dont il donne aussi une figure, 


‘ 


1 


GRAT. — Mammiféres nouveaux. . 65 


Descriprion de quelques mammifères nouveaux ou peu connus, 
par M. Gray. 


Les animaux dont M. Gray publie ici les caractères font partie des collec- 
tions du Muséum Britannique et se rapportent aux genres Felis, Canis, Vulpes, 
- Herpestes, Paradoxurus, Cynogale, Lutra, Pteronura, Procyon, Mephitis, Co- 
nepatus, Marputius , Centenus, Leptonyx, Macropus , Halmaturus , Petrogale, 
Bettongia , Hypsiprymus, Ptéromys, Sciursoptera, Mus, Golunda, Lepus et Bos. 


(Loudon’s Magazine of nat. history; new series, n° xr. p. 577). 


PUBLICATIONS NOUVELLES. 


Mémoire sur le Lait, par M. A. Donne. (1) 


Dans la vue d'éclairer la medecine sur les bonnes et mauvaises qualités nu- 
tritives du lait des nourrices, M. Donné a entrepris sur ce liquide une série de 
récherches microscopiques et chimiques dont les résultats ne peuvent manquer 
d’intéresser le physiologgste aussi bien que le PAUSE Il déduit de ces ob- 
servätiôns les conclusions suivantes. 

La composition du lait doit être considérée de la manière suivante : un li- 
quide tenant en dissolution du sucre de lait, des sels, une petite quantité de 
matière grasse et du eäséum, et en suspension des globules de différente gros- 
seur formées de beurre et solubles dans l’éther. 

Le premier lait, ou colostrum, se compose, outre les globules laiteux,.de corps 
particuliers décrits dans le mémoire sous ?e not de corps granuleux ; les globules 
laiteux dans le colostrum sont pour la plupart agglomérés et confondus entre 
eux par une matière muqueuse. 

Les principes du colostrum ne disparaissent entièrement que vers la fin du 
premier mois après l’accouchement ; à cette époque le lait de bonne nature n’en 
présente plus aucune trace ; 

Le lait chez les animaux suit à-peu-près la même marche que chez la 
fenime. 


(x) Brochure in-8° avec planches, 


64 \ Publications nouvelles. 


Le lait est constamment alcalin chez la femme, la vache, l'änesse et la 
chèvre... 

Les élémens du colostrum peuvent persister dans le lait au-delà du terme 
habituel, ce qui constitue un genre d’altération de ce fluide. 

Certaines affections pathologiques , telles que l’engorgement des mamelles 
chez les femmes et chez les animaux, déterminent dans le lait des mo- 
difications particulières analogues à celles qu'il présente dans son état 
primitif. 

En cas d’abcès, formé dans le sein, le lait peut contenir du pus. 

Le lait contient quelquefois du sang. 


Mémoire sur la spécialité des nerfs des sens, par M. GaBRiEL 
PELLETAN. (1) 


Ce Mémoire est consacré en majeure partie à des considérations générales sur 
le sujet indiqué par le titre , et à la description anatomique des nerfs cérébraux 
de la Musaraigne et de la Taupe, chez laquelle la dissection des nerfs des yeux 
présente, comme on le sait, de grandes difficultés et a donné naissance à des 
opinions très discordantes ; pour y procéder avec plus de facilité, l’auteur a exa- 
miné ces parties chez des fœtus ou chez des animaux très jeunes dont la tête n'é- 
tait pas encore ossifiée , et il a trouvé ainsi la ressemblance la plus grande entre 
la disposition des nerfs optiques de ces deux Mammifères. On trouve aussi dans 
ce Mémoire des expériences qui tendent à prouver que,les Taupes ne jouissaient 
pas du sens de la vue proprement dite, mais savent seulement distinguer la lu- 
mière de l’obscurité. Des observations faites sur la Musaraigne montrent aussi 
que cet animal peut se diriger avec toute la précision et la vivacité qui caracté- 
risent ses mouvemens ordinaires, sans le secours de la vue. 


(1) Brochure in-8° avec planches. 


———"@— 


V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 65 


CoxsiDrRATIONS nouvelles sur les dégâts occasionés par la 
Pyrale de la vigne, particulièrement dans la commune 
d'Argenteuil , 


Par M. V. Aupouw, 


Professeur-administrateur au Muséum d'histoire naturelle, membre de la Société royale et 


centrale d'Agriculture de Paris. 


(Lues à l'Académie des Sciences, dans sa séance du 25 septembre 1837.) 


J'ai eu l'honneur d'entretenir brièvement l’Académie des 
principales recherches auxquelles je me suis livré pour arriver à 
la diminution du fléau, qui depuis tant d’années désole les vi- 
gnobles les plus renommés du Mâconnais, et j'espère, qu’elle 
aura mesuré l'importance des résultats que je lui ai présentés, 
par lé nombre et la valeur des observations sur lesquelles 
ils reposent. 

Quant aux conséquences qu’en tirera la pratique, j'ai dit et 
je le répète avec toute confiance, que ce n’est plus maintenant 
une chose en question ; car elle a été jugée sur le théâtre même 
du mal, par des hommes dont on ne déclinera sans doute pas la 
compétence, par les propriétaires les plus intéressés à bien voir, 
et les plus capables. 

Depuis que j'ai quitté les lieux, ce jugement a reçu une nou- 
velle confirmation, par le vœu qu'ont émis les deux Conseils Gé- 
néraux des départemens du Rhône et de Saône-et-Loire, de voir 
mon travail imprimé, et par la décision qu’ils ont prise d’en 
faire tirer, sous forme d'extrait, un nombre suffisant d’exem- 
plaires, pour qu’il fût misentre les mains de tous les Vignerons, 
et leur servit de guide. 


VIII, Zoo, — Aoiit, 5 


66 V. AUDOUIN. — Sur da Pyrale de la vigne. 


Le Conseil Municipal d'Argenteuil a pris une délibération 
semblable, dans sa séance du 14 août dernier. 

Or, l'Académie des Sciences ne se méprendra pas sur le motif 
qui me porte à relater ces faits; ce n'est certes pas pour m'en 
prévaloir, car j'ai eu soin de dire combien j'avais été aidé par 
les propriétaires, qui se prêtaient à mes expériences, ou qui ex- 
périmentaient eux-mêmes. Mais il est bon de citer de tels exem- 
ples, afin qu'ils profitent, et pour que, forts de cet assentiment 
des hommes éclairés, les Vignerons se décident à agir, ou du 
moins qu'ils n'apportent pas aux bonnes méthodes qu'on leur 
oppose des obstacles toujours fort difficiles à vaincre. 

En effet, il faut avoir lutté de toutes ses forces contre la su- 
perstition qui ferme les yeux, contre l’apathie qui se croise les 
bras, contre l'ignorance qui refuse d'agir et contre l’intérêt sor- 
ide, qui n’a pas honte de spéculer sur la misère publique, en 
présentant comme appt la découverte d’un secret ; il faut, dis-je, 
avoir eu à combattre dans toutes ces circonstances, pour com- 
prendre quelles nombreuses entraves on rencontre, lorsqu'on 
cherche à opérer un peu de bien. Y est-on enfin parvenu et la 
confiance est-elle gagnée, on la voit quelquefois disparaître au 
moindre prétexte. 

Aussi pensons-nous que, dans des questions de cette impor- 
tance, on ne doit prononcer que de graves paroles, et ne produire 
que de graves écrits. Ceux qui, sous Le couvert de la science, se 
laisseraient inconsidérément entrainer.à jeter la défaveur sur 
des faits bien constatés, sans être en mesure de les combattre 
par de nouveaux faits, seraient plus blàämables qu’on ne le 
pense, car ils fourniraient de nouvelles armes à l'ignorance et 
au charlatanisme. qui ne manqueraient pas de s’en emparer et 
d'en faire bientôt usage: la première pour résister, le second 
pour agir. 

Cette sage réserve dont j'aurais voulu qu'on eût usé dans ces 
tristes circonstances, je me la suis imposée à moi-même, lors- 
qu'il s'est agi d'étudier le fléau qui afflige si profondément les 
populations du Mäconnais, et je ne dévierai pas de cette route, 
maintenant que Je vais traiter d'Argenteuil. 

La commune qui porte ce nom a été, on ne le sait que trop, 


V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 67 


ravagée par la Pyralede la vigne depuis un grand nombre d’années. 

Quelle est la cause de cette triste préférence que lui accorde 
l'insecte ? Pourquoi est-il cantonné là et non pas également ré- 
pandu dans toutes les autres Vignes des environs de la capitale? 
Et par quelle singulière analogie les localités de Romanèche et 
des Thorins sont-elles exactement dans le même cas, par rapport 
aux autres vignobles des environs de Mâcon ? 

Puis, lorsque le mal s’est montré, comment arrive-t-il qu'il 
sévit pendant 2, 3, 4, 5 et 7 ans, à tel point que l’on serait tenté 
de croire que ces chiffres représentent autant de périodes, si 
bientôt le fléau échappant à toute prévision, ne dépassait le 
terme extrême qui lui était assigné ? 

C’est ainsi qu'on a cru long-temps dans le Mâconnais, que la 
Pyrale était tout au plus septennale, et qu'il a fallu abandonner 
cette lueur d'espérance, lorsqu’en 1832 on a vu que le terrible 
fléau, qui datait déja de 1827, ne cessait pas encore ses ra- 
vages; ils ont continué jusqu’aujourd’hui, c’est-à-dire durant 
onze années consécutives ! Enfin on a constaté à certaines épo- 
ques sa disparition instantanée, puis on l’a vu reparaitre à des 
intervalles plus ou moins éloignés. 

Ces phénomènes curieux se rattachent à des causesinconnues 
jusqu'ici, et que sans doute nous ignorerons long-temps, si ce 
n'est toujours. Leur étude est difficile, délicate à traiter, et ce- 
pendant on ne saurait la négliger. Je m’en suis donc occupé; 
mais avectoute la prudence que commandent de telles questions. 

J'entrerai pour le moment dans peu de détails sur ce sujet ; je 
dirai seulement que jar son aspect topographique, le territoire 
d'Argenteuil offre une analogie frappante avec les principales . 
communes qui, dans le Mäconnais, sont infestées par la Pyrale. 
Dans les unes comme dans l’autre on voit, versle nord, une chaîne 
de montagnes où de collines qui longent le territoire, et s’élè- 
vent dans cette direction comme le mur d’un amphithéâtre. 
En avant est une plaine regardant à-la-fois l'est, le sud et l’ouest 
et qui, légèrement ondulée ou bien relevée en monticules sur- 
baissés, présente les ceps de Vigne à toutes les expositions. Plus 
loin une rivière, ici la Seine ; là-bas la Saône, qui coule vis-à vis 
les cantons vignobles, et au-delà de laquelle cesse la culture en 


5, 


+ 


68 V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


grand de la Vigne. Dans le Mâconnais tout cela se montre sur 
une grande échelle; on le voit en miniature à Argenteuil. 

Quelques autres faits que je ne manquerai pas de signaler, 
donneront à réfléchir sur d’autres points de ressemblance qui 
se remarquent dans ces deux vignobles. C’est ainsi qu'à Argen- 
teuil et dans le Mäconnaisil existe certaines localités, qui ont la 
triste réputation d’être en quelque sorte les foyers de l'infection. 
Elle diminuera sensiblement ailleurs, elle cessera même entière- 
ment.que là elle persistera encore. Ces lieux où le fléau paraît 
ainsi se confiner, et d’où il semble ensuite partir sont, dans le 
Mäconnais, la commune de Romanèche, et à Argenteuil, les can- 
tons dits de Coudray et de Soulzard. On conçoit qu'ils devront 
être l’objet d’une surveillance plus-spéciale. 

Une autre coïncidence assez curieuse, c'est que dans les 
deux.pays, l’Insecte, dit-cn, n'attaque que rarement les Vignes 
qui s'élèvent sur le penchant de la chaine principale des 
montagnes ou des coteaux ; il n’y arrive qu'après que le mal a 
régné pendant une assez longue suite d'années. 

C’est encore un fait bien remarquable que cette espèce de 
prédilection que montre la Pyrale dans ces deux vignobles pour 
les Vignes à raisins noirs, tandis qu’elle respecte générale- 
ment les Vignes à raisins blancs. J'en ai vu dans le Mäcon- 
nais des exemples bien frappans : non-seulement des Vignes 
entières de raisins blancs étaient restées intactes, à côté des 
Vignes les plus ravagées ; mais quand par hasard un cep, por- 
teur de grappes blanches, se trouvait au milieu de ceps à raisins 
noirs, il était souvent préservé ou tout au moins fort peu en- 
dommagé. 

L’insecte paraît avoir une répugnance plus grande encore 
pour s'établir dans les Vignes cultivées en treille. On peut même 
dire qu’elles en sont toujours à l'abri, quelle que soit d’ailleurs 
la qualité du raisin. : 

Ajoutons enfin, comme dernier trait de ressemblance, que 
l'espèce de Papillon qui, à l’état de Chenille, occasionne tant 
et de si profonds ravages, est bien certainement la même dans les 
deux pays ; qu’elle a les mêmes mœurs, le même genre de vie; 
qu'elle nuit à la Vigne de la même manière; qu’elle se montre au 


v. AUDOUIN, — Sur la Pyrale de la vigne. 69 


même moment, et qu’elle semétamorphose à-peu-près aux mêmes 
époques; en sorte, qu'étudier l'insecte aux environs de Paris, 
c’est bien comme si on allait l’étudier dans le Mâconnais. Mais 
ce qui est vrai, et pourrait être jugé indifférent pour l'Histoire 
naturelle de l’insecte, est-il également vrai et indifférent lors- 
qu'il s’agit de faire une application de ces connaissances à l’Agri- 
culture ? En d’autres termes, ce qui est possible pour les culti- 
vateurs d'Argenteuil, sera-t-il possible pour les vignerons du- 
Mâconnais; et par contre, ce qui est exécutable là-bas le sera-t-il 
ici? Ne pourrait-il pas ensuite arriver que l'on rencontrât, dans. 
le mode de culture, des pratiques qui missent en défaut quelques 
moyens généraux que l’on aurait imaginés pour remédier au mal, . 
tandis que telle ou telle de ces pratiques fournirait chacune. 
une ressource précieuse, qui leur serait ex clusivement applicable? 

C'était là une distinction qu'il était peut-être important de 
faire. 3 

Et pour ne nous arrêter iei qu'à la dernière partie de la ques- 
tion que nous venons de soulever, hâtons-nous de dire qu'il 
existe en effet pour la culture des Vignes d'Argenteuil , une pra- 
tique qui est inconnue dans le Màconnais et le Beaujolais; je 
veux parler du soutien des Vignes par des Echalas. (r) 

Chaque cep de vigne de nos environs recoit, comme on sait, 
avant l’époque du bourgeonnement, ce hideux, mais utile tuteur, 
sans lequel lessarmens et les grappes traîneraientbientôt'àterre, 
à cause du peu d’élévation du tronc au: dessus du sol. Au con- 
traire, les Vignes du Mâconnais ont une tige robuste de laquelle 
partent de forts rameaux qui, au nombre de trois ou de quatre, 
et ménagés chaque année par la serpe du vigneron, atteignernit en. 
s'élevant 2 ou 3 pieds, et suffisent pour soutenir les jeunes. 
pousses de l’année avec les grappes, qui pendent à leur base. 

La vendange faite , on enlève chez nous les échalas, on les 
réunit en tas et on les laisse sur place, jusqu’à ce qu'on les em- 
ploie de nouvean au printemps suivant. 

Or, j'étais loin de me douter que ce mode particulier de cul- 


(1) On se sert Lien, dans le Mâconnais et le Beaujolais, de quelques bouts de bois que 
l'on nomme Paissaux, mais on ne les emploie que provisoirement et pour soutenir les tres 
jeunes vignes, 


70 v. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


ture avait une liaison intime avec la présence du fléau, qu'il 
pourrait contribuer puissimment à l'entretenir et à le propager. 

Je n'avais pas voulu me rendre dans le Mäconnais, avant 
d’avoir examiné l’état des choses aux environs de la capitale, ne 
fût-ce que pour avoir un point de comparaison dans mes re- 
cherches, auquel je pourrais recourir au besoin ; et d’ailleurs 
cette visite était devenue pour moi un devoir, la Société royale 
et centrale d'Agriculture m’ayant invité à merendre surles lieux, 
afin d'étudier le mal et de lui en rendre compte. J'allai donc à 
Argenteuil, le mardi premier août, qui était la veille de mon dé- 
part ; j'étais accompagné de M. Brullé, secrétaire de la Société 
entomologique. J'y trouvai réunis et nous attendant M. Rebaud, 
maire, M. Recappé, membre du conseil général du département, 
et MM. Colas, Bast et Chevalier, tous propriétaires de vignobles 
importans , et ha: iles cultivateurs. 

Nous employàmes en compagnie de ces messieurs une jour- 
née à cette excursion, et le soir même, à mon retour, je trans- 
crivis comme d'habitude sur mon joureal le résultat de cette 
course. 

Je prierai l'Académie de vouloir bien permettre que je lui 
donne lecture de ce passage, je n’y vois absolument rien à chan- 
ger, le style même fera mieux saisir les faits que je desire con- 
stater ;ilpeindra plus exactement l'impression que j'en éprouvai, 
et peut-être, à cause de cela, serai-je mieux compris. 

« Nous pénétrons dans l+ vignoble sans que, d’abord, notre 
examen se porte sur rien en particulier. Pendant long-temps 
nous sommes frappés de l'aspect de dévastation de l'horizon qui 
nous entoure. (Cependant au fur et à mesure que nous mar- 
chons, nos yeux se familiarisent avec les objets peu variés de ce 
tabieau; nous commençons à distinguer quelques différences 
entre ces Vignes ravagées; elles ne le sont pas toutes également, 
et cela au lieu même des plus grands dégâts; souvent nous re- 
connaissons que dans un même champ plusieurs des ceps sont 
dévorés par la Pyrale, tandis que d’autres le sont infiniment 
moins. Ici les ceps épargnés sont clair-semés, là ils sont réunis 
en plus grand nombre et constituent une portion que l’on peut 
dire saine, comparativement à une autre portion infestée qui 


V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. mé 


lui est contiguëé; et cependant c’est une même Vigne, elle ap- 
partient à un même vigneron, elle est sur un sol de même na- 
ture, la qualité, l’âge de la Vigne sont les mêmes; aucun chemin, 
aucun sillon particulier ne sépare ces deux portions dont l’as- 
pect est si différent. Tout le monde est d'accord pour recon- 
naître ces différences, chacun les signale à son tour; quelquefois 
elles sautent aux yeux. Nous avançons toujours et cette obser- 
vation se répète si souvent que nous jugeons tous qu’elle ne 
peut ètre l'effet du hasard. Nous en cherchions la cause sans 
rencontrer d'explication satisfaisante, lorsque, jetant les yeux 
sur les échalas auxquels étaient liées ces Vignes, je crus recon- 
naître que le plus ou moins bon état de ces Vignes coïncidait 
avec certaines qualités de ces supports. Là où les échalas étaient 
de bois neuf, c'est-à-dire n’ayant pas encore servi, la Vigne qui 
les embrassait était dans un état sensiblement meilleur que là 
où les échalas ne satisfaisaient pas à cette condition; et il était 
facile de constater la nature des tuteurs, les uns ayant la cou- 
leur jaune particulière à l’aubier récemment mis à nu, les au- 
tres ayant acquis une teinte plus ou moins grise que leur donne 
la longue exposition à l'air. 

« Une fois notre attention éveillée sur ce point, nous reconnü- 
mes bientôt que la règle était générale, ou du moins nous n’y. 
pümes trouver que de très rares exceptions. 

« Cependant l'étude que j'avais précédemment faite en 1836 des 
mœurs de l’insecte, me donna aussitôt la clef ge cette curieuse 
coïncidence; mais je crus devoir y réfléchir encore avant de 
faire part de mon opinion aux cultivateurs qui m'accompa- 
gnaient : J'avais à gagner leur confiance et je ne voulais rien 
hasarder; je préférai donc attendre que de nouveaux faits en 
rendissent la démonstration plus facile. 

« Nous poursuivions notre course et à chaque instant de nou- 
velles remarques venaient confirmer l'exactitude de la remarque 
premiere, lorsque nous arrivämes à une plantation de Vignes 
qui se montrait sous un aspect bien différent des autres. T'herbe 
y poussait et y était tres haute entre les rangs de ceps, dont 
aucun n'était garni d’échalas. Je m’enquis de la cause de cet 
état; cette Vigne , me dit-on, appartient à un individu peu sou- 


72 V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


cieux de ses intérêts et qui, d’ailleurs, découragé par le peu de 

dédommagement qu'il attend de son travail, a renoncé à faire à 

sa Vigne les façons de labour et autres qui sont jugées nécessaires 
our favoriser la végétation. 

« Et, cependant, malgré l’état de maigreur des. jets de année, 
nous fûmes surpris de voir que les feuilles qui, du reste, avaient 
une chétive apparence, étaient peu ou point rongées , et que 
les grappes, bien que petites et faiblement garnies de grains, se 
montraient intactes! Comme cette Vigne était sur un bon ter- 
rain, chacun se récriait sur cette négligence, et disait que si elle 
eût été soignée et munie d’échalas elle fût devenue fort belle. 
« Oui et non, me permis-je de dire, suivant que l'on en aurait 
mis de neufs ou de vieux ». C'était entrer dans l'explication du 
fait et je m'exerçais encore à faire trouver le mot de l'énigme, 
lorsqu’un des assistans me dit : « Je crois enfin le tenir et voici 
« mon idée; les jeunes Vers qui éclosent au mois d'août et qui 
« aussitôt après être sortis de l’œuf recherchent un abri, ne le 
« prennent pas tous, comme on l’a cru, comme nousle croyions 
« nous-mêmes, sous l'écorce du tronc de la Vigne ; ils en trouvent 
« un tout aussi assuré et d’un accès souvent plus facile dans les 
« fissures et les fentes des échalas, et voilà bien ce qui nous expli- 
« que comment il se fait que les vignes munies d'un échalas de 
« bois neuf et n'ayant pasencoreser vi, sont toujours infiniment 
« moins attaquées que celles qui sont soutenues par un tuteur 
« qui a été employé au même usage l'année précédente. Lors 
« donc qu’au printemps nous repiquons ceux-ci aux pieds de nos 
« Vignes prêtes à végéter, nous venons, bien maladroitement sans 
« doute, leur apporter une certaine dose d'infection et peut-être 
« ajoutons-nous beaucoup au mal ». 

« La personne qui s’exprimait ainsi, était M. Recappé, l’un 
des habitans les plus distingués du département de Seine-et- 
Oise et membre du conseil général. » 

Il est presque inutile que j'ajoute au récit de mon journal 
qu'il avait deviné juste. 

« Tous les cultivateurs présens admirent cette explication, et 
chacun cita des faits qui venaient la corroborer et qui s'étaient 
mille fois offerts à eux dans leur pratique. » 


' 4 3 


V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 73 


« Mais bientôt il se présenta un exemple frappant et qui était 
de nature à convaincre les plus incrédules. 

« On sait qu'après la vendange on enlève les échalas'et qu’on 
les réunit en tas sur chaque champ pour les ÿ prendre au prin- 
temps et les repliquer. Or la pièce de Vigne que nous exami- 
nions avait ses échalas de lan dernier ainsi réunis et pêle-mêle. 
Nous nous en approchämes et nous fümes témoins d’un fait 
curieux. 

« J'ai dit combien nous avions été surpris de trouver dans ce 
champ, presque inculte, des Vignes à peine mangées. Nous le 
fûmes bien davantage par le contraste que nous offrit la portion 
de Vigne qui avoisinait le tas d’échalas. On peut dire que Rà 
toutes les feuilles étaient flétries ou mangées, à tel point qu'il 
n'en restait plus guère que le pétiole. 

«Ces ceps, au nombre d’unesoixantaine, formaient autour du 
tas une zone-brune qui pouvait avoir en diamètre et à partir du 
tas d’échalas quatre à cinq pieds. Plus on s’éloignait du point 
central, moins les Vignes étaient ravagées et, à la distance de 
dix pieds seulement , elles se montraient presque intactes et dans 
ce bon état qui avait arrêté notre attention. 

« Cette observation était concluante, la cause était là entourée 
de ses effets. Toutefois elle nous laissait dans le doute sur la 
place qui avait été occupée dans les échalas par les petites che- 
nilles. S’étaient-elles logées indistinctement dans toute leur 
longueur? 

« Un nouveau ca du même genre vint nous éclairer sur ce 
point. . ! 

« Parmi divers champs, dont les tuteurs n'avaient pas été repi- 
qués, nous en rencontrâmes un qui nous offrit quatre tas où ils 
étaient très soigneusement rangés; toutes les pointes ou les par- 
ties susceptibles de s’enfoncer en terre étaient tournées dans 
le même sens et par conséquent les sommets étaient tous diri- 
gés en sens opposé. Le voisinage de ces tas offrait aussi des si- 
gnes non équivoques de la présence de la Pyrale; mais au lieu 
qu'un cercle complet de Vignes dévastées s'étendît autour d'eux, 
on observait à chacun un demi-cercle qui, formé par une 
vingtaine de ceps rongés, partait des côtés du tas un peu au- 


94 V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


dessous du milieu de la longueur des échalas, contournait la 
petite face du tas formée par toutes les pointes et allait aboutir 
assez exactement au côté opposé. Chacun des quatre tas offrait 
cette espêce de demi-lune toujours tournée vers le même point. 
Au contraire, il y avait à peine des traces de dévastation dans le 
voisinage de la petite face qui montrait tous les sommets des 
échalas réunis. 

« Les jeunes chenilles hibernaient donc dans la partie infé- 
rieure de l’échalas plutôt que dans la supérieure. 

« On peut déduire de cette observation une autre conséquence, 
c'est que les petits Vers qui, au sortir des échalas, se sont jetés 
sur les Vignes voisines et Jes ont rongées plus que d’ordinaire, 
n'ont pas eu la faculté, sous cet état de larve, de porter au loin 
leurs ravages, puisque les dégâts qu’ils ont causés se sont trou- 
vés circonscrits:dans le voisinage de leur lieu d’hibernation, 
vis-à-vis de ce point, et de manière à en marquer, en quelque 
sorte la limite comme avec un compas, Nous en acquimes bien - 
tôt la preuve, et cette preuve vint encore nous fournir un nou- 
veau fait. 

« Le hasard nous conduisit à deux petites portions de terre de 
quinze à vingt pieds carrés environ; l’une était plantéeen luzerne 
et l’autre en pommes de terre. Au centre de chacune étaient 
réunis en tas quelques échalas restés par une cause quelconque 
sans emploi, Près de ces pièces de terre se voyaient des Vignes; 
nous nous arrêtämes à les examiner, elles étaient moins man- 
gées que d’autres, circonstance accidentelle peut-être et à la- 
quelle nous ne dümes pas nous arrêter; mais ce qui eut lien de 
nous surprendre, c’est que les bords de ces Vignes, qui n'étaient 
séparées que de quelques pieds du tas d’échalas, n'avaient nul- 
lement souffert de ce voisinage. Nous allions en conclure que 
ces supports n'avaient pas contenu de chenilles, lorsque nous 
fûmes détournés de cette supposition, par l'aspect que nous 
présentaient les luzernes et un peu plus loin les pommes de terre. 
En effet ces luzernes et ces pommes de terre, dans la partie qui 
entourait les échalas , avaient leurs feuilles rongées; et main- 
tenant que nos yeux étaient exercés à la vue de ce phénomene, 
nous reconnünies les traces de la zone de dévastation que nous 


V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 7h 


avons signalée. Toutefois la végétation avait depuis quelque 
temps repris le dessus et comme nous ne trouvämes plus aucune 
larve nous en conclümes que peut-être ces plantes avaient four- 
ni à leur nourriture pendant les premiers temps de leur exis- 
tence; mais qu’ensuite elles avaient péri, si ce n’est toutes, au 
moins le plus grand nombre (1). Toujours nous parut:l certain 
qu’elles n'avaient pas abandonné cette nourriture insolite pour 
se jeter en masse sur les Vignes voisines, l’état de ces vignes ne 
permettaient pas de l’admettre, et cependant elles n’en étaient 
séparées, avons-nous dit, que de quelques pieds. » 

Tels sont les faits que je trouve consignés dans le registre de 
mes observations et que sont venues confirmer depuis des re- 
cherches pl us directes. 

Ainsi je me suis assuré plus positivement encore qu'il n’en 
était pas des Larves de Pyrales comme de certaines chenilles ; 
qu’elles n’avaient pas la faculté de se porter à de grandes dis- 
tances ; et cette heureuse circonstance m'a fourni un puissant 
argument pour faire adopter la Cueillette des œufs ; plusieurs 
cultivateurs ne s’y étant décidés que lorsqu'ils ont eu l'assurance 
qu'après avoir purgé leur Vigne ils n'auraient pas ou fort peu 
à souffrir de la négligence de leurs voisins. 

J'ai aussi, et dès que la saison me l’a permis, cherché à ac- 
quérir la certitude plus complète encore que les petites che- 
nilles de Pyrales au sortir de l'œuf se réfugiaient en grand nom-" 
bre dans les échalas. Il ne m'a pas été difficile de les y voir, et 
comme j'ai voulu que l'Académie s’assurât du fait par elle-même, 
j'ai facilement trouvé moyen de l'en rendre témoin en rappor- 
tant de l’une de mes courses à Argenteuil quelques échantillons 
pris au hasard et qui portent avec eux la démonstration. En les 
examinant avec soin on verra que chaque petite larve, pour éta- 
blir son quartier d'hiver, a choisi souvent un petit éclat de bois. 
Füt-il étroit comme une épingle, il suffit pour l’abriter. Souvent 
même plusieurs se placent en série sous cette esquille, et lorsque 


(1) M. de Voluet , avoué à Mäcon et qui s’est occupé avec beaucoup de zèle de la question 
de la Pyrale, a observé que les chenilles de cette espèce pouvaient se nourrir exclusivement de 
feuilles de Pomme de terre, lorsqu'on les privait des feuilles de Vigne qu'elles leur préferent. 

“Je relaterai ailleurs et plus au long ce fait curivux. 


76 V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


l'éclat de bois est plus grand elles s'y réunissent en plus grand 
nombre, à côté les unes des autres. J'en ai compté jusqu’à 72, 
sur une surface de moins d’un centimètre carré ; cet exemple 
est un de ceux que je mets sous les yeux de l’Académie. 

On peut voir même à l'œil nu que chaque petite chenille, lon- 
gue de deux millimètres environ, a eu le soin de se filer un petit 
cocon soyeux qui doit la protéger pendant les 9 mois de son 
hibernation (1). Je dirai ailleurs comment et quand elle le forme. 

Dans cette notice , j'ai dû me bornuer à parler des faits qui 
pouvaient avoir un rapport plus direct avec les procédés futurs 
de destruction, et l'on comprend que c’est pour cela que j'ai 
autant insisté sur la présence des Vers dans les échalas; non pas 
que je prétende que la totalité ou la plus grande partie des che- 
nilles s’y réfugient de préférence au cep de vigne (cela est cepen- 
dant vrai dans plusieurs cas), mais le nombre de celles qui s’y 
cachent ne füt-il que le quart , que le cinquième de la quantité. 
totale, ce serait beaucoup que de pouvoir par un procédé quel- 
conque anéantir ce quart ou ce cinquième. En effet, je ferai. 
peut-être comprendre bientôt que le succès est quelquefois as- 
suré, par cela même qu’à une certaine époque on a su réduire 
le mal dans de plus étroites limites. 

Maintenant, quel moven devra-t-on employer pour faire périr 
les vers nichés dans les supports? La réponse pourrait paraître fa- 
cile, s’il n’y avait pas cette condition d'économie et de temps à 
laquelle il faut satisfaire. Puis il en est une autre qui n’est pas 
moins importante à remplir : les échalas servant de refuge aux 
Jeunes chenilles sont devenus pour nous, dès le moment où ce 
fait a été connu, des espèces de pièges. On devra se les ménager, 
et par conséquent ne pas leur faire subir une opération qui les 
rendrait inaptes à cet usage. La question se trouve donc ainsi 
compliquée et mérite qu’on y réfléchisse. (2) 


(3) Tous les membres présens a l’Académie ont vérifié le fait et plusieurs en soulevant 
des petits éclats ont découvert eux-mêmes de nouvelles nichées. 

(2) Je me suis arrêté à deux moyens que M. le ministre du commerce et de l'agriculture dési- 
rera, j'espère, qu'on expérimente en grand et comparativement. Ces deux moyens sont : le 
premier, de faire passer les échalas au four, le second, de les soumettre à la vapeur. “ 

Outre qu'il y aurait justice à eutrepreudre quelque chose pour la commune d'Argenteuil, 


V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de La vigne. ‘77 


Admettons qu'on ait fait choix d’un procédé et qu’il ait réussi : 
devrait-on borner là ses moyens d'attaque ? Nous sommes loin 
.de le penser. À Argenteuil et dans le Mäconnais la Cueillette des 
œufs devra être considérée comme la méthode la plus efficace. 
Elle est aussi jusqu’à présent la plus facile , et j'ai la satisfaction 
d'annoncer que telle est aujourd'hui la conviction des princi- 
paux propriétaires de nos environs. S’étant bien mis au courant 
de la question, ayant suivi avec soin tout ce qui a été dit et fait 
pour l’éclairer, ils ont aujourd’hui la ferme confiance qu’en em- 
ployant et préconisant ce moyen ils arriveront à maitriser le 
fléau dans leurs Vignes. Ils espèrent qu'aucune démarche mé- 
chante et intéressée ne venant entraver leurs tues philanthro- 
piques ils pourront, comme on le fait en ce moment dans le 
Mâconnais et le Beaujolais, organiser sur toute l'étendue de la 
commune une association qui nommera une commission com- 
posée des plus notables habitans et propriétaires, lesquels se- 
ront chargés de préparer, proposer et même arrêter toutes les 
mesures. qui leur paraîtraient utiles. 

Au nombre de ses mesures on se propose pour l’année pro- 
chaine de faire effectuer en grand la cueillette des œufs. 

Cependant quelques personnes ont paru craindre que l’enle- 
vement des feuilles ne compromit la récolte actuelle et ne füt 
même nuisible au cep de Vigne. Je ne sache pas que ce soit des 
praticiens qui aient manifesté cette crainte; elle n’est nullement 
fondée, et dans le Mäconnais l'opinion est tellement unanime 
sur ce point, que je n'avais pas cru devoir en parler dans le ré- 
sumé de mes expériences; en effet, ce serait une bien fausse idée 
que de croire qu’une Vigne purgée des œufs de Pyrales par l’en- 
lèvement des feuilles est une Vigne dépouillée de ses feuilles. 


cela serait d'autant plus utile que je me suis assuré que les échalas ne renfermaient pas seule- 
ment les petites larves de la Pyrale, mais qu'ils donnaient abri à divers insectes particulière 
ment au ver rouge qui, celte année, a détruit. le peu de raisin que la pyrale avait épargné. Ce 
ver rouge est une chenille qui se nourrit du grain même et produit ce qu'on nomme vulgaire- 
ment la Ipourriture. Le papillon dans lequel elle se métamorphose est une espèce de teigne que 
Bos'a désignée sous le om de teigne de la vigne. Je me suis occupé de l'étude des mœurs 
de cel autre ennemi de la Vigne non moins redoutable que la Pyrale; j'en trailerai dans un 


mémoire spécial. 


78 V. AUDOUIN. — Sur la Pyrale de la vigne. 


J'assure que l'opération faite et bien faite, il n’y paraît pas. D'ail: 
leurs à quelle époque a lieu la cueillette ? Au mois d’août, c'est 
à-dire alors qu'on ne craint pas de dégarzir la Vigne; car le 
précepte veut que dans ce temps on l’émonde, et la plupart des 
vignerons ne manquent pas de le mettre en pratique. Ne cher- 
chons pas cependant à combattre ces craintes; allons même jus- 
qu’à les partager un moment; n'est-il pas évident qu’on pourrait, 
comme l’ont constamment fait certains propriétaires de Romanè- 
che, se borner à arracher la portion de la feuille qui montre des 
plaques d'œufs ? Cela n’est pas plus long; puis, ce qui serait plus 
rassurant, plus expéditif encore, ce serait de se borner à les écra- 
ser en frottant dessus avec le pouce; la chose est très facile. Mais, 
veut-on savoir pourquoi dans le Mäconnais ce moyen a été re- 
jeté, c’est que l’enlèvernent des feuilles est une sorte de récolte; 
le vigneron, la femme ou l'enfant qui ont leur tas, qui y ajoutent 
sans cesse, voient devant eux et à chaque instant le produit de 
leur peine ; il s'établit bientôt une sorte de rivalité. Celui-ci est 
jugé plus habile , il s’en fait gloire, et si le propriétaire paie la 
besogne, chacun est rétribué selon son travail. Le simple écra 
sement des œufs, qui serait plus prompt, n'aurait pas ces avanta- 
ges, et j'en ai dit assez pour que l’on juge que ces avantages sont 
immenses. 

L'Académie surtout appréciera ces raisons, et elle compren- 
dra aussi, J'espère, comment de tous les moyens proposés la 
cueillette des œufs, qui ne demande que la main-d'œuvre, a 
obtenu la préférence. Sans doute on le dira, et déjà on l’a dit : 
il est très simple. Je l’accorde, et c’est parce qu'il est tres simple 
que j'espère le voir bientôt généralement adopté. 

C’est aussi son extrême simplicité qui pourrait faire trouver 
étrange qu'on ait été si long-temps à le proposer et à le mettre 
en pratique, et cependant lisez les nombreux mémoires écrits 
sur ce sujet, à commencer par Bosc, qui ne connaissait même 
pas les œufs, et par Roberjot, qui les plaçait au revers inférieur 
des feuilles, tandis qu’ils sont constamment appliqués sur la face 
supérieure. Consultez ensuite les rapports des Sociétés savantes, 
vousnetrouverez pas qu'il y soit fait la moindre mention du pro- 
cédé, et lors même qu'on viendrait à découvrir que quelque 


G. MAGNUS. — Sur la théorie de la respiration. 79 


auteur obscur en aurait parlé, l’état des choses serait-il pour 
cela différent? Aurait-on fait usage du précepte ? Car, on le 
conçoit, il ne s’agit ici pour personne, ni pour moi surtout, 
d'une vaine question de priorité; et si je crois essentiel d'établir 
que le moyen essayé aujourd'hui n'a été mis nulle part encore 
en pratique, du moins en grand , cest uniquement pour mon- 
trer qu'il n’a pas été dans le cas d’être abandonné , soit à cause 
de son insuffisance, soit ave qu'on l'aurait jugé impratcable: 


J'en tire cette conclusion : qu’ on doit conserver à son égard 
toute la confiance qu'il inspire. 


Dr La PRÉSENCE de l'origène, de l'azote et de l'acide carbo- 
nique dans le sang, et sur la théorie de la respiration, 


Par M. Gustave Macxus. (1) 


Si l'on compare entre eux les résultats des recherches faites 
sur la respiration et principalement sur la formation de l'acide 
carbonique expiré, on est étonné des contradictions frappantes 
qu'ils présentent. 

Ce que lun prétend avoir trouvé, l’autre soutient avoir vu 
le contraire, et par suite, les théories les plus opposées ont été 
émises à ce sujet. Il serait inutile d’en faire ici l’histoire com- 
plète : les traités de physiologie les plus récens contiendent 
d’ailleurs sur ce fait des détails tout aussi minutieux qu’on peut 
les desirer. La formation de l’acide carbonique a-t-elle lieu dans 
les poumons mêmes, par l’oxidation d’une partie du carbone, 
du sang, en présence de l’oxigène de l’air; ou bien le sang vei- 
neux , quand il arrive dans les organes de la respiration, con- 


(x) Ce travail, d’un haut intérêt pour la physiologie, a été publié dans le journal alle 
mand de Poggendorf (tome 40, 3° partie), et traduit par MM. Haff et Martin dans lé recueil 
publié par ce dernier sous le titre de Répertoire de chimie (cahier d'août 183% ). 


80 G. MAGNUS. — Sur la théorie de la respiration. 


tient-il déjà l'acide carbonique tout formé, de telle maniere que 
ces derniers n’aient plus qu’à en opérer la séparation? Voilà où 
_en est encore la question et le problème qu'il s’agit de résoudre, 
de manière à ne plus laisser aucun doute. 

Dans la plupart des recherches déjà faites sur ce sujet, on n'a 
pu parvenir à isoler l'acide carbonique du sang veineux, ni à 
l’aide de la machine pneumatique, ni à l’aide de la chaleur. Ce 
qui fit généralement admettre que la formation de ce gaz n'a- 
vait lieu que dans les poumens ; et cette manière de voir avait 
pour elle tant de probabilité que l'opinion contraire fut regar- 
dée comme basée sur des faits inexacts. : 

Les dernières expériences tentées pour isoler du sang veineux 
l'acide carbonique qu'il pouvait contenir, sont dues à MM. Gme- 
lin, Mitscherlich et Tiedemann (1). Ces chimistes recueillirent 
du sang veineux sous le mercure, sans qu’il eût le contact de 
l'air, puis ils introduisirent sous la machine pneumatique l'é- 
prouvette qui le contenait. Par la soustraction de l'air, le mer- 
cure baissa et le sang avec lui, en sorte qu’il se produisit un es- 
pace vide au-dessus de la surface de ce dernier. Quand, plus 
tard, ils laissèrent remonter le mercure dans l’éprouvette, le 
sang remonta aussi et le vide disparut. Ils conclurent de là que 
le sang veineux ne contenait pas d’acice carbonique libre. 

Cependant , ayant répété l'expérience, après avoir ajouté au 
sang un peu de vinaigre, ils obtinrent de l'acide carbonique qui 
subsista même après la rentrée de l'air dans la machine pneuma- 
tique : ce qui leur fit admettre qu'il y avait bien dans le sang 
de l'acide carbonique, mais qu’il y était combiné avec de la 
soude. 

Quoique ces expériences parussent prouver d’une maniere 
concluante que l’acide carbonique prenait naissance unique- 
ment dans les poumons , MM. Stevens (2) ey Hoffmann (3) s'é- 
levérent contre cette hypothèse et obtinrent de l'acide carbo- 
nique par l'agitation du sang veineux avec l'hydrogène. 


(x) Poggendorfs Annal, Band xxxt, pag. 250. 
_ (2) Observations on the Blood, by W. Stevens. London , 1852. 
(3) London Hydical Gazet, 1833. 


| 


6 


—— —  _——— 


MAGNUS. — Théorie de la respiration. 8r 


M. J. Müller(s), de son côté, emprisonna des grenonilles dans 
l'hydrogène, et vit qu'elles ne rendaient pas la plus petite 
quantité d'acide carbonique, tandis que leur sang lui en avait 
fourni ; il déduisit de ces expériences que l'acide carbonique 
existait déjà tout formé dans le sang veineux et ne paraissait pas: 
prendre naissance par oxidation dans les poumons. 

En présence de faits aussi contraires que ceux qui précèdent, 
il devint nécessaire de répéter les expériences de MM. Hoffmann 
et Stevens, ce qui fut entrepris en 1834 par le docteur Bertuch. 
Les expériences furent faites dans mon laboratoire, et on ob- 
tint en effet de l’acide carbonique en faisant passer un courant 
d'hydrogène dans du sang veineux. Mais avant que ces expé- 
riences ne fussent achevées, une mort prématurée vint enlever 
le docteur Bertuch aux sciences qu’il cultivait avec fruit. 

Les résultats obtenus me parurent d’un si grand intérêt, que 
jentrepris de suite de les compléter. 

Je fis passer de l'hydrogène à travers unedissolation de potasse 
caustique pour le priver de l'acide carbonique qu'il aurait pu 
contenir; puis, quand son passage à travers l’eau de chaux ne 
détermina plus de précipité dans ce liquide, le gaz fut conduit 
dans du sang veineux. Il y fit naître une mousse si considé- 
rable, qu’il fallut mettre le flacon dans lequel le sang était con- 
tenu en communication, à l’aide d’un tube de verre, avec un 
autre (vide). Ce dernier servit à recueillir les portions de mousse 
entrainées par le dégagement gazeux, et permit de continuer 
l'expérience sans être obligé de l’interrompre à chaque in- 
Stant, pour attendre que l'écume se füt affaissé. Le gaz, après 
son passage dans le sang, vint traverser de l’eau de chaux, 
dans laquelle il ne tarda pas à faire naître un précipité assez 
abondant. 

La plupart de ces expériences furent faites sur du sang 
d'hommes en bonne santé; car ici une foule de gens du peuple, 
pour un prix très modique, se laissent saigner à volonté. Il fut 
recueilli dans des vases d’une capacité de 100 cent. cubes envi- 
ron , dans lesquels on avait introduit préalablement quelques 


{x) Müllers Handbuch der Physiologie , Band, 1, 322, 
VII, Zoor, — Aoiit. 6 


æ . 
82 MAGNUS. — Théorie de la respiration. 


morceaux de verre cassé. On les tenait le plus près possible de 
la veine ouverte, on les remplissait complètement et on les fer- 
mait immédiatement avec un bouchon bien ajusté, puis on les 
-agitait jusqu’à ce que la fibrine se füt séparée. 

x Pour faire passer dans ce liquide le courant de gaz, on se 
servit d’un appareil semblable à celui décrit ci-dessus. A la place 
que devait occuper le flacon plein de sang, on en mit un vide, 
dont l'ouverture était exactement semblable à celle du vase qu’il 
remplaçait. Puis on fit arriver l'hydrogène dans l'appareil jusqu’à 
ce que l’air atmosphérique en fût chassé. On substitua alors au 
flacon vide celui qui contenait le sang, ce qui n’exigea que 
quelques secondes. Ge liquide n'avait donc été en contact avec 
l'air que pendant son extraction de la veine; or, il est de toute 
impossibilité que si peu de temps ait suffi pour la formation 
d’une aussi grande quantité d'acide carbonique que celle qui fut 
extraite par l'hydrogène. 

Du reste, la même expérience, répétée sur du sang de cheval, 
extrait de l’une des jugulaires et recueilli sous le mercure, donna 
les mêmes résultats. Et que l’on n’aille pas croire que l'hydrogène 
soit pour quelque chose dans l'extraction de l'acide carbonique; 
car si on lui substitue l’azote et qu’on observe du reste les mêmes 
précautions , on obtient également le même résultat. Il est évi- 
dent que si deux gaz de nature aussi différente que ceux-ci, 
mènent constamment au même but, c’est que l’acide carbonique 
existe tout formé dans le sang, et que ce n’est pas dans le pou- 
mon qu'il prend naissance. | 


Je tentai ensuite d'extraire l'acide carbonique du sang à laide 
de la machine pneumatique. Je me servis à cet effet de l’appa- 
reil décrit plus haut, et qui consiste en un flacon cbntenant le 
sang, mis en communication avec un autre destiné à retenir la 
mousse entrainée par le gaz, lequel flacon communique lui- 
même avec un troisième contenant de l’eau de chaux; enfin de 
ce dernier part un tube qui se rend à la machine pneumatique. 
Par la soustraction de l'air, aucun phénomène apparent ne se 
manifeste d’abord ; mais quand le manomètre est descendu à 
un pouce, l’eau de chaux se trouble, surtout si l’on a soin de ne 
faire le vide que lentement. 


nt eee 1 0 Média aie mmntianatitiité 


ea I A os 


- 


MAGNUS. — Théorie de la respiration. 83 


Pour déterminer quantitativement l'acide carbonique extrait 
du sang par l'hydrogène, je fis usage du tube à boule de M. Lie- 
big, instrument d’un si fréquent emploi dans les analyses or: 
ganiques (x). Une seule expérience me réussit bien. Dans toutes 
les autres, le dégagement d'acide carbonique continua jusqu’à la 
putréfaction du sang. Je puis pourtant avancer que la quantité 
obienue équivaut au moins à un cinquième du volume du sang 


employé. Le courant d'hydrogène, entretenu pendant six heures, 
donna : 


sang humain. acide carbonique. 
pour 66,8 0,033 = 16%,6 
59, 8 0, 0255 = 12, 8 
62, 9 0, 044 — 29, 2 


Après vingt-quatre heures (2), temps au bout duquel le sang 
n’avait encore contracté aucune mauvaise odeur, on eut : 


sang. acide carbonique. 


de 66°,8 0°”,0/95 24°°,9 
29, 9 
34, o 


or 
© 
œ 
© 
© 
ER 
Re 
Tr 
AA 


(x), Ce mode d'opérer nécessite quelques précautions indispensables. Quelle que soit la na- 
ture du gaz dont on fait usage, l'hydrogène ou air atmosphérique, si, après l'avoir mis en con- 
tact avec l'eau, on le fait passer à travers une disçolution de potasse caustique (r pour 2 d'eau), la 
vapeur d'eau qu'il contient augmente le poids de la dissolution alcaline, Mais si on le dessèche 
parfaitement à l’aide du chlorure de calcium, en traversant la dissolution, il se charge de va- 
peur d’eau et diminue d'autant le poids de céile-ci, Ce changement de poids est , à la vérité, 
peu sensible, et pour qu'il devienne appréciable , il faut que le passage du gaz ait été long- 
temps soutenu. Aussi ce fait n'est-il pas pris en considération dans les analyses organiques , 
pendant lesquelles , le plus souvent, il ne se dégage que très peu de gaz autre que l’acide car- 
bônique ; mais dans des expériences comme celle dont il est ici question, pendant lesquelles je 
dirigeai plus d’un pied cube de gaz à travers la solution, il me fallut de toute nécessité tenir 
compte de cette circonstance. C’est pourquoi le gaz, à sa sortie du sang, doit traverser un tube 
plein de chlorure de calcium, avant de se revdre dans la dissolution de potasse. Je me suis 
convaincu que si lon fait passer de l'air sec privé d’acide carbonique à travers cet appareil, la 
somme des poids de la potasse et du chlorure de calcium reste invariab'e, seulement celui de 
la première diminue, et celui du second augmente ; il faut done, dans les expériences que l'on 
fait sur l'acide carbonique du sang , en déterminer le poids par l’augraentation qu'ont éprouvée , 
en même temps le tube à potasse et celui à chlorure du calcium. 


{2) Dans cette expérien ce l'augmentation en poids cessa après le temps indiqué. 
6, 


84 MAGNuUs. — Théorie de la respiration. 


En faisant passer dans le sang un courant d'air atmosphé- 
rique ou d’oxigène, j'obtins de même de l’acide carbonique 
dont j'ai cherché à déterminer la quantité; j'ai trouvé presque 
les mêmes nombres que -par l'hydrogène. Ainsi, tandis que ce 
dernier, au bout de 6 heures , m'avait donné : 


Pour 66",8 de sang 0%” ,033 d'acide carbonique, 


L'air atmosphérique pour 62“,o donna 0,043 au bout de 
sept heures. 


Ce qui se rapproche tellement qu’on ne peut rien desirer de 
plus concordant pour des expériences de ce genre. Si ce qui 
précède ne suffit pas, si l'isolement de l'acide carbonique du 
sang veineux par l'hydrogène, l'azote et la machine pneuma- 
tique, ne lève pas tous les doutes, qu’aurait-on encore à ob- 
jecter.maintenant.qu'il est prouvé que la quantité d'acide car- 
bonique est toujours la même, qu’on opère avec l'hydrogène on 
avec l'air atmosphérique? 

Si l'acide carbonique existe tout formé dans le sang veineux, 
sa séparation dans les poumons s’effectue par un phénomène 
analogue à celui qui se produit quand un liquide qui contient 
un gaz quelconque en absorbe un autre pour laisser dégager 
le premier; et alors, à l'acide carbonique expiré sera substitué 
une quantité correspondante d’oxigène, conformément aux lois 
que nous devons à M. Dalton sur l'absorption des gaz par les 
liquides. (1) 

Mais il m’a semblé que dans le cas où ces faits seraient con- 
testés , d’autres preuves ne seraient pas inutiles, et c’est pour 
cela que je me suis occupé de démontrer la présence de l'oxi- 
gene dans le sang artériel. 11 deviendra certain, si la vérité de ce 
fait peut être rendue évidente , que l’oxigène absorbé dans l'acte 
de la respiration n’est pas seulement employé à former directe- 
ment de l'acide carbonique. Cette dernière preuve me parut d’au- 
tant plus indispensable, que l'on aurait toujours pu prétendre, 
comme l'ont fait MM. Gmelin, Mitscherlich et Tiedmann, que 


(1) Voyez le Dictionnaire de Chimie de Poggendorff's et Liebig, art. Absorption, 


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DRE D CR ST hr 


MAGNUS. — T'héorie de la respiration. 85 


Yacide carbonique obtenu à l’aide de l'hydrogène, de l'azote ou 
de la machine pneumatique, provenait de la décomposition 
d’un bi-carbonate de soude existant dans le sang : car M. H. Rose 
a vu que ce sel exposé dans le vide y perd une partie de son 
acide carbonique. De mon côté, j'ai observé que, si l’on fait 
passer à la pression atmosphérique ordinaire un courant d’hy- 
drogène à travers une dissolution de bi-carbonate de soude, 
celui-ci perd une portion de son acide. 

Mais si la quantité d'acide carbonique obtenue par l'hydro- 
gène dépasse de beaucoup celle qu'aurait pu fournir la soude 
contenue dans le sang, en supposant qu'elle y existât à l’état de 
bi-carbonate, ne serait-ce pas une preuve suffisante pour me 
donner gain de cause? J'avoue que, quand il s’agit de renverser 
une hypothèse établie par des hommes aussi distingués que 
ceux que j'ai cités, il faut des preuves irrévocables , et celle-ci 
repose sur des déterminations quantitatives trop peu certaines. 

Quand il s’agit de prouver l’existence de l'oxigène dans le sang 
artériel, il se présente des difficultés sans nombre , et, quoique 
les expériences faites sur ce sujet datent de 1834, ce n’est qu’à 
présent que j'ai terminé l'examen que j'en avais entrepris. Pen- 
dant cet intervalle, les expériences de MM. Hoffman et Stevens 
ont été fortement contestées. M. Théodore Bischoff, professeur 
à l’université d'Heidelberg(r), a publié des expériences qui con: 
tredisent complètement celles de ces derniers (2). Il-résulte de 
ses recherches : 1° que ce que Hoffmann et: Stevens ont an- 
noncé sur le dégagement de l’acide carbonique du sang par 
l'hydrogène et l'azote est confirmé; 2° qu’on obtient de l'acide 
carbonique du sang veineux par le moyen dela machine pneu- 
matique, mais en petite quantité; 3° que les expériences de 
J. Müller sur la respiration des grenouilles dans l’hydrogène 
sont confirmées. Enfin il a répété celles sur la coloration du 
sang par quelques sels. M. Gmelin a confirmé une partie des 
expériences de M. Bischoff, et s’est convaincu de la présence de 


(x) Th, L, W. Bischolf, Commentatio de novis quibusdam experimentis chimico-physico lo- 


gieis ad illustrandam doctrinam de respiratione institutis, Heildelb., 1835. 


(2) aauo, pag. 20. 


1 


86 MAGNUS. — J'héorie de la respiration. : 


l'acide carbonique dans le sang. Enfin , dans les conclusions 
de son travail, M. Bischoff ajoute qu'il faut revenir à la théorie 
de la respiration donnée par MM. Hassenfratz et Lagrange, 
théorie qui consiste à admettre que, dans le poumon, il y a 
simplement séparation de l'acide carbonique déterminée par 
l'absorption de l'air atmosphérique. Mas pour faire admettre 
cette idée l'exposé des théories proposées ne suffit pas, ce sont 
des faits qu'il faut apporter , et surtout des faits concluans. 

Si cette substitution de l’oxigène à l'acide carbonique a lieu 
d’après les lois de Dalton . l'acide carbonique ne doit pas être 
entièrement chassé, et par suite le sang artériel doit en contenir 
aussi. Pourtant M. Bischoff assure qu'il n’en a pas trouvé dans 
ce dernier cas, ce qui me fit entreprendre les expériences qui 
vont suivre. Elles eurent pour but de savoir d’une manière gé- 
nérale quels étaient les gaz contenus dans le sang; s'ils exis- 
taient dans le sang veineux comme dans le sang artériel, et si 
les proportions en étaient les mêmes dans l’un comme dans 
l’autre. Elles me prouvèrent : 1° que l'acide carbonique n'était 
pas le seul gaz contenu dans le sang veinenx , que l’azote et l’o- 
xigène y existaient également ; 2° que le sang artériel contenait 
ces trois gaz comme le sang veineux, mais que les proportions 
n’en sont pas les mêmes. 

Avant d'entrer dans le détuil de ces expériences, il faut que 
Je dise quelques mots sur les causes probables qui ont empêché 
les expérimentateurs qui m'ont précédé dans ce genre de re- 
cherches d'extraire l'acide carbonique du sang : si l'on chauffe 
un liquide contenant un gaz absorbé, le gaz contenu se dégage 
à mesure que la température s'élève ; mais on ne peut le chasser 
entiérement qu’en faisant bouillir pendant long-tempsle liquide. 
Or, c'est ce qui ne se peut faire avec le sang, qui ne tarde pas à se 
coaguler , et alors les gaz s’y trouvent tellement retenus, qu’ils 
ne peuvent en être chassés. Je m'en suis convaincu en prenant 
de l’albumine, que j'ai agitée avec de l'acide carbonique. Elle 
absorba la moitié de son volume de ce gaz; je la mis alors dans 
une cloche courbe complètement pleine de mercure; puis 
l'ayant chauffée, elle se coagula. En même’temps, la vapeur 
d’eau formée fit baisser le niveau du mercure; mais il ne se 


MAGNUS. — Théorie de la respiration. 87 
dégagea rien de plus que de la vapeur d’eau, car par le refroi- 
dissement tout le vide formé disparut. Si, comme le montre 
cette expérience , après l'absorption d’un demi-volume d'acide 
carbonique, l’ailbumine n’a rien laissé dégager à la température 
de sa coagulation, n'est-il pas permis de penser qu’il peut en 
être de même avec le sang? 

Aucun doute cependant que l’on ne puisse extraire des gaz 
du sang, en élevant simplement sa température au point de ne 
pas le coaguler, et c'est à tort que l’on a regardé comme 
inexactes les expériences d2 ceux qui ont publié ce fait. Il est 
encore possible que lorsqu'on voulut l’obtenir à l'aide de la ma- 
chine pneumatique, on n'ait pas fait le vide d’une manière assez 
complète. Mes expériences m'ont appris que nul dégagement 
n’a lieu avant que le mercure ne soit descendu à un pouce ; et 
puis n’a-t-on pas souvent fait usage de sang coagulé, qui, né- 
cessairement, doit céder son acide carbonique plus difficilement 
que celui qui, encore fluide, est privé de fibrine ? N’est-il pas 
arrivé souverit que, ne tenant pas assez compte de l'influence 
que cela pouvait avoir, on expérimentait dans un espace pro- 
portionnellement beaucoup trop petit, eu égard à la quantité 
de sang employée, de telle sorte qu'il suffisait d'une très faible 
quantité de gaz pour le remplir et empêcher, par la pression 
qui en provenait, le dégagement d’une nouvelle quantité? 

En évitant ces inconvéniens, on obtient du sang une quan- 
tité de gaz assez notable. J'ai d’abord cherché à la déterminer 
en me servant d’un tube de baromètre fermé à son extrémité 
supérieure par un robinet ; sur ce dernier se trouvait vissé un 
tube fermé et totalement plein de mercure. Je fis passer du 
sang sous le vide barométrique du tube inférieur. Il se déve- 
loppa des gaz, car en plongeant complètement l'appareil dans 
le mercure , ce dernier n’y remontait pas de manière à faire 
disparaître tout le vide qui s'était produit. En ouvrant alors le 
robinet, il me fut facile de faire monter le gaz obtenu dans le 
tube supérieur. En répétant l'expérience de Ja mème manière 
un certain nombre de fois, je parvins à me procurer une quan- 
tité notable de gaz; mais ces expériences ne me conduisirent 
à aucun résultat ; elles constatèrent seulement la possibilité 


88 MAGNUS. — T'héorie dé la respiration. 


de l'obtention du gaz par ce procédé. En effet, on ne peut agir 
de la sorte que sur des quantités extrêmement faibles de matière, 
et de plus, il reste toujours entre le tube et le mercure une 
certaine quantité d'air atmosphérique, qui est entrainée lors de 
l’ascension du sang , de sorte que l’on doît se demander si l’oxi- 
gène trouvé ne provient pas de l'air introduit. 

Pour ces raisons, je fis usage de l’appareil ci-contre. On prit 
un vase en verre en forme de poire 4, de 4 
pouces de diamètre et de 12 de hauteur : l’une 
ce ses extrémités était fermée par un robinet 
(D) et l’autre plongeait dans un bain de mer- 
cure €. Après l'avoir rempli de mercure en 
aspirant l’air par l'ouverture de l'extrémité Z, 
on ferma le robinet D et on vissa au point F 
le tube G, de 6 pouces de long sur :i72 de 
diamètre, dont la partie supérieure était fer- 
mée et l’inférieure munie d’un robinet K; ce 
tube D était également rempli de mercure, et 
lorsqu'on ouvrit ensuite les robinets X et D, 
le mercure descendit, oscilla, et fit équilibre à 
la pression extérieure. 

L'appareil ainsi monté fut placé sur le plateau de la machine 
pneumatique et recouvert d’une cloche; mais le tube et ses ro- 
binets ne furent point renfermés dans cette dernière. Une bande 
de caoutchouc servit à remplir et à fermer hermétiquement lin- 
tervalle existant entre l’ouverture de la cloche, qui livrait pas- 
sage au col du vase (3). Pour que, par la pression atmosphé- 
rique extérieure, le caoutchouc ne s’affaissât pas, on avait eu 
soin de le soutenir en dessous à l’aide de deux petites plaques 
minces de bois, dont chacune recouvrait une demi-circonfé- 
rence du col. 

Le vide fait, le mercure descendit dans l'appareil, en laissant 
au-desus de lui un espace assez considérable, dans lequel se ré- 
pandit la petite quantité d’air restée adhérente aux paroïis du 
verre. La rentrée de l'air dans la machine laissa remonter le 
mercure au haut du tube, en chassant devant lui la petite quan- 
tité de gaz qu’il avait récoltée. On enleva alors ce tube G en le 


MAGNUS. — Théorie de la respiration. 89 


dévissant après avoir fermé les deux robinets Det K; mais l'ayant 
rempli de nouveau de mercure, on le remit en place. En opérant 
ainsi un certain nombre de fois, on finit par priver l'appareil de 
l'air qu’il contient, mais il en reste toujours une petite quantité 
qui équivaut à 0,2 c.c., provenant, non de l’inexactitude des 
fermetures, mais introduite lors du vissement des robinets au 
point de jonction des deux tubes; ce qui est évident, puisqu'on 
a toujours eu le soin de tenir pleins de mercure les godets qui 
entouraient les vis. 

Ceci fait, on détache le tuhe de caoutchouc, on enlève la 
cloche et l’on place l'appareil sur un bain de mercure plus grand, 
ce qu'il est facile de faire en ramenant un vase plat , également 
rempli de mercure, sous son ouverture inférieure. Une fois 
placé, on y fait monter le sang contenu dans les flacons. 

Comme on a soin de tenir les robinets fermés, le sang ne peut 
monter jusque dans le tube supérieur ; il s'arrête à l'extrémité 
du col du vase pyriforme. On replace alors cet appareil sur le 
plateau de la machine pneumatique, on le recouvre, avec les 
mêmes précautions, de la cloche dont il a été question, et l’on fait 
le vide. Le mercure et le sang baissent ensemble, et sur ce dernier 
l’on voit se former une certaine quantité de bulles qui occasion- 
nent bientôt une couche de mousse assez considérable.Ces bulles 
laissent échapper un gaz qui se répand dans l’espace vide; on 
ouvre peu-à-peu les deux robinets D ct X, de manière à laisser 
tomber dans le vase inférieur Z le mercure contenu dans le tube 
qui le surmonte. Puis, quand la mousse a cessé de se produire, 
on laisse rentrer lair dans la cloche de la machine pneuma- 
tique. Le mercure et le sang remontent; on ferme le robinet 
inférieur, au moment ‘où ce dernier est sur le point de l'at- 
teindre. De cette maniere, tous les gaz qui ont pu se développer 
se trouve réunis dans le tube supérieur. Cette expérience, répé- 
tée une seconde, une troisième fois, et plus, s’il est nécessaire, 
permet d'obtenir une quantité de substance gazeuse suffisante 
pour remplir complètement le tube supérieur. 

Pour faire l'examen de ce qu’il contient, on ferme le robinet 
inférieur ; on l’enlève pour le plonger dans k cuve à mercure, 
où l’un en dévisse les robinets, et l'on transvase dans l’eudio- 


90 MAGNUS. — Z'héorie de la respiration. 


mètre l'air qu’il contient; par la potasse caustique, on en ab- 
sorbe l'acide carbonique, et sa détonation avec l'hydrogène fait 
connaître la quantité d’oxigène qui s’y trouve. 

Le sang employé pour ces expériences a constamment été re- 
cueilli, sous le mercure, dans des flacons bouchés à l’émeri. 
Vers la fin on fit usage d’un tube flexible, à l’une des extrémi- 
tés duquel on avait adapté un tuyau de plume, et à l'autre un 
tube recourbé. On introduisit le tuyau de plume dans la jugu- 
laire ou la carotide de l'animal (un cheval), selon que l'on dé- 
sira recueillir du sang veineux ou du sang artériel. Je ne recueil - 
lis point les premières portions de sang qui traversèrent le 
tube, et je n’engageai la courbure du tube sous le mercure, 
au- dessous de flacons entièrement pleins de ce métal, que lors- 
que l'air eut complètement chassé. (1) 

Aussitôt ces flacons remplis, on les boucha sous-le mercure 
et on les agita. Une petite quantité de mercure, qu’on avait eu 
soin d'y conserver, détermina, par cette agitation, la sépara- 
tion de la fibrine. Dans plusieurs on avait introduit primitive- 
ment quelques morceaux de verre, mais c'est une précaution 
tount-à-fait inutile, puisque le mercure réussit complètement. 
La première fois que j’opérai d’après ce dernier procédé, je fus 
fort étonné de ne plus voir la fibrine se séparer, comme lors- 
qu'on se sert d’un balai ou de morceaux de verre, etc. C’est 
que, dans ce cas, elle vient envelopper le mercure qu'’eile divise 
en une infinité de petits globules qui ne se réunissent plus en 
masse. Si alors on en sépare le sang et qu'on les fasse sécher, 
le mercure se laisse d'abord comprimer sans se séparer, mais 
lorsque ces enveloppes viennent à se contracter, le mercure 
s'échappe et se réunit en masse. 

C’est à notre école vétérinaire que la plus grande partie de 
ce sang a été recueillie; je Le dus à la bonté de M, k professeur 
ter . sans le secours duquel il m’eût été impossible de me- 
ner à ef ces expériences. Pendant le trajet du lieu de l'extraction 


(x) Pour enlever autant que possible l’air interposé entre le mercure et les parois des fla- 
cons, on les plaça tout ouverts et entièrement pleins, sous la cloche de la machine pneuma- 
tique; le vide produit , l'air emprisonné se dilata et s'échappa sous forme de bulles. 


MAGNUS. — T'héorie de la respiration. 


à mon laboratoire, on eut soin de tenir les flacons renversés, 
de sorte que le mercure qu'on y avait laissé recouvrait le bou- 
chon et rendait impossible l'introduction de l'air. Une demi- 
heure après sa sortie de la veine ou de l'artère, le l'quide était 
déjà dans l'appareil. La quantité employée chaque fois était de 


5 à 7 onces; à chaque fois l’appareil fut nettoyé. 


» 


CENTIMÈTRES CUBIQUES. 


Sang d'un cheval. 


Sang veineux du même che- 
val recueilli 4 jours après DONS NS LAN LOT Tai 
l'extraction de celui artériel, 


Le même. 14,2 


Sang artériel d’un vieux 


cheval, mais bien portant. dt a 


Sang veineux du même che- 


JU "ar gie 
val recueilli trois jours après. # 


Sang artériel d’un veau. + RU; 


Le même. . 12,6. 


Sang veineux du même veau 


13537 
recueilli trois jours après. 3 


Le mème, 


à 
| 
rs 
EE a stand 
| | 
Le 
HP 
a 
Nr 


Il résulte de ce tableau que non-seulement le sang veineux 
contient de l'acide carbpnique, mais que le sang artériel est 
aussi dans le même cas, et que, outre lacide carbonique, 
l'un et l'autre contiennent de l’oxigène et de l'azote. On remar- 


125 donnèrent 9,8 de gaz. 


Voici le tableau des résultats oblenus. 


5,4 acide carb, 

1.9 oxigène. 

2, azote. 

8,8 acide carb, 

2,3 oxigène. 

1,1 azole. 

o acide carb, 
oxigène. 

,9 gène 

1,7 azote. 

10,7 acide carb, 

4,t oxigène. 

1,5 azote. 

7,0 acide carb. 

2.2 oxigène. 

1,0 azote. 


12,4 acide carb, 
2,5 oxigène. 
4,0 azote, 

9,4 acide carb, 
3,5 oxigène, 
1,6 azole. 

7,0 acide carb, 
3,0 oxigène. 
2,6 azote. 
10,2 acide carb. 
1,8 oxigène. 
1,3 azote, 

6,1 acide carb, 
1,0 oxigène. 
0,6 azote. 


92 MAGNUS. — Théorie de la respiration. 


quera de plus que le sang artériel contient plus d’oxigène pro- 
portionnellement à son acide carbonique que le sang veineux. 
En effet, l’oxigène contenu dans ce dernier équivaut tout au 
plus au quart ou au cinquième de son acide carbonique, tandis 
que celui qui se rencontre dans le sang artériel équivaut au tiers 
et approche même de la moitié. 

Ce qu'il y a encore de remarquable, c’est que le sang artériel 
du veau est plus riche que les autres en oxigène, tandis que le 
sang veineux du même animal est le plus pauvre en ce gaz. 
Est-ce que chez les individus jeunes la quantité d'acide carbo- 
nique formée serait moindre que chez les autres? La quantité 
totale des gaz obtenus dans ces expériences paraît monter à un 
dixième ou un huitième du sang employé. Du reste, ces propor- 
tions ne peuvent être encore regardées comme exactes, parce 
que les expériences n’ont pas duré toutes le même temps, qu'elles 
n'ont pas toutes été conduites avec la même rapidité, et qu'un 
très petit nombre d’entre elles a été poussé à bout. Mais comme 
le rapport entre l’oxigène et l'acide carbonique est constamment 
resté invariable, on doit regarder cette partie des expériences 
comme tout-à-fait achevée. 

S'il était possible d'épuiser ces divers sangs de tous les gaz 
qu'ils contiennent, on pourrait assurer d'avance qu’on trouve- 
rait d'autant plus d’oxigène dans le sang artériel, que le sang 
veineux contiendrait moins d'acide carbonique. Mais cette com- 
paraison ne peut s'établir qu'en isolant la totalité des gaz que 
l'un et l’autre contiennent; résultats qu'on ne peut se flatter 
d'obtenir. 

On ne peut donc acquérir la preuve que l'acide carbonique 
expiré soit remplacé par une quantité correspondante d’oxi- 
gène. Mais les expériences précédentes suffisent pour démontrer 
que sa formation n’a pas Heu dans les poumons. Il se pourrait 
même que les trois gaz, acide carbonique, oxigène et azote, 
existassent à-la-fois dans le sang , puisque ce dernier s’est trouvé 
dans les poumons en contact avec eux tous. Mais si leur pré- 
sence était due à un simple phénomène d’absorption, les deux 
sortes de sang les contiendraient en proportions semblables; ce 
qui ferait supposer, en admettant l’ancienne théorie de la res- 


MAGNUS. — Théorie de la respiration. 0 


piration , que le sang artériel, pour se transformer en sang vei- 
neux, n’absorberait ou ne céderait aucun de ces trois gaz. Mais 
l’un et l’autre ne contiennent pas la même proportion d'oxi- 
gène et d'acide carbonique; et comme ce dernier est en plus 
grande quantité dans le sang veineux , on ne peut dire si ce gaz 
est uniquement produit dans le sang, ou s’il a été absorbé tout 
formé. 

Il est très probable que l’oxigène aspiré est absorbé dans les 
poumons par le sang qui le transporte ensuite dans tout le corps, 
où, rendu dans les vaisseaux capillaires, il détermine la forma- 
tion de l'acide carbonique. Je dis que tout ceci est vraisemblable 
parce que tant qu’oh n'aura pas prouvé que l'acide carbonique 
expiré est remplacé par un volume égal d’oxigène, il sera tou- 
jours possible d'admettre qu’une partie au moins de l'oxigène 
absorbé entre en combinaison avec le sang, sans produire direc- 
tement de l'acide carbonique. Quant à la formation de ce der- 
nier corps, ce qui avait fait présumer qu'elle avait lieu dans 
les poumons, c’est probablement que, à cette époque, on 
n'avait pu encore, nous l'avons déjà dit, retrouver ce gaz dans 
le sang. 

D'un autre côté, le changement de couleur du sang ne for- 
tifie-t-il pas l’opinion qui tendrait à faire admettre qu’il éprouve 
dans les poumons des altérations chimiques? C’est un fait connu, 
que, par l'absorption de l'acide carbonique, la couleur du sang 
devient plus foncée. Le changement de couleur pourrait donc 
provenir de la soustraction de ce gaz. J'ai vu que lorsque au 
moyen de l'hydrogène on enlève au sang veineux son acide car- 
bonique, sa couleur se ravive constamment. Le même phéno- 
mène a lieu quand on opère cette soustraction à l’aide de l’ap- 
pareil que nous avons décrit; mais la quantité séparée est si 
faible, que c’est à peine si je me hasarde à exprimer une opi- 
nion sur ce sujet. Il est d’ailleurs si facile de commetire une 
erreur, quand on veut juger de la nature d’un corps par sa 
couleur! J’ajouterai que jamais le sang veineux , par la soustrac- 
tion de son acide carbonique, ne devient d’un rouge aussi vif 
que ne l’est le sang artériel; il paraîtrait de plus que l'absorption 
de plusieurs gaz y produit différens phénomènes de colora- 


94 MAGxus. — J'héorie de la respiration. 


tion (1). Il est vraisemblable, d’après tout cela, que la couleur 
rouge du sang artériel n'est pas due seulement à l’absence de 
l'acide carbonique , mais aussi à la présence de l’oxigène. 

Les faits suivans sont également à noter comme n'étant pas 
sans influence sur l'intensité de la couleur. Si lon prend du 
sang de cheval privé de sa fibrine et qu’on l’abandonne au re- 
pos. au bout de quelques momens la couleur devient plus fon- 
cée , puis il s’y forme deux couches dont l’une supérieure d’une 
couleur plus foncée ; l’autre inférieure plus claire que la supé- 
rieure pourtant encore plus foncée que le liquide primitif. Si 
on mélange ces deux couches, la couleur première renait dans 
toute son intégrité. Le sang de veau m’a offert les mêmes résul- 
tats, mais les deux couches demandent plus de temps pour se 
former. Quand donc on voudra tirer quelques conclusions de 
l'inspection de Ja couleur du sang, on devra prendre garde que 
la matière colorante y soit divisée. 

Je me suis convaincu que la couche inférieure était composée 
de globules qui dans le sang battu se déposent et offrent une 
couleur plus foncée. Au contraire, le liquide supérieur doit sa 
teinte à de la matière colorante qu'il tient en dissolution ; car au 
microscope on n’y apercoit qu'un ou deux globules par goutte- 
lette. La matière colofante semble, d’après cela, pouvoir se dis- 
soudre dans le sérum. Mais il faut que la fibrine en ait été sé- 
parée ; tant qu'elle ÿ existe, le sérum ne peut prendre aucune 
trace de ce principe. 

A quelles conclusions devront nous conduire les expériences 
faites jusqu’à ce jour sur la respiration? L’acide carbonique se 
produit-il pendant la circulation du sang, ou est-il simplement 
absorbé par ce dernier? Tous les résultats obtenus s'accordent 
à l'égard des proportions réciproques d'acide carbonique expiré 
et d’oxigène absorbé. Mais tandis qu'une partie des expérimen- 
tateurs prétendent que ces quantités sont toujours les mêmes, 
comme cela devrait être si le gaz oxigéné n’était employé qu'à 
la formation de l'acide carbonique dans les poumons , d'autres 


{(r) Voir ce qu'en dit Engelhardt dans son travail ayant pour titre : sur la matière eolo- 
rante rouge du sang. ( Kasiner's Archiv., Band VI, 350). 


L . 


C2 


MAGNUS. — Théorie de la respiration. 92 
au contraire prétendent qu'il y a plus d’oxigène aspiré qu’il n’y 
d'acide carbonique expiré. MM. Allen et Pepys (1) ont vu que 
ceci avait constamment lieu quand le même air est respiré plu- 
sieurs fois. 

Ce fait, quelque inexplicable qu’it soit par d’autres théories, 
parait être une conséquence immédiate de l'hypothèse qui con- 
siste à admettre que l'expiration de l'acide carbonique se fait 
selon les lois d’après lesquelles un liquide laisse dégager un gaz 
absorbé, quand il se trouve en contact avec un autre gaz. Cette 
autre circonstance observée par MM. Allen et Pepys (2) est aussi 
inexplicable que la précédente, savoir que, par la respiration 
de l’oxigène pur ou d’un mélange d’oxigène et d'hydrogène , il 
est continuellement expiré de lazote, dont les quantités sont 
proportionnelles au volume entier de l'animal; ce qui prouve- 
rait que {ce n'est pas du tout à l'air contenu dans les poumons 
qu'il doit être attribué. 

Il nous reste encore à démontrer, en terminant, que l'acide 
carbonique extrait du sang est en assez grande quantité pour 
former tout celui que les poumons expirent. Dans les recherches 
faites pour constater la quantité que ces derniers en fournissent, 
on a obtenu les nombres les plus discordans. Ceux donnés, par 
exemple, par MM. Allen et Pepys excèdent évidemment de 
beaucoup ce qu'ils devraient être. Si les nombres donnés par ces 
chimistes étaient exacts, il faudrait, d’après le calcul qu'en a 
fait M. Berzelius (3), six livres un quart de nourriture solide 
pour équivaloir à la quantité de carbone qui serait consommée 
dans l'espace de! 24 heures. 

Prenant donc les résultats obtenus par H. Davy, comme 
moyenne entre ceux de MM. Allen , Pepys et Lavoisier, quoique 
le chiffre en paraisse encore un peu trop fort, nous obtiendrons 
13 pouces cubiques comme représentant la quantité d'acide 
carbonique expiré par un homme. Si l'on admet de plus qu'à 


(1) Philosophical transactions for 1808, pag. 280, et Schuveïgger's Journal, Vaud I, 
p.182. 

(2) Philosophical transactions for 1809 , pag. 417, et Meckel's archivs, Band III, 243. 

(3) Berzelius Thierchemie, pag. 95. 


96 LHERMINIER. — Oiseaux rares. 


chaque pulsation du cœur il arrive aux poumons une once de 
sang, il en résultera 75 pulsations par minute et le passage de 
cinq livres de sang dans le même temps; ce qui représente le 
minimum de tout ce que l’on peut admettre , car il est vraisem- 
blabie qu'il passe dans une minute par ces organes dix livres de 
sang (1); ces cinq livres produiraient 13 pouces cubes (ou 1,3 
pouce cube par livre); mais nous avons vu plus haut que le: 
sang contenait au moins un cinquième de son volume d'acide 
carbonique; et comme une livre représente 25 pouces cubiques, 
chaque livre de sang contiendrait au moins 5 pouces cubiques 
d'acide carbonique. Comme on le voit, rien ne s'oppose à ad- 
mettre la théorie proposée, puisque les expériences prouvent 
que la quantité d'acide carbonique contenue dans le sang vei- 
neux est plus que suffisante pour fournir la quantité expirée. 


RECHERCHES anatomiques sur quelques genres d'oiseaux rares 
ou encore peu Connus SOUS le rapport de l'organisation pro- 


fonde. 


Par M. L'Herminier, médecin à la Guadeloupe. 


Dans les instructions données à l’occasion du voyage de La Bo- 
nite, M. de Blainville a signalé, parmi les nombreux desiderata 
sur lesquels l’anatomiste aurait encore à s’exercer , les genres 
Cariama, Chavaria ou Palamède, Hoazin, Rupicole, Pique- 
bœuf, Menure, et surtout Apterix. 

Parmi les oiseaux désirés, je ne possède que le Rupicole, 
l'Hoazin , le Kamichiet le Chavaria. J'y joindrai l'examen que 
j'ai fait, l'an dernier, de l’organisation des Turnix, et j'accom- 
pagne cette communication de l'envoi soit des oiseaux en chair, 


(1) Müller's handbuch der physiologie, Band I, 325. 


LHERMINIER. — Oiseaux rares. 97 


soit des préparations du sternum et du canal digestif qui font 
partie de mon cabinet, et que j'adresse à l’Académie comme 
pièces à l'appui, pour être, après examen, offertes au Mu- 
séum. 


» 


$ 1. — Sur le Sasa; Opisthocomus (Hoffnansegg). 


Hoazin de Burron, vulgairement Faisan huppé de Cayenne ; — Cigaña , au 
Para ; — Sasa, à la Guyane; — Guacharaca de Agua, en Colombie. 


- LL à [2 - e 
Phasianus cristatus , Lin., Laru. — Orthocorys et 'Sasa cristata , 
Virecror. — Opisthocomus cristatus , LEssow. 


Un des résultats les plus importans et les plus curieux de 
l'application de l'anatomie à l'étude des oiseaux, est assuré- 
ment la connaissance de l’organisation du Sasa. 

Rangé par Linné, Latham , Illiger, Cuvier , et le plus grand 
nombre des auteurs, parmi les gallinacées ; rapporté par Tem- 
minck à ses omnivores; par Vieillot et M. Lesson aux Sylvains 
ou passereaux, tandis que Latreille le plaçait dans un ordre à 
part, intermédiaire aux passereaux et aux gallinacées, cet 
oiseau me devenait précieux par toutes ces variations des au- 
teurs , par ces incertitudes même que j'avais à cœur de lever. 

Par un heureux hasard, ce fut un des premiers qui me 
tomba entre les mains. J'en reçus plusieurs en 1833 du Para et 
particulièrement de l’ile de Maranjo, à l'embouchure du fleuve 
des Amazones; depuis, je l'ai retrouvé sur les bords du Rio 
Guarapiche, en Colombie. Je n’ai jamais pu l'obtenir de 
Cayenne , où la routine des empailleurs a constamment rendu 
vaines toutes mes demandes. 

A l'extérieur, le Sasa a quelques rapports avec les Pénélopes, 
mais il en diffère notablement à l'intérieur. Dès qu’on a enlevé 
la peau, on aperçoit un énorme jabot qui recouvre les pecto- 
raux, auxquels il adhère par un tissu cellulaire lâche ; si on 
l'en détache , on aperçoit, après l'avoir soulevé, une vaste exca- 
vation cordiforme, ouverte, et bornée en haut par la clavi- 
oule qui est reléguée à deux pouces au-dessus de la crêté ster- 

VIII. Zoo, — Aoñt. 7 


98 LHERMINIER. — Oiseaux rares. 


nale. Le jabot qui, dans cet oiseau, recouvre ainsi la moitié 
du tronc et au moins les quatre cinquièmes de la longueur du 
sternum et de ses annexes qu'il déborde encore en tous sens, 
recoit à gauche et en avant, l'insertion de l’œsophage , et à 
droite il se rétrécit pour pénétrer dans la poitrine. Dans l'inter- 
valle de cette bifurcation est comprise la trachée-artère. 

Le sternum est plein, allongé, élargi en arrière, peu profond. 
Sa crête ou carène est la partie la plus remarquable : forte- 
ment excavée dans l’étendue de son bord antérieur qui est 
tranchant, elle n’y a pas moins de 2 pouces de longueur, tan- 
dis que son bord inférieur, qui devient ici postérieur, n’a guère 
plus de 1 pouce de long; mais s’élargit de 2 à 3 lignes pour 
former une sorte de tubercule ou de callosité sous-cutanée, 
ovale, aiguë, concave et doublée de cartilage. La crête se ter- 
mine en avant en une longue apophyse qui se soude complète- 
ment avec la clavicule. Le bord antérieur du sternum est occupé 
dans toute sa largeur par les os coracoïdes; ses bords latéraux 
portent cinq côtes fortement élargies dans leur segment ver- 
tébral. Le bord postérieur présente quatre échancrures ; les 
deux internes sont les plus grandes et constamment ouvertes; 
les externes sont petites, allongées, et presque toujours con- 
verties en trous, susceptibles même d’oblitération par les pro- 
grès de l’âge. | 

Après avoir décrit les os coracoïdes, la clavicule et le scapu- 
Inm , 0s qui sont tous largement ouverts à la pénétration des 
vaisseaux nourriciers, et des sacs aériens, l’auteur continue en 
ces termes : 

J'avais long-temps cru que les caractères tirés du sternum 
étaient constamment tranchés, et permettaient ainsi d’assigner 
à chaque oiseau une place qui exprimait nettement et invaria- 
blement ses rapports dans la série ; bien différent en cela de ces 
formes extérieures qui , dans le même individu, peuvent appar- 
tenir à plusieurs divisions, comme nous le voyons tous les jours 
dans les méthodes ordinaires, pour le Menure , le Serpentaire , 
etc.; mais ma conviction a été bien ébranlée par l'étude de l'appa- 
reil sternal du Sasa. En effet , cet oiseau a le sternum plein à son 
bord postérieur, comme celui des Gathartes et des Calaos, mais il 


. LHERMINIER. — Oiseaux rares. 09 


a, comme dans les gallinacées, la crête fortement refoulée en 
arrière , et comme dans la Frégate, la clavicule soudée à-la-fois 
avec le sternum et les os coracoïdes. Ce n’est pourtant ni une 
Catharte, ni une vraie gallinacée, ni une Frégate: c'est une 
réunion de caractères disparates, pour compôser une indivi- 
duälité anomale, sorte d’hybride, d'autant Lx remarquable 
qu'il est jusqu'ici à-peu-près unique dans les oiseaux, et qu'il 
mérite de constituer un type tout particulier. 

L'appareil digestif du Sasa n'est pas moins extraordinaire 
que son appareil sternal. La longueur totale de l'intestin est de 
3 pieds 6 à 9 pouces, celle du tronc de 1 pied :: 3::5. 

Parcouru par une fente nasale très longue, le palais est hé- 
rissé de papilles coniques, circonscrites latéralement par deux 
plans plus prononcés, et dentelés ; la langue est sagittée, la- 
ciniée, recourbée en bas, cornée inférieurement, assez molle 
et charnue supérieurement; terminée en arrière par une base 
osseuse , présentant des pointes aigués ; la glotte longitudinale 
est garnie sur les bords, aïnsi que le larynx et la partie voisine 
du pharynx, de très petites papilles. 

L’œsophage égale en grosseur le volume de l'index ; mais c’est 
surtout dans la partie de l’intestin comprise entre le jabot et le 
gésier , que l'on observe le plus de singularité et de complica- 
tion. En effet, placé comme nous l'avons dit , au-devant des os 
coracoïdes, de la clavicule et du sternum, dont il a, pourse loger, 
refoulé la crête fort en arrière, le jabot représente une large 
bourse plate et arrondie , qu’une scissure oblique de droite à 
gauche traverse sur ses deux faces, en lui donnant quelque 
ressemblance avec un cœur surmonté d’une oreillette. Si l’on 
entrouvre avec le doigt cette double scissure, en s’aidant de 
l'instrument, on arrive bientôt à une bande fibreuse, blanche, 
qui fait partie de l'intestin, et l’on s’aperçoit alors que cette 
prétendue poche est formée par l'œsophage qui se dilate, se 
recourbe et s’accole à lui-même en se tordant au point de former 
une anse presque complète: disposition très curieuse et entière- 
ment différente de celle des gallinacées, chez qui le jabot con- 
stitue un sac entièrement libre et hors de l'axe de l'intestin. 

Au jabot succède une portion d’intestin renflée, de 5 pou- 

LP 


100 UHERMINIER. — Oiseaux rares. 


ces de longueur , diversement contournée et froncée extérieu- 
rement par des brides semblables à celles du colon humain, 
Vient ensuite le ventricule succenturié : il est cylindrique et 
égale à peine en largeur. le duodénum, tandis qu’en longueur 
il n’atteint pas un pouce. Ses parois sont d’ailleurs si minces, 
qu'il se rompt fréquemmentsous la moindre traction à sa jonc- 
tion avec l'estomac. 

Cette dernière cavité n’est pas plus grosse qu’une olive et 
oîfre elle-même fort peu d'épaisseur dans ses différentes par- 
ties. Quelle différence avec le gésir si volumineux et si puissant 
des vraies gallinacées : 

Le sous-intestin offre de l'ampleur; deux cœcums cylindri- 
ques, assez gros , longs de 1 pouce , s’en détachent à 8 pouces 
au-dessus du sphincter externe. 

La surface interne du canal intestinal mérite également une 
attention particulière. Dans les deux tiers de sa longueur, l’œso- 
phage est plissé en long et marqué de follicules disposées en séries 
parallèles. Ces plis augmentent en saillie et en nombre, à me- 
sure que les follicules disparaissent en s'approchant du jabot. 
Si l'on ouvre cette poche dans le sens de sa circonférence, ‘on 
aperçoit aussitôt et supérieurement une cloison incomplète 
disposée en arceau, qui partage imparfaitement sa cavité 
en deux moitiés à-peu-près égales, et en libre communica- 
tion. De longs sillons circulaires, formés par des replis inté- 
rieurs , parcourent la face interne du jabot, et se serrent de 
plus en plus aux approches de la cloison. Plus nombreux et 
mieux marqués sur la moitié stomacale que sur le moitié œso- 
phagienne, ces replis, à leur bord libre, présentent des dente- 
lures arrondies en festons, qui diminuent du haut en bas et 
finissent par disparaitre. Dans l'intervalle des replis, la sur- 
face du jabot est réticulée par le croisement de stries peu pro- 
fondes. 

En négligeant l’élément essentiel de la mastication, c’est-à- 
dire l'existence des molaires, et en ne tenant compte que de la 
conformation favorable du bec et de la complication de l'appa- 
reil digestif, on dirait en vérité que le Sasa représente les rumi- 
nans parmi les. oiseaux. Dans cette hypothèse, la singulière 


LHERMINIER. — Oiseauxrares. IOI 
dilatation de l’'œsophage avec partage me paraît l’analogue de 
la panse et du bonnet. Teinte en vert, elle est constamment et 
exclusivement distendue par une pâte végétale composée de 
feuilles hachées, au milieu desquelles on retrouve des débris 
plus ou moins étendus. 

La portion du canal digestif, comprise entre le jabot et le 
ventricule succenturié, etqui se compose de cinq à sept bosse- 
lures successives , est, dans toute sa longueur, parcourue par 
des plis longitudinaux plus écartés, diversement dentelés et 
bridés par les intersections que nous avons signalées plus haut; 
ils finissent d’ailleurs peu avant le ventricule glanduleux. En 
poursuivant l’analogie, cette cavité serait le véritable représen- 
tant du troisième! estomac ou feuillet des mammifères ; tandis 
que le ventricule succenturié dont lasurfaceinterneest finement 
granulée de follicules serrés, constituerait la cai/lette, en se ré- 
unissant avec l'estomac que tapisse une membrane cornée peu 
résistante. 

Le reste de l'intestin ne m'a rien offert de particulier. 

Maintenant qué nous avons signalé les-rapports et les diffé- 
rences que présente l’organisation du Sasa, comparée à celle de 
tous les oiseaux ; voyons qu’elle place nous pourrons lui assigner 
dans la série. 

Les conditions d'existence auxquelles l’Hoazin a été soumis 
ontimprimé à son organisation un tel cachet d'originalité, qu’on 
pourrait dire ici, avec une entière raison, le régime c’est l'être. 

Appelé, en effet, à se nourrir de substances végétales, et mème 
exclusivement des feuilles d’une plante propre aux régions 
chaudes et inondées qu'il habite, le Sasa ne peut, à ce titre, se 
ranger au milieu des omnivores de M. Temninck, ni des pas- 
sereaux de M. Lesson. Encore bien moins mérite-t-l la dénomi- 
nation d'Ophiophage, que lui appliquait Vieillot, induit en erreur 
sur sa nourriture mais non sur ses véritables affinités. C’est 
parmi les oiseaux, une individualité non moins remarquable 
que celle des Bradypes parmi les mammifères, au moins, sous 
le rapport de la parfaite identité du régime et exception faite 
des différences organiques de classe. Oiseau essentiellement et 
uniquement herbivore, destiné à vivre exclusivement de feuilles, 


102 LHERMINIER. — Oiseaux rares. 


il a été modifié en conséquence dans son appareil digestif et lo- 
comoteur. 

Aussi, bien que dans la conformation du sternum et de ses 
annexes, le Sasa présente de nombreux points de contact avec 
les genresles plus disparates, c'est cependant vers les gallinacées 
qu'il incline par une plus grande somme de rapports: Quant au 
canal intestinal, nous avons reconnu que, malgré sa complica- 
tion singulière, il réunissait, dans des proportions différentes, 
il est vrai, presque toutes les parties que présentent les pigeons 
et les gallinacées. Nous ne pouvons donc mieux faire que de le 
rapprocher de ces deux familles, en lui assignant définitivement 
la place que lui avaient donnée Vieillot et Latreille, sous la dé- 
nomination bien méritée de Dysodes. Cette famille bien dis- 
tincte prendra rang immédiatement avant les pigeons et les gal- 
linacées. | 

Suivant les chasseurs auxquels je dois ce très intéressant oi- 
seau, il vit par petites troupes sur le bord des criques et des 
rivières. Il se nourrit des feuilles d’un arbre que les Brésiliens du 
Para appellent Aninga, et que d’après sa tige articulée, ses 
feuilles larges, son fruit écailleux, semblable à un ananas sans 
couronne, et son odeur musquée, je n’ai point eu de peine à 
reconnaître pour le Moucou-moucoue d’Aublet, ou l'arum arbo- 
rescens de Linné. Peu farouche, il se laisse facilement approcher, 

fuit au coup du fusil, en poussant le cri de cra-cra, pour aller se 
poser quelques pas plus loin, et sur la même branche les uns à 
côté des autres. 

Il exhale une odeur forte et pénétrante, mélange de musc et 
de castoréum et qui tient aussi de celle du bouc. Elle se commu- 
nique à l'alcool de conservation et aux vases, au point de les in- 
fecter, et résiste même fort long-temps à des lavages répétés avec 
l’eau chlorurée. Par suite de cette désagréable propriété, la chair 
de cet viseau n’est pas mangeable , et ne sert à la Guyane que 
d’appât pour les poissons, suivant Sonnini qui en a donné une 
très bonne histoire. 


L4 


LHERMINIER. — Oiseaux rares. 103 


$ 2. — Sur les Kamicris. — Palamedea, Lax. 


0 Kamichis, — Camoucle à Cayenne, Baron. — Licorne au Para. — Vulgai- 
rement Aruco, en Colombie (Sur l'Orénoque , le Rio Guarapiche }. 


Palamedea cornuta, Las. 


2° Chaïa du Paraguay. — Chauna, IzLiGER. — Parra chavaria , Lin. — Opis- 
tolophos fidelis, Vrerzor. 


Nous ne donneroÿñs de cette partie du mémoire de M. Lher- 
minier que le passage suivant dans lequel l'auteur résume les 
traits les plus caractéristiques que lui a fournis l'examen détaillé 
des deux espèces, et en tire des conséquences sur la place que 
le genre doit occuper dans le cadre ornithologique. 

« Le fait le plus caractéristique dans l'ostéologie de ces deux 
oiseaux, c’est la forme ellipsoïde de la clavicule; et la vaste échan- 
crure du bord postérieur du sternum, due à la saillie de ses apo- 
physes latérales, 

Le canal digestif se distingue par la présence du jabot inté- 
rieur. Cette dilatation de l'intestin n’est pas comme dans le Sasa, 
les gallinacées, les pigeons, les perroquets et les accipitres, su- 
périeure au ventricule succenturié, et placée dans l’écartement 
des branches de la clavicule ; mais elle est rentrée à l’intérieur 
de la cavité thoracique, et se développe entre le ventricule 
succenturié et le gésier. C’est une différence capitale, et un ca- 
ractère d'infériorité que nous retrouverons dans tous les oiseaux 
à jabot qui, dans l’échelle ornithologique, ont été placés après 
les gallinacées. 

Un autre caractèrenon moins important, c’est l'énormité du 
gros intestin et des cœcums, et les bosselures que présentent 
surtout ces derniers appendices. À l'exception de l’Autruche et 
du Nandou, je ne sache point qu'aucun autre oiseau présente 
cette singulière disposition. ‘ 

Enfin un troisième et dernier caractère, c’est le contraste de 
l'étroitesse de l'intestin proprement dit, avec l'ampleur des ca- 
vités placées à son origine et à sa terminaison. 


104 LHERMINIER. — Oiseaux rares. 


Les ornithologistes systématistes ont tous, d'un commun 
accord, rangé le Kamichi et le Chaïa dans la grande division des 
oiseaux aquatiques, et l’ordre des échassiers ; mais les uns, avec 
Latreille et Cuvier, l'ont rapporté aux macrodactyles ; les au- 
tres pour représenter quelques analogies de forme avec les gal- 
linacéss, et la disposition à la domesticité qu’il a en commun avec 
eux, en ont fait des alectorides avec Illiger et M. Temminck, ou 
des gallinogralles avec MM. de Blainville et Lesson. Vieillot en 
a composé une famille un peu hétérogène sous le nom d’Un- 
cirostres. Toutes ces appréciations sont justes à-peu-près au 
même degré, et je me range à l'opinion générale. Seulement, 
dans mon système de conversion des principaux genres lin- 
néens en familles naturelles , je considère ces deux oiseaux 
comme un type bien distinct, et je les placerai entre les Foul- 
ques et les Grues, sous le nom de famille des Kamichis ou des 
Palamédées. 

En. 1836, le 12 juin, je reçus un Kamichi vivant, du bas 
Orénoque, où il n’est pas rare, et s'élève en domesticité. C'était 
une femelle. Il vécut jusqu’au 26 juillet suivant dans ma basse- 
cour, en compagnie avec des Ibis rouges, un Agami de son 
pays , un Bihoreau , etc., etc. Cet oiseau est craintif, d’un natu- 
rel doux et si peu belliqueux qu'un Ibis lui faisait la loi; cepen- 
dant lorsqu'il était harcelé par le Bihoreau , il le mettait faci- 
lement en fuite, en lui détachant quelques coups de son aile 
largement ouverte, et frappait plus du fouet que des éperons. 
Je le nourrissais de pourpier, de laitue, qu'il paissait à petits 
coups comme l’oie. Il mangeait avec délices et de préférence 
à tout, les fruits du manguier et du bananier, et refusait con- 
stamment la viande. Tranquille, il marchait à grands pas, 
d’un air grave et en imprimant à sa queue des mouvemens 
horizontaux comme font les canards. Tous les matins , il faisait 
entendre un roucoulement répété et prolongé, semblable au 
bruit que fait un homme qui se gargarise. Quand, au contraire, 
ilétait effrayé, il soufflait comme une oïe, ou faisait entendre 
le cri de aruco ou ahuco, d’où son nom espagnol ; ou bien en- 
core ,un cri rauque très fort et à double octave. 


LHERMINIER. — Oiseaux rares. 105 
Son plurnage n’offrait rien qui ne füt connu, l'œil était petit 
et l'iris d’un jaune d’or. 
Bajon est de tous les auteurs celui qui a le mieux traité du 
Kamichi. Il en a donné une bonne description, même anato- 
mique, dans ses mémoires sur Cayenne. 


$ 3. — Sur le Turnix. — Hermnipodius , TEemx. 


Turnix tachydrome. — Hemipodius tachydrome, Temm. — T'etrao anda- 
lusicus , GMez, Larx. 


Répandu dans tout l’ancien monde et jusque dans l'Océa- 
nie, ce genre, remarquable par la petitesse des individus qui 
le: composent, par leurs mœurs belliqueuses, et que MM. 
d’Orbigny et Is. Geoffroy Saint-Hilaire, croient représenté en 
Amérique par l’Eudromie élégante, a, d’un commun accord, 
été rangé par tousles auteurs parmi les gallinacées, comme un 
démembrement du genre Perdrix. Cette opinion serait proba- 
blement abandonnée depuis long-temps si l'on avait tenu plus 
compte des données anatomiques. 

Le sternum porte deux grandes échancrures angulaires et 
profondes; ses apophyses externes sont grèles, et s’écartent de 
Ja lame moyenne, qui est plus large et triangulaire. Le bord an- 
térieur, occupé en totalité par les os coracoïdes, est garni de 
trois apophyses : les latéraux portent trois côtes; la crête est 
refoulée en arrière. La clavicule est longue, grèle,courbée , ré- 
trécie dans son aire et terminée par une petite molette qui 
correspond à l'angle de la crète sternale. Les scapulums sont 
longs, faiblement courbés, arrondis à leur terminaison. 

Les os coracoïdes sont irrégulièrement prismatiques, Cgaux 
presque en longueur au sternum , creusés d’une large gouttière 
sur leur face supérieure. 

Ces diverses parties comparées à celles qui leur corespondent 
chez les gallinacées, offrent de très notables différences. Il en 
est de même du tube digestif: il a 17 pouces de longueur, et son 
rapport au tronc est:: À: 1. 


106 LHERMINIER. — Oiseaux rares. 


L'œsophage est cylindrique, uniformément dilaté, c’est-à-dire 
sans trace de jabot; le gésier est globulenx, pourvu extérieure- 
ment de deux tendons en 8 de chiffre ; deux cœcums cylin- 
driques, longs de r pouce ét demi, naissent à un pouce de l'anus. 

Doublé intérieurement d’une membrane cornée épaisse, le 
gésier renfermait des semences de légumineuses, des fragmens 
de coquilles et des graviers. 

La trachée-artère est faible, cylindrique, sans aucune dé- 
viation. 

Il est peu de familles ornithologiques aussi nettement carac- 
térisées que celle des gallinacées vraies, sous le double rapport 
du système locomoteur et del’appareil digestif. En effet, voués à 
un vol court et au régime végétal, ils offrent tous un sternum 
fortement entaillé par quatre grandes échancrures, et un jabot 
globuleux et intra-claviculaire: J'ai dû, avec raison, en me 
basant sur cette règle fondamentale, en exclure les Gangas 
et les Tinamous qui ne présentent ni l’un ni l’autre de cés 
deux caractères. 

Mais les différences sont encore bien plus grandes dans le 
Turnix, puisque le sternum n’a que deux échancrures et que 
l'intestin est complètement dépourvu de jabot. J’én déduis né- 
cessairement une aptitude plus grande pour la marche et pour 
le régime animal; mais je ne saurais confondre et laisser avec 
les Gallinacées une espèce qui en diffère à beaucoup d’égards, 
tandis ‘qu’elle se rapproche d'autant des Échassiers, comme 
l'avaient du reste soupçonné MM. Temminck et Lesson, en in- 
diquant un passage des Turnix aux Outardes , et comme l'avait 
pressenti Vieillot, par la création de son genre Ortyxèle. 

Je propose donc d’extraire définitivement les Turnix de la 
grande et importante famille des Gallinacées, et de constituer, 
avec ce nouveau démembrement, une petite famille à part, 
que je placerai intermédiairement à celle des Tinamous et des 
Gallinules. C’est vraiment à ce petit groupe qu'il conviendrait 
d'appliquer la dénomination de Gallinogralle. 


Ducs. — OEufs de Céphalopodes. 107 


$ 4. — Du Ruricorr, vulgairement Coq de roche. 
Pipra rupicola YANx. 


M. Lherminier a pu disséquer deux individus de cette belle 
espèce, venant l’un et l’autre d’Angostura , sur l'Orénoque : ils 
lui ont présenté dans lostéologie du sternüim et de ses annexes 
les caractères essentiels des vrais passereaux qui constituent sa 
dix-huitième famille : c'est-à-dire sternum égal en longueur aux 
os coräcoïdes avec l’échancrure à son bord postérieur et une 
bifurcation au sommet de la crête ou cärène ; clavicule longue, 
récourbée, peu ouverte, portant une molette en contact avec 
la crête sternale; scapulums longs, courts, terminés angulai- 
rement. 

L'examen des viscères n’a rien offert à M. Lherminier qui 
l'obligeät à proposer pour ce genre une autre place que celle 
qui lui a été assignée par les auteurs systématiques, près des 
Manakins, des Cotingas , etc. 


Note sur le développement de l’embryon chez les Mollusques 
céphalopodes , 


Par M. Ducës, 


Professeur à l'École de médecine de Montpellier. 4 


L'embryogénie est assurément , de toutes les branches de la 
physiologie, celle qui doit le plus aux travaux modernes, celle 
dont l’élucidation a jeté le plus de jour sur les autres parties de 
cette science et sur la zoologie même. Parmi les faits qu’elle nous 
a décelés, un des plus importans, quant aux applications zoalo- 
giques, c'est cette remarque, chaque jour confirmée par des ob- 
servations nouvelles, que l'embryon touche au vitellus, com 
munique avec lui, en reçoit la substance et souvent même 


108 puGis. — OEufsde Céphalopodes. 


lenglobe, tôt ou tard, en entier, mais par deux régions tout 
opposées dans les deux grandes divisions du règne animal. 
Chez les insectes, les crustacées, les arachnides, on a bien con- 
staté que c’est par le dos de l'embryon qu'a lieu ce contact, cette 
communication, tandis que chez tous les vertébrés, c’est par le 
ventre qu'elle s’opère. Cette circonstance, jointe à d’autres con- 
sidérations, nous paraissait militer en faveur d’une idée singu- 
lière au premier abord, mais qu’une étude approfondie prouve 
être d'une vraisemblance équivalente à la certitude, je veux dire 
l'identité de la face dorsale de l’invertébré avec le ventrale du 
vertébré. Il était si naturel de tirer une pareille conséquence de 
ce fait embryogénique que Cuvier l'avait pressenti : Je m’atten- 
dais bien, disait-il un jour, qu’on en tirerait parti en faveur de 
cette doctrine, Or cette doctrine, il en était l'adversaire déclaré, 
et faisait ressortir soigneusement les difficultés qu’on lui pou- 
vait opposer. C’est dans cette vue’, sans nul doute, qu'il revint 
peu de temps avant sa mort, sur une particularité d’embryogénie 
qu’il avait jadis fait connaître, et rappela, dans un article de 
journal , que l'embryon des Seiches ne communique avec son 
vitellus, ni par le dos, ni par le ventre, mais par la tête et au 
voisinage de la bouche. Cette particularité, qui semble avoir 
été déjà connue d’Aristote et que Carus a confirmée, me parais- 
sait d'autant plus douteuse que le savant zoologiste allemand 
déclare que les observations faites jusqu'ici, sur ce sujet, laissent 
beaucoup à desirer. L'apparence est si souvent trompeuse, il 
arrive si souvent que des exceptions mieux étudiées rentrent 
dans la règle, que je m'attendais à voir rentrer dans l’une des 
deux catégories ci-dessus mentionnées cette anomalie singu- 
lière dès qu'il me serait loisible de la soumettre à un examen 
suffisant. Il n’en a point été ainsi, et malgré ma franche et sin- 
cère adhésion au principe qu’elle contredit, je crois devoir 
entourer cette exception de toutes les lumières que j'ai pu re- 
cueillir, persuadé que quelque nouvel aperçu pourra la faire 
plus tard rentrer dans la loi commune, ou bien qu’elle 
pourra servir à l'établissement de quelque théorie nouvelle plus 
large et. plus positive à-la-fois que celle que j'ai jusqu’à présent 
préférée. 


DUGÈS. — OEufs de Céphalopodes. 109 


On sait que les œufs de la Seiche commune sont un peu plus 
gros qu’un noyau de cerise, à-peu-près de même forme, mais 
terminés par une pointe mousse et portés sur un long pédicule. 
Collés sur des fucus ou entortillés ensemble , ces pédicules 
réunissent les œufs en une véritable grappe à laquelle on 
donne communément le nom de raisin de mer (r). Ces œufs 
sont noirs, mous, de même que leur pédicule ; leur enveloppe 
extérieure, épaisse de près d’une ligne, a l'aspect et la consis- 
tance du caoutchouc ramolli; elle est formée d’un très grand 
nombre de couches faiblement agglutinées, et qui pour plu- 
sieurs du moins semblent n'être produites que par linvolution 
d'une seule lame de mucus concret. Cette disposition est 
remarquable en ce qu’elle rappelle la torsion des chalases dans 
l'œuf de poule, attribués non sans raison, par Carus, à la rota- 
tion qu’exécute le vitellus en descendant le long de l’oviducte 
au fur et à mesure qu'il s’enveloppe d’albumen. La couche 
la plus interne est aussi brune, mais coriace quoique mince 
et se détache assez aisément du reste ; elle couvre immédiate- 
ment un amas de matière transparente (1), visqueuse, de con- 
sistance de gelée, et que les faits démontrent être un vrai 
vitellus. Le manque d'occasion favorable ne nous a pas permis 
encore de reconnaître si, à une époque très peu avancée, 
il y a un albumen, si le vitellus est moins volumineux d’a- 
bord que la cavité de l'œuf qu’il remplissait lors de nos obser- 
vations. Ce que nos avons dit plus haut doit faire croire 
qu'ici l’albumen est tout entier concret. Une tunique transpa- 
rente ou légèrement blanchâtre , mais assez épaisse, peu con- 
sistante, revêt exactement le vitellus, et c'est dans son épais- 
seur ou immédiatement sous elle, adhérant fortement à elle, 
que se développe l'embryon ; c'est donc un vrai blastoderme, 
comparable à celui de la poule lorsqu'il a envahi, dans son 
réseau vasculaire , la totalité du jaune. L’embryon se présen- 
tait constamment sous forme d’une couche épaisse, blanche, 


(x) Nos pêcheurs donnent préférablement ce nom aux capsules du fucus. 
fa) Dans les œufs les moins avancés, au eentre de cette masse translucide se voyait un 
nuage blanchâtre ; opaque, mais informe. 


110 pus. — OEufs de Céphalopodes. 


occupant une petite partie de la membrane blastodermique. 
Pour le bien voir, j'ai fait macérer un jour ou deux les œufs 
dans l'alcool, afin de donner ainsi au vitellus une demi-coagula- 
tion qui, sans le rendre entièrement opaque et dur, permet de 
le détacher par morceaux et même en une seule masse de la 
membrane susdite qui reste adhérente à l'enveloppe extérieure. 
Cette enveloppe est d’abord ouverte dans un point de peu d'é- 
tendue pour permettre de découvrir, à travers la demi-transpa- 
rence du vitellus, la région où siège l'embryon, afin de la con- 
server intacte en enlevant l'hémisphère opposé. Dans le fond 
de la calotte conservée, on peut, en opérant sous l’eau, obte- 
nir un embryon d’un blanc mat et d'une régularité parfaite ; 
mais cette régularité est souvent altérée, sans doute par un 
commencement de dessiccation et de déformation qu'ont subi 
les œufs rejetés sur le sable. Tout le contour de celui dont nous 
donnons la figure était bordé d’une auréole nuageuse qui pou- 
vait être prise pour uri amnios comparable à celui des insectes, 
et se moulant de même à toutes les saillies du fœtus. Cet em- 
bryon lui-même ( pl. 5, fig. r ) nous montre à-peu-près tous les 
élémens de sa composition future, mais étalée, comme déployée 
en membrane. Les parties antérieures on céphaliques se mon- 
trent aussi beaucoup plus développées que les postérieures. De 
ce dernier côté,on voit un repli transversal, commencement du 
manteau ou du sac (a) destiné plus tard à cacher les branchies, 
à recevoir tout l'abdomen. Ces branchies (2), au lieu d’être 
redressées et cachées comme chez l'adulte, se montrent pen- 
dantes , écartées et libres. A droite et à gauche, et plus en avant, 
se montre une large expansion en forme d’aile (c) qui s'étend 
jusqu’à la naissance des bras, dont une échancrure la sépare. 
C'est une dès moitiés de lentonnoir futur destinées à se rap- 
procher et à se souder quand l'embryon prendra plus d’épais- 
seur. Enfin, tout-à-fait en avant, est une demi-couronne formée 
par les dix bras ( f) encore fort courts, mais dont les deux 
plus longs (e) sont déjà distincts des autres, située plus en de- 
hors et toujours recourbée en crosse. Les autres bras sont di- 
vergens, larges et parfois masqués l’un par l'autre. Assez sou- 
vent, entre le long bras et l'aile du futur entonnoir, se montre 


DuGÈs, — OEufs de Céphalopodes. 111 


“un corps rond (d) ; c'est l'œil que souvent cache l'insertion des 
bras; car l'embryon est toujours vu, dans notre procédé , par 
la face inférieure ; je n’ai même jamais bien aperçu ainsi que 
l'œil droit, et j'aurais pu douter de la nature de cette produc- 
tion , si, en l'enlevant et la retournant avec soin, je n’y avais 
reconnu une perforation centrale entourée d’une zone, blan- 
châtre, al est vrai, comme le reste. 

Voici maintenant le point le plus intéressant de nos observa- 
tions. Ta partie antérieure, que couronnent les bras, offre un 
large enfoncement , un grand trou arrondi, bordé , du côté du 
ventre, par une sorte de bourrelet auquel font évidemment 
suite les deux longs bras. Dans cette vaste ouverture s'enfonce un 
prolongement du vitellus qui pénètre jusque dans l'abdomen. 
À travers la demi-transparence des parois de cette cavité, on 
én aperçoit la masse représentant les estomacs à venir, et un 
point plus aminci paraît indiquer la prochaine formation de 
anus (1). Le bourrelet qui circonscrit la grande ouverture om- 
bilicale est opaque ; mais, du côté ventral, il offre une sorte de 
suture pellucide, triangulaire, indice probable de la soudure 
des parties latérales, naguère séparées. Du côté dorsal de cette 
grande ouverture, on voit un corps piriforme , pédiculé, tantôt 
occupant la ligne médiane, tantôt incliné vers ün des côtés; il 
est facile d’y reconnaître la masse buccale repoussée du côté 
dorsal par le vitellus qui pénètre dans le corps de l'embryon. 
Il est donc bien évident que cette pénétration a lieu parallèle- 
ment à l’œsophage (fig. 3 et 4), smgularité qui ne se retrouve 
dans aucun autre fœtus connu , et dont nous chercherons plus 
loin l'explication. Ici se voient distinctement des choses qui 
sont plus douteuses chez des individus plus âgés, tels que ceux 
qu'on trouve figurés dans l’anatomie comparée de Carus. Mais 
on observe chez ceux-ci quelques particularités différentes (fig. 
2 et 3). La demi-couronne des bras s'est transformée en cou- 
ronne complète, les deux plus externes des bras courts s'étant 


(x) J'aivu’aussi, une fois ;"des apparences de deux fentes transversales aux parois de l'ab- 
domen , pénétrant daus son intérieur comme chez l'adulte, vers son tiers postérieur, mais Je 
n'aflirmerais pas qu'il n’y eût pas eu là quelque déchirure. 


112 DUGÈS. — OEufs de Céphalopodes. 


rapprochés, et leurs bases s'étant soudées du côté ventral du 
fœtus ; l'insertion des deux bras longs se trouve ainsi cachée 


plus intérieurement , et le prolongement du vitellus est plus in- 


térieurement caché encore et plus étranglé d’ailleurs dans la 
couronne susdite ; on le voit s’enfoncer au centre de cette cou- 
ronne , côtoyant éncore le côté inférieur ou ventral de l’æso- 
phage que surmonte la masse buccale. Déjà on peut reconnaitre, 
dans cette masse, le bec corné, en s’aidant d’une aiguille pour 
écarter les chairs et d’une loupe pour grossir les objets. L'œso- 
phage est encore plus mince que le canal ou pédicule vitellin , 
et ils sont distincts et séparés l’un de l’autre jusque dans lab- 
domen. Si l’on extrait de cette cavité la masse vitelline concrétée 
par l’alcool , on la trouve bilobée, et l’on y remarque deux pe- 
tits becs, dont l’un sans doute répond au pédicule et l’autre à 
l’œsophage; sa division commencçante indique le partage futur 
de la cavité gastrique en plusieurs compartimens. A cette épo- 
que, l’entonnoir est formé , complet ; le sac ou manteau , sans 
être aussi grand que chez l’adulte, remonte au moins jusqu’à 
la base de l’entonnoir et couvre la paroi abdominale. A travers 
son épaisseur apparait , au milieu du ventre, une tache noire 
formée par la bourse à l’encre.Ce manteau est tiqueté de points 
colorés , tels qu'on les observe , plus grands et plus abondans, 
chez l'adulte. Les yeux, gros et bien formés , assez écartés en- 
core, de manière à donner beaucoup de largeur à la tête, ont 
leur pigment bien distinct. Déjà la coquille est formée de plu- 
sieurs couches calcaires, et se trouve enfermée dans la portion 
dorsale du manteau. 


Tels sont les faits que j'ai observés, et j'ai pu, en partie, ré-. 


péter ces observations sur l'œuf de la Sépiole. Je crois du moins 
pouvoir attribuer à ce petit Céphalopode des œufs d’un blanc 
sale , de la grosseur d’un grain de chenevis, que j'ai trouvés at- 
tachés aussi par un pédicule au même fucus que ceux de la 
Seiche. Après avoir enlevé leur peau coriace et translucide, j'ai 
obtenu un vitellus hyalin, sphérique, et enveloppé d’une mem- 
brane sous laquelle siégeait l'embryon, ici beaucoup plus grand 
proportionnellement que dans l'œuf de la Seiche, mais étalé 
de la même manière et conformé à-peu-près de même; 


pucès. — OEufs de Céphalopodes. 113 


seulement ses deux gros yeux se montraient déjà colorés en 
noir ; javais pu même le reconnaitre à travers l'enveloppe exté- 
rieure , qu’on peut, mieux encore ici que dans les œufs précé- 
demment décrits, appeler un albrimen concret. 


THÉORIE. 


I! résulte des faits précédens et de ceux qu'ils présupposent, 
que les premiers rudimens de l'embryon des Mollusques cépha- 
lopodes sont étalés à la surface du vitellus, et que la formation 
par élémens binaires y est des plus marquées que l’on puisse 
imaginer ; que le cerveau est pourtant la première partie cen- 
tralisée, et que le dos, qui lui fait suite , montre également de, 
bonne heure la tendance à la même centralisation ; que, bientôt 
après , toute la périphérie de cette plaque embryonnaire se re- 
ploie vers le vitellus, et ce, graduellement d'arrière en avanten 
même temps que d’un côté à l’autre. De là vient que ,à mesure 
qu'il se perfecuonne , l'embryon semble se soulever.et basculer 
sur Le vitellus, de manière à n'y plus appuyer que par ce qu’on 
nomme sa tête ( fig. 2). D'avant en arrière a lieu la formation 
dumanteau; d’un côté à l'autre , celle des: parois abdominales 
etdes ganglions sous-œsophagiens, qui cintrent et étreignent 
bientôt l’étranglement du vitellus dont une portion ,yrenfermée 
dans le ventre, forme le canal intestinal Clg. 3 et 4 ). C'est 
d'un côté à l’autre aussi que se réunissent , presque, en: même 
temps que les ganglions susdits, les bases des deux longs bras 
plus centraux que les autres chez l'adulte. Plus tard se portent 
aussi en dessous et se soudentsur la ligne médiane les bases des 
deux bras courts les plus inférieurs, et qui étaient d’abord les 
plus externes. En même temps , se rapprochent et se soudent 
les deux moitiés de l'entonnoir: on a la preuve de cemode de 
formation dans celui du Nautile, qui, sélon Owen, acette Partie 
composée de deux lames latérales superposées sans continuité. 
Enfin le pédicule vitellin', serré dans Le collier œsophagien, s'o- 
blitére , et c'est le reste de son prolongement vers l'estomac 


qui forme sans doute, chez le Poulpe adulte, ce jabot en forme 
VIIL Zoor. — Aout. Co) 


114 DUGÈS. — OEufs de Céphalopodes. 


de cul-de-sac, si remarquable dans les figures données par 
Cuvier. 

Il s’ensuivrait de là que, pour comparer les rapports de l’em- 
bryon au vitellus chez ce mollusque avec ceux qu’ils ontensemble 
chez les autres animaux, c’est avant la coalescence des gan- 
glions sous-œsophagiens qu’il faut les considérer; on se repré- 
sentera alors aisément les rudnnens du système nerveux étalés 
autour du cerveau et comme à cheval sur le vitellus. Aucune 
partie de ce vitellus n'est alors étranglée par le corps de l'em- 
bryon, ni par son système nerveux ; ils sont simplement op- 
posés surface à surface. Plus tard il se forme un ombilic dans 
un point tout différent de ce qu'on observe chez les vertébrés 
et le plus grand nombre des invertébrés ; le pédicule du vitellus 
traverse le collier œsophagien parallélement à l’'œsophage; par- 
ticularité exclusive à nos Céphalopodes, et qui ne permet pas 
d'expliquer chez eux , comme chez les Insectes ou les Crusta- 
cési, etc., la formation de ce collier œsophagien. 

Voici, en conséquence, la triple marche que nous paraissent 
suivre, dans leurs rapports mutuels, durant l’épigénèse, le sys- 
tème nerveux et l’appareil digestif : r° chez les Céphalopodes , 
le cerveau et le dos sont coalescens de bonne heure (fig. 5); 
ce sont donc les ganglions postérieurs qui se rapprocherontet 
se réuniront ensuite, en circonscrivant , dans un anneau, une 
portion du vitellus dont le pédicule sera conséquemment au- 
devant d'eux; 2° chez les animaux articulés, au contraire, les 
ganglions postérieurs étant plus promptement coalescens, comme 
le prouve leur soudure plus complète, c’est le cerveau dont les 
deux lobes, d'abord séparés (fig. 6), étrangleront. en se réu- 
nissant, une petite portion du vitellus dont le pélicule sera 
placé derrière eux. Dans le premier cas, la portion étranglée 
constituera la totalité du tube digestif; dans le deuxième elle 
formera seulement la masse buccale; 3*enfin,chez les vertébrés 
(fig. 7), la coalescence des centres nerveux est si entière et si 
hâtive qu’ils ne peuvent étre traversés par aucune portion da 
vitellus qui forme au-dessous d’eux l'appareil digestif et ÿ reste 
uni plus ou moins long-temps comme appendice. 

La divarication des centres nerveux chez les Céphalopodes 


re RÉ nn mn, tt” 


puGÈs. — ŒEufs de Céphalopodes. 115 


nous explique, jusqu’à un certain point encore, la conforma- 
tion hétéroclite de ces animaux ; elle nous aide du moins à con- 
cevoir pourquoi tous leurs membres sont ramassés à la tête; 
c'est qu’il n’y a point, chez eux, de thorax distinct , puisque 
leurs ganglions thoraciques sont ramenés sous la bouche : ce 
ne sont donc point destentacules , mais de vrais membres qu'il 
faut voir dans ces bras dont la couronne répond au pied des 
Gastéropodes. Les deux plus longs seulement, ceux qui sont en 
forme de massue sont peut-être les analogues des palpes pédi- 
formes des Arachnides et ainsi dépendans de la bouche ou de ce 
qui représente l’appareil hyoïdien des vertébrés. Mais ce sont la 
des considérations tout-à-fait secondaires auprès de celles qui 
nous ont surtout occupés ici, et qui touchent aux plus hautes 
questions de la philosophie zoologique, celle en particulier de 
l'unité de plan dans le règne animal. Nous croyons , SOUS Ce rap- 
port, avoir démontré du moins que l’on peut rallier à une ori- 
gine commune et rapporter à de simples modifications dans les 
dispositions primitives, ces formes si contrastantes , si étran- 
gères les unes aux autres au premier aspect, quand on les exa- 
mine loin de leur source. Il en est ici comme de la différence du 
sexe, si grande chez l'adulte, si minime chez Pembryon. Il est du 
moins bien positif que la disposition particulière aux Seiches n’in- 
firme en rien l'identité qui nous parait bien établie entre ja face 
dorsale des autres invertébrés et la ventrale des mammifères 
qui, l’une et l’autre, peuvent recevoir le nom de face ombilicale, 
dénomination qui ne cesse de leur convenir, à lune comme à 
l'autre , que chez les Mollusques céphalopodes. 


EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE D. 


Fig. 1. Morceau dela coque d’un œuf de Seiche avec l'embryon vu par sa facè interne; le 
tout considérablement grossi ; a manteau; # branchies; e plaque destinée à former! l’en- 
tonnoir ; d œil; e longs bras tentaculaires ; f' bras courts; g grande ouverture ombilicale 
dans laquelle on voit la masse buccale repoussée en arrière et de côté. 

Fig. 2. Vitellus et fœtus de Seiche paraissant un peu racorni par l’action de l'alcool, vu de 
profil et grossi huit fois en diamètre. 

Fig. 3. Coupe du même pour montrer les rapports du vitellus avec les organes digestifs de 
Vembryon et avec les ganglions nerveux; a cerveau; 2 ganglion thoracique ; c masse buccale 

8. 


116 VAN DER HOEVEN. — /Jimensions de la têle osseuse. 


suivie de l'œsophage; d anus ; e partie de la masse vitelline qui doit former les estomacs, sur- 


moutée de son canal vitellin; f vitellus, 

Fig. 4. Coupe d'un vitellus bien moins avancé. Le canal vitellin est un simple étrangle- 
ment, la masse buccale existe, mais non l'anus; le ganglion thoracique est encore en arrière. 
L'embryon est censé un peu moins développé, même que dans la fig. 1. 

Fig. 5. Représentation idéale des centres nerveux des Céphalopodes dans les premiers 
temps de la formation embryonnaire; les deux moitiés du ganglion thoracique sont fort écar- 
tées comme les ganglions abdominaux qui restent toujours ainsi même chez l’adulte. On conçoit 
que le prolongement du vitellus (intestin futur ) doit aisément passer eutre ces organes derrière 
le cerveau. Un trait ponctué indique comment les ganglions thoraciques se réuniront en étran- 
glant ce prolongement vitellin en forme de hernie. 

Fig. 6. Mème schena pour les Insectes. Ici c’est le cerveau dont les deux moitiés permet- 
tent au vitellus de faire hernie pour l’étrangler plus tard en formant le pharynx et la masse 
buccale, Le reste du viteilus deviendra l’intestin et l'estomac. 

Fig. 7. Schema des Vertébrés, pour montrer qu'il ne peut y avoir de passage ou hernie 
d’une portion du vitellus à travers leurs centres nerveux. 


Essar sur les dimensions de la téte osseuse , considérées dans 
leur rapport avec l’histoire naturelle du genre humaïn, 


Par J. Van Der Hoeven, D. M. 


1 


Professeur ordinaire à la Faculté des Sciences de l'Université de Leyde. 


Parmi les traits de conformation physique dont on se sert 
pour distinguer les races humaines , ceux qui ont rapport au 
crâne ont été étudiés de préférence. On conçoit aisément que 
d’une part la boîte ossense peut nous donner une idée générale 
de la forme et du volume du cerveau, tandis que la charpente 
osseuse de la face nous apprend de même à connaître plusieurs 
particularités distinctives de la figure. Aussi depuis qu'on s'est 
occupé de cette partie intéressante de l’histoire naturelle, on a eu 
soin de rassembler des crânes de différentes nations, et iln'’existe 
à présent presque point de collection anatomique de quelque 
étendue qui n’en contienne un nombre plus ou moins considé- 
rable. Les figures que M. Brwmensacx a publiées de plusieurs 
cränes de sa collection se trouvent dans toutes les bibliothèques 


VAN DER HOEVEN. — Dimensions de la téte osseuse. 1 4 


4 


d’anatom'e et d'histoire naturelle, et ont surtout contribué à ré- 
pandre le goût pour ce genre de recherches. 

M'étant voué depuis quelque temps à rassembler des maté- 
riaux pour servir à une Aéstoire de l'homme, j'ai été frappé de ce 
que nous ne possédons jusqu'ici que des notes éparses et incom- 
plètes sur les dimensions du crâne. On en sentira néanmoins le 
besoin pour la science , dès qu’on voudra se servir de ces mots 
de grand et petit, qui n’ont de sens précis que lorsqu'on pos- 
sède un terme de comparaison. Ainsi , par exemple , l’illustre 
SOEMMERRING a avancé , que le grand [trou occipital chez les 
Nègres est plus grand que chez les Européens, et les compila- 
teurs n’ont point hésité à copier cette observation. Mais avant 
de décider sur la vérité de cette remarque, il me faut savoir , 
quelle est la dimension ordinaire de ce trou , chez les crânes 
d’Européens. On a avancé que le crâne de Nègres est comprimé 
et plus étroit, mais quelle est la mesure ordinaire de la largeur 
du crâne chez cette race et en combien diffère-t-elle de la lar- 
geur moyenne d’un crâne européen ? 

On sentira la nécessité de mesures comparatives et répétées , 
pour peu qu'on réfléchisse sur les étonnantes variétés indivi- 
duelles que l'observation nous fait connaître chez un seul et 
même peuple. Nous devons, par conséquent, recueillir plusieurs 
observations , les comparer et nous efforcer d’en déduire un 
terme moyen, qui peut servir pour point de départ. Voilà ce 
que j'ai taché d'entreprendre. Mes résultats, pour n'être point 
brillans, ne seront pas, j'espère, tout-à-fait perdus pour la science, 
et quoiqu'il me manque encore bien des données, je me flatte 
qu'on voudra bien me permettre de donner quelques extraits 
des notes que j'ai préparés. 


$ I. Cränes européens. 


Parmi les mesuresde plus de cent crânesdivers, je choisirai main- 
tenant vingt crânes européens, provenant de diverses nations(r). 


(+) Savoir, un crâne d'Anglais, un d'Écossais, un d'Irlandais, cinq de Russes, un de Po- 
lonais , un d'un Allemand de la Saxe, quatre d'Hanovriens, un d’Italien, cinq d'Espa- 
guols, 


118 VAN DER HOEVEN. — Dimensions de la tête osseuse. 


J'ai trouvé chez ces crânes, la circonférence du crâne moyenne 
de 0,521 m. (1). Le maximum était de 0,544, le minimum de 
0,49. Chez treize de ces crànes , la circonférence était entre 
0,50 et 0,540. Je suis donc autorisé à nommer un crâne euro- 
péen volumineux, qui aura cette circonférence de 0,540 et au- 
delà; et il sera petit si cette mesure est de 0,505 ou encore moins. 
Cette circonférence à été mesurée par un fil qui passait au- 
dessus des orbites, par le bord supérieur des temporaux et la 
protubérance postérieure de locciput. 

Ensuite j'ai déterminé la longueur de la voûte du crâne ou 
de l’arc vertical, qui s'étend des os du nez , jusqu’au bord pos- 
térieur du grand trou occipital. Cette mesure ne dépend pas 
de la première, car, avec la même circonférence, le crâne peut 
être plus ou moins haut, comme on sentira bien. Cette mesure 
que je normerai B, tandis que je désigne la circonférence par 
A, diffère de 0,343 jusqu'à 0,509 et le terme moyen était de 
0,374. Chez quatorze de ces crânes, cette mesure Z, était entre 
0,360 et 0,385. Ce sont donc, il me semble, les limites ordinai- 
res de cette dimension chez les Européens. 

La longueur du crâne se mesure par la distance qu’il y a entre 
la racine du nez (le frontal entre les yeux) et la partie posté- 
rieure de FOCcIpnt Cette mesure, que je nommerai C, variait 
de 0,167 jusqu’à 0,189 et la moyenne était de 0,179. Chez qua- 
torze, elle était entre 0,175 et 0,185; et en général il paraît rare. 
qu’elle soit plus petite que 0,170. Une fois seulement entre plus 
de cent vingt crânes, je l’ai trouvée moindre de 0,160. C'était 
sur le crâne d’un turc. 

La hauteur du crâne, mesurée verticalement du bord posté- 
rieur du trou occipital, jusque vers le point opposé de la suture 
des pariétaux variait de 0,132 jusqu’à 0,155; le terme moyen 
que j'ai déduit de tous les mesures est de 0,144. Cette mesure 
(D) m'a donné une fois 0,130 chez un Danois, mais ce cas 
parait être infiniment rare chez les Européens. Au reste, on 
n'obtient pas par cette mesure la plus grande hauteur du crâne, 


{1) Je mesuis servi du mètre, mesure généralement répandue, et admise aussi par le gou- 
vernement Néerlandais, 


VAN DER HOEVEN. — Aimensions de la téte osseuse. 3 10 


puisque le point le plus haut du crâne, tombe d’ordinaire plus 
en avant, mais il s’agit seulement d’une mesure comparable. 

Le diamètre transversal du crâne, où ii a le plus de largeur, 
est placé d’une manière différente chez les divers crânes. Chez 
quelques-uns, c'est dans le point correspondant aux tubérosités 
des pariétaux que le crane a la plus grande étendue, chez d’au- 
tres , le crâne est plus large vers les os temporaux ou aux temn- 
poraux mêmes. Je n'ai donc pu prendre un point fixe, mais j'ai 
seulement cherché quelle était la plus grande étendue de chaque 
crâne d’un côté à l’autre. Dans cette mesure (£), j'ai trouvé une 
différence de 0,129 à 0,148 et un terme moyen de 0,130, et j'ai 
trouvé chez quatorze, cette mesure entre 0,132 et 0,145, qui 
m'en paraissent être à-peu-près les limites naturelles chez les 
Européens. 

La largeur du frontal, derrière les orbites (F), diffère de 0,087 
jusqu’à o, 104. Chez treize crânes, cette dimension était com- 
prise entre 0,092 et 0,098. J'ai trouvé la mesure moyenne 
de 0,095. # 

Le trou occipital m'a offert deux mesures; sa figure étant 
ovale, j'ai mesuré son petit et son grand diamètre. Sa longueur 
moyenne (G) est de 0,035, sa largeur (G?) de 0,030 ; la premiére 
variait de 0,032 jusqu’à o,o41 et la seconde de 0,027 jus- 
qu’à 0,036. 

J'ai déterminé ensuite la distance entre les points les plus 
écartés des arcs jugaux (4). Cette dimension donne la largeur 
de la face. J'ai trouvé son minimum de 0,119 et son maximum 
de 0,141. Le terme moyen est de 6,131. : 

La mâchoire inférieure m'a fournie trois mesures. Première : 
ment, j'ai pris la hauteur de sa partie antérieure, à la symphyse 
du menton, du bord inférieur jusqu’au bord alvéolaire. Cette 
hauteur (J), avait un maximum de 0,040 et un minimum de 
0,025 et le terme moyen était de 0,032. En effet elle était entre 
0,030 et 0,035 chez treize des vingt crânes, qui m'ont servi 
pour ces comparaisons. 

En second lieu, j'ai mesuré la hauteur des branches de la 
mâchoire inférieure, en plaçant une des pointes du compas sur 
le condyle, l'autre sur le bord inférieur où la branche fait angle 


120 VAN DER HOEVEN. — {)imensivuns de la tête osseuse. 


avec le corps. Cette mesure (K) diffère beaucoup et est sujette 
à beaucoup d'incertitude , le bord inférieur offrant souvent des 
tubercules et différentes inégalités. IL est aussi assez comraun 
de trouver cette mesure différente chez le même individu, de 
gauche à droite, et il est bon de mesurer des deux côtés et de 
prendre la moyenne. En prenant cette précaution , j'ai trouvé 
cette mesure différente de 0,058 jusqu’à 0,074 et le terme moyen 
de 0,066 ; chez quinze crânes elle était entre 0,060 et 0,070. 

Enfin j'ai mesuré la distance qu'il y a du menton ou du mi- 
lieu du bord inférieur de la mâchoire inférieure, jusqu’au lieu où 
ce bord fait angle avec la branche ascendante. Tout ce que je 
viens de dire sur la mesure précédente se peut appliquer ainsi 
à celle-ci. Mais, malgré quelques incertitudes, j'ai cru devoir 
faire entrer cette mesure dans mes comparaisons, puisqu'elle 
donne la longueur de la mâchoire inférieure, qui a tant d’in- 
fluence sur la physionomie nationale et individuelle, J'ai trouvé 
cette dimension (Z) différente de 0,073 jusqu’à 0,090, et la 
moyenne que j'ai déduite de toutes les mesures donne 0.082. 

Enrésumé , chez les Européens, 4 est de 0,521 m.; B,0,374 ; 
C, 0,179; D ,0,144; E, 0,139; F, a,095; G, 0,055; G 0,030, 
H,0,131; J, 0,032 ; K, 0,066; et L, 0,082. 

Peut-être me fera-t-on lobjection que le nombre de vingt 
crânes est trop petit et bien insuffisant pour en déduire des 
règles générales. Je pourrais répondre à cette objection par un 
plus grand nombre d'exemples, car, en examinant mes notes, je 
vois que les nombres que j'ai proposés sont en effet à-peu- 
près les termes moyens. Tout ce qu'un plus grand nombre 
d'exemples pourrait changer à mes données, ce serait de reculer 
les limites de variation ; mais il ne me semble pas qu'il change- 
rait beaucoup au résultat ‘lu terine moyen , les minima et maxi- 
ma se compensant mutuellement. 

Mais ii serait bien ‘Plus à desirer que nous eussions des me- 
sures comparatives (le crânes d'Européennes, comme les vingt 
crânes dont je viens de donner les mesures sont toutes d'hommes 
sans exception. Il n’est encore impossible de donner ces me- 
sures, le nombre de crânes de femmes de différentes nations 
qui existe dans les collections de Leyde étant beaucoup trop 


VAN DER HOEVEN. — Üimensions de la téte osseuse. 121 


petit pour suffire à ces recherches : peut-être un autre qui.se 
trouve en état de comparer assez des crânes des deux sexes, se 
voudra-t-il bien charger de compléter mon essai. (r) 


$ 2. — Cränes de nègres. 


J’ai examiné dix crânes de nègres. 

La mesure Z variait de 0,485 à 0,542.Ce maximum était ex- 
cessif, et a eu une influence marquante sur le terme moyen des 
dix mesures, que j'ai trouvé être de 0,502. Je ne doute pas qu'avec 
plus de crânes on trouverait cette mesure moins grande, car 
chez sept de ces crânes elle n’excédait point 0,500. Toujours 
est-il certain que cette dimension est ordinairement moindre 
de 20 millimètres que la même chez les Européens, et que le 
minimum que nous offrent les crânes de ceux-ci parait être à- 
peu-près lg mesure ordinaire chez la race nègre. 

La mesure B variait de 0,316 jusqu'a 0,371. Leterme moyen 
que j'ai déduit d’une comparaison de toutes mes mesures était 
0,351. Voilà encore une différence de plus de 20 millimètres 
que cette mesure nous présente chez les Européens et chez les 
nègres, et le terme moyen de cette mesure chez les premiers 
égale ou surpasse mème le maximum chez les nègres. 

La longueur du crâne (C) ne diffère pas autant , si même elle 
diffère en effet, car le terme moyen de 0,177 que m'a offert 


(x) MWote sur une particularité chez les cränes Espagnols.— On a vu que, parmi les vingt 
crânes dont nous nous sommes servis et qui ont fourni les matériaux de cet essai, il y en avait 
cinq d’Espagnols; j'en ai examiné encore cinq autres. Parmi ces dix crânes d'Espagnols, il n’y 
en avait pas moins de quatre ou la suture frontale existait et divisait le frontal comme dans 
Je jeune âge ; dans un cinquième crâne il existait un vestige de celte suture au-dessus des os du 
nez. Il me paraît très vraisemblable que cette particularité, qu’on ne rencontre que rarement 
chez des crânes adultes est plus fréquente chez les Espagnols. Ceux qui possèdent des crânes 
de cette nation ou les anatomistes de l'Espagne pourraient aisément décider si ma conjecture 
est fondée. Au reste , il me paraît digne de remarque que plusieurs de ces erànes montraient 
des os wormiens chez un crâne qui avait aussi le frontal divisé, la partie supérieure de l’oc- 
cipital formait une grande pièce distincte, triangulaire. Il est incontestable que la présence 
de ces parties distinctes tient à la même cause qui a produit la persistance de la suture fron- 
tale, 

La mâchoire inférieure me parait moins haute qu’elle ne l’est d'ordinaire et le menton assez 
proëemiment, 


122 VAN DER HOEVEN. — ÂJinensions de la téte osseuse. 


cette dimension chez les nègres n’est moindre que de à milli- 
mètres du terme moyen que nous avons trouvé chez les Euro- 
péens. Cette mesure variait de 0,166 à 0,183. La hauteur (D) 
diffère un peu plus, et paraît être un peu moindre que chez: les 
Européens , le terme moyen étant de 0,139. 

La largeur du crâne (Æ) variait depuis 0,126 jusqu’à 0,135. IL 
paraît ainsi que le maximum reste au-dessous du terme moyen 
que nous offrent les crânes européens. Le terme moyen chez 
les nègres serait à-peu-près 0,130. 

Pour la largeur du frontal (F), j'ai trouvé le même terme 
moyen que chez les Européens, savoir de 0,095. 

Quant au trou occipital, G différait de 0,031 jusqu'à 0,041, 
et le terme moyen 0,035 ; G variait entre 0,027 et 0,037 , et le 
terme moyen était de 0,028. Il me parait donc prouvé que le 
trou occipital n’est pas plus grand que chez les Européens, et 
que s'il y existe une différence nationale dans cette gartie entre 
les nègres et les Européens, elle paraît plus oblongue chez les 
premiers, ayant avec la même longueur un peu moins de 
largeur. 


La distance entre les os de la pommette (77) variait de 0,118 
jusqu'à 0,138. Le terme moyen de cette mesure était 0,128. Je 
ne vois pas que dans ce point le nègre diffère beaucoup de 
Européen. 

Le terme moyen pour la mesure Z était de 0,031; pour X, 
0,061; pour Z,0,086, c’est-à-dire que la màchoire inférieure 
ayant antérieurement à-peu-près la même hauteur moyenne 
chez les nègres que chez les Européens, a sa branche ascen- 
dante et son corps plus long cheziles premiers. 

Nous trouvons que le crâne des nègres a en général la même 
longueur que celui des Européens, qu'il est un peu moins 
haut, surtout beaucoup moins large que sa circonférence 
moyenne est beaucoup moindre et que le trou occipital à une 
forme plus allongée. La longueur de la mâchoire inférieure (L) 
nous a offert trois exemples sur dix d'une longueur qui sur- 
passait le maxinium que nous avions trouvé chez les Euro- 
péens. La conclusion que cette partie est plus allongée chez 
les nègres ne paraîtra donc pas hasardée. 


VAN DER HOEVEN. — /Jimensions de la téle osseuse. 123 


$ 3. — Uränes de Chinois. 


Nous pourrions continuer nos observations en exposant en 
détail ce que nous ont HAPrS dix crânes de Chinois que nous 
avons comparés de même; mais il suffira de donner le terme 
moyen, en nous servant pour indiquer les différentes mesures, 
des lettres À — Z, que nous avons employés déjà pour les 
distinguer. 

A1 OT 
0,374 
0,178 
0,145 
0,138 
110,09 35 
—10,03) 
0,029 
= T0 
0,033 
0,008 
0,083 


WU 


Î 


DT OOo bas 


JE 


Pour peu qu'on veuille bien comparer ces nombres aux 
mesures moyennes que nous avons données plus haut pour les 
crânes européens , on verra que les différences ne surpassent 
guère 1 ou 2 inillimètres. Ceci me semble démontrer qu'en 
effet nous ne saurions être loin de la vérité quant aux mesures 
moyennes que nous avons admises pour le crâne européen. 
Mais les crânes de la race mongole ne différent-ils donc pas des 
crânes caucasiques? Il faut bien se garder de faire cette con- 
clusion , qui serait un peu précipitée, ‘l'out ce que l’on peut dé- 
duire des comparaisons que nouûs avons faites, se réduit à la 
conclusion que, s’il existe une différence entre les mesures 
moyennes du crâne pour la race caucasique et la race mongole, 
cette différence est très petite et presque nulle. Cepéndant les 
os jugaux paraissent un peu plus écartés, et la mächoire infé- 
rieure, surtout sa branche montante, semble être plus haute 
que chez les Européens. 


124 NEWPORT. — Température des insectes. 


Il me paraît digne d’être observé que la longueur du tron 
occipital a donné exactement le même terme moyen chez les 
vingt crânes européens que.chez les dix crânes nègres et les dix 
crânes chinois : cette mesure de 0,035 parait done à-peu-près 
constante, et par ce point les crânes différent très peu entre 
eux. 

Je m'estimerais heureux si j'avais donné quelques observa- 
tionsutiles à la science, et surtout si mes recherches en faisaient 
naître d’autres qui eussent plus d’intérèt. Un célèbre physicien 
a dit avec raison que mesurer et peser sont les deux grands se- 
crets des sciences d'observation. 


Mémoire sur la température des insectes, considérce dans ses 
rapports avec la circulation et la resprration, par M.NEwPorT. 
( lu à la Société royale de Londres, le 8 juin 1839.) Extrait. 


F’auteur établit dans le commencement de son mémoire, que malgré qu’on 
sache depuis long-temps que les Insectes vivant en société tels que les Abeilles 
et les Fourmis, maintiennent dans leurs habitations une température plus éle- 
vée que celle de l’air extérieur , on n’avait pas encore établi le fait que les In- 
sectes de toute espèce possèdent individuellement une température plus élevée 
que eelle du milieu dans lequel ils résident (1), et que, dans chaque espèce, 
ce degré d’élévation varie aux différentes périodes de leur existence. Il a été 
conduit d’abord à étudier la température des insectes, par suite des résultats 
curieux qu'il a obtenus dans quelques expériences entreprises dans l'automne de 
1852, sur une espèce d’Abeille sauvage, observée dans son nid naturel, dans le 
but de s’assurer, ainsi que le docteur Marshall Hall le lui avait suggéré, des 
rapports entre la temperature de ces insectes, pendant leur hibernation et l'ir- 
ritabilité de leur fibre musculaire ; mais , dans tous les cas , il s'était déjà con - 
vaincu de l'existence d’une température élevée chez les Insectes individuellement, 
avant les expériences dontles résultats ainsi que les autres faits relatifs à la physio- 
logie des Insectes ont été communiqués postérieurement au docteur Marshall Hall. 

Depuis l'époque où l’auteur s’est engagé dans ses recherches, quelques obser- 
vatons sur le même sujet ont été publiées parle docteur Berthold de Gottingue, 
qui a annoncé que, dans son opinion, les Insectes ne devraient pas être con- 
sidérés comme des animaux À sang froid ; mais ce naturaliste ne paraît pas avoir 


(1) Ce fait avait déjà été mis hors de doute par les expériences intéressantes de MM. Nobili 
et Melloni. Voy. Annales de Physique et de Chimie, 1.48, p. 207. R. 


NEWPORT. — Temperature des insectes. 125 


découvert l'existence d'une température plus élevée que celle du milieu ambiant 
dans les Insectes pris individuellement. L'auteur rappelle aussi les observations 
faites sur ce sujet par MM. Hausmann, Juch , Rengger, le docteur J. Davy et 
autres, dont quelques-uns ont découvert cette existence d’un excès de tempé- 
rature dans cette classe d’animaux , tandis que d'autres ne l’ont pas observée. 
Il entre ensuite dans le détail de toutes les précautions qu'il est nécessaire de 
prendrepourassurer l'exactitude des observations de ce genre, et fait remarquer 
qu'il faut avoir plus de confiance dans celles qui sont faites sur la température 
externe que sur la température interne de l'animal, parce que, dans une sem- 
blable matière, des résultats comparatifs sont tout ce qu’on doit espérer d’ob- 
tenir, et que les atteintes portées à la vie des Insectes par des mutilations in- 
fluent matérialement sur l'exactitude des conclusions qu’on peut tirer sur le 
degré de leur température interne. | 

Après ces remarques préliminaires, l’auteur donne le récit détaillé de ses 
observations sur la température des Insectes dans leurs différens états de 
larve, de chrysalide, et d'insecte parfait , d’où il résulte que ceux qui possèdent 
la plus haute température , sont constamment les Insectes qui volent et princi- 
palement les espèces diverses qui résident presque toujours à l'air libre. Il 
montre que la larve a une température plus basse que l'insecte parfait, et que 
l'énergie de sa respiration est par conséquent moindre, en tenant compte toutefois 
de l’activité de linsecte et de la dimension de son corps. Dans les Lépidoptères, 
l'élévation moyenne de température au-dessus du milieu ambiant est, dans la 
larve de o°,9 à 1°,5, tandis que, dans l’insecte parfait, elle monte de 5° à 10°, 
Parmi les Hyménoptères elle est de 2° à 4° dans la larve , et dans l’insecte 
parfait de 4° à 150 et méme 2006; mais dans tous les cas , cette élévation, aa 
total, paraît dépendre du degré d’activité et de la quantité d'air respiré pendant 
une période donnée. ” 

L'auteur recherche ensuite l'influence des circonstances : varices, tels que le 
repos, le sommeil, l’hibernation , et des excitations extraordinaires, sur la tem- 
pérature des Insectes; il montre que l'évolution de chaleur diminue graduellement 
dans un rapport qui correspond à la longueur du temps pendant lequel l’insecte 
est resté à l'état de repos, mais qu’elle augmeate immédiatement aussitôt qu’il 
entre en action. Il s'occupe aussi des causes eloïgnées de l'hibernation qu'il 
attribue dans tousles stats de l’insecte, à une accumulation de matière adipeuse, 
ou d’un fluide autritif qui, se trouvant rassemblé dans le système, amène un 
état pléthorique , dont l'animal sort quand cette provision de matériaux est 
épuisée. Il rapporte des expériences variées qui tendent à prouver qu’une grande 
portion de la chaleur développée par un insecte; quand il est dans son état 
d'activité, se dissipe dans le milieu environnant, et que la qnantité de chaleur 
ainsi produite est dans uue proportion définie avec les mœurs , l'habitat et l'e- 
nergie de la resriration dans chaque espèce respective. Nous avons déjà dit que 
les Insectes qui volent sont ceux auxquels il a trouvé la température la plus 
élevée; et que parmi eux ceux qui sont diurnes ont présenté uue chaleur plus 


D NEWPORT. — Température des insectes. 


élevée que ceux qui sont crépusculaires ; après ceux-ci doivent être places les 
terrestres diurnes, et enfin toutes les espèces terrestres nocturnes. 

Dans la section suivante de son mémoire, l’auteur considère la température 
des Insectes qui vivent en societé, et en particulier celle de l’Abeille sauvage et 
de l’Abeille domestique. Ses observations confirment en grande partie celles de 
Huber, relativement aux habitudes d’incubation de la première espèce; il s’est 
de plus assuré que pendant cette période d’incubation les Abeilles possèdent la 
faculté de produire à volonté de la chaleur , qui élève la température de leur 
corps, sans doute dans le but de réchauffer les jeunes larves dans leurs cellules; 
que cet acte est accompagné d’une respiration accélérée, et que le degré de cha- 
leur développée est proportionnel à la quantité d’air respiré. La loi établie par 
le docteur Edwards relativement aux petits des Mammifères , savoir : qu'ils pos- 
sèdent une faculté moindre d’engendrer de la chaleur et que, pendant un certain 
temps, ils sont incapables de maintenir leur propre température , est également 
applicable , ainsi que l’auteur le démontre, aux premières époques de la vie des 
Insectes et à l'insecte parfait immédiatement après qu'il sort de l’état de 
chrysalide. 

L'auteur examine ensuite la température de l’Abeille domestique des ruches 
et démontre, contrairement aux opinions de Réaumur, Huber et autres, que les 
Abeilles ne maintiennent pas une très haute température dans leurs ruches pen- 
dant l'hiver , mais qu’elles sont disposées, quand elles ne sont pas troublées par 
les vicissitudes accidentelles de la température atmosphérique, à prendre leur 
état d’hibernation, quoique, d’un autre côte, quand les Abeilles sont trop in- 
quiétées, la température de la ruche puisse, même au milieu de l'hiver, s’élever 
considérablement. La température de cette ruche est à son terme le plus bas en 
janvier et s'accroît graduellement, jusqu’à la période de l’essaimage, eu mai ou 
juin, époque après laquelle on la voit décroître. L'auteur donne une table qui 
présente les resultats d'observations successives sur l'influence de la diminution 
de la chaleur et de !la lumière, qui a été la conséquence de l’éclipse annulaire 
de soleil du »5 mai 1836 sur la température de la ruche. Il paraîtrait, d’après 
les recherches de l’auteur , que les diverses parties de la ruche ne conservent 
pas la même chaleur relative les unes par rapport aux autres à différentes pé- 
riodes et par conséquent, que l'élévation totale de chaleur libre dans la ruche 
es! souvent à 10° ou 15°, même dans les mois de juillet et d'août. 

La dernière section du mémoire est consacrée à des considérations sur le 
rapport qui existe entre le developpement de la chaleur et les fonctions de la 
respiration , de la circulation et de la digestion. L'auteur a examiné l’état du 
pouls pendant les différentes périvdes de la vie de la larve jusqu'à sa métamor- 
phose en chysalide, et les résultats en sont donnés sous la forme de tableaux. Il 
fait connaître la vitesse de la pulsation dans les différentes conditions de repos 
et d'activité, et la fréquence correspondante de l’acte respiratoire, et trouve que, 
malgré qu’il y ait un accord général entre l’activité de ces deux fonctions , ce- 
pendant l'activité de la respiration et la quantité de chaleur développée ne dé- 


JoURDAN. — Sur un Rongeur fossile. 127 


pendent pas primitivement de la vitesse de la circulation ; mais que, dans toutes 
les circonstances, la quantité de chaleur développée est exactement proportion- 
nelle à la quantité de la respiration. 

Pendant que l’insecte mange et que la digestion s’accomplit, l’évolution de 
la chaleur augmente, et pendant qu’il jeûne, elle diminue ; cette diminution, 
toutefois, a une limite, tandis que la respiration, à mesure qu’elle s'accroît, est 
constamment suivie d’un accroissement de température. Les matières gazeuses 
exhalées en grande abondance de la surface du corps d’un Insecte contribuent 
à régler et à égaliser sa température, mais la quantité diminue en proportion de 
la longueur du temps pendant lequel il a été prive de nourriture. L'auteur 
soutient que la chaleur animale n’est pas un pur effet de l'influence nerveuse 
générale ou ganglionnaire, opinion qu’il déduitsles considérations suivantes : 
1° chez beaucoup d'insectes, où se développe usë&:grande quantité de chaleur 
et où la respiration est énergique, le système nerveux est petit comparativement 
à celui d’autres insectes chez lesquels la respiration est moins énergique ; 20 si 
l'évolution de la chaleur animale dépendait de l'existence des ganglions, la 
Sangsue devrait développer plus de chaleur que la larve des Lépidoptères, car 
elle possède un bien plus grand nombre de ganglious. 

L'auteur est donc disposé à tirer de ses observations cette conclusion gèné- 
rale, savoir : que la chaleur animale résulte directement des changemens qui 
ont lieu pendant la respiration , et que la cause pour laquelle une si grande 
quantité de cette chaleur abandonne si rapidement le corps de l'insecte, c’est 
qu’elle ne devient pas latente, parce que le fluide circulant, bien différemment 
de ce qui se passe dans les animaux d’un ordre plus élevé, n’est ni complè- 
tement veineux , ni complètement artériel , mais d’uu caractère intermédiaire. 

Vingt-deux tableaux annexés au mémoire rappellent tous les détails des expc- 
riences mentionnées dans ce travail. (/nstitut, n. 221.) 


Mémoire sur un rongeur fossile des calcaires d’eau douce du 
centre de la France, considéré comme un type générique nou- 
veau ; le genre Theridomys ; par M. Jourpan. (Présenté à l’A- 
cadémie des Sciences le 25 septembre 1837.) -_ (Extrait. 


Le Theéridomys paraît avoir habité surtout les massifs élevés du centre de la 
France : M. Jourdan eu a reçu quelques débris provenant du Cantal, et il en 
a recueilli lui-même plusieurs mâchoires dans les calcaires d’eau doùce de Ron- 
zon près le Puy en Velay et dans ceux de Perrier près d’Issoire. 

Par les racines de ses dents et les plis de leur couronne, le Théridomys sem- 
ble se rapprocher un peu des Porcs-épies de l'Amérique méridionale, les Syné- 
thères et les Sphiggures, et peut-être aussi de quelques Echymis: cependant , la 


128 JOURDAN.— Sur un rongeur fossile. 


partie antérieure de son arcade zygomatique présente un développement osseux 
beaucoup plus considérable : cette dernière disposition anatomique indiquerait- 
elle que le Théridomys était un animal fouisseur ? 

Système dentaire.—Les mâchoires supérieures, les seules que l’auteur ait pu 
jusqu'ici observer , lui ont présenté deux incisives et huit molaires, quatre dé 
chaque côté ; les analogies zoologiques en indiquent un même nombre pourla mâ- 


s 7 te . ne S e 14 2 
choire inférieure: la formule dentaire du Théridomys sérait donc, incisives — mo- 
2 


pes : total 20 dents. 
4 — 


Les incisives de la mâchoire supérieure sont assez courbées , sans former pour- 
tant un demi-cercle parfait; l'émail de leur face antérieure est épais et elles sont 
d’une médiocre grosseur, li 

Les molaires diffèrent pewles unes des autres: un peu inclinées en arrière, 
elles ont toutes trois racines , deux en dehors et une en dedans plus forte. Leur 
couronne offre deux replis d’émail vers son côté interne, et sur le côté externe, 
trois collines ovales plus ou moins grandes , fermées et circonscrites par un re- 
bord commun, ce qui fait que le côté externe a une forme arrondie. 

Dimensions. — La rangée des dents molaires a un peu plus d’un centimètre 
de long : l’ensemble de la tête a environ quatre centimètres. D’après ces dimen- 
sions, on peut croire que la taille du Théridomys se rapprochait de cellé du 
Surmulot, mais qu'il était à-la-fois plus fort et plus trapu. 

Le Théridomys, dit M. Jourdan, n’est pas le seul animal fossile que nous 
ayons trouvé dans les calcaires d’eau douce de l'Auvergne et du Vélay; nous y 
avons aussi recueilli deux Anthracothériums , le Dichobune, le Porinum, un Lo- 
phiodon ; et parmi les animaux dont les analogues existent , une grande Musa- 
raigne voisine de celle de l'Inde; un Anœma, un animal rapproché du Chinchilla, 
des débris d’un Didelphe américain, plusieurs crânes d’oiseaux , dont un assez 
semblable à celui du Catharte urubu. Ces animaux seront décrits par M. l'abbé 
Croizet, qui s'occupe d’un travail spécial sur les fossiles de cette contrée. ; 


OseRvATIOoN sur une Argonaute fossile. (Extrait d’uné Lettre 
adressée aux Rédacteurs, par MicmeLoTTt (1). 


« M. Sismonda jeune (le frère du professeur de Géologie de l'Université de 
Turin) a rencontré près de Cornigliano , dans les marnes bleus du dépôt super- 
crétacé, l_Ærgonauta Argo. Lin., genre qui ne paraît pas avoir encore été 
trouve à l’etat fossile. » (Turin, 20 nov. 1837.) 


(x) Nous saisirons cette occasion pour annoncer à nos lecteurs que M. Michelotti de Turin, 
est sur le ‘point de publier un ouvrage sur les Polypiers fossiles , intitulé Zoophytologia Dilu- 


vianæ. 
D —— 


/ 
DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 129 


Memorre sur l’'embryogénie des Mollusques Gastéropodes , 


eo 


Par B.C. Dumôrrier , 


Membre de l’Académie des Sciences et Belles-Lettres de Bruxelles. 


Les phénomènes qui enveloppent le grand mystère de la gé- 
nération des animaux ont fixé depuis long-temps l'attention des 
savans , et sont bien dignes de leur étude. Il est curieux d’as- 
sister à ce sublime spectacle, de percer d’un œil scrutateur le 
voile dont la nature a enveloppé ce mystère, de voir la vie ani- 
mer la matière organisable , et les organes constitutifs se déve- 
lopper successivement jusqu’à ce que l’être nouveau soit formé 
sur le type des parens auxquels il doit l'existence. 

Beaucoup de naturalistes ont cherché à exposer ce grand 
mystère; cependant, la connaissance des lois générales qui pré- 
sident à l'organisation et des métamorphoses successives que 
présente l'embryon , tant à l’intérieur qu’à l'extérieur , laisse en- 
core beaucoup à desirer. 

Depuis Aristote, il n’est point d’anatomiste qui n'ait étudié 
le développement de l'embryon de l’œuf dela poule; l'élévation 
de l'espèce dans l’échelle des êtres , la facilité d'observer son 
système circulatoire par suite de la coloration du sang , la gros- 
seur de ses œufs, la commodité de pouvoir se les procurer à 
chaque instant de l’incubation , ont fait que c’est sur cet animal 
que se sont dirigées le plus grand nombre d’observations. Cepen- 
dant, malgré des avantages aussi incontestables, l'œuf de la 
poule offre de bien grandes difficultés. Le plus grand obstacle 
qui s'offre à l'observateur réside dans l’opacité des tégumens de 
l'œuf qui ne permet pas d’apercevoir l'embryon sans rompre les 
enveloppes qui l'entourent, et cette rupture entraînant avec elle 
la dislocation des parties constitutives , détruit immédiatement 
l’objet qu’il s’agit d'étudier. En second lieu l'embryon du pou- 
let, ainsi que celui de la plupart des animaux supérieurs, est 

VIIL Zoou., — Septembre. 9 


130 DUMORTIER. — ÆEmbryogenie des Mollusques. 


opaque et ne permet pas de voir ce quise passe dans son in- 
térieur. 

Pour suivre avec facilité toutes les phases tant internes qu’ex- 
ternes de l’embryogénie, il fallait trouver un être dont l'œuf 
fût transparent et l'embryon lui-même diaphane, de manière à 
apercevoir tout ce qui s’y passe sans devoir recourir à la rup- 
ture de l'œuf; ayant trouvé ces conditions dans les œufs des 
mollusques, j'en ai fait l’objet de ce Mémoire. J'airetiré de cette 
étude un autre avantage, celui de connaître les diverses phases 
de l’embryogénie des animaux inférieurs qui, suivant la Judi- 
cieuse observation de M. Serres , sont eux-mêmes comme des 
embryons permanens des animaux supérieurs, de sorte que cette 
étude peut servir à éclaircir les points les plus importans des 
premières phases de l'embryogénie des animaux supérieurs:et 
de l’homme. 

L'embryon animal ne présente pas, comme on l'a avancé, 
l'organisation en petit de l’être parfait de son espece; il n’est 
point la miniature des parens qui lui ont douné naissance. Dans 
son état originel, il consiste uniquement en matières organi- 
sables plus ou moins fluides, quin'’offrent aucune trace de tissus 
ni d'organisation, mais qui, bientôt se transforment en tissus 
et donnent peu-à-peu naissance aux divers organes. La manière 
dont s'opère cette transformation des fluides en tissus est encore 
mconnue, elle est cependant la base de tout, l'organisme. On 
sait, à la vérité, que les globules solides suspendus dans certains 
fluides organiques, tels que le lait, le sang, etc., peuvent, sous 
l'empire de circonstances données, s ’agglomérer en une masse 
solide ; mais cette masse n ’est qu’ une simple concrétion , un 
coagulum qui n'offre aucun tissu organique. Or, on ne peut 
méconnaître que dans les corps organiques les tissus seuls sont 
organisés et doués de la vie; les fluides servent à les former et 
à les entretenir , il en sont l'élément primordial et l’auxiliaire de 
chaque instant; c’est par eux que nous existons et que nous 
vivons , mais ils n’ont rien d’organisé, ils ne sont ni l'existence 
ni la vie. On ne peut donc rien conclure de la formation de ces 
concrétions à celle des tissus organiques. C’est donc le mode de 
formation des tissus organiques qu'il importe de rechercher ; 


DUMORTIER. — Æmbryogenie des Mollusques. 131 


et c’est sur quoi j'ai dirigé mes études dans le cours de ce 
Mémoire. 

J'ai choisi pour objet de mes observations les œufs de Lim- 
née , à cause.de leur transparence et de la facilité de les con- 
server dans le liquide. Cela aura encore cet avantage que l’on 
pourra mieux comparer mes recherches aux observations très 
incomplètes, présentées par M. Carus dans son ouvrageintitulé : 
Von.den aussern Lebensbedingungen der Weiss-und Kaltbli- 
tigen thiere ( Des conditions extérieures de la vie chez les ani- 
maux à sang blanc et froid ). 

L'espèce qui a servi à mes observations est le Zimneus ovalis. 
J'ai aussi observé le développement d’autres espèces du même 
genre et de plusieurs autres tels que Planorbe, Physe, Limace, 
etc.; mais l’ensemble des faits étant le même, j'ai cru pouvoir 
me borner à la description d’une espèce, afin de faire mieux 
ressortir les diverses phases de ses développemens. 

Ayant observé depuis long-temps que: la durée du dévelop- 
pement des œufs de mollusques avait lieu en raison de la tem- 
pérature, de sorte qu’en été ce développement est extrémement 
rapide, tandis qu'il est très lent au premier printemps, j'ai choisi 
cette dernière saison pour mes observations. En effet , à l’épo- 
que de l'apparition du système nerveux, les phases du déve- 
loppement se succèdent d’une manière tellement rapide qu’il est 
presque impossible de les suivre pendant les chaleurs de l'été, 
tandis qu’au premier printemps , ces phases, ralenties par l’a- 
baissement de la température, permettent bien mieux de les 
suivre et de les étudier. Cette observation rend:compte des dit- 
férences qui existent entre les résultats de M. Stiebel et ceux de 
M. Carus. Si M.Stiebel n’a reconnu les premiers vestiges du 
cœur que le seiz ème jour ; tandis que M. Carus dit les avoir 
observés le huitième, il ne faut pus en conclure qu'il y ait erreur 
de part ou d'autre , mais seulement, qu’ils ont obsenvé à des 
températures différentes. 

Les œufs des mollusques gastéropodes aquatiques sont par- 
faitement diaphanes et Hmpides comme une gouttelette d’eau, 
de sorte qu’ils laissent entrevoir avec la plus grande facilité tous 
les développemens de l'embryon. Ceux des gastéropodes terres- 

9. 


132 DuUMORTIER. — ÆEmbryogénie des Mollusques. 


tres sont fréquemment opaques ou obscurs. Chez ces derniers, 
les œufs sont libres, inadhérens, et non réunis en frai; chez les 
mollusques d’eau douce au contraire, ils sont réunis en assez 
grand nombre en un frai de forme variable , au moyen d’une 
agglomération de substance albumineuse , dont nous verrons 
plus tard la destination. Chez les Limnéesle frai est très allongé, 
tandis qu'il est très court et même presque ovale dans les Phi- 
ses et les Paludinesovipares ; dans les Planorbes il est peltiforme. 
Les Planorbes présentent encore cette particularité que le frai 
est totalemeut inadhérent aux corps voisins, et qu'il tombe au 
fond de l’eau , tandis qne les molluques aquatiques des autres 
genres attachent leur frai aux plantes et aux corps solides qu’ils 
rencontrent. 

Si l'on examine le frai des Limnées immédiatement au mo- 
ment de la ponte, on voit qu’il ne possède aucun tégument 
propre, mais qu’il est simplement formé d’une matière albumi- 
neuse évacuée par l'animal au fur et à mesure qu’il pond ses 
œufs et qui ne diffère en rien de l’albumen contenu dans l'œuf, 
ainsi que le démontre l'analyse chimique. Cette matière est 
fournie par l’oviducte pendant le passage de l’œuf des mollus- 
ques. Une partie pénètre alors dans l’intérieur de l’œuf dont 
la membrane est déjà toute formée à cette époque, et le sur- 
plus forme une coulée qui, agglutinant les œufs entre eux, de- 
vient le frai que nous observons. Plus tard ce frai paraît contenu 
dans une membrane très mince et pellucide que l’on reconnaît 
très distinctement. Il y a donc métamorphose de la partie ex- 
terne du frai, qui de fluide qu’elle était , se transforme naturel- 
lement en une membrane solide. C’est un fait très utile à remar- 
quer, et qui nous mettra sur la voie de Ja théorie de la trans- 
formation des fluides organisables en solides. 

Je présenterai encore une observation pour terminer ce qui 
est relatif au frai. Dans les premiers temps de son existence, sa 
substance est très dense et très consistante , tandis qu’au mo- 
ment où les œufs sont près d’éclore , elle devient molle et fluide. 
Que l’on ne pense pas que cette diminution de densité de la 
coulée albumineuse est due au temps qui s'écoule entre la ponte 
et l’éclosion; car si des œufs sont pondus avant l'hiver, sa den- 


DUMORTIER. — Æ£rmbryogénie des Mollusques. 133 


sité reste la même pendant toute la froide saison , tandis que 
pendant l'été la diminution de densité est aussi rapide que le 
développement de l'embryon. Ainsi cette diminution de densité 
esten rapport, non pas avec le temps que le frai a parcouru, 
mais avec la rapidité du développement de l'embryon, d’où il 
faut conclure que c’est ce dévelonpement qui l’occasionne. Voici 
comment j'explique ce curieux phénomène. L’embryon des mol- 
lusques prend un accroissement rapide et considérable aux dé- 
pens des particules nutritives tenues en suspension dans l'albu- 
men contenu dans l’œuf , et par là cet albumen doit nécessai- 
rement perdre de sa densité. Alors l’albumen externe composant 
la coulée, se trouvant d’une densité plus grande que l’albumen 
interne, il s'opère, en vertu de la loi d'endosmose , un effort 
constant à travers la membrane de l'œuf qui tend à rétablir 
l'équilibre en transportant les parties nutritives à l’intérieur, ce 
qui fait que l’albumen externe fournit à la nourriture de l'em- 
bryon comme l’albumen interne de l’œuf. Par cette sage pré- 
voyance , Ja nature a voulu qu'aucune des parties nutritives de 
l’albumen ne füt perdue ; elle a voulu aussi que le jeune mol- 
lusque püt,à sa naissance, traverser facilement la coulée qui 
entoure les œufs, ce qui lui eût été difficile si sa densité fût 
restée telle qu’elle est apres la ponte. 


re Prase. — INERTIE. ( Germe). 


1e Jour. — Œufs au moment de la ponte. (PI. 3 A, fig. 1°.) 


TEMPÉRATURE, — 9 h. du matin . + 5,2 ceutig. 
_ DM oo ++ + 0,0 
— 9 h. du soir. . . + 2,2. 


Si l’on examine un œuf de Limnée au moment de la ponte, 
on voit qu'il est composé de trois parties distinctes, l'enveloppe, 
l’albumen et le globule embryonnaire. L’enveloppe est mince et 
parfaitement diaphane, sa forme ovale détermine celle de l’œuf. 
L’albumen est d’une limpidité parfaite et ressemble à une gout- 
telette d’eau ou de cristal. Le globule embryonnaire est petit, 


134 DUMORTIER. — Æ£mbryogénie des Mollusques. 


ponctiforme, opaque, etsitué vers la base de l’œnf, à l'enveloppe 
duquel il paraît d’abord attaché. Au moment de la ponte, 
le globule embryonnaire est d'une forme irrégulièrement 
globuleuse ; et je n'y ai observé aucune trace de hile!iqui 
paraîtra, plus tard. C’est l'embryon que M. Carus a désigné sous 
le nom de sphère vitelline ; expression suivant: moi: très 
impropre , puisque l'œuf des mollusques gastéropodes est to- 
talement privé de vitellus. Nous verrons en effet ce prétendu 
vitellus se transformer lui-même en un jeune mollusque par 
une suite de métamorphoses, ce qui démontre que c’est réelle- 
ment l'embryon et non un vitellus. 


Tel est l’état de l'œuf fécond au moment de la ponte, mais on 
observe souvent des œufs où la matière qui compose l'embryon 
est disjointe et forme des espèces de grumeaux gélatineux 
(Jig. 1°). Ces œufs sont inféconds, ce qui prouve que, pour'que 
là fécondation ait lieu, il est nécessaire que les molécules dées- 
tinées à former l’embryon aient pu se concentrer en une masse 
compacte, sans laquelle les molécules organisablés restent sans 
action. L'agglomération de ces molécules est donc la première 
condition de la génération, c’est une loi invariable de la nature. 
De même dans les Conjugées nous voyons les spires étles étoiles 
contenues dans les articles se fondre et se réunir en’un seul 
corps qui devient ensuite un embryon. 

L'œuf infécond des mollusques (fig. 1°), comparé à l'œuf fé- 
cond (fig. 1) nous présente donc un grand enseignement : il 
démontre que l'embryon de ces animaux ne se compose de 
prime abord que d’une masse de molécules agglomérées entre 
elles, ainsi qu’on l’observe dans les végétaux chez les Conjugées. 
Pour s'assurer de cette vérité, il suffit de comprimer un em- 
bryon entre deux fines lames de verre, sous le champ du mi- 
croscope : alors on voit distinctement que le globule embryon- 
naire ne se compose que d’une agglomération de grumeaux gé- 
latineux absolument semblables à ceux qui sont contenus 
dans lœuf infécond, sans aucune trace de tissus organiques. 
Ainsi le globule embryonnaire n'est qu'un agrégat de ma- 
tiére inerte. Plus tard ce globule, qui n'offre aucune trace d’or- 
ganisation , deviendra organisé ; il présentera une enveloppe 


DUMORTIER. — Æmbryogenie des Mollusques. 135 


générale et un sytème cellulaire à l’intérieur ; plus tard encore , 
par une suite de métamorphoses, il donnera naissance à un 
‘animal parfait; ainsi un être organisé naîtra de ce globule inerte 
et sans organe , lorsque la vie, qui est l'électricité positive des 
tissus organiques, viendra l’animer. 

Un point très important à éclaircir était de connaître la na- 
ture chimique du globule embryonnaire. Pour arriver à cette 
fin, j'ai soumis des œufs soit entiers, soit écrasés, à divers réac- 
tifs, et voici ce que j'ai observé. 

L’acide sulfurique concentré mélangé de sucre a coloré la li- 
queur contenue dans l'œuf en rouge et l'embryon en violet. 
La coloration en rouge par le réactif que je viens d'indi- 
quer, montre que la Len contente dans l'œuf est réel- 
lement de l’albumine. Quant à la coloration de lembryon en 
violet, il importe de ne pas perdre de vue que cette couleur se 
compose de deux rayons lumineux, l’un rouge et l’autre bleu. 
Le rouge étant déterminé par l’albumine que l’œil doit traverser 
et dont l'embryon est pénétré , on doit considérer ce dernier 
comme étant coloré en bleu par l'effet de l’acide sulfurique con- 
centré mélangé de sucre. Or, on sait que le mucus a la propriété 
d’être coloré en bleu par les acides. Il est donc présumable que 
embryon doit être considéré comme originairement formé de 
mucus. Ainsi le mucus serait la base de l’organisation animale ; 
lorsqu'il est en contact avec l’albumine qui lui sert de matrice 
et d'alimentation. x 

Je dois toutefois déclarer que le mucus rejeté par les limaces 
ne m'a pas offert le phénomène du bleuissement par les acides, 
si remarquable dans le mucus qui enveloppe les poissons. J'ai 
tenté à cet égard beaucoup d expériences sans ar river à un ré- 
sultat pleinement satisfaisant. 


Six heures après la ponte (fig. 1°). 


Le globule embryonnaire qni était attaché à la paroi latérale 
de l’œuf est maintenant libre et inadhérent , il est toujours to- 
talement rond, opaque, et d’une couleur obscure. On remarque 
sur le côté un hile muqueux et diaphane (Gg. 1°, 4) qui est la 


136 DUMORTIER. — Æmnbryogénie des Mollusques. 


vésicule de Purkinje. Plus tard nous verrons ce hile s’élargir , 
s'ouvrir en fente et donner naissance au pied et à la tête de l’a- 
nimal, tandis que le reste de la périphérie du globule deviendra 
le manteau. Je ne pense pas avec M. Carus que ce hile devienne 
l'axe de rotation, rien n'étant démontré à cet égard. 


2e JOUR. — (fig. 2°). 


TEMPÉRATURE. — 9 h. du matin . 3,1 centig. 
— midi. . . . . 6,3. 
— 9 h. du soir . . 44,0, 


Le globule embryonnaire s’est considérablement accru, et 
déjà il est doublé en grosseur. On remarque une compression 
à la partie qui environne le hile et une autre à la partie op- 
posée, de sorte que l’embryon est comprimé à ses deux pôles. 
Le hile de son côté s’est prolongé et parait formé de deux glo- 
bules diaphanes, qui ne tardent pas à se séparer et à se détacher 
l'un de l’autre ( fig. 2°, a, b ). 

Je pense que M. Carus s’est trompé lorsqu'il représente l’em- 
bryon pourvu de deux hiles et lorsqu'il indique ces hiles, 
comme formant plus tard l’axe de rotation del’embryon (1). Sui- 
vant moi, le hile est unique, et c’est vraisemblablement lui qui, 
plus tard, devient la cicatricule, laquelle donneissue au pied et 
à la tête de l'animal; si cette opinion est fondée, il n’est pas 
douteux que l’axe de rotation serait par les deux côtés latéraux 
de l'embryon et non par le hile.' Toutefois le hile disparaissant 
complètement le 4° jour pour ne reparaître que le 8° jour, après 
diverses métamorphoses, il est impossible d’assurer une précision 
rigoureuse que sa situation primitive correspond avec sa posi- 
tion finale , quoique tout tende à faire croire qu'il en est ainsi. 


3° Jour. — (fig, 3, 3°.) 


TEMPÉRATURE. — 9 h. du matin . + 7,1 centig. 


— midi... . . . + 9,2. 
_ 9 h. du soir, . + 5,6. 


(1) Carus, Von den üusseren Lebensbedingungen der œeiss-und kaltblutigen Thiere, p. 53, 
t.1, Ag. IV, A. 


DUMORTIER. = Æmbryogénie des Mollusques. 137 


Une notable métamorphose s’est déclarée dans le globule 
embryonnaire quia pris une forme totalement différente de celle 
qu'il offrait hier. Sa périphérie s’est divisée en cinq lobes peu 
profonds; le centre du globule est plus diaphane que sa péri- 
phérie; le hile est situé entre deux lobes; rarement il est ex- 
terne. Dans cet état l'embryon paraîtrait devoir donner naïis- 
sance à un être radiaire et nullement à un animal pair. Ainsi, 
avant que d'adopter la distribution binaire qu'il affectera plus 
tard, l'embryon passe par la division radiaire qui caractérise les 
animaux inférieurs ; de sorte qu'il est radiaire avant que d'être 
mollusque. 

Il est digne de remarque que l’état actuel de l’embryon des 
Limnées correspond à l’état de l'œuf des grenouilles, trois 
heures après la fécondation, et qui se trouve représenté par 
MM. Prévost et Dumas, pl. 6, fig. G , de leur 2” Mémoire in- 
séré dans le second volume des Znnales des sciences naturelles. 


4° Jour. — (fig. 4.) 


TEMPÉRATURE. — 9 h. du matin . + 8,0 centig. 
— midi. . . . . —+-9,4. 
_ 9 b. du so. . + 5,8. 


Les lobes si remarquables que l’on observait hier à la péri- 
phérie du globule embryonnaire ont disparu, et ce globule 
présente maintenant à sa surface des facettes irrégulières. On 
n’aperçoit plus de hile et la partie diaphane centrale est totale- 
ment évanouie. Dans cet état, le globule embryonnaire de la 


Limnée représente celui de la Grenouille sept heures après la 
fécondation. (1) 


(x) Dans la comparaison de l'évolution de l'embryon des Batracieus, j'ai admis les époques 
décrites par MM. Prévost et Dumas. Toutefois, je dois déclarer qu'il en est des œufs des Ba- 
traciens comme des œufs des Mollusques, relativement à l'influence de la température sur leur 
développement, J'ai souvent observé sur les œufs de Grenouille des différences énormes en 
raison de la température plus ou moins chaude. 


138 DUMORTIER. — Æmbrycgénie des Mollusques. 


5° Jour. — (te. 5.) 


TempéraTuREe. — 9 h. du matin . +- 4,3 centig. 
— AUOT. +4 + 0,0: 
— 9 h. dusoir . . + 3,5. 


Le globule embryonnaire n’a fait depuis hier aucun progrès; 
il présente la même forme généraleet sa périphérie offre encore 
des facettes. Toutefois on aperçoit au milieu, une zone trans- 
versale plus claire et plus transparente que le reste de la 
surface. 

L'état stationnaire du globule embryonnaire pendant ce jour 
et les deux suivans, offre une grande analogie avec ce qui se 
passe dans l'œuf de la Grenouille. L’embryon de cette dernière 
après s'être porté vers la formation radiaire avec une remarqua- 
ble rapidité, quitte cette disposition et paraît rester stationnaire 
pendant un temps plus considérable que celui qu'il avait mis à 
la parcourir, jusqu’à ce que la cicatrice s’opère àsa surface, pour 
amener une phase totalement nouvelle. C’est l’analogue de ce 
qui a lieu chez les Mollusques. 


6° Jour. — (fig. 6, 6°.) 


TEMPÉRATURE. — 9 h. du matin . +4-3,9 centig. 
— MO CSL MER DA 
— 9 h. du soir. : + 1,7. 


Les facettes qui caractérisaient le globule embryonnaire pen- 
dant les deux jours précédens ont disparu ainsi que la:zone 
transversale. Sa phériphérie s’est arrondie et elle est légèrement 
échancrée au sommet; à côté de cette échancrure, la partie 
plus claire s’est réunie en un large point diaphane. 

Dans un autre œuf de même époque (fig. 6°), je remarque 
que le pourtour du globule embryonnaire présente encore de 
légères facettes , mais ces facettes sont irrégulières et plus petites 
que le jour précédent. 


DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 139 


7° Jour.— (fig: 3,7", 7", n'à) 


TEMPÉRATURE, — 9 h. du matin . + 3,0 centig. 
— midi... . . . -+ 9,5. 
— SOIN . te -« se 0,2 


Le globule embryonnaire, après avoir pendant plusieurs Jours 
affecté la formation radiaire, acquiert une tendance vers la for- 
mation paire; il devient ovale et l’on remarque que la partie 
diaphane est placée sur le côté, et que même quelquefois elle 
forme une proéminence remarquable (fig. 7). Au reste on 
n’observe aucune trace de tissu ni de cellules dans son in- 
térieur , qui paraît toujours homogène , seulement on y remar- 
que quelques striatures ( fig. 9°, 7°) qui sernblent annoncer 
la prochaine formation du tissu cellulaire. 

Le même jour, dans la soirée j'ai vu d’autres globules em- 
bryonnaires affecter une forme presque arrondie, mais leur 
périphérie se figurait encore en facettes obscures ; l’une de ces 
facettes était beaucoup plus claire.et presque diaphane (fig. 7° 
et 7 ). L'état diaphane d’une partie de la périphérie et la ten- 
dance vers la formation paire annoncent la grande révolution 
que le jour suivanit doit présenter. 


Ile Puasr.— MOTILITÉ. (Embryon). 
8° Jour. — (fig 8,8*, 8°). 


TempÉRATURE — 9 h. du matin . + 9,5. centig. 
— midi. . . . +:19,7. 
— 9 b. du soir + 12,2. 


Ce jour présente un grand évènement dans l'existence du glo- 
bule embryonnaire. Celobule, jusqu'ici inerte, devient doué 
de motilité, indice certain que la vie s’y est développée; dès-lors 
le globule embryonnaire doit être considéré comme un vérita- 
ble embryon. 

Toutefois la motilité se borne à un mouvement de rotation 


140  DUMORTIER. — Æmbryogenie des Mollusques. 


de l'embryon sur lui-même, sans que jusqu'ici il puisse se trans- 
porter d’un lieu à un autre. Le mouvement de rotation est lent 
et l'embryon met environ une minute pour l’effectuer. Dans le 
Limneus stagnalis, indépendamment du mouvement de rotation 
sur lui-même , l'embryon décrit encore une ellipse au pourtour 
de l’œuf, à la maniere des astres célestes ; ce dernier mouve- 
ment est beaucoup moins évident dans le Limneus vulgaris. 

L’embryon ne laisse entrevoir aucune trace d’organisation. 
En employant divers réactifs, on n’aperçoit aucun tissu cellu- 
laire, mais seulement un feutré général. L’embryon paraît réni- 
forme et légèrement comprimé par les côtés; la partie opposée 
à l'échancrure est plus claire et plus diaphane que le reste. 

Tandis que j’observais l'embryon de cette époque, j'eus occa- 
sion de reconnaître un phénomène remarquable. De l’échan- 
crure qu’il présente, je vis tout-à-coup sortir une gouttelette de 
liquide (fig. 8°) qui s’étendit bientôt dans l’albumen comme 
une goutte de lait qui tombe dans l’eau. Il est clair qu’il se pra- 
tiquait à cette partie de l'embryon une fissure qui rejetait un 
liquide d’une densité différente de l’albumen, ce qui prouve que 
pendant les jours précédens une assimilation avait déjà eu lieu 
dans la matière formant le globule embryonnaire. 

Ce phénomène concorde avec la formation de la cicatrice de 
l'embryon des Batraciens et des Mammifères décrite et figurée par 
MM. Prévost et Dumas dans les Æznales des sciences naturelles 
tome IL, pl. 6, fig. R,S, T,U, V et tome Ill, pl. 5, fig. 4, 
C’, 5 D''et pl. 6, fig. A’, B', C'. Il est curieux de noter la con- 
cordance de l'apparition de cet important phénomène chez 
différens animaux. La présence de la cicatrice que nous avons 
reconnue apparaître le 8° jour dans la Limnée, se fait remar- 
quer douze jours après l’accouplement sur les ovules du chien 
et seulement dix-huit heures après la fécondation dans les œufs 
des Batraciens. J'ai encore observé la cicatrice dans les Exosque- 
lettés, et spécialement dans les œufs dela Forficule; mais comme 
ces œufs pondus avant l'hiver ne se développent qu’au prin- 
temps, il est impossible de préciser l’époque de son apparition. 
L'important est de remarquer que la cicatrice s'opère sur les 
embryons des trois classes d'animaux. 


DUMORTIER. — Ærnbryogénie des Mollusques. 141 


Après que l'embryon eut rejeté la gouttelette de liquide dont 
j'ai parlé plus haut, il prit sur-le-champ diverses formes différen- 
tes; d’où résulte la preuve que déjà il possède la faculté de se 
contracter, et qu’ainsi, l'enveloppe générale existe déjà. 

Ici se présente une question du plus haut intérêt pour la phy- 
siologie animale. L’embryon suspendu dans le liquide se meut 
sur lui-même sans qu'on puisse lui reconnaître aucun organe 
externe, aucun levier qui opère ce mouvement, et pourtant il 
se meut. C’est là un des phénomènes les plus curieux que nous 
offre l'étude de la nature. Ce mouvement de rotation, mouve- 
ment purement automatique, ne peut être expliqué par aucune 
des lois qui président aux mouvemens des corps organisés ; 
mais il est complètement analogue aux mouvemens que décri- 
vent les astres et surtout certaines nébuleuses. Ainsi l'embryon 
des mollusques aquatiques destiné à former plus tard un pe- 
tit monde , est régi par les mêmes lois que ces masses énormes, 
encore embryonnaires, et destinées à former plus tard des 
mondes nouveaux. 


9” Jour. — (fig. 9, 9°, 9°) 


TEMPÉRATURE — 9 h. du matin. + 14,7 centig. 
—— midi. « . . . + 17,3. 
— 9 b. du soir. , + 12,4. 


La fissure qui s’est formée hier à la périphérie de l'embryon 
est aujourd'hui devenue une cicatrice très distincte; ses deux lèvres 
sont distantes et son ouverture est béante; elle commence à l’en- 
droit le plus échancré et se poursuit sur le dos (fig. 9‘). Cette 
cicatrice paraît aplatie et couverte d'une gelée transparente. Vu 
de côté, l'embryon est légèrement comprimé, et la partie où se 
trouve la cicatrice est relevée en crête (fig. 9°). Pendant que 
j'observais, j'ai eu occasion de voir un embryon lancer par la 
cicatrice un jet de liquide semblable à la gouttelette que j'avais 
observée la veille, mais aujourd’hui le jet se faisait avec plus de 
force et de continuité. Ces jets établissent des ouvertures qui 
deviennent ensuite l'issue des divers organes. 

L’embryon continue à tourner sur lui-même, et chaque tour 


142 DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 


exige environ 45 secondes; mais il ne tourne pas toujours dans 
le même sens, car après avoir fait trois quarts de tour environ, 
il change de position , sans toutefois changer de direction, mais 
continue à tourner obliquement à-peu-près comme dans la 
fig. 8°. | 

Vers la fin du jour, on commence à voir obscurément le tissu 
cellulaire qui tend à se former dans son intérieur: cet état est 
représenté fig. 9’. 

L'état de l'embryon de la Limnée pendant ce jour correspond 
à l’état de l’œuf de la Grenouille vers la soixantième heure, tel 
que l'ont représenté MM. Prévostet Dumas dans leur beau Mé- 
moirepl. 6, fig. VetX,t. IL des Annales des sciences naturelles. 

Je ne partage pas l’opinion de MM. Prévost et Dumas lors- 
qu'ils assurent ({ Annales des sciences naturelles , t TL, p. 132) 
que la ligne primitive formant la cicatrice de l’embryon doit être 
considérée comme le rudiment du système nerveux. Une analo- 
gie d’aspect avec le système cérébro-spinal des Mammifères a été 
cause de leur erreur , et leur a fait aussi supposer la priorité du 
système nerveux; mais cette analogie cesse d'exister dans les 
Mollusques, qui cependant offrent la même disposition em- 
bryonnaire. En suivant les progrès de la cicatrice, nous verrons 
qu’elle n’est nullement le rudiment du système nerveux, mais 
bien l’ouverture d’issue des parties antérieures de l’animal. 


some Jour. — (fig. 10°). 


TEMPÉRATURE — Q h. du matin . #4- 16,3. centig. 
— midi, . …. ,,. + 20,5. 
— 9 h. du soir .. + 15,4. 


L’embryon devient doué de locomotilité. Il continue à tour- 
ner lentement sur son axe, en mettant environ 40 secondes à 
chaque rotation, mais en même tempsil voyage dans l’albumine 
et se transporte aux diverses parties de l'œuf. Quelquefois, mais 
très rarement , il voyage directement et sans tourner sur son 
axe. Ses mouvemens n’ont rien de régulier. 

La cicatrice s’est agrandie à la surface de l'embryon, et déjà, 


DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques: 143 


il 


dans la substance de celui-ci, on commence à voir distincte- 
ment le tissu cellulaire. 

Le région de la cicatrice est toujours relevée en crête. 

Le tissu cellulaire dont on commençait hier à apercevoir ob- 
scurément les premières traces, est aujourd’hui tout formé et 
parfaitement visible au centre de l'embryon; il ne se compose 
encore que d’un petit nombre de cellules agglomérées et qui 
pius tard formeront le foie de l'animal. Ainsi, les organes sé- 
créteurs sont les premiers à apparaitre , et ils précédent tous 
les organes de la vie animale. C’est là un point très important 
et qui se trouvera bien constaté par la suite de nos observa- 
tions, que le premier ‘indice d’organisation de l'embryon des 
Mollusques, se fait apercevoir dans le foie. 


1186 JOUR. —{ He IT, VE TE}: 


TEemrÉRATURE. — 9 h. du matir . + 17,0 centig. 
— midi «me 414. 4 14,3. 
— g dn soir . . . + 11,7. 


L’embryon a aujourd’hui acquis en grandeur les deux neu- 
vièmes de la longueur de l’œuf et environ un tiers de sa lar- 
geur (fig. 15). 

Le tissu cellulaire est de plus en plus visible et aggloméré 
à la partie centrale de Pembryon. La crête formée par la cica- 
tricule à totalement disparu. L’embryon est de forme globu- 
leuse; il continue à se mouvoir comme le jour précédent ; les 
lèvres de la cicatrice se sont sensiblement écartées (fig. 11°). 

Voulänt connaître si le test commence à se former, j'ai versé 
quelques gouttes d’acide citrique sur le porte-objéet. Un instant 
après , l'embryon s’est mu avec plus de rapidité, ce qui m'a 
fait connaître que l'acide était parvenu jusqu’à lui, mais bientôt 
le mouvement se ralentit et finit enfin tout-à-fait par la cessation 
de la vie. Dans cette expérience, je n’ai pu apercevoir aucune 
effervescence vers l'embryon, ce qui me fait présumer qu’il n’y 
existe à cette époque aucune trace de test calcaire. Après sa 
mort , l'embryon paraissait à peine contracté et j’en ai conclu 
qu'il ne se composait encore que de mucus, et que le tissu cellu- 


144 DUMORTIER. — ÆEmbryogenie des Mollusques. 


laire n’avait pas encore acquis la solidité qui le rend contractible 
au contact des acides. 


some Jour. — (fig. 12 , 12°, 12°). 


TempéraTurEs.— 9 h. du matin . + 13,0 centig. 
ea midi. 217. LOG er 
— 9 b. du soir. . + 8,5. 


L'embryon continue son mouvement automatique et sa forme 
est toujours globuleuse , ses cellules paraissent de plus en plus 
manifestes, parce que son tissu général devient presque dia- 
phane, ce qui laisse facilement entrevoir les cellules. Celles-ci 
se pressent l’une contre l’autre sans qu’on puisse voir si leurs 
parois sont simples ou doubles. La cicatrice s'est de plus en 
plus ouverte et sa largeur estégale à sa longueur (fig. 12°), 
sa surface est couverte de gelée diaphane, elle a pris la forme 
d’un arc et chacune de ses extrémités est marquée d’un point 
plus foncé. Dans ses mouvemens l’embryon change à chaque 
instant de forme , ce qui montre qu'il n’a pas encore de co- 
quille. 

En effet , une injection d’acide citrique ne produit pas d’ef- 
fervescence, mais tue l'embryon en peu d’instans. Alors celui- 
ci montre une large ouverture couverte de gelée diaphane, et 
bientôt il se contracte sensiblement; enfin il s’obscurcit et ne 
laisse plus voir de cellules (fig. 12°). Il est donc certain que le 
tissu cellulaire a acquis depuis hier un grand degré de solidifi- 
cation puisqu'il est susceptible de se contracter par l'effet des 
acides , ce qui n'avait pas lieu jusqu'ici. 


13m Jour. — (fig. 13, 13°, 13°, 13°). 


TEMPÉRATURE. — 9 h. du matin . + 8,2 centig. 
— midi. . . . . —+9,8. 
_ 9 du sbir . . . + 5,8. 


L'ouverture qui formait d’abord une simple cicatrice et qui 
depuis lors s'était de plus entr'ouverte de manière à présenter 


DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 145 


hier deux dimensions presque égales, s’est accrue notablement 
aujourd'hui, de sorte que les lobules qu’elle présente (fig. 13, 
cc) forment maintenant le sens de sa largeur, tandis que les 
grands lobes (fig. 13°, a, b), qui étaient les levres de la cica- 
trice, forment actuellement sa longueur, et déjà cette longueur 
est plus grande que la distance qui sépare les deux lobules. Dans 
le mouvement de l'embryon, lun de ces points collatéraux 
(Gg. 13°, a) marche toujours en avant, l'autre ( fig. 13°,  ) est 
toujours en arrière. Plus tard nous verrons la partie actuelle- 
ment postérieure devenir la tête ; les yeux y apparaîtront etalors 
le mouvement gyratoire cessera tout-à-fait. 

Vu de côté (fig. 13° et 13°) l'embryon est ovaleet la partie 
ouverte présente toujours l'aspect d’une masse gélatineuse. A 
travers les cellules on aperçoit des striatures obscures qui, à leur 
tour, donneront naissance à des cellules nouvelles. Au reste, la 
couleur générale de l'embryon est plus claire et plus diaphane. 
Celui-ci en tournant , prend quelquefois une forme aplatie 
(fig. 13°), les cellules se concentrent en une bande longitudinale. 
Cest le foie qui se forme et qui est ainsi le premier organe 
interne, 

Il est bien digne de remarque que l’embryon, après avoir pré- 
senté pendant quelques jours , une fissure longitudinale , qui 
indiquait la formation longitudinale est encore aujourd’hui re- 
venu à la formation régulière et radiaire cruciforme. 

Il semble qu'avant de prendre l’élongation qui formera le 
mollusque , il passe par celle des Médusaires dont la partie dor- 
sale est bombée, et la partie ventrale concave et ouverte. A ce 
sujet, je dois faire remarquer que le position de l'embryon des 
mollusques est telle, qu’il présente souvent la partie dorsale en 
dessous et la partie ventrale par dessus. C’est dans cet état que 
le représentent nos dessins, jusques et y compris le 21 jour. 


14e Jour, — (PI. 3 A, fig. 14, 14°, 14}, réf, 14686, Pl. 4, 
fig. 14°). 
TeMP£RATURE. — 9 h. du matin . + 6,0 centig. 


— midi. . . . : + 0,0. 
-- 9 h. du soir. + 5,7. 


VILT, Zooz, — Septembre, 10 


146 DUMORTIER. — Émbryogenie des Mollusques. 


L'embryon aujourd’hui présente deux faces bien distinctes, 
l’une convexe et hémisphérique qui offre une organisation in- 
contestable , l’autre presque aplatie et recouverte de gélatine. 
La première s’est formée de la périphérie du globule embryon- 
naire , l’autre, de la cicatricule qui s’y était présentée dès le 
9° jour. Plus tard la partie convexe deviendra le manteau, tan- 
dis que la partie gélatineuse formera tout le reste de l'enveloppe 
de l'animal , et donnera naissance à la tête et au pied. Déjà on 
peut voir que l'embryon passe à la formation longitudinale et 
qu'il commence à affecter la forme des mollusques ( fig. 14°}; 
aux deux côtés de l'ouverture on aperçoit les lobules qui se pro- 
noncent de plus en plus (fig. 14 et 14°, bb), et qui disparai- 
tront ensuite. Ce sont ces deux lobules qui constituent la tête 
et la queue dans les animaux vertébrés. Plusieurs fois j'ai re- 
marqué un endroit plus clair vers le centre de la partie gélati- 
neuse ; c'est l’origine de l'ouverture respiratoire. Il est présu- 
mable que dans le principe toute la surface gélatineuse de la ci- 
catrice fait les fonctions d’organe de la respiration , car après 
le rapprochement des deux lobes du manteau, cette surface de- 
vient la cavité respiratoire. Il n’est donc guère douteux qu'elle 
remplissait déjà cette fonction pendant la deuxième phase de 
l’'embryogénie. ss 

L'embryon tourne toujours avec rapidité, en formant une 
spire oblique qui représente la spire de la future coquille 
(fig. 14"). La partie du manteau qui marche en avant et qui de- 
viendra l'extrémité de la spire est obtuse (fig. 14), tandis 
que celle qui marche en arrière et qui plus tard recouvrira la 
tête est échancrée (fig. 14°). Il n’existe encore aucune trace 
de coquille, mais elle tend à se former , et si l’on observe un 
embryon de Physe à cette époque, on voit très distinctement à 
son extrémité une dépression mamelonnée qui donne naissance 
à la coquille. 

A Pintérieur de l'embryon, les cellules primitives présentent 
dans leur intérieur des cellules secondaires déjà très distinctes 
qui se sont formées aux dépens des matières organisables qu’elles 
contenaiïent (fig. 14°). Cette formation médiane des cellules 
secondaires est un phénomène remarquable ; bientôt nous ver- 


DUMORTIER. — Embryogenie des Mollusques. 147 
rons les cellules primitives se rompre pour faire place aux 
cellules secondaires qu'elles ont engendrées dans leur intérieur, 
et alors il ne restera plus des premières qu’un réseau qui pa- 
raitra vasculaire. 

Il était curieux de savoir jusqu'à quel point les matières pri- 
mitives composant l’embryon s'étaient transformées en tissus. 
À cet effet j'airompu un œuf de Limnée et j'y ai injecté une 
goutte d'acide citrique ; à l'instant , toute la partie composant le 
manteau et le tissu cellulaire s’est contractée, tandis que la masse 
gélatineuse a conservé ses dimensions (fig. 14‘). 1l est donc 
clair que jusqu'ici cette masse gélatineuse n’a encore aucune 
organisation réelle , tandis que le manteau et le foie sont com- 
plétement organisés. 


15me Jour. — (PI. 4, fig. 15, 15°, 15°, 15°). 


TEMPÉRATURE. — 9 h. du matin . 4 8,4 centig. 
— midi. . . . . + 12,4, 
— g h. dusoir. . + 8. 


L’embryon qui s’est chaque jour accru est aujourd'hui à-peu- 
près de la grandeur du tiers de l’œuf, et a acquis une forme 
tout-à-fait longitudinale (fig. 15). Toute la partie gélatineuse 
s'est notablement accrue et offre une forte protubérance co- 
nique vers le côté échancré du manteau (fig. 15, a). Cette 
protubérance que je nommerai podo-céphalique est l'origine de 
la tête et du pied réunis, qui sont pendant quelque temps con- 
fondus ensemble; elle n'offre encore à présent aucune trace de 
tissu ni d'organisation. Les deux lobules que l’on remarquait 
les jours précédens ont disparu et sont fondus dans les bords 
du manteau. 

L'’embryon se meut continuellement et presque toujours en 
formant une spire cycloïde dont la forme représente celle qu'af- 
fectera plus tard la coquille. Dans cette évolution, la partie 
destinée à devenir le pied et latête (fig. 15, a) fait un tour 
plus grand et excentrique , tandis que la partie destinée à de- 
venir l’extrémité de la spire (fig. 15, b) fait un tour plus court 
et central. Chaque tour se fait environ en 4o secondes. L'extré- 


10, 


148 DUMORTIFR. — ÆEmbryogénie des Mollusques. 


mité destinée à devenir la tête se lève avec peine, et parvenue 
au sommet, elle retombe avec vitesse. Le lobe échancré du 
manteau présente aujourd'hui une protubérance au centre 
de l’échancrure ( fig. 15°). Les lobules latéraux tendent à s'at- 
ténuer. 

Lorsque l'embryon est vu de côté, on reconnaît qu’un grand 
changement s’est opéré dans son intérieur; la masse de tissu 
cellulaire a déjà formé le foie; elle s’est divisée en deux grands 
lobes (fig. 15, cd) séparés par une largefissure ,et dont le supé- 
rieur , vu de côté, offre à l'observateur environ 6 et l’inférieur 
10 à 12 grandes cellules primitives, lesquelles sont remplies de 
petites cellules secondaires. Ces lobes sont distincts à labase et 
ont l'aspect d'un cœur bilobé. Le lobe qui est aujourd’hui le 
plus rapproché du mamelon podo-céphalique (fig. 15, c ) sera 
bientôt refoulé en arrière et deviendra le lobe postérieur ;‘tan- 
dis que l’autre ( fig. 15, d) deviendra le lobe antérieur. La li- 
gne médiane qui sépare les deux lobes esi très;forte,et très pro- 
noncée. Entre l'extrémité des deux lobes du foie, vers;la partie 
podo-céphalique, on aperçoit un grand espace jaunâtreget ar- 
rondi, quiest la glande sécrétoire de l’oviducte (fig. 15, e) ou 
peut-être l’estomac, ce que je n'ai pu déterminer avec cer- 
titude. 

En examinant attentivement la partie destinée à’former l’extré- 
mité du tortillon, et qui maintenant marche en avant (fig. 15, 
b), on commence à y apercevoir le premier rudimentide la 
coquille qui d’abord a la forme d'une Patelle. Quant au mode 
qui préside à cette première formation, on voit à l’extr émité de 

- l'embryon une dépression dont le centre, est {comme mame- 
lonné, c'est là que se forme la coquille qui est d’abord telle- 
ment mince et petite, qu'elle ne peut être aperçue qu’en y pré- 
tant la plus grande attention (fig. 15°). Cette dépression est plus 
évidente dans la Physe, qui à cette époque ne’présente pas encore 
de cellules secondaires. 

L’embryon de Limnée que nous venons d'observer est par- 
venu au même point que l'embryon de Grenouille de quatre 
jours , décrit et figuré par MM. Prevost et Dumas (4nn. sc. nat., 
t. IE, pl 6, fig. a, a) L'un et l’autre, après avoir présenté à RE 


DUMORTIER. — Embryogénie des Mollusques. 149 


surface une cicatrice qui s’est successivement accrue, offrent en 
cet instantun productus qui en sort et quiest destiné à devenir la 
tête. Mais il est un fait qui me paraîttrès remarquable, c'est que 
Ja formation de l'embryon de la Grenouille se fait parallèlement 
à la fissure, tandis que celui de la Limnée, se fait transversa- 
lement à cette fissure, de telle sorte que chez la Grenouille , la 
tête sort de l'extrémité de la fissure , et le système cérébro-spi- 
nal se forme dans cette fissure même, tandis que chez la Lim- 
née, la tête sort d’une des lèvres de la fissure et ke système 
cérébro-spinal ne se forme pas. Aussi le développement des deux 
embryons qui jusqu'ici avait été semblable, sera-t il doréna- 
vant entièrement différent. 


16” Jour.— (PI. 4, fig. 16, 16“, 16", 16°, 16°.) 


T£MPÉRATURE. — 9 h. du matin . + 12,2 centig. 
— MOL - à se ee + 10 0e 
— soir . . : . . + 10,9 


L'embryon s'est encore beaucoup. accru et sa grandeur est 
de moitié dela longueur de l’œuf.Son mouvement est beaucoup 
plus rapide, il présente environ trois tours par chaque minute 
et même davantage si la température est chaude; ce mouve- 
ment se fait toujours dans le sens de la spire, le crochet en 
avant. La tournure de la coquille est entièrement arrêtée, elle 
forme déjà le crochet oblique et gagne sans cesse du terrain sur 
le manteau (fig. 16°, c et 16‘). De son côté, la tête se forme de 
plus en plus et le 16° jour au soir elle apparait comme tronquée 
(fig. 16°). 

A l’intérieur, les deux lobes du foie sont de plus en plus dis- 
tincts et la fissure intermédiaire qu’on y apercevait hier a fait 
place à un canal (fig. 16, d) qui, après s’être dirigé obliquement 
en arrière (fig. 16, b) traverse en ligne droite la partie ouverte 
de l'embryon (fig. 16°). C’est le commencement de la formation 
du canal intestinal qui, plus tard, circule dans la même direction 
autour du foie. 

Les cellules secondaires en s’accroissant et en s’élargissant 
ont fait disparaître presque entièrement les cellules primaires . 


150 DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 


dont les traces figurent nn réseau vasculaire (fig. 16“). On peut 
compter environ huit cellules secondaires dans chaque cel- 
lule primaire , mais ce nombre doit être plus considérable. 
A l’aide des plus forts grossissemens , on n’aperçoit dans la 
masse géiatineuse podo-céphalique et qui est destinée à former 
le pied et la tête, aucune trace de cellules , mais seulement une 
myriade de points , situés principalement au voisinage de Ja sur- 
face externe, lesquels en s’accroïssant incessamment à l’inté- 
rieur, présentent bientôt l’aspect d'un feutré entrelacé de cana- 
licules qui partent d’une zone peu éloignée de la face externe 
et descendent vers le centre, de facon à présenter une infiltra- 
tion centripète de canalicules (fig. 16°). Cette partie, destinée à 
former le pied et la tête, offre de temps à autre des mouvemens 
vibratoires semblables à une espèce de frémissement. 

On voit par ce qui précède que la formation du système 
dermo-musculaire est bien différente de celle du système glan- 
duleux, puisque celui-ci est cellulaire et s’'augmente par des 
productions médianes, tandis que celui-là est canaliculaire et 
s’augmente par des infiltrations centripètes. Stiebel a eu tort 
de dire qu'il existe des cellules dans la formation de la tête ; il 
est évident que cet organe en est entièrement dépourvu. 


x 


ile Paase. — SENTIMENT. ( Fæœtus). 


19° jour. — (PI. 4, fig. 17,—171.) 


TemPErATURE. — 9 h. du matin . + 12,2 centig. 
— Snmidier 1.15 11916. 
— SOC «+ pie à: cf 1 00e 


La formation du système nerveux est devenue certaine par 
l'apparition des yeux qui en démontrent l'existence (fig. 17, b, 
37“b, 17", 17°). Les yeuxsont insérés dans le feutré à la base dn 
mamelon podo-céphalique, et paraissent d’abord comme ponc- 
tués et obscurs (fig. 17° et 17°). En même temps que le sys- 
tème nerveux s’est formé, l'embryon cesse de tourner automa- 
tiquement , l'extrémité postérieure en avant, et il commence à 


pumontier. — Æmbryogénie des Mollusques. 151 


se mouvoir la tête en avant avec autant de régularité et de faci- 
lité que l'être parfait. 

En méme temps encore on commence à apercevoir ies palpi- 
tations du cœur vers l'extrémité inférieure du lobe supérieur du 
foie, qui correspond au côté droit de l'embryon. Le cœur paraît 
formé d’une membrane excessivement mince etne peut ètre aper- 
cu quepar ses mouvemens. Ces mouvemens sont irréguliers, lents 
et faibles , ils ont lieu toutes les 5 ou ro secondes; quelquefois on 
est des heures entières sans lesapercevoir. Le soir, les deux lobes 
cellulaires sont renflés et comme soufflés, l’antérieur est rugueux 
et plus clair, le postérieur plus foncé. À l'extérieur, les yeux 
sont recouverts d’une membrane hémisphérique, que je crois 
être l’extrémité du manteau qui remplit les fonctions de pau- 
pières (fig. 17, b et b). Le pied est doué de mouvemens pro- 
pres et peut se contracter jusqu'à toucher le crochet. La co- 
quille est très distincte et embrasse la partie postérieure du 
manteau (fig. 17, d); sa texture est excessivement mince et vi- 
trée, sa longueur d'environ la moitié du manteau, sa forme re- 
présente celle d’une Testacelle ( &g. 17‘). Vers la fin du jour, 
on voit que le manteau commence à se détacher de la tête. Der- 
rière la tête on aperçoit un organe arrondi transparent et jaunà- 
tre (fig. 17°, c) que M, Carus regarde comme la glande sécré- 
toire supérieure de l’oviducte et que je crois être le cerveau ou 
peut-être la glande prostate; la glande sécrétoire de l’oviducte 
est située à l'extrémité des deux lobes du foie, je l’ai indiquée 
le 15° jour (fig 15, e). 

J'ai dit que j'avais d'abord aperçu le cœur battre vers l’extré- 
mité du lobe antérieur du foie (fig. 19, e), au point de jonc- 
tion du lobe postérieur et vers le côté droit du fœtus ; le soir 
j'ai aperçu le cœur battre vers le côté gauche également à l’ex- 
trémité du lobe antérieur du foie (fig. 17", a, lequel s’allonge 
obliquement vers le côté gauche. Ces pulsations sont simples et 
irrégulières. Ainsi les pulsations ont lieu aux deux extrémités 
de la jonction dorsale des deux lobes du foie, d’où il fant con- 
clure que dans l’origine il existe deux cœurs représentant l’un le 
ventricule et l’autre l'oreillette. Bientôt nous verrons ces deux 
cœurs se réunir à la partie médiane de la jonction des deux 


152 DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 


lobes du foie, former un cœur unique composé d’un ventricule 
et d’une oreillette, et dont les mouvemens seront réguliers et 
composés de systole et de diastole. 


18e Jour. — (PI 4, fig. 18,—15*). 


Temp£RATURE — 9 h. du matin . + 10,5 centig. 
— midi. . . . . + 10,1. 
— 9 h. du soir. . + 8,1. 


Depuis le moment où la cicatricule est apparue à la surface 
de l'embryon, celui-ci a toujours présenté une de ses faces ou- 
verte : c'est celle qui est opposée au dos de l’animal. Aajour- 
d'hui les forces de la nature tendent à clore le fœtus de toutes 
parts, et, à cet effet, celui-ci se replie fortement sur lui- 
méme et reste immobile dans cet état(fig. 18 et 18°) pendant 
toute la journée, afin que les bords béans du manteau puissent 
se rapprocher, et qu’il s'opère entre eux une soudure qui fasse 
la. clôture de la cavité viscérale. En peu d'heures , la coquille a 
atteint les bords du manteau sous la forme d’une Crépidule 
(fig. 18°), et à cet effet, on voitles tissus muqueux s'allonger en 
manière de bourrelet le long des bords du test, afin de sécré- 
ter la matière dont se forme la coquille. 

Bientôt le fœtus est clos de toutes parts et ne laisse plus aper- 
cevoir qu’un pertuis qui deviendra l’ouverture de la respiration 
(fig. 18*, d). A travers cette ouverture, on aperçoit le cœur 
situé encore à la partie dorsale entre les deux lobes du foie 
(Gg. 18°, a), et dont les mouvemens sont de plus en plus wi- 
sibles. Ce cœur est unique et simple, composé d’un ventricule 
et d’une oreillette, et situé au centre des deux points où l’on 
apercevait hier les pulsations que nous avons décrites. Examiné 
par la région dorsale, le cœur a la forme d’un sac très mince et 
tellement diaphane qu'on ne peut le reconnaître qu'à ses pulsa- 
tions. Son mouvement de contraction s'opère par le rapproche- 
ment des loges vers la partie postérieure , en sorte qu’alors l’o- 
rifice de cet organe se resserre vers le crochet pour refouler le 
sang dans la grande artère. Généralement ces mouvemens se 
répètent à deux ou trois secondes d'intervalle. Il n’est donc pas 


DUMORTIER. — ÆEmbryogénie des Mollusques. 153 


douteux que l'animal, en se contractant sur sa coquille, a fait 
refouler les deux demi-cœurs l’un vers l’autre, et qu’ainsi ils se 
sont soudés pour n’en former qu'un seul. 

J'ai dit que l'animal se recourbe fortement sur sa coquille, 
qu'il s'étend et reste en repos la coquille en bas. Au moyen de 
cette position et de cette extension, la tête se détache du tronc 
et se sépare du manteau (fig. 18, a), qui laisse ayercevoir les 
tentacules au-dessus des yeux ( fig. 18*, a). Le collier commence 
à se former aussi à la faveur de cette position. 

De leur côté, les yeux sont de plus en plus apparens, et le 
feutré qui se forme dans le tissu musculaire du pied atteint jus- 
qu'à sa base (fig. 18°). La partie postérieure de la tête est 
notablement diaphane. C’est à travers cette partie diaphane que 
l’on aperçoit l'organe jaunâtre que je crois être la glande prostate 
qui est située vers la base du pied ( fig. 18°, a). 


197€ Jour.—(P1. 4, fig. 19,—19"). 


Température. — 9 h. du matin . + 8,3 centig. 
— midi... . . . + 9,4. 
— g h. du soir. + 6,3. 


Le fœtus s’est notablement accru et ne peut plus se tenir dans 
l'œuf sinon courbé sur lui-même (fig. 19). A cet effet, il se 
contracte fortement sur lui-même et reste immobile afin de clore 
le siphon de sa coquille , laquelle bientôt fait le crochet et prend 
la forme d’une Ancille (fig. 19‘). Au moyen de ceite contrac- 
tion, la cavité abdominale est devenue complètement close 
ainsi que le manteau. De son côté, le cœur est refoulé vers la 
partie médiane du dos, mais toujours du côté droit ; le ventri- 
cule (fig. 19, a) a son ouverture dirigée en avant au voisinage 
de l'oreillette (fig. 19, b), qui est en communication avec lui. 
De son côté, l’orifice de la cavité respiratoire a été refoulé au 
bord du manteau (fig. 19°, a). Dans ses contractions, le cœur 
parait bordé d’un chapelet de cellules (fig. 19°, a, b); mais il 
n’est pas douteux que ces apparences de cellules sont l'effet 
d'une illusion d'optique et que la substance du cœur est com- 
plétement continue. 


154 LUMORTIER. — ÆErmbryogénie des Mollusques. 


En observant le foie, j'ai compté environ 18 cellules secon- 
daires dans l’espace d’une cellule primaire. Ces cellules secon- 
daires sont pressées les unes contre les autres, mais aucunement 
munies de facettes comme dans les végétaux ; leur membrane 
est lisse et leur grandeur irrégulière. Les parois des cellules pri- 
maires paraissent transformées en un réseau de vaisseaux. Les 
deux lobes du foie sont tellement comprimés qu’on ne peut les 
distinguer. 

Derrière la tête on aperçoit deux rangées d'espèces de cel- 
lules (fig. 19°, 2) que je crois être la langue du fœtus vue à 
travers ses membranes. Entre les deux yeux, le lobule jaunâtre 
dont la couleur diffère sensiblement du reste de la tête, et que 
l’on apercevait les jours précédens, continue à se présenter. 

Dans l'état de contraction où le fœtus s'est placé, le collier 
se forme définitivement ; il établit la distinction entre la tête et 
le tronc , et laisse à découvert l'ouverture béante de la coquille 


( fig. 19). 
20% Joun.—(Pl. 4, fig. 20 ,—20°). 


TEMPÉRATURE. — 9 h. du matin . + 7,4 centig. 
— midi.. . . . + 9,6. 
— 9 b. du soir. + 6,5. 


Le fœtus est encore presque toujours immobile et pendant 
dans l'œuf, l'extrémité du pied dirigée en haut (fig. 20°). Il 
se contourne sur lui-même pour former le premier tour de spire 
à sa coquille, qui prend bientôt la forme d’un Piléopsis (fig. 20°). 
C’est cette disposition spirale que l'animal prend pour former 
sa coquille qui fait refluer le cœur vers le côté gauche. Les pul- 
sations du cœur sont toujours irrégulières, et on continue à 
apercevoir le pertuis de la cavité respiratoire qui est encore en 
communication avec cet organe. 

La cavité abdominale devenue complètement close, ainsi que 
le manteau , est totalement enveloppée par le manteau et la co- 
quille, Le manteau sert incessamment à l'augmentation du test, 
au moyen du bourrelet qui est à son extrémité (fig. 20, a et 
fig. 20°, 4), et qui s’allonge sans cesse pour procurer l'élonga- 


DUMORTIER. — ÆEmbryogente des Mollusques. 155 


tion de la coquille, laquelle acquiért la forme d’un bonnet 
phrygien. 

Comparé à l'œuf, le fœtus, dans son état de contraction, en 
occupe plus de la moitié; je pense, au reste, que l'œuf de la 
Limnée s'accroît beaucoup pendant l’évolution de l'embryon, 
et c’est ce qu’a déjà observé Swammerdam chez la Paludine vi- 
vipare , dans laquelle il a rencontré des œufs de différente gros- 
seur , suivant qu'ils sont plus ou moins avancés (7). Cet accrois- 
sement de la membrane de l’œuf peut très bien s'expliquer par 
l’afflux d’albumine que la loi d’endosmose ÿ amène , ainsi que je 
J'ai expliqué plus haut, et qui procure l’extension de la mem- 
brane. C’est en effet à partir de cette époque que la coulée albu- 
mineuse qui enveloppe les œufs commence à se liquéfier. 


ai Jour. —(PI. 4, fig. 21,— 21") 


TEMPÉRATURE — 9 h. du matin . ++ 7,9 centis. 
— midi. . . . . + 10,3. 
— 9 h. du soir . . + 6,4. 


Le fœtus-augmente sa coquille et ne bouge presque plus. Le 
pied est toujours très étendu et se sépare de la tête qui devient 
ainsi tout-à-fait distincte (fig. 21). Quelquefois ce fœtus rampe 
sur son pied le long de la paroi de l'œuf. 

La coquille s’augmente constamment : elle présente une cir- 
convolution complète , et peut contenir tout le fœtus, sauf la 
tête et le pied (fig. 21“). 

Les pulsations du cœur (fig. 21°) sont très rapides : on en 
compte 60 à 80 par minute. A Ja dilatation du ventricule ( fig. 
ar, a) succède la dilatation de l'oreillette (fig. 21°, b), qui est 
tellement forte qu’elle paraît chaque fois refouler le ventricule 
à l'intérieur. 


22 à 29" Jour. — ( PI. 4, fig. 24, 26, 28.) 
L'animal étant totalement formé, augmente de plus en plus 


(4) Swammerdam , Bibel der Natur, p. 76. 


156 DUMORTIER. — Æmbryogénie ‘les Mollusques. 

sa coquille. Jusqu'à l’époque où il éclôt, il se meut dans l'œuf 
comme un Mollusque parfait. Vers le 24° jour, la masse charnue 
qui constitue la bouche devint de plus en plus distincte (fig. 24). 
Les jours suivans on remarque les déglutitions que l'animal ef- 
fectue avec la bouche et les contractions du pharynx qui s’en- 
suivent. 

La coquille s’'augmente graduellement , et déjà l’on peut re- 
marquer à sa surface des stries transversales qui indiquent son 
prolongement. Le 26° jour { fig. 26 ), elle a acquis une circon- 
volution beaucoup plus grande que celle que j'ai figurée le 21° 
jour; le 28°, elle s’est encore plus accr”2 (fig. 28). Au reste, 
l'animal étant complètement formé, son état n'offre plus rien 
de curieux pour l'embryogénie. Il reste dans l’œuf pendant 
quelques jours ; afin de se fortifier de plus en plus et d’être à 
même de résister à l’action des agens extérieurs lorsque le mo- 
ment d’éclore sera venu. 


3one Jour. -— (PL 4 , fig. 30, 30°.) 


Nous voici arrivés au terme moyen de l’accomplissement du 
développement embryonnaire des œufs de Limnée (fig. 30). 
Enfin l’animal rompt la coquille de l'œuf qui le retient prison- 
nier. À cet effet, il rampe sur sa paroi qu'il saisit avec la bouche 
et qu'il attire avec violence. Après maints efforts , il parvient 
à la rompre et en sort pour rester pendant quelques jours 
dans la matière muqueuse que forme l'enveloppe générale du 
frai , après quoi il nage dans l’eau. Dans le premier âge de sa 
vie , l'animal ne respire que de l’eau et en respire constamment. 
On peut s’en assurer en jetant un peu de poussière insoluble 
dans l’eau qui le contient; alors on voit bientôt les globules 
composant cette poussière attirés et ballottés vers l’orifice de la 
cavité respiratoire, laquelle se referme bientôt pour ne pas y 
permettre l'introduction des matières étrangères à l’eau.Ce n'est 
que lorsqu'il a atteint un âge plus avancé qu'il commence à res- 
pirer l'air en nature. 

Lorsque l'animal rompt la paroi de l'œuf, son test a acquis 


DUMORTIER. — Æmbrrogenie des Mollusques. 157 


une circonvolution et demie (fig. 30°). Vers le 36e jour, lors- 
qu'il sort de la coulée albumineuse, ce test a atteint deux cir- 
convolutions , mais ce n’est que par la suite qu’il prend la forme 
définitive qu'il doit avoir dans l’état adulte. 


RÉSUMÉ. 


Nous ayons parcouru toutes les phases de la formation de 
l'embryon des Mollusques Gastéropodes ; résumons ces diffé 
rentes phases en peu de mots. 

L'embryon apparaît d'abord sous la forme d’un globule mu- 
queux qui semble attaché à la paroi de l’œuf. Pendant les pre- 
miers jours , il subit diverses modifications de formes : c'est sa 
première période, celle de l'existence germinale. Alors com- 
mence une ère nouvelle, celle de la vie embryonnaire : il de- 
vient doué d’un mouvement de rotation et tourne lentement sur 
son axe, sans cependant qu'on puisse ÿ observer aucun organe 
propre à la motilité. Bientôt il sopère uue cicatrice à la surface 
de l'embryon, et cette cicatrice produira plus tard le pied et la 
tête de l'animal. Vers la même époque , on commence à aper- 
cevoir à l'intérieur un tissu cellulaire qui devient de plus en plus 
distinct et qui constitue le foie. La cicatrice, de son côté, s’aug- 
mente chaque jour et finit par être une large ouverture qui 
occupe la moitié de l'embryon. Celui-ci ne cesse de culbuter 
sur lui-même, l'extrémité postérieure en avant, et en décrivant 
une spire elliptique qui détermine la forme que prendra plus 
tard la coquille. Alors s'opère un phénomène important : à l’in- 
térieur des cellules primordiales, on commence à apercevoir 
des cellules secondaires, qui, s’accroissant chaque jour de plus 
en plus, finissent par détruire les cellules primordiales, dont les 
paroïs seules persistent,et deviennent un lacis de petits vaisseaux. 

Jusqu'ici le tissu cellulaire avait formé une seule masse cen- 
trale ; mais lorsque la partie gélatineuse s’allonge pour former 
le pied et la tête, on aperçoit en même temps qu'il s’opère une 
production médiane, qui tend à diviser la masse cellulaire en 
deux parties : c'est le système intestinal qui se forme. Le systèrne 


358 DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 


musculaire se présente alors sous l'apparence d’un feutré d'in- 
filtrations fibrillaires qui se dirigent de dehors en dedans. De 
son côté, la grande veine latérale de la spire apparait presque 
en même temps. Bientôt, ensuite, on commence à distinguer les 
yeux qui annoncent la formation du système nerveux; le cerveau 
apparait sous la forme d’un lobe jaunûtre , et alors le cœur 
commence à battre entre les deux lobes du foie; sa texture ex- 
cessivement mince est complètement diaphane ; d'abord il en 
existe deux qui bientôt se réunissent en un seul. Dans le même 
moment, le test commence à se former à l'extrémité de l’em- 
bryon : d’abord il présente la forme du test d’une Patelle, mais 
en s'accroissant chaque soir, il passe tour-à-tour par les formes 
de la Testacelle, de la Crépidule, de lAncyle, du Cabochon, et 
lorsque l’animal éclôt, il présente celles de la Succinée. 

Après l'apparition du système nerveux, la vie fœtale com- 
mence ; l'embryon cesse de tourner et de culbuter sur lui-même, 
il marche en avant et se meut avec autant de facilité que l’être 
parfait. Le manteau se détache, le collier se distingue, la tête et 
le pied se forment. Le pied est doué d’un mouvement propre, 
et peut se dilater jusqu’à toucher l'extrémité du crochet. L'em- 
bryon se contourne en spirale et reste la tête en bas pour former 
sa coquille. On aperçoit au milieu de la face antérieure une 
large ouverture qui se dirige vers le dos et communique avec 
le cœur : c’est l'ouverture de la respiration. Bientôt les bords du 
manteau se rapprochent, la cavité abdominale se clôt, louver- 
ture de la respiration se resserre et ne forme plus qu'un trou, 
et c’est à cette époque que l’on peut rapporter la formation de 
la cavité pulmonaire. Le cœur, qui d'abord avait apparu vers 
le côté droit de l'embryon , se porte vers la région dorsale; et 
peu-à-peu, par suite de la direction spirale de l'embryon, il se 
dirige vers le côté gauche où il se fixe définitivement dans une 
large cavité; son aspect est celui d'un sac ouvert par l'extrémité 
libre. 

L'embryon reste alors tranquille; tous ses organes sont for- 
més; il demeure cependant encore dans l'œuf pour se fortifier 
et parfaire son test : il finit enfin par rompre l'œuf, et, après 
ayoir passé quelques jours dans la coulée albumineuse qui réunit 


DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 159 


le frai, il sort de toutes ses enveloppes et commence à respirer 
l'eau. 
Concrusions. 


Nous venons de parcourir toutes les phases de l’embryogé- 
nie des Mollusques. Il nous reste à exposer les lois physiolo- 
giques qui résultent des faits que nous venons d'observer, et 
c'est en comparant ces faits à ce qui se passe dans l’embryogé- 
nie soit des animaux squelettés, soit des végétaux , que nous 
verrons combien d’aussi petites chérEsha peuvent jeter de 
lumière sur les grandes lois qui régissent la formation des êtres 
organisés. 

Dans la série d'observations que nous venons de parcourir, 
l'embryon des Limnées nous montre les divers états primitifs. 
de l'existence embryonnaire, états qui nous sont cachés dans 
les œufs des Mammifères et des oiseaux, car les observations sur 
l’œuf de ces animaux se rapportent toutes à la seconde période 
de l’'embryogénie des Mollusques. Il importe donc d'examiner 
avec soin les premiers faits que nous avons-observés ; ils seront 
fertiles en conséquences importantes pour la physiologie ani- 
male et générale. 

Nous avons vu par les obserxations qui précèdent, que le 
globule embryonnaire des Mollusques était originairement com- 
posé de substances à l’état fluide et par conséquent inorganisées; 
nous avons vu que ce globule se composait d’abord de gru- 
meaux concentrés en une masse commune, lesquels, après s’être 
unis, se transforment bientôt en tissus organiques et devien- 
nent ensuite un embryon; nous avons vu que l’organisation 
commence par la surface du globule qui devient ainsi suscep- 
tible de modifier ses formes; qu'ensuite on observait à l’intérieur 
un tissu cellulaire organique comparable aux grameaux dont la 
masse générale s’est composée, Ainsi, c'est la surface du globule 
embryonnaire qui forme le premier tissu général, comme c’est 
la surface des grumeaux dont il se compose, qui devient le pre- 
mier tissu cellulaire interne. Ainsi , la transformation originelle 
des fluides organisables en tissus s'opère par la solidification 
de leurs surfaces. 


160 DUMORTIER. — Embryogénie des Mollusques. 


Nous avons vu dans le cours du développement embryon- 
paire deux modes de développement des tissus , celui du foie 
dont le tissu cellulaire s’augmente par des productious média- 
nes comme je l’ai indiqué le premier dans les végétaux (1), et 
celui du tissu dermo-musculaire qui se propage par l’accroisse- 
ment centripète des canalicules qui forment le feutré d’infiltra- 
tion que l’on y remarque. Ceci renverse absolument l’uniformité 
de formation des tissus animaux, indiqué par Bordeau, Meckel, 
etc., et l’on est forcé de reconnaitre la pluralité de formation 
des tissus animaux admise par Bichat et son école. 

Les tissus animaux ne se forment pas comme les tissus vé- 
gétaux au moyen des métamorphoses de la cellule; chez eux 
chaque système forme un tout distinct et séparé , et les organes 
creux se forment d’abord par des cavités. Ainsi la séparation 
du foie en deux lobes donne lieu à une cavité dont les parois 
deviennent le système intestinal; ainsi encore, le rapprochement 
des deux lobes du manteau pour clore la cavité viscérale donne 
lieu à une cavité qui devient la cavité respiratoire. Dans l'origine 
cette cavité est en communication avec le cœur, et peut-être 
le fluide respiré se rend-il alors dans les vaisseanx pour y tenir 
lieu de sang. 

En suivant le développement de l'embryon, nous avons re- 
connu l’apparition des systèmes constitutifs dans l’ordre suivant : 
1° L’enveloppe générale ; 2° le système sécréteur ; 3° le système 
intestinal ; 4° le système musculaire; 5° le système circulatoire ; 
6° le système respiratoire, 7° le système nerveux. Le dévelop- 
pement de l'enveloppe générale appartient à la première période 
de l'existence embryonnaire , celle de la vie matérielle pendant 
laquelle lassimilation se fait de proche en proche comme dans 
les Algues; le développement des systèmes sécréteur , intestinal 
et musculaire appartient à la Geuxième période, celle de la vie 
viscérale; enfin, le développement des systèmes respiratoire, 
circulatoire et nerveux appartient à la vie nerveuse. — Il suit 
de ces observations que lesorganes de la vienerveuse nepréexis- 


(x) Recherches sur la structure comparée, et le développement des animaux et des végétauz ; 
in-4., fig. Bruxelles, M, Hayez, 1832, % 


DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 161 


tent pas, comme on l’a dit, à ceux de la vie viscérale. Si le con- 
traire a été affirmé, c'est que l’on a étudié des œufs d'animaux 
qui avaient déjà accompli leur première période, comme le sont 
les œufs d'oiseaux que l’on soumet à l’incubation , et ceux des 
Mammifères que l'on rencontre dans les trompes de la matrice. 
C’est ce qui explique pourquoi les systemes de la vie viscérale 
peuvent exister encore après la mort des organes de la vie ner- 
veuse ; de même qu’ils ont préexisté à ces derniers, de même 
ils peuvent survivre à leur mort. 

Depuis le moment où la fissure s'opère à la surface du germe 
jusqu'à l'apparition du système nerveux, l'embryon culbute sans 
cesse sur lui-même par un mouvement automatique, et la par- 
tie qui est destinée à devenir l'extrémité postérieure marche en 
avant. En tournant ainsi sans cesse sur lui-même, les matières 
nerveuses qui se forment sont nécessairement emportées à 
extrémité postérieure du tourbillon ; là elles s’'agglomèrent, - 
s'organisent et forment bientôt le cerveau. Alors, le système 
nerveux étant formé, comme le témoigne la présence des yeux, 
l'embryon cesse de tourner automatiquement, il marche en 
avant et est doué de mouvemens libres comme l’animal parfait. 
Ainsi se trouve comfirmée cette vérité que j'ai proclamée dans 
un précédent ouvrage, que la production en avant est caracté- 
ristique du système nerveux.(1) 

Dans l’évolution de embryon animai tout indique la grande 
loi du développement centripète. Le système dermo-musculaire 
s’accroit par l'augmentation centripète de ses canalicules. Le 
système circulatoire ‘présente d’abord deux cœurs ‘qui bientôt 
marchent à la rencontre l’un de l’autre et se confondent sur la 
ligne médiane; le système tégumertaire lui-même voit ses lobes 
marcher à la rencontre l’un de l'autre. Ces lobes de la fissure 
embryonnaire, qui sont les cotylédons animaux , au lieu de s’é- 
carter comme dans les végétaux pour donner place à un article 
nouveau ; se rapprochent et,se soudent entre eux pour clore 
l'animal , et renfermer en un bourgeon toutes les parties qu’il. 


(1) Recherches sur la structure comparée des animaux et des végétaux, deuxième édit, 
p- 61. 
VII, Zoor. — Seplembre. 11 


162 DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 


présente. Ainsi, il n'existe pas chez l'animal de vie végétative 
comme Bichat l’a dit; la vie végétative , c’est le développement 
centrifuge. 

L'embryon des mollusques et celui des vertébrés se forment 
originairement de même et sont dans le principe soumis l'un et 
l'autre à toutes les mêmes lois; mais bientôt une différence 
survient qui les entraîne dans une organisation difiérente. Dans 
l'embryon des animaux endosquelettés, le système cérébro- 
spinal se forme longitudinalement dans la cavité de la cicatrice 
du globule embryonnaire avec laquelle il est par conséquent 
parallèle ; la tête naît à l’une des extrémités de cette cicatrice , 
les membres inférieurs à l’autre extrémité ; les côtes apparaissent 
de chaque côté des lèvres de la fissure qui se réunissent ensuite 
pour clore la cavité abdominale et former la ligne blanche. Dans 
embryon des Mollusques, au contraire, le système nerveux est 
transversal à la cicatrice : la tête naît de l’une des lèvres de la 
fissure, la pointe du crochet naît de l’autre et les-extrémités de 
la cicatrice se réunissent pour clore l'abdomen. Aïnsi, la tête et 
le crochet des Mollusques sont situés à la place qu'occupent les 
côtes dans l'embryon des animaux endosquelettés ; ainsi, le sys- 
tème nerveux des Mollusques ne correspond nullement , ui au 
système cérébro spinal des animaux endosqueléttés , ni à tout 
système nerveux longitudinal; il est la représentation des nerfs 
intercostaux et de leurs ganglions. Cette observation démontre 
combien les Mollusques sont éloignés des vertébrés dans leur 
organisation prototype ; elle explique clairement pourquoi il ne 
peut y exister, ni de système-nerveux longitudinal, ni de sque- 
lette, qui ne manquent jamais dans les animaux supérieurs. 

Les observations qui précèdent nous ont dévoilé la formation 
embryonnaire originelle.des animaux vertébrés et des Mollus- 
ques. Dans l'évoluiion de lembryon des animaux exosquelettés 
dont j'ai étudié les phases, j'ai vu le globule embryonnaire, d'a- 
bord entier , se fendre aussi en un&cicatrice bilobée et les deux 
extrémités de l'animal correspondre aux deux extrémités de 
celte cicatrice comme dans les vertébrés. Le systeme nerveux 
longitudinal s'y forme aussi parallèlement à la cicatrice, mais le 
système squeletteux, au lieu d’apparaître dans le fond de la ca- 


DUMORTIER. — ÆEmbryogénie des Mollusques. 163 


vité de la cicatrice comme dans les vertébrés, apparaît d’abord 
entre l'extrémité de ces lèvres, ce qui est cause que le squelette 
y est extérieur et qu'il y a ahsence‘de système cérébro-spinal. 
Cette structure est très manifeste dans les œufs de Forficule. 
En comparant ce développement embryonnaire à celui des Mol- 
lusques , ilest évident que les exosquelettés sont typiquement 
bien plus rapprochés des animaux vertébrés queles Mollusques, 
puisque dans ceux-là les formations se font parallèlement à la 
cicatrice, tandis qu’elles se font transversalement chez les Mol- 
lusques. Par là se trouve confirmée cette vérité que j'ai précé- 
demment proclamée, que Ë progression des animaux est en rap- 
port direct avec leur squelette. 

Nous venons de voir en quoi les lois &’'embryogénie des Mol- 
lusques et des animaux squelettés, identiques dans le principe, 
amènent plus tard une organisation dissemblable ; comparons 
maintenant les faits qui viennent de se dérouler sous nos yeux 
dans l'embryon animal avec ce qui a lieu dans embryon végé- 
tal : c'est là le seul moyen de parvenir à la connaissance des 
grandes lois de physiologie générale, qui président au dévelop- 
pement des corps organisés. 

En examinant l’évolution des Mollusques , nous avons dé- 
montré que les tissus animaux, quoique formés originairement 
de même par la solidification des surfaces, se développent de 
différentes manières : le tissu cellulaire par des productions mé- 
dianes, le tissu dermo-musculaire par un feutré de canalicules 
centripètes. Ainsi, chez les animaux, les tissus ne se forment 
pas aux dépens les uns des autres ; il n’y existe pas un tissu gé.. 
nérateur unique, mais bien plusieurs tissus originairement dis- 
tincts. — Les belles observations de M. Mirbel ont prouvé que 
chez les végétaux il existe un seul tissu originel, le tissu cellul- 
laire, qui, par une suite de métamorphoses, se transforme en 
tissu vasculaire. Par conséquent, le règne végétal est caractérisé 
par l’unité originelle, et le règne animal par la pluralité origi- 
nelle des tissus. 

Dans l’origine de la formation , embryon animal ne diffère en 
rien de l'embryon végétal. L'un et l’autre apparaissent d’abord 


sous la forme d’un globule embryonnaire ; l’un et l’antre’offrent 
11. 


164 DUMORTIER. — Æmbryogénie des Mollusques. 


la formation de l'enveloppe générale et du tissu cellulaire avant 
celle d'aucun autre organe; l’un et l’autre présentent à la sur- 
face une fissure qui s'ouvre en cicatrice pour faciliter le grand 
œuvre de l’organisation; les lèvres de cette cicatrice sont les 
lobes ou cotylédons de l'embryon. Jusque-là, les lois de l'évoiu- 
tion de l'embryon animal et végétal sont identiquement les 
mêmes. Alors apparait une différence bien minime en soi, mais 
qui doit amener les plus grands résultats. La fissure qui forme 
la cicatrice s'ouvre chez le végétal à la face supérieure de l’em- 
bryon, et chez l'animal, à la partie qui formera plus tard la 
ligne blanche, et par conséquent à Ya surface inférieure. Ainsi 
Fanimal est originairement un végétal renversé : c’est l'inverse 
de la’proposition généralement admise. 

Bientôt après une autre différence se fait jour. Dans l’évolu- 
tion de l'embryon , la formation et la croissance de l'animal se 
font horizontalement , ou , ce qui revient au même, parallèle- 
ment au plan de la cicatrice : c’est dans cette situation horizon- 
tale qu'apparaissent les premiers radimens da système nerveux, 
du système circulatoire , du système intestinal, du système os- 
seux , etc., et c'est ce qui détermine cette situation horizontale 
de l’animal. Au contraire, la formation et la croissance du végé- 
tal se font verticalement à ce plan, ou, ce qui revient an même, 
l'axe cylindro-médullaire se forme dans la direction verticale 
relativement au plan de la cicatrice, et ce qui détermine la si- 
tation verticale du végétal n’est, suivant moi, qu'une première 
conséquence de la situation de la fissure. 

L'observation si simple de la sitnation supère ou infère de la 
cicatrice nous explique le pourquoi de la différence d'organisation 
des animaux et des végétaux. Si le végétal se dirige vers le ciel, 
c'est que la cicatrice de son embryon s’est opérée au pôle zénith 
du globule; si animal rampe sur la terre, si sa ligne blanche 
se dirige de ce côté, cest que la cicatrice de son embryon s'est 
opérée à son pôle nadir. C'est par‘suite de cette disposition in- 
fère ou supère que la formation et le développement de l’em- 
bryon animal se font parallèlement au plan de la cicatrice, tan- 
dis que chez l'embryon végétal, la formation et le développe- 
ment se font verticalement à ce plan. C’est par suite de ces dis- 


bUMORTIER. — Embryogénie des Mollusques. 165 


positions que le développement de l'animal est centripète et le 
développement du végétal centrifuge ; c'est par suite de cette 
disposition que les lèvres de la cicatrice, qui sont les lobes ou 
cotylédons de l'embryon, se rapprochent plus tard et se sou- 
dent dans l'embryon animal, tandis qu'ils tendent à se séparer 
chez le végétal pour donner passage à la tige. C’est par suite de 
cette disposition que les organes respiratoires et des sexes qui 
dans l’animal sont bientôt renfermés par la soudure de ces lobes, 
restent au contraire constamment externes dans le végétal par 
leur écartement. C’est par suite de cette disposition que l'em- 
bryon végétal naît composé d’un seul article, tandis que l’em- 
bryon animal doit, avant la naissance, se former de toutes 
pièces, et qu’ainsi à cette époque il est un bourgeon. C’est par 
suite de cette disposition que le dos de l'embryon, c’est-à-dire 
la partie opposée à la cicatrice, se trouvamt, chez le végétal, 
dirigé vers la terre, peut s’y enfoncer pour former des racines, 
tandis que la même partie se trouvant chez l'animal dirigée vers. 
le ciel, elle ne peut que donner naissance à des ailes qui l’élèvent 
vers le firmament. Ainsi dans l’évolution des êtres organiques , 
les lois d’anologie sont les primitives ; celles de divergence, les 
secondaires. 


EXPEICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE 3 PB. 1} 


Fig. 1. Un œuf du Linneus Vulgaris au moment de la ponte, fortement grossi,. avec le glo- 
bule embryonnaire vers la partie inférieure, 

Fig, 1,4. Un œuf infécond et dont la matière embryonnaire ne s'est pas agglomérée, mais 
forme des ‘espèces de grumeaux, 

Fig. x». Le globule embryonnaire du même, fortement grossi ; on aperçoit en a un glo- 
bule muqueux. 

Fig. 2. OEuf du deuxième jour, beaucoup plus grossi, présentant deux globules muqueux 
et montrant le globule embryonnaire comprimé de deux côtés. 


(1) Les numéros des figures indiquent le jour depuis la ponte; les lettres se rapportent aux 
divers états pendant la même journée, 

(2) 11 importe de ne pas perdre de vue que, dans cette planche et la suivante, la posi- 
tion de l'embryon est telle que la partie dorsale est représentée inférieure etla partie ventrale 
supérieure, 


“ 


166 DUMORTIER. — ÆEmbryogeme des Mollusques. 


Fig. 2. Le globule embryonnaire plus fortement grossi, présentant en a et À deux glo- 
bules muqueux, 

Fig. 3. OEuf du troisième jour, fortement rer 

Fig. 3e. Le globule embryonnaire plus fortement grossi, avec deux globules muqueux 
en a. 

Fig. 4 

Fig. 5. Globule embryonnaire du cinquième jour. 

Fig. 6 
Fig. 6,. Autre globule embryonnaire du sixième jour, offrant un point éclairé en a. 
Fig. 7. 
Fig. 7. Autre globule embryonnaire du même jour. 

» 


. Globule embryonnaire &u quatrième jour. 
. A. Globule embryonnaire du sixième jour , offrant un point éclairé en a. 
Globule embryonnaire du septième jour. 

Fig. 5°. Le même, doublement grossi. 

Fig. 7. Autre globule embryonnaire du mème jour. Dans cette figure et la précédente, on 
commence à apercevoir une espèce de feutré interne qui précède l'apparition du tissu cellulaire. 

Fig. 8. OEuf du huitième jour, contenant l'embryon qui tourne sur lui-même dans la di- 
rection indiquée par un trait. 

Fig. 8a, Embryon du huitième jour , lançant le mucus par son échancrure en e. 

Fig. 8e. Spire cycloïde que décrit l'embryon pendant le dixième jour. 

Fig. 9. Embryon du neuvième jour, présentant à son sommet en a une cicatrice relevée 
en crête. y 

Fig. 92. Le mème , vu de côté, pour montrer les lèvres de la cicatrice et la matière gélaui- 
ueuse qui sort en a. 

Fig. 96. Le même à la fin de la journée, au grossissement de la fg. 9 B , et dans lequel on 
distingueles traces du tissu cellulaire. 

Fig. 10. Embryon du dixième jour, montrant très distinctement le tissu cellulaire réuni en 
masse à sou intérieur. — a la cicatrice et la matière gélatineuse qu'elle présente. 

Fig. 104. Le même’, vu de côté, pour montrer l’ouverture de la cicatrice en a et des deux 
lèvres qui sont les lobes ou cotylédons de l'embryon d'animal. 

Fig. 11. OEuf du onzième jour, avec l’embryon. 

Fig. 11, Embryon du même. — a partie gélatineuse de la cicatrice. 

Fig. 11. Le mème embryon, vu de côté et montrant les lèvres de la cicatrice beaucoup plus 
écartées, au milieu desquelles se trouve la partie gélatineuse a. 

Fig. 12. Embryon du douzième jour, — a partie gélatineuse couvrant la cicatrice, — 4, 6, 
les deux lobules de la cicatrice qui bornent ses extrémités, 

Fig. 124. Le même vu de côté, pour montrer l’écartement des lèvres de la cicatrice, — a 
partie gélatineuse. 

Fig. 125. De mème, tué par l'sicali volatil et contracté, 

Fig. 13. Embryon du treizième jour. — a, partie gélatineuse couvrant la cicatrice. — 
b,b, les deux lobules de la cicatrice. 

Fig. 13a. Le même, vu de côté, présentant un de ses lobules entre les deux lèvres de la 
cicatrice. —a partie gélatineuse. 

Fig. 134. Le même, vu de côté dans un moment où il s'allonge et fait ainsi disparaître le lo- 
bule intermédiaire, 

lig. 13z, Le: même, vu du côté de l’ouverture de la cicatrice. — a , à, les deux lèvres de la 
cicatrice qui sout les lobes de l'embryon, — a, la partie qui forinera l'extrémité du crochet, — 
D, la partie qui donnera naissance à la tête. —c, c, les deux lobules latéraux. 

Fig. 14. Embryon du quatorzième jour, présentant la partie qui formera l’extrémité du 
crochet, — a partie gélatineuse. — # , 2, les deux lobules. 


DUMORTIER. — Embryogénie des Mollusques. 167 


Fig. 149. Le même, présentant la partie qui formera la. tête. — a partie gélatineuse. — 
6, 6, les deux lobules, — c, l’échancrure du manteau derrière la place qui donnera naissance 
à la tête. 

Fig. 145. Le même, vu de côté et devenant irrégulier. — a, partie gélatineuse. — 2, le 
lobule intermédiaire de gauche, — c, la lèvre destinée à former l'extrémité postérieure du 
crochet qui maintenant marche en avant. 

Fig. 14°. Cinq cellules primordiales devenant matrices des cellules secondaires. 

Fig. 144. Spiroïde que décrit l'embryon au quatorzième jour. 


PLANCHE 4. 


Fig. 14°. Embryon tué par l’ammoniaque, — a, partie gélatineuse, 

Fig. 15. Embryon du quinzième jour, vu de côté. — a, productus destiné à former le pied 
et la tête. — &, crochet postérieur où naît le premier rudiment du test, —c , lobe postérieur 
du foie. — 4, lobe antérieur. — e, partie jaunâtre, 

Fig. 154, Premier rudiment du test. 

Fig. 156. L’embryon vu par le côté de la tête, 

Fig. 15. Le pied séparé pour faire voir la première trace de tissu musculaire. 

Fig. 16. Embryon du seizième jour, vu par le côté gauche, — a, productus destiné à for 
mer le pied et la tête. — à, lobe postérieur du foie, —c, lobe antérieur, — d, formation du 
canal intestinal, ; 

Fig. 169; Le même, au soir du seizième jour. Le pied s’est aplati à son extrémité, On aper- 
çoit très distinctement les cellules secondaires , et les traces des cellules primitives persistent 
comme un réseau vasculaire, 

Fig. 16?. Le mème , vu par le dos. — a, a, les deux oreillettes du manteau. —b, formation 
du canal intestinal entre les deux lobes du foie. 

- Fig, 16°. Le même, vu par le côté droit, — a, le pied. — à, la partie antérieure du manteau 
appliquée contre la tête. — c, le test. 

Fig. 164, Le test séparé, 

Fig. 16+, L'extrémité du pied, pour montrer F formation du système dermo-musculaire. 

Fig. 17. Fmbryon du dix-septième jour, au matin, vu par le côté droit. —a, le pied. — 
b, première formation des yeux, —c, le manteau recouvrant la tête, — d, le test. —e, la 
place où J’on aperçoit les premières pulsations du cœur , au côté droit. 

Fig. 17. Le même, vu par le derrière de la tête et du pied.— a, le pied. — à, les yeux. 
— c, lobule jaunâtre. 

Fig. 17!. Première formation des yeux. 

Fig. 17°. Un œil vu en face et qui paraît composé d'un cercle d'oscelles. 

Fig. 174. Le test séparé. ° 

Fig. 19°, Embryon du même jour au soir, vu par le côté gauche. 

Fig. 19f. Extrémité postérieure du mème, vue par le dos, montrant en a la place où l’on 
aperçoit du côté gauche, des pulsations du cœur. 

Fig. 18 Embryon du dix-huitième jour, vu par le côté droit et se repliänt pour former sa 
coquille, — &, lobe du manteau détaché de la tête. | 

Fig. x82, Le test au dix-huitième jour séparé. 7 

Fig. 185. Exirémité postérieure de l'embryon au dix-huitième jour, vu par le dos, mon- 
trant en a le cœur qui s’est réuni au centre des deux lobes du foie, 

Fig. 18°, Le pied, pour montrer la formation centripète du système dermo-museulaire, -- 
a, lobule jaunâtre, 


168 “DUMORTIFER. — Embryogénie des Mollusques. 


Fig. 184. Autre embryon du même jour, replié sur lui-même et vu par l'occiput , pour 
montrer les tentacules a, et l’orifice de la respiration #, 

Fig. 19. Embryon du dix-neuvième jour, enfoncé dans son test pour le compléter et clore 
circulairement son orifice, Le cœur est au milieu du dos; on y disiingue le ventricule a, 
et l'oreillette 8, À 

Fig. 19°. Le mème, vu par le derrière de la tête. —@, l'orifice de la respiration, —#, ce 
que je crois être la langue. 

Fig. 194. Le test au dix-neuvième jour , séparé. 

Fig. 19°. L'aspect de l’ouverture du cœur pendant le mouvement de systole &, et de dias- 
tole 4. 


Fig. 20. Embryon du vingtième jour, dans son œuf, vu par le côté droit. — a, bour- 
relet qui forme le test. 

Fig. 208. Le même, vu par le côté gauche, — a, bourrelet qui forme le test. — 2 , le 
cœur, 


Fig. 20/. Le test au vingtième jour, séparé. 

Fig. 21. Embryon du vingt-et-unième jour, vu par le côté gauche, et dont le pied rampe 
contre la paroi de l’œuf. 

Fig. 31% Son testest séparé. 

Fig. 210. Le cœur au vingt-et-unième jour. —@, le ventricule. — à, l'oreillette, 

Fig. 24, Embryon au vingt-quatrième jour , vu par le côté droit et rampart contre la pa- 
roi de l'œuf, 

Fig. 26. Le test au vingt=sixième jour, vu du côté de la spire. 

Fig. 28. Le test au vingt-huitième jour, vu du côté de l’enroulement. 

Fig. 30. OEuf du trentième jour, au moment où l’embryon cherche à en rompre la mem— 
brane pour éclore. 

Fig. 304. Le test au trentième jour, vu par l’ouverture, 

Fig. 36. Le test au trente-sixième jour, lorsque l'embryon est sorti de la coulée albumi- 
neuse et nage dans l’eau, 


RecmerRcHES sur l'anatomie des Mollusques, comparée à l'ovo- 
logie et à l’embryogénie de l’homme et des Vertébres ; 


. Par M. SERRES. 


(Lues à l'Académie des Sciences le 3 octobre 1837.) 


Occupé depuis plusieurs années de l'étude comparative des 
Mollusques et de l’embryogénie de l’homme et des Vertébrés (1), 


(x) Voyez le mémoire sur l'anatomie comparée des animaux invertébrés (Ann. des Sc. nat. 
octobre 1834.) 


SERRES. — Æmbryogénie. - 169 


je suis arrivé à des résultats qui me paraissent mériter l’atten- 
tion des anatomistes. 

Depuis les travaux de Swammerdam , de Poli et de Cuvier, 
les organismes des Mollusques sont déterminés d’après la com- 
paraison qui en est faite avec ceux des Vertébrés arrivés au 
terme de leur développement. Leurs ganglions céphaliques sont 
assimilés au cerveau; leur cœur et leurs artères sont regardés 
comme les analogues des mêmes parties desanimaux supérieurs; 
leurs branchies répètent les branchies des Poissons. 

D’après ces vues et ces termes de comparaison , les Mollus- 
ques sont placés dans la méthode de la classification du Règne 
Animal, à la tête des animaux Invertébrés, et viennent immé- 
diatement après les Vertébrés. Cette place leur est acquise de- 
puis les travaux si remarquable de Cuvier, et bien qu’elle leur 
ait été contestée par divers zoologistes, ils l’ont néanmoins con- 
servée, par la raison que d’après les bases de cette méthode, 
il est en effet tres difficile d’assigner un autre rang à des êtres 
chez lesquels il existe un système nerveux bien développé, un 
appareil de respiration supérieur dans beaucoup de cas à celui 
des Poissons, et des organes de circulation plus complets en 
apparence que ceux des Poissons et même des Reptiles. 

Néanmoins, et même de l’aveu de MM. Cuvier et de Blain- 
ville, les Mollusques en général paraissent peu développés (1); ils 
ne se soutiennent que par la ténacité de leur vie et leur im- 
mense fécondité. {2) 

D'un autre côté, la variabilité de leurs organismes est si 
grande qu’il est impossible de rien assigner de général à la dis- 
position de leur système nerveux, de leurs branchies, de leurs 
organes de circulation, et même à la disposition du canal ali- 
mentaire , ordinairement si fixe dans les autres classes compo- 
sant le Règne Animal. En un mot, l’organisation des Mollus- 
ques parait tout-à-fait anomale, si, la considérant d'elle-même, 
on cherche à la comparer à l’organisation des animaux compo- 
sant les autres classes. 


(1) Manuel de Malacologie. Cuvier, ouvr, cité, 
(2) Regne animal , tome 11, page 35%. 


170 SERRES. — Æmbryogénie. 


Favorables à l'échelonnement zoologique des Mollusques, ces 
conditions différentielles de leurs organismes, ont offert à l’a- 
natomie comparée des difficultés presque insurmontables. Car, 
d'une part, le principe de la corrélation des formes organiques 
n'a pu leur être appliqué avec succès , et, d'autre part on a es- 
sayé en vain de leur appliquer le principe des analogies orga- 
niques de M. Geoffroy Saint-Hilaire, par la raison que la con- 
dition première de la mise en œuvre de ces deux règles de l’a- 
natomie comparée est la détermination des organismes. Or, si, 
comme nous le montrerons dans le cours de ce travail, les 
principaux organismes des Mollnsques sont encore indétermi- 
nés, On voit que, quelque avancée que soit leur anatomie propre, 
leur compäraison avec les organismes parfaits des autres classes 
ne saurait être très fructueuse. De là, le peu d'utilité des efforts 
tentés dans cette direction par MM. Oken, Mayranx et Carus ; 
de là, la nécessité pour les anatomistes de rechercher une autre 
base de détermination et un terme de rapport plus approprié au 
développement peu avancé de l’organisation de ces êtres. 


Je l'ai cherchée cette base nouvelle de détermination dans la 
Comparaison des organismes des Mollusques, avec les orga- 
nismes temporaires composant l’ovologie et l'embryogénie de 
l’homme et des Vertébrés. Les propositions qui suivent, et dont 
le développement fera l'objet de plusieurs mémoires spéciaux, 
résument, de la manière la plus concise, les principaux résul- 
tats auxquels j’ai été conduit. 


I. Les Mollusques sont des embryons permanens des Verté- 
brés et de l’homme. (1) 


(x) Cette proposition, exposée dans le mémoire cité sur l'anatomie comparée des animaux 
invertébrés , me paraît confirmée ; 

1° Par le travail de M. Carus sur le développement des moules d’étang (unio timida, unio 
littoralis, anodonta intermedia) , bien que ce travail soit conçu dans un tout autre esprit. 
(Nova Acta Physico-Medica Academiæ Cœsareæ Leopoldino-Carolinæ ; tome xvr, première 
partie, 1832); 

20 Par le mémoire de M. Armand de Quatrefages sur la vie intrabranchiale des petites Ano- 
dontes, dont un extrait a paru dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, année 
1836, page 294 ; 

3° Enfin par le travail remarquable de M. Dumortier, membre de l'Académie des Sciences 


SERRES. — Embryogénie. 71 


II. Ce sont des animaux constitués par la prédominance des 
viscères abdominaux; tout se rapporte chez eux au service de 
la nutrition et de la reproduction. 


III. Ce caractère fondamental résulte de la disposition des 
systèmes nerveux et sanguins. 


IV. Ces deux systèmes sont dans une disposition inverse. Le 
système merveux situé en avant est dévolue au service de la bou- 
che. Ses modifications sont toutes surabandonnées à celles que 
nécessite la préhension des alimens, et les moyens de trans- 
port qu'exige cette préhension. Du groupement et du dé- 
groupement des centres nerveux dérivent des caractères fixes 
de classification des êtres composaut cet embranchement du 
règne animal. 


V. Ce que les caracières de classification des M ollusques 
déduits de la disposition des centres nerveux, offrent de re- 
marquable, c’est qu’ils sont dans un rapport parfait avec ceux 
qui ont servi de base à la classification de ces animaux par 
M. Georges Cuvier. Ils n’en sont en quelque sorte que la con- 
firmation ou la vérification: 


VI. Le système sanguin des Mollusques est le système san- 
guin des Vertébrés renversé : il commence là où finit celui des 
Vertébrés, et il finit là où ce dernier commente, Représentez- 
vous le cœur chez les Vertébrés et chez l’homme, à la divi- 
sion des iliaques primitives, au point de départ de l'artère sa- 
crée moyenne, et vous aurez l’idée figurative de la circulation 
artérielle et veineuse des Mollusques. n 


VIL Ainsi placé, le cœur est abdominai ou hypogastrique 
chez les Mollusques, au lieu d'être D LES VU ou pectoral 
comme chez les Vertébrés. 


de Bruxelles, sur l’'Embryogénie des Mollusques gastéropodes, dont la conformité des vues avec 
celles qui me dirigent est exprimée ainsi qu’il suit : 

= J'ai retiré de cette étude un autre avantage, celui de connaître les diverses phases de l’em- 
« bryogénie des animaux intérieurs, qui, suivant la judicieuse observation de M. Serres , sont 
« eux-mêmes comme des embryons permanens des animaux supérieurs, de sorte que cette étude 
« peut servir à éclaireir les points les plus importans des premières phases de l' embryogénie 
« des animaux supérieurs et de l'homme, » 


172 SERRES, — Æradbryogénie. 


VIII. De cette position du cœur chez les Mollusques résulte 
la prédominance des organes de reproduction, qui chez eux 
acquièrent un développement que l’on ne remarque au même 
degré dans aucune autre classe du règne animal. 

IX. Les organes de reproduction des Mollusques sont les 
analogues des corps de Wolf, ou de ce que l'on a nommé reins 
primitifs chez les embryons des Vertébrés, et plus particulière- 
ment chez ceux des Oiseaux, des Mammifères et de l’homme. 

X. Leur canal intestinal est le vitellus permanent et déplissé 
des embryons des animaux Vertébrés. Sa formation correspond 
à celle du canal intestinal particulierement des Batraciens. 


XI. La position du cœur est rigoureusement assujétie à la 
position de l’anus chez tous les Mollusques. Le centre de la 
circulation est ainsi à l’une des extrémités du canal digestif, et 
les centres nerveux sont à l’autre, comme il a déjà été dit. 


XII. De cette position constante du cœur résulte le renver- 
sement du système sanguin dont nous avons exposé l’antago- 
nisme avec celui des Vertébrés. 


XIII. Ce renversement n’est pas limité au cœur, il se répète 
dans les distributions des artères de ce que l’on a nommé, chez 
les Mollusques, aorte ascendante, laquelle est l'analogue de 
l'aorte abdominale des Vertébrés, principalement de leurs em- 
bryons. 

XIV. Cette position du cœur est elle-même rigoureusement 
commandée par la position et la nature des organes respira- 
toires des Mokusques. 

XV. Ces organes respiratoires ne correspondent pas, comme 
on l’a cru jusqu’à ce jour, aux branchies des Poissons ; ils sont 
les analogues des organes respiratoires des embryons des Ver- 
tébrés, particulièrement de ceux des Oiseaux, des Mammifères 
et de l’homme. 

XVI. On sait que dans l'œuf, les embryons des Vertébrés 
respirent par l'interméde de l'a/lantoide , laquelle est en rap- 
port avec la vessie et l’anus des jeunes embryons. 


SERRES. — £mbryogénie. 173 

XVII. Les branchies respiratoires des Moilusques sont l’ana- 

logue de cette ailantoïde respiratoire des embryons des Verté- 

brés Ce qui n'est que temporaire chez ces derniers embryons 
devient permanent chez les Mollusques. 


XVIII. Les variations si nombreuses que présentent les bran- 
chies respiratoires des Mollusques, depuis les Céphalopodes 
jusqu'aux Acéphales, correspondent aux nombreuses variations 
que présente l’allantoïde, à partir des Reptiles jusqu'aux Oi- 


Al 


seaux, aux Mammiféeres et à l’homme. 


XIX. Dans l'œuf des Vertébrés, l’a//antoide est un dédouble- 
ment du chorion qui enveloppe l’embryon; c'est sa lame in- : 
terne ou l’endo-chorion. 


XX. Chez tous les Mollusques, les branchies sont un dé- 
doublement de leur manteau qui enveloppe l'animal, comme le 
chorion enveloppe l'embryon. C’est la lame interne du manteau 
qui devient organe respiratoire, comme le devient dans l’œnf 
des Vertébrés la lame interne du chorion. 


XXI. Cette détermination des branchies des Mollusques nous 
conduit à l'appréciation de l’analogic du chorion de l'œuf des 
Vertébrés avec le r17anteau des Mollusques. 


XXII. Le chorion de œuf des Vertébrés est composé de trois 
couches ou lames qui sont l’endo-chorion , l'exo-chorion et le 
meso-chorion. 

XXII. Le manteau des Mollusques est également composé 
de trois couches ou lames, l'une interne qui correspond à l’en- 
do-chorion ; la seconde externe qui correspond à l’exo-chorion, 
et la troisième moyenne qui représente le meso-chorion. 


XXIV. Nous venons de voir que la lame interne du chorion 
et du manteau devient l'organe respiratoire de l'embryon dans 
l'œuf, et du Mollusque. 


XXV. Dans l'embryon des Vertébrés la lame moyenne du 
chorion devient musculeuse, comme devient musculeuse, chez 
les Mollusques, la lame moyenne du manteau. Cette transfor- 
mation musculeuse est particulièrement marquée chez les Mol- 


174 SERRES. — Æmbryogénie. 


lusques nus , et sur le chorion de l'embryon de l'homme et 
des Mammiferes. 


XXVI. La lame externe du chorion est l’analogue de la lame 
externe du manteau, comme on le voit surtout sur le manteau 
des Mollusques nus. 


XXVII. Chez l’œuf des Mammifères ‘et de l'homme, la lame 
externe du chorion sécrète un organe protecteur que les ovo- 
logistes regardent comme inorganique; c’est la membrane ca- 
duque , sorte d'investiture protectrice de l'embryon. 


XXVIIT. Chez les Mollusques conchilifères , la lame externe 
du manteau sécrète un organe protecteur inorganique ; c’est la 
coquille. La coquille serait donc l’analogue de la caduque de 
l'œuf des Mammifères et de l’homme. 


XXIX. Chez les Reptiles et les Poissons, parmi les Vertébrés, 


la caduque n’est point sécrétée, de même que la coquille ne 
l'est pas chez les Mollusques nus. 

XXX. La coquille des Mollusques serait donc une caduque 
permanente, comme leurs branchies sont une allantoïde per- 
manente : leur manteau un chorion permanent, leur canal in- 
testinal un vtellus permanent. 


XXXI. Ces animaux sont donc des embryons permanens 


des animaux Vertébrés, et leur composition, de même que 
leur nature, de même que leur formation et leur développe- 
ment, sont des déductions rigoureuses, ou des corollaires de la 
loi centripète des développemens organiques. 


R. OWEN. — Structure du cerveau des Marsupiaux. 179 


+ 


SrRuCTURE du cerveau chez les Marsupiaux. 


Par RicHarD Owen. (1) 


Le cerveau des Mammifères est caractérisé essentiellement 
par la complication et l'étendue de l'appareil qui met en com- 
munication ses différentes masses entre elles. Sous le rapport 
du volume, les hémisphères cérébraux sont, dans beaucoup d’es- 
pèces, inférieurs à ceux des oiseaux; et chez un grand nombre 
d’insectivores et de Rongeurs, la surface en est tout aussi lisse 
et tout aussi unie; mais malgré l'absence de circonvolutions et le 
faible volume des hémisphères, on observe chez les Mammifères 
que nous venons de citer, un appareil développé de fibres mé- 
dullaires qui unissent soit les hémisphères opposés, soit les por- 
tions distantes d’un même hémisphère. Cet appareil , désigné 
sous le nom de grande commissure, est ajouté aux commissures 
antérieure, postérieure et molle, qui, si l’on en excepte 
un petit rudiment de la voûte, sont, chez les oiseaux, les 
seules parties développées dans le but de réunir les deux 
hémisphères; dans les Mammifères supérieurs , où les hémi- 
sphères cérébraux ont plus de volume, et où leur surface est 
accrue par l'existence des circonvolutions, on voit cet appareil 
commissural surajouté, prendre un développement corres- 
pondant,.en même temps qu'une structure très compliquée, 
et ses diverses parties devenir distinctes entre elles, telles que le 
corps calleux, la voûte et les lames qui unissent ces deux or- 
ganes, désignées sous le nom de septum lucidum : la voûte 
par ses deux piliers postérieurs, et par la masse médullaire in 
termédiaire, qui porte le nom de lyre, met les deux grands 
hippocampes en communication entre eux et avec les plis pos- 
térieurs du corps calleux(2); par son pilier antérieur elle établit 


(1) Traduit de l'anglais par M. Doyère. (Philos. Trans., 1837, part. 1). 

(2) « The fascieuli from the fornix form in part the covering of the hippocampus, and in 
part'its loose fold, the tœnia hyppocampi,—Ræir, Mayo's anatomical commentaries p.116.» 

« L'enveloppe médullaire de la corne d'ammon se continue avec la partie postérieure 


176 R. OWEN. — Structure du cerveau des Marsupiaux. 


la communication entre les hippocampes et les couches opti- 
ques ; et par le septum lucidum , les rapports qu'elle a avec le 
corps calleux se prolongent jusqu'aux replis antérieurs de cet 
organe. (1) 

Dans le cerveau de l’homme, la voûte, bien que d’une struc- 
ture compliquée, et bien que formant une partie très distincte, 
est néan“oins d'un faible volume comparativement au corps 
calleux; tandis qu'au contraire, les lames délicates du septum 
lucidum, qui mettent la voûte en communication avec le 
corps calleux , offrent une surface dont l'étendue est pro- 
portionnelle à la distance verticale plus ou moins grande qui 
sépare ces deux organes, suivant qu'ils se portent davan- 
tage d’arrière en avant. Si l’on suit les modifications de ces 
diverses parties dans toute la série des Mammifères, on voit 
diminuer la disproportion qui existe entre la voûte et le corps 
calleux , à mesure que les parties que ces organes rattachent 
entre elles perdent de leur volume relatif. À mesure que dimi- 
nuent les masses des hémisphères cérébraux qui recouvrent le 
corps calleux , dans les Mammifères qui ont un placenta, le 
corps calleux lui-même est restreint en proportion, dans son 
développement, tandis que les hippocampes, et ‘eurs appen- 
dices libres, désignés sous le nom de corps frangés (tœnia hip- 
pocampi), étant d'une constance remarquable dans leur volume 
absolu, la voûte continue également d’être développée , et offre 
des modifications de forme qui rendent plus manifestes ses re- 
lations comme commissure des Hippocampes, que ne l'indi- 
querait sa structure dans le cerveau humain. Ainsi dans le cer- 
veau du mouton, les corps frangés, au lieu de manquer sur les 
piliers postérieurs de la vote, se prolongent sur leurs bords 
latéraux, et en augmentent ainsi la largeur; ils convergent en- 


du corps calleux, et en partie aussi avec le pilier postérieur de la voute ; c'est dans ce der- 
nier que va se jeter le corps frangé tout entier, » — Meckez, Anatomie descriptive, t. à, 
p. 679. 

(x) Ainsi la voûte représente une chaîne très complexe qui unit les deux hémisphères l’un 
avec l’autre sur plusieurs points, et qui, de plus, établit une communication entre la partie 
antérieure et la partie postérieure de chaque hémisphère. — Meckes. Anatomie descrip- 
tive, tome 2, page 655, 


R. OWEN. — Structure du cerveau des Marsupiaux. 177 


suite et se joignent au-dessus des piliers antérieurs de la voûte, 
qui ne semblent ètre ici que de petits appendices secondaires 
s'étendent depuis le point d'union des corps frangés en dessus, 
jusque dans les conches optiques en dessous ; puis ces corps 
frangés se partagent de nouveau , et se continuent en avant et 
en bas dans les lobes antérieurs des hémisphères , établissant 
une communication entre ces parties et les hippocampes en 
arrière , tandis que, par leur point d'union opposé, ils se con- 
tüinuent en dessus avec le repli antérieur du corps calleux. 

Comme le corps calleux et la voûte sont à une distance ver- 
ticale moindre chez la plupartdes Mammifères que chez l’homme, 
les deux lames du septum lucidum sont moindres en étendue; 
mais elles sont proportionnellement plus épaisses. Elles nesont 
pas seulement formées par l’épithélium des ventricules latéraux 
mais aussi par des lames fibreuses qui s'étendent de la surface 
antérieure et postérieure dela voûte , jusqu'à la surface opposée 
du corps calleux. Dans un cerveau de forme simple et déprimée, 
tel que celui des Rongeurs, la voûte ou commissure des hip- 
pocampes, et le corps calleux, ou commissuré des hémisphères, 
sonten contact, de sorte que c’est employer un terme impropre 
que de désigner leur point d'union sous le nom de septum 
lucidum. 

Le corps calleux est le principal organe de communication 
entre les deux hémisphères; car ilse prolonge horizontalement 
au-dessus des ventricules, et ses fibres moyennes ont une di- 
rection transversale , tandis que les fibres des extrémités, qui 
sont plus ou moins repliées en dessous, ont des directions 
rayonnantes, et s'entremélent avec les fibres ascendantes 
et divergentes des pédoncules des hémisphères cérébraux. 
On la regardé jusqu'ici comme un caractère important du 
cerveau des Mammifères, et, prenant le cerveau humain 
pour terme de comparaison, on a dit que le corps calleux 
était développé en raison de la grandeur des hémisphères cé- 
rébraux. 

Cette formule exprime en effet avec une grande exactitude 
les relations du corps calleux chez les Mammifères qui ont un 
placenta; et comme ce sont les lobes postérieurs qui disparaissent 


VII. Zoor. — Septembre. 12 


178 n. OWEN. — Siructure du cerveau des Marsupiaux. 


les premiers dans la série descendante on voit aussi le corps 
calleux diminuer d’arrière en avant dans le sens longitudinal, 
et par suite si l’on écarte les hémisphères cérébraux on aper- 
çoit successivement les tubercules quadrigumeaux, la glande 
pinéale et la partie postérieure des couches optiques dans les 
différens Mammifères chez lesquels s'observe cette dégradation 
progressive de la grande commissure. 

Les recherches de Tiedemann ont prouvé, comme chacun le 
sait, que la partie antérieure, qui, dans la série des Mammifères 
est la plus constante, est celle par où commence le développe- 
ment da corps calleux dans le cerveau humain. 


Je ne me propose point de suivre pas à pas dans ce Mémoire 
les modifications de l'appareil commissural des hémisphères dans 
toute la classe des Mammifères ; je me contenterai de décrire 
une modification remarquable de ces parties, qu'offre le cer- 
veau des Marsupiaux. Ce qui m'a conduit à cette découverte 
c’est, d’une part, l'observation que les différences essentielles 
entre le cerveau des vertébrés ovipares et celui des vertébrés 
vivipares se trouvent dans le système commissural, et d'une autre 
part aussi l'association de la perfecuon plus grande du cerveau 
résultant du développement de la grande commissure , avec le 
mode placentaire de développement des Mammiféres propre- 
ment dits. | 

La connexion qui s’observe entre l'existence d’un placenta, 
et un grand développement dans l'organisation cérébrale, pour: 
raitw’être qu’une simple coïncidence; mais il n'en est pas moins 
vrai que, de tous les grands systèmes organiques, l’organe cé- 
rébral ou sentant est le seul qui offre une gradation marquée 
dans la perfection de sa structure chez les animaux qui se dé- 
veloppent par un placenta. 

Une étude attentive des différentes mœurs des Marsupiaux, 
et l'inspection des formesextérieures du cerveau chez un certain 
nombre d’entre eux, m'avait déjà conduit à faire allusion, dans un 
Mémoire précédent à une infériorité d'intelligence et à un déve- 
loppement moindre de l'organe cérébral, comme des circon- 
stances d’habitudes et de structure qui, chez ces animaux 


R. OWEN. — Structure du cerveau des Marsupiaux. 159 


singuliers, se montrent le plus constamment associées aux par- 
ticularités qu'offre leur mode de reproduction, (r) 

Depuis cette époque, des dissections répétées du cerveau des 
Marsupiaux appartenant à différens genres, m'ont fourni la 
confirmation la plus satifaisante de cette coïncidence ; et bien 
que je me sente inhabile à expliquer comment la brièveté de 
l’existence infra-utérine, et l'absence de connexion placentaire 
entre la mère et le fœtus peuvent produire ( si réellement ce 
sont ces circonstances qui le produisent ) un arrêt dans le dé- 
veloppement du cerveau, il n’y en a pas moins là une coinci- 
dence tellement peu soupçonnée jusqu’à ce jour, et néanmoins 
tellement pleine d'intérêt sous différens point de vue , que ce 
sera , je pense, faire une chose agréable aux physiologistes et 
aux naturalistes, que de leur eu fournir la démonstration. 

Afin de reconnaître d’une manière satisfaisante les diffé- 
rences qui existent dans la structure du cerveau entre les Mam- 
mifères marsupiaux, et les Mammifères à reproduction placen- 
taire, jai disséqué, et comparé minutieusement les cerveaux 
du Wombat et du Castor. Ces animaux, ainsi que chacun le 
sait, sont ä-peu-près de même taille, et ont tant de rapports 
d'organisation l’un avec l’autre qu’ils ont été rangés, et le sont 
encore par quelques naturalistes , dans un même ordre de la 
classe des Mammifères. Le Wombat est en effet un Rongeur 
par tous ses caractères extérieurs, la poche marsupiale seule 
exceptée; et de tous les vrais Rongeurs, le Castor est ceiui dont 
son anatomie intérieure et en particulier ces organes digestifs 
le rapprochent le plus. En outre, le cerveau du Castor méritait 
encore la préférence pour cette comparaison de l’organisation 
intérieure, par la raison que, vu seulement à l'extérieur, il pour- 
rait sembler moins élevé en organisation que celui auquel nous 
le comparons; car le cerveau du Wombat présente quelques 
circonvolutions, tandis que dans le Castor cet organe estentiè- 
ment lisse. 

Toutefois dans le Castor , le cerveau s'étend plus loin en ar- 
riére, tout en laissant le cervelet entièrement à découvert; 


(2) Philosophical Transactions, 1834, p. 358. 


FL 


186 R. OWEN. — Siruciure du cerveau des Marsupiaux. 


tandis que dans le Wombat , une portion des lobes optiques 
ou tubercules quadri-jumeaux se trouvent également mise à 
découvert. 

En écartant les hémisphères du cerveau du Castor, on dé- 
couvre, à environ trois lignes au-dessous de la surface, le corps 
calleux ; et si on enlève . substance cérébrale au niveau de ce 
corps, on voit les fibres qui le composent diverger dans la sub- 
stance de chaque hémisphère, ainsi que cela a lieu ordinai- 
rement, quelques-unes de ses fibres se relevant vers la partie 
supérieure , tandis que la plus grande partie se recourbe en 
bas , et embrasse les noyaux cérébraux. Les fibres antérieures 
rayonnent vers les extrémités antérieures des hémisphères , et 
les fibres postérieures vers les extrémités postérieures. 

Les portions du cerveau que l’on a été obligé d'enlever pour 
déterminer ainsi l'étendue du corps calleux laissent à découvert 
les tubercules bigéminés et la glande pinéale ; mais les couches 
optiques € cachées par : grande commissure que 
nous venons de décrire. 

Si l'on écarte les hémisphères du cerveau chez le Wombat, 
on ne met pas seulement à découvert les tubercules bigéminés 
et la glande pinéale; mais les couches optiques apparaissent aus- 
sitôt. Au lieu d'un corps calleux bien développé, on aperçoit tout 
au fond de la fissure longitudinale, une petite bande commis- 
surale médullaire, qui passe en forme de voûte par dessus la 
partie antérieure des couches, et se prolonge en dessous de la 
surface recouvrante interne ou médiane des hémisphères qui, 
par suite de cette disposition, paraissent complètement séparés 
ainsi que cela à lieu chez les oiseaux. 

Si l'on soulève avec précaution les hémisphères en avant de 
la commissure, et qu’on les pousse en dehors avec le manche 
d'un scalpel, l'instrument pénétrera dans la fissure au-dessous de 
laquelle git l'hippocambe ; si l'on continue la pression, l’hip- 
pocampe se déchire, et le ventricule latéral est mis à découvert. 
La cloison moyenne de l'hémisphère part du bord supérieur et 
interne «le l'hippocampe, et est formée dans le Wombat comme 
chez les oiseaux par une lame mince de substance médullaire 
analogue au septum lucidum. Dans le Kanguroo, les parois 


R. OWEN. — Struciure du cerveau des Marsupiaux. 181 


internes des ventricules latéraux sont plus fortes, ayant en- 
viron deux lignes d'épaisseur. 

Les fibres transversales postérieures de la commissure se 
continuent en dehors eten arrière, au-dessous des fibres plus 
longitudinales qui les enveloppent à leur passage des corps 
frangés aux lobes cérébraux antérieurs. Toutes les fibres de la 
commissure passent le long du plancher des ventricules laté- 
raux et vont se rendre dans la substance des grands hippo- 
campes, lesquels sont proportionnellement très développés. 

Ainsi la commissure, mise à découvert par la séparation des 
hémisphères cérébraux, se montre dans le Wombat comme 
étant d’une part le point d'union des deux grands hippocampes 
dans le sens transversal, et d’une autre part comme unissant 
dans le sens longitudinal lhippocampe et le lobe cérébrai an- 
térieur du même côté. Cet organe remplace également la voute 
dans son autre fonction, en envoyant en bas de sa surface in- 
férieure, deux petits appendices nerviformes qui se prolongent 
verticalement en arrière de la commissure antérieure, en tra- 
versant la substance des couches optiques, près de leurs sur- 
faces moyennes, jusqu'au Corpus albcinas situé à la base du 
cerveau. 


On a représenté dans la planche 7, fig. 3, les connexions 
de la commissure des Hippocampes , vue en dessus. 


Reprenons maintenant le cerveau du Castor, et soulevons 
le bord postérieur épaissi du corps calleux ; nous verrons cet 
organe étroitement réuni par le milieu de sa surface inférieure 
avec le centre d’une bande commissurale de fibres recourbées 
au-dessus de la partie antérieure des couches optiques, et se 
portant en dehors et en arrière le long du plancher des ven- 
tricules latéraux, dans la substance dés hippocampes qui sont 
aussi développés que dans le Wombat. La partie antérieure du 
corps calleux est repliée en bas, et attachée le long de la ligne 
médiane de sa surface inférieure par une cloison de substance 
médullaire représentant le septum lucidum, à la commissure de 
l'hippocampe ou voûte , à trois piliers; les corps frangés (tœniæ 
hippocampi), qui constituent les parties latérales de cette com- 


182 &. OWEN. — Sfructure du cerveau des Marsupiaux. 


missure , s'étendent en avant , de même que dans le Wombat, 
jusque dans les lobes antérieurs. 

Le corps calleux enlevé et les fibres commissurales de lhippo- 
campe étant laissées en place (fig. 2), le cerveau du castor offre un 
aspect tout-à-fait analogue à celui qu’offrait le cerveau du Wom- 
bat dans la dissection précédente, Aussi regardons-nous ce der- 
nier comme manquant de corps calleux, du septum lucidum, 
et conséquemment du cinquième ventricule. L'artère du plexus 
choroïde, chez le Castor et le Wombat, pénètre dans le ventni- 
cule latéral où commence l’hippocampe, à la base de lhémi- 
sphère; et le plexus se continue à la surface inférieure du corps 
frangé et passe au-dessous de la voûte, à travers le trou ordi- 
naire, pour communiquer avec son congénère, dans le troi- 
sième ventricule, immédiatement en arrière du pilier antérieur 
de la voûte, lequel se dirige en dehors, dans le Castor comme 
dans le Wombat, en partant du centre de la surface inférieure 
de la commissure de l'hippocampe. 

Si l’on met à découvert le ventricule latéral, en enlevant 
les parois postérieures; chez un marsupial et chez ün marami- 
fère à placenta, on découvre le grand hippocampe, le corps 
frangé, le plexus choroïde, et le trou de Monro. Si l’on en- 
fonce un stylet transversalement, à travers la paroi interne 
du ventricule, immédiatement au-dessous de l’hippocampe, 
dans le cerveau d’un quadrupède à placenta, ce stylet tra- 
verse le septum lucidum et pénètre dans le ventricule opposé, 
au-dessous du corps calleux. Si on faisait la même opéra- 
tion dans le cerveau d’un Marsupial, le stylet passerait dans 
le ventricule opposé ; mais se montrerait immédiatement à nu, 
si l'on écartait les hémisphères , et se verrait au-dessus de la 
commissure del’hippocampe. Néanmoins cette commissure doit 
être regardée tout à-la-fois et comme le représentant de la voûte 
àtrois piliers, et comme un premier rudiment du corps calleux ; 
mais, malgré cette détermination , il n'en demeure pas moins 
vrai que la grande commissure qui unit les masses super-ven- 
triculaires du Castor et des autres Mammiferes à développement 
placentaire, et qui est sur-ajoutée à la commissure de l’hippo- 
campe, ne manque dans le cerveau du Wombat; et comme le 


R. OWEN. — Struclure du cerveau des Marsupiaux. 183 


même fait se reproduit dans le cerveau du grand Kanguroo 
et du Kanguroo oualabate, du Phalanger renard , du Dasyure 
de Maugé, du Dasyure hérissé et de la Sarigue à oreilles bico- 
lores, il paraît très probable que c'est un caractère propre 
aux Mammiferes de l’ordre des Marsupiaux. 

Par cette modification de l'appareil commmissural que nous 
venons de décrire, le cerveau des Marsupiaux se trouve inter- 
mediaire par sa structure entre celui des Mammifères à placenta, 
et celui des oiseaux, classe où la grande commissure manque 
complètement et où les hémisphères, bien que comparativement 
plus grands que chez beaucoup de Mammifères, ne sont mis 
en communication que par les commissures antérieure posté- 
rieure et molle, et par un rudiment dela voûte ou commissure hip- 
pocampienne. Parmi les autres particularités qu'offre le cerveau 
des Marsupiaux , la grandeur relative de la commissure anté- 
rieure mérite une mention spéciale ; son développement est en 
rapport avec la grandeur du ganglion cérébral qui est l'origine 
principale du nerf olfactif; et quelques-unes de ses fibres an- 
térieures se recourbent en avant, et se continuent directement 
dans ces nerfs. ‘ 

Sous le rapport de la position de la fissure transversale su- 
perficielle, et de la solidité des tubercules quadri-jumeaux , le 
cerveau des Marsupiaux se rapproche du type des mammifères 
ainsi que par les fibres transversales extérieures de la commis- 
sure du cervyelet, qui forme le pont de Warole, dont la présence 
est en rapport avec le développement des lobes latéraux du 
cervelet. 

D’autres différences moindres entre les cerveaux de M:rsu- 
piaux seront exposées dans l'explication des figures. 

Cette répétition d’une modification de Porgane cérébral aussi 
importante que l’est l’absence du corps calleux et du septum 
lucidum, nous fournit de nouveaux et importans motifs de re- 
garder les Marsupiaux comme un groupe à part et bien distinct; 
et quand à cette modification viennent sajouter des indices 
d’oviparité fournis par les systèmes circulatoire et absorbant, 
et des caractères spéciaux des appareils osseux et générateur , 
nous sommes fondés à penser que cette distribution des Mar- 


184 R. OWEN. — Structure du cerveau des Marsupiaux. 


supiaux est artificielle, et n’a d'autre fondement que notre 
ignorance de leur affinité mutuelle, ignorance qui, forcée de 
s'appuyer sur les seules modifications des dents et des extré- 
mités sépareraient les espèces, pour les répartir dans les divers 
groupes correspondans des Mammiferes à placenta. 

Cuvier a observé que le groupe des Marsupiaux embrasse des 
formes qui ne produisent les types des différens ordres de Mam- 
miféères ordinaires (1}, et M. de Blainville les considère comme 
formant avec les Monotrèmes une division distincte des Mam- 
mifères à développement placentaire. Cette sous-classe est prin- 
ripalement confinée dans le continent de l'Australie, où les 
lifférens genres carnivores, insectivores, omnivores et herbi- 
“res remplissent des rôles correspondant à ceux que jouent 

Mammifères à placenta sur un plus vaste théâtre , où la 
srésence d’ennemis plus nombreux et plus puissans , la né- 
cessité de poursuivre une proie plus variée et plus subtile 
sécessitent un courage plus grand , une adresse plus con- 
mmée, des ressources plus multipliées que ne paraissent 
axiger les besoins des Marsupiaux dans leur sphère plus 
imitée. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE 7. (2) 


Fig. 2. Cerveau du Castor, vu en dessus. On a enlevé la substance des hémisphères jusqu’au 
niveau du corps calleux 


Fig. 2. Cerveau du même avec l'hémisphère gauche divisé horizontalement au niveau de la 
commissure de l’hyppocampe, et montrant à nu le ventricule latéral. Dans cette préparation, 
le corps calleux a été divisé verticalement, et sa moitié gauche enlevée en même temps que 
l'hémisphère correspondant , tandis que l'hémisphère du côté droit a été laissé en place. 


(1) Les Marsupiaux nous paraissent former un ordre à part, tant ils offrent de singularités 
dans leur économie , et surtout parce que l’on y observe en quelque sorte la représentation de 
trois ordres bien différens. — Règne animal, 1, page 172. 


Æ (2) Nous n'avons reproduit ici que les figures qui sont les plus intéressantes et qui sont néces— 
saires pour l'intelligence du texte; mais le mémoire anglais est accompagné d’un plus grand nombre 
de planches. La première de ces planches représente le cerveau du Castor, d'un Ouistiti (Midas 
rufimanus\du Wombat , du Kanguroo, du Dasyure et de la Sarigue à oreilles bicolores, vu en 
dessus , ainsi que la face inférieure de cet organe chez le Wombat, le Castor et la Serigue, « pour 
montrer, dit l’auteur, que le nombre des circonvolutions de la surface des hémisphères n’est 


R. OWEN. — Structure du cerveau des Marsupiaux. 185 


Fig. 3. Cerveau du Wombat , dont on a enlevé la substance des hémisphères au niveau de 
la commissure de l’hyppocampe , si ce n’est du côté droit, où on a laissé en place une partie de 
la mince paroi interne du ventricule latéral. 

Fig. 4. Cerveau du Kanguroo , préparé comme la figure 2 ; l'hémisphère droit est entier et 
repoussé un peu de côté, pour montrer l’absence de la commissure hémisphérique , correspon- 
dant au {corps’ caïileux chez le castor. On remarquera aussi, dans cette figure, le peu de 
développement du corps strié (r), comparativement à ce qui existe chez le Wombat et le 
Castor, les tubercules bigéminés postérieures sont les plus larges et les antérieures les plus al- 
longés , ainsi que chez Je Wombat et le Castor. 

Fig. 5. Cerveau de la Sarigue (Didelphis Veriginiana), vu en dessus. 

Fig. 6. Section verticale médiane du même, montrant le développement considérable de la 
commissure intérieure (y). 

Fig. 9. Section verticale latéro-antérieure de l'hémisphère gauche du mème, montrant le 
ventricule latéral et le grand hyppocampe; la voûte du ventricule latéral est soulevée, 
de façon à montrer qu’elle est formée de fibres , qui se recourbent au-dessus de l'hyppocampe, 
et proviennent du bord interne de la portion dans laquelle les fibres du corps strié rayonnent. 


Fig. 8. Une préparation semblable du cerveau du Kanguroo. Dans cet animal, la voûte du 
ventricule est proportionnellement plus épaisse que dans les Marsupiaux carnivores. On y 
trouve , outre les fibres divergens du pédoncule cérébral et celles qui proviennent du bord 
interne de l’hyppocampe et se recourbent au-dessus de cet organe vers le corps strié, d’autres 
fibres qui forment une couche mince et pénètrent dans le corps frargé, en embrassant étroite- 
ment l’hyppocampe. On en voit quelques-unes en z. 


pas proportionnel au dév eloppement de ces mêmes hémisphères. Ainsi, dans le cerveau de 
l'Ouistiti, on voit moins de circonvolutions que chez le Kanguroo ou le Wombat, quoique les 
? q FA » 

hémisphères s'étendent, comme chez les autres quadrumanes , au-dessus de la majeure partie 

du cervelet, tandis que, dans les Marsupiaux que nous venons de nommer, le cervelet est entiè= 

rement à découvert. On a représenté le cerveau de deux espèces de marsupiaux carnivores et de 
P Ï P 

deux espèces de marsupiaux herbivores, pour faire voir qu’il existe, chez ces derniers , des 

indices d’un développement supérieur , et cela , sous le rapport du volume plus grand du cer- 

veau et de ses circonvolutions , et du volume moindre des tubercules olfactifs. Il est également 

à noter que, chez tous les marsupiaux, mais surtout chez les espèces carnivores, l’appendice 

? l 2 P 

vermicu'aire est très développé, disposition qui tend à rapprocher ces animaux du type de struc- 

ture cérébral propre aux ovipares, et qui correspond à une diminution dans le volume du pont. 
pare er q P 

de-Varole, » R. 


186 CARUS. — Sur le Magile. 


Mémoire sur le Magile par M. Carus (Extrait). (1) 


Parmi les tubes calcaires contournés que Linné considérait 
comme appartenant à des serpules ou à des terebelles et il s’en 
trouve plusieurs qui, au lieu de provenir d’annelides, sont bien 
certainement des coquilles de Mollusques. Dans ces derniers 
temps cela a été mis hors de doute pour les Vermets et les 
Magiles, mais l'animal de ces derniers n’était pas encore connu, 
et on doit savoir gré à M. Ruppell, d’avoir comblé cette lacune 
pendant son voyage sur les bords de la Mer Rouge. Ce savant 
a trouvé plusieurs individus vivans du magelus antiquis, près 
de la petite ile de Massana et a publié dans le premier volume 
des Mémoires de la société d'Histoire Naturelle de Strasbourg une 
note à ce sujet ; mais afin de compléter nos connaissances, sur 
l'histoire de ce mollusque, il eu a mis un individu bien com- 
plet, à la disposition de M. Carus qui en publie aujourd'hui 
une anatomie. 

Ce qui frappe le plus chez cet animal , sous le rapport phy- 
siologique, dit l’auteur, est le mode d’allongement de sa coquille 
et la manière dont il la transforme en une masse pierreuse 
solide, à mesure qu'il s'avance dans son intérieur. Mais le Ma- 
gile est également très remarquable sous la rapport anatomique, 
car il présente des particularités d'organisation qui diffèrent 
beaucoup de ce qui se voit chez les Mollusques les plus 
VOISINS. 

Et d’abord , pour ne nous occuper que de la coquille, on a 
déjà des exemples de Mollusques qui en grossissant quittent 
la portion de leur enveloppe testacée préalablement formée, 
et en construisent une nouvelle; le Nautile et les Ammonites 
sont dans ce cas et chez le Bulimus decollatus la portion de la 


(1) Ueber die sonderbare selbstversteinerung des Gehäuses einer Sehnecke des rother meeres 
(Magilus antiquus) , von D, G, G. Carus (Museum Senckenbergianum , t. 11.) 


canus. — Sur le Magile. 187 


coquille que l’animal abandonne de la sorte devient cassant et 
se détruit à mesure que cette mème coquille s’allonge par son 
extrémité opposée. Il en est jusqu’à un certain point de même 
pour le Magile; mais ici cependant les choses ne se passent pas 
tout-à-fait comme chez les êtres dont il vient d'être question. 
La nouvelle portion de enveloppe testacée à mesure quelle se 
développe ne prend pas comme l’ancienne une forme régu- 
lière, et au lieu de donner une spirale, elle constitue un tube 
irrégulier ; enfin, la portion ancienne, au lieu de rester vide 
quand les parties molles s’en retirent, se remplit complètement 
d’une masse calcaire dont l'aspect rappelle celui de l'albâtre. 

« M. Ruppell fut le premier à observer que les Magiles ont 
dans le jeune âge une coquille semblable à celle des Helix, mais 
présentant une échancrure pour le passage du siphon et 
marquée extérieurement de lignes ondulées. Ce naturaliste n’a 
rencontré ces mollusques que sur des Polypiers du genre 
Meandrine, et comme la masse calcaire formée par ces zoophites 
s’accroit très rapidement, les Magiles ne tarderaient pas à y 
être complètement englobés, si l'ouverture de leur coquille ne 
se prolongeait pas en avant en forme de tuyau, à mesure que 
les parties voisines des Polypes s'élèvent. Cette ouverture, qui 
dépasse le Polypier, conserve toujours sa forme primitive, mais 
le tube qui la supporte et qui résulte de la superposition des 
lames nouvelles, varie en longueur et en forme, et s’avance en 
ligne presque droite , sans se contourner en spirale. 

« À mesure que la coquille change ainsi de forme et cesse 
de ressembler à celle d’un Buccin ou d’un Helix pour devenir 
tubulaire , les parties molles de l'animal subissent aussi des 
modifications considérables ; car, au lieu de ressembler à un 
limaçon extrait de sa coquille et d’être contourné en spirale son 
corps devient droit ou seulement un peu arqué comme on peut 
le voir sous les fig. 1 et 2 de la planche 8 B. 

« Considéré à l'extérieur, l'animal présente alors trois parties 
principales: le pied, la tête ec le manteau qui recouvre presque 
tout son corps. Le pied, d’après les observations de M. Ruppel!, 
est d’un blanc jaunâtre pendant la vie, et présente encore, après 
limmersion dans l'acool, des traces de stries d’un rouge pour- 


185 caRuS. — Sur le Magile. 


pre, couleur qui se voit aussi sur le bord da manteau chez 
l'animal frais. Sa face inférieure est renflée en avant et s’avance 
sous la tête; en arrière elle est au contraire aplatie. A son bord 
postérieur, ce pied porte l'opercule cornée (a) qui présente des 
stries d’accroissement et quine ferme jamais complètemeut la 
coquille. Au-dessus du bourreiet formé par la partie inférieure 
du pied se trouvent les organes des sens et la bouche, organes 
dont la présence caractérise la tête. On y voit deux antennes 
foliacées qui portent chacune à leur base un petit œil noir et 
qui se réunissent supérieurement pour former un voile sous 
lequel s'avance le museau , de la même manière que chez le 
Buccin ondé (fig.3). Cette trompe renferme une cavité pharyn- 
gienne très étroite. L’abdomen qui loge les intestins est couvert 
par le manteau dont le bord forme du côté gauche un court 
siphon. La tête peut se retirer sous ce bord palléal et l’adhérance 
de l’animal avec la cunquille est effectuée à l’aide d’un faisceau 
musculaire qui naît d’un point circonscrit du manteau (fig. 2f). 

« Quant à lu structure intérieure du Magile, M. Rüuppell la 
considère comme identique ou du moins extrêmement sem- 
blable à celle du buccin ondé , telle que G. Cuvier l'a dé- 
crite. Le seul individu que j'ai eu à ma disposition étant très 
contracté par l’action de l'alcool et étant destiné à cause de 
sa rareté à être conservé dans une collection, je n'ai pu ajouter 
beaucoup de détails à ceux déjà donnés par M. Ruppell, mais 
néanmoins , je pense que la figure 4 , dans laquelle j'ai repré- 
senté l'animal un peu grossi et ouvert latéralement, ne sera 
pas sans intérêt. 

« Après avoir incisé et renversé en dessous le manteau 
( fig. 4), on découvre la grande cavité branchiale et on y 
voit les branchies (g), qui sont faciles à reconnaître à raison de 
leur structure vésiculaire. Vers la droite, on trouve le réservoir 
du mucus (k), qui est grand, et qui s'étend depuis les branchies 
jusqu’à la voûte palléale; du même côté est le rectum {i) qui des- 
cend en ligne droite etqui longe un autre canal (4) d’un aspect 
floconneux, lequel semble devoir être loviducte. Tout auprès 
se trouve comme d'ordinaire le sac péricardial (/) et un cœur 
pourvu d'une oreillette et d’un ventricule. La glande qui se- 


carus. — Sur le Masgile. 189 


crête le mucus est située au-dessus du péricarde, et ressemble 
à un tymus. La portion du corps qui est situé derrière cet organe 
et qui, dans le jeune âge, constituait le tortillon , a été fendu 
longitudinalement; elle est recouverte par un prolongement 
miace du manteau et a la forme d’un sac aveugle rempli d’une 
substance semblable à celle qui se trouve d'ordinaire dans cette 
partie chez les autres gastéropodes et qui constitue le foie et l'o- 
vaire ; la couche supérieure d'une teinte plus foncée (m) est pro- 
bablement le foie et la couche inférieure d’une couleur jaune 
et d'une texture granulée, l'ovaire (n).Uneautreincision longitu- 
dinale à été pratiquée, pour mettre à découvert la portion an- 
térieure du tube digestif, On voit (en p) le pharynx à côté des 
iuscles rétracteurs de la trompe; cette cavité se dirige en ar- 
rière et aboutit suivant M. Ruppell, dans un estomac irrégu- 
lièrement dilaté et logé dans le foie. L’intestin après deux cir- 
convolutions constitue la rectum (7). Enfin les organes externes 
de la génération se trouvent au côté droit de l'abdomen et af- 
fectent dans l'échantillon que j'ai examiné la forme d’une petite 
verrue à peine saillante, tandis que dans celui disséqué par M.Rnp- 
pel il existait dansle même point une petite verge. Ce dernier 
naturaliste considère le Magile comme ayant, ainsi que les Bu- 
cins, les sexes séparés ; mais son opinion ne repose pas sur des 
preuves anatomiques irrécusables; Cuvier, au contraire, pense 
que ce mollusque immobile est un hermaphrodite parfait, apte 
a se féconder lui-même. » 

Dans la seconde partie de ce mémoire , l’auteur s’occupe de 
la manière dont la coquille s’allonge en un tube irrégulier et 
dont la portion abandonnée par les parties molles de l'animal 
se solidifie. 


EXPLICATION DES FIGURES. 
LANCHE 8 B. 


Fig. 1 et 2. L'animal, séparé de son tuyau , un peu grossi et représenté en dessus et en des- 
sous: — a le pied ; — a’ l'opercule ; — & plante du pied ; — À tête; — c manteau; — d tube 
respiratoire ou siphon du manteau; — f muscle d'attache, 

Fig. 3. Tête grossie davantage et vue de profil: — a pied et sa plante; — 2 bourrelet cé-— 
phalique , qui s'étend jusque sous le manteau ; — $ l'antenne du côté gauche et l'œil situé à sa 
base ; — g trompe ; — € bord du manteau. 


190  DONNÉ.— Mouvemens vibratiles des muqueuses. 


Fig. 4. L'animal ouvert par le dos et beaucoup grossi :—a pied; — a’opercule;—& plante 
du pied ;—# antennes: la membrane qui en unit la base est fendue pour montrer la trompe (2); 
— cle manteau fendu et rejeté de côté ; — d siphon ;—z2 branchies ;— vésicule du mucus ; 
— i rectum; — # oviducte ; — / cœur ; — À organe sécréteur du mucus ; — m foie; — 
ñ ovaire ; — o section longitudinale du plancher de la cavité respiratoire, laissant voir le 
pharynx (p), qui est très étroit ; — g éminence correspondant à la place occupée d'ordinaire 
par les organes externes de la génération. 


Note sur les mouvemens vibratiles à la surface des muqueuses, 
par M. Donxé. 


Voici de nouveaux faits à ajouter à ce que MM. Purkinje et Valentin nous 
ont appris relativement aux mouvemens ciliaires de certaines membranes mu- 
queuses. Ayant eu l’occasion d'observer un fragment de muqueuse provenant 
d'un polype du nez, j'ai constate 1° que le mouvement vibratoire n’a pas duré 
moins de trente heures ; 2° qu'au bout de sept à huit heures, la portion de 
membrane soumise à mon observation ou plutôt son epitelium , a commencé à 
se désagréger, à se diviser en particules pyriformes, ayant environ + mill. de 
longueur et mill. de largeur àleur partie reaflée; les cils vibratoires étaient 
fixes sur cette partie, l’autre se terminait en queue , on avait alors sous les yeux 
de véritables monades, se mouvant dans le liquide ct agitant leurs cils avec une 
tres grande rapidité. 

Je n'ai rien trouve qui pût donner vne idée de ce fait dans les divers tra- 
vaux publiés par MM. Purkinje et Valentin à ce sujet ; ni dans leur travail ori- 
ginal inséré en 1834 daus les Archives d'anatomie et de physiologie de Müller 
ni dans leur mémoire intitulé : De phænomano generali et fundamentali mo- 
ts vibratorti continui in membranis, etc. , ni dans leur travail inséré au tome 
XVII des nouveaux Actes des curieux de la nature , sous le titre de : De mot 
vibratorio observationes, ui enfin dans le ÆRepertorium für anatomie und 
physiologie de M. Valentin lui-même. Il n’y est question de rien de semblable 
à ce que j’avance sur l’organisation des membranes muqueuses et sur la cause 
de leur mouvement vibratoire. 

Je profite de l’occasion pour signaler une distinction bien tranchée entre 
deux ordres de membranes muqueuses très différentes l’une de l’autre. 

Toutes les muqueuses vibratoires sécrètent un mucus composé de globules , et 
qui est alcalin ; les autres ont un epithelium formé de squames imbriqnées à 
la manière de l'épiderme de la peau, et sent acides comme la sueur, etc. 

{ Académie des Sciences, le 25 septembre 1837.) 


——— ——— 


WESMAEL. — Difformité chez un Lépidoptère. 191 


Norte sur une difformité observée chez un Lépidoptère : 
Par M. WESMAEL. 


Un individu femelle de la Nymphale du Peuplier, pris au mois de juillet 
dans les environs de Bruxelles, m’a offert un cas de difformité fort singulier. 
Cette N ymphale est arrivée à son état parfait en conservant sa tête de Chenille. 
Du reste, le thorax, les ailes, l'abdomen et les pattes sont complètement déve- 
loppés , et colorés comme de coutume. Pendant sa vie , l’insecte tournait cette 
singulière tête de droite et de gauche, et, par momens, agitait avec vivacité 
les pattes de devant, comme pour la repousser et s’en débarrasser. 

Desirant m’assurer de l’état de l’intérieur de la tête, autant que cela était 
possible sans la mettre complètement en pièces, j'enlevai un fragment de l’en- 
veloppe extérieure du côté gauche. Je trouvaiau-dessous une seconde enveloppe, 
beaucoup plus mince que la première, et dont je ne pus d’abord apprécier la 
destination. Je la perçai à son tour , et je découvris sous elle l’œil très bien formé 
d’un Lépidoptère. La surface de la région voisine était couverte de poils écailleux, 
comme elle l’est ordinsirement chez ces insectes. Dès-lors, il devenait évident 
pour moi que la seconde enveloppe céphalique était celle dela nymphe, et que 
la difformite de notre N'ymphale provenait 1° de ce que, à l’époque du passage 
de l’état de larve à l’état de nymphe, elle n’avait pu rejeter la peau de sa tête; 
2° de ce que , à l’époque du passage de nymphe à l’état parfait, elle était restée 
coiffée de sa peau de nymphe et de larve tout ä-la-fois. L’enveloppe céphalique 
de la Chenille est donc restée constamment extérieure. 

Sous la tête de la Chenille, et immédiatement au-dessus de l’enveloppe de la 
pymphe se trouvait à gauche une antenne repliée plusieurs fois sur elle-même, 
sans renflement distinct vers l'extrémité, et enfermée dans une gaîne membra- 
neuse très mince, et en grande partie diaphane et striée de brun en travers. Il 
est probable que l’antenne droite est semblablement disposée. Le palpe gauche 
est rejeté horizontalement en arrière, sans être engagé sous les enveloppes de la 
tête, de sorte qu'il a pu atteindre à-peu-près la forme et les dimensions ordi- 
maires. Le palpe droit semble avoir été cassé, car on voit distinctement la place 
de son insertion. 

D’après ce qui précède, l'absence de la faculté de voir était évidente chez 
notre N'ymphale : 1° elle ne pouvait voir comme voyait la larve, puisque, de- 
puis long-temps, l'enveloppe de la nymphe était interposée entre le cerveau et 
la peau de la larve, et avait ainsi causé l’oblitération des filets nerveux qui se 
rendaient primitivement aux ocelles; 2° notre Nymphale ne pouvait voir avec 
ses yeux à facettes, puisqu'ils étaient recouverts par la peau de la nymphe et 
de la larve tout à-la-fois. 

Ce cas de difformité, tel que je viens de le décrire, me semble prouver : 

1" Que, chez les Entomozoaires sujets à des mues, l’exuviation peut avoir 


192 LACORDAIRE. — /ntroduction à l’entomologie. 


lieu partiellement, sans que le développement des portions du corps exuviées 
paraisse souffrir du défaut d’exuviation d'une autre portion, quelque impor- 
tante que soit d’ailleurs eelle-ci à raison de ses fonctions. Cette indépendance 
mutuelle des diverses portions du corps, plus grande chez les Entomozaires que 
chez beaucoup d’autres animaux , n’est d’ailleurs qu’une conséquence toute na- 
turelle de leur segmentation. 

2° Que la portion du corps accidentellement inexuviée, n’en continue pas 
moins à parcourir le reste de l'animal , les diverses phases de développement qui 
doivent amener celui-ci à l’état parfait. 

Des observateurs célèbres, parmi lesquels je citerai Bonnet et Swammerdam, 
ont cru à la coexistence originaire et simultanée des diverses peaux dont les lar- 
yes exuviales se montrent successivement revêtues. Je ne pense pas que l’état 
accidentel de la tête de noire Nymphale puisse fournir le moindre argument en 
faveur de ce système d’emboîtement. Il me semble d’abord trop bien prouvé 
aujourd’hui que chaque nouvelle peau se forme peu de temps seulement avant 
la chute de l’ancienne. 

(Bulletin des séances de l Académie Royale de Bruxelles, août 1837.) 


PUBLICATIONS NOUVELLES. 


INTRODUCTION À L'ENTOMOLOGIE, par M. LACORDAIRE, professeur 
de zoologie à l’université de Liège. (x) 


Le second et dernier volume de cet ouvrage, vient de paraître, et comprend 
l'histoire anatomique et physiologique des fonctions de nutrition, de reproduction 
et derelation chez les insectes, des considérations très étendues sur l'instinct et 
l'intelligence chez ces animaux , des observations très intéressantes sur leur dis-— 
tribution géographique , et une esquisse historique des progrès de l’entomologie 
depuis l'antiquité, jusqu’à nos jours. Le premier volume, qui est déjà connu 
de nos lecteurs, est consacré à l’étude des métamorphoses des insectes et de 
leur système tégumentaire ; nous ne doutons pas que les naturalistes n’accueillent 
avec intérêt ce traité, qui nous paraît donner d’une manière claire et exacte 


l’état de la science et qui ne pourra qu'ajouter à la réputation du savant ento- 
mologiste de Liège. 


{x) Deux volumes in-8 , avec planches (faisant partie de la collection des traités d'histoire 
uaturelle, publiés par Roret , sous le titre de : Suites à Buffon, par MM. Audouin, Bibron, 
Boisduval , Blaïaville, Brebisson, Brongniart, A. de Candolle, F. Cuvier, Dejean, Delafosse , 
Desmarest ; Dumeril, Huot, Lacordaire, Lesson, Macquart, Milne Edwards, Saint-Fargean, 
Serville , Spach et Walkenaer.) 


a —— 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 193 


RecurRœHES physiques, chimiques et physiologiques sur la 
Torpille , 


Par M. Cu. Marreucar. (1) 


« Si l’on découvre un jour que le fluide électrique intervient 
dans les phénomènes de la vie, ce sera en étudiant la pro- 
priété singulière que possèdent certains poissons , de donner, 
quand on les touche avec la main , une commotion semblable 
à celle de la bouteille de Leyde. » 

Ces mots très profonds, d’un des plus grands physiciens de 
notre époque , n’ont pu que m'affermir dans une idée que j'a- 
vais déjà émise dans mon premier mémoire sur la torpille, lu 
à l'Institut le 11 juillet 1836. Du corps de la torpille, disais” 
je à la fin de ce mémoire, nous verrons très probablement 
apparaître cette grande inconnue, jusqu'ici indéterminée , de la 
vie organique. 

Sans cesse tourmenté par ces pensées, et soutenu par l’es- 
poir de parvenir au but de mes recherches, je n’ai rien épargné 
pour réussir. Deux mois passés sur les bords de PAdriatique, 
juin et juillet de l’année courante, m'ont fourni 116 torpilles 
plus ou moins grandes , toutes vivantes. Je suis monté moi- 
même dans de petits bateaux pour en pêcher, et pour pouvoir 
ainsi étudier ce poisson dans toute sa vitalité. J'ose me flatter 
que toutes ces peines n'auront pas été perdues, et que la phy- 
siologie générale et l’histoire de ces poissons devront à mes 
recherches quelques nouvelles lumières. J'ai tâché d’étudier 
ces animaux sous tous les points de vue : j'ai interrogé les pé- 
cheurs pour en connaître les mouvemens, j'ai obtenu la de- 


(x) Ce travail, dont nous avons déjà eu occasion de dire quelques mots dans un précédent 
volume (tom. vi, p. 244), vient d’être publié dans la Bibliothèque universelle de Genève 
(nov, 1837); mais, à raison de son imporlanoe , nous ayons cru devoir le reproduire en entier 
dans ces annales, R. 

VIII, Zooc. —Octobre. 13. 


194 CB. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


charge lorsqu'ils étaient encore à peine hors de l’eau ; j'ai ana- 
lysé l'air de l’eau où je les ai fait vivre en les obligeant à don- 
ner de fortes décharges; j'ai examiné l’action sur eux, de la 
chaleur , du courant électrique, des différentes substances ga- 
zeuses , des poisons, etc.; tout cela a été le sujet de longues 
recherches. 

J'ai pensé donc qu'il était nécessaire de disposer dans un 
certain ordre les matières de ce travail. Mais avant tout, je 
dois rappeler en peu de mots l’histoire des découvertes faites 
sur la torpille , afin de fixer précisément l’état actuel de nos 
connaissances. Je ne le ferai pas avec toute l'étendue qu'on 
pourrait attendre; je ne le puis pas , faute d’une collection 
complète de tous les journaux et des ouvrages d'histoire natu- 
relle dont j'aurais besoin. On trouvera, d’ailleurs, un chapitre 
très étendu sur ce sujet dans le grand ouvrage de M. Bec- 
quérel. 


CHAPITRE I*. 


C’est un fait connu depuis l'antiquité, que la torpille donne 
des commotions lorsqu'on la touche encore vivante avec 
la main, sur le dos et sur le bas-ventre à-la-fois. Cette propriété 
lui a fait donner le nom vulgaire de tremble, poisson magicien, 
etc. Il est encore connu, parmi les pêcheurs, que la torpille 
donne la commotion volontairement, pour se défendre et pour 
tuer les poissons dont elle veut se nourrir. Ils indiquent même 
la grande force de cette commotion en disant qu'elle est assez 
considérable pour tuer les Meuniers , qui sont les poissons de 
mer les plus vivaces et les plus hardis dans nos contrées. C’est 
à MM. Humboldt et Gay-Lussac que nous devons les premières 
recherches sur la nature électrique de cette commotion, et 
sur les lois générales de cette décharge. Les Italiens Redi et 
Lorenzini ont étudié les premiers ce poisson , sous le rapport 
anatomique , et surtout dans la disposition de l'organe électri- 
que. Cetravail a été poursuivi dans tous les poissons électriques 
par Hunter et M. Geoffroÿ-Saint-Hilaire. Galvani et Spallanzani 
découvrirent encore l'influence des nerfs du cerveau et de la 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 192 


circulation sanguine sur la décharge de la torpille. Le travail 
le plus important qu’on ait publié sur la torpille dans ces der- 
niers temps, est dù à M. John Davy, frère du célèbre chimiste. 
C'est à lui que nous devons la découverte de l’action du cou- 
rant de la torpille sur l’aiguille aimantée, de son pouvoir d’ai- 
mantation, de son action électro-chimique (1). MM. Becquerel 
et Breschet, ont aussi, dans l’année 1835, fait quelques recher- 
ches sur la torpille. C'est au premier de ces deux savans que 
sont dus des mcyens très exacts pour étudier ce courant; 
c’est lui qui a fixé précisément la direction du courant extérieur 
Quant au second de ces deux savans, nous attendons avec im- 
patience la publication de ses travaux anatomiques. Enfin, 
l’année dernière j'ai imaginé d'appliquer au courant de la tor- 
pille, l’appareil de l’extra-courant de Faradaÿ pour en tirer l’é- 
tincelle, J'ai fait connaître cet appareil, avec les modifications 
qu'il exige pour le but en question, à M. Linari, de Sienne, et, 
to us es deux séparément, nous avons obtenu l’étincelle dans 
la décharge de la torpille (2). J'ai encore découvert et publié 
en même temps plusieurs faits physiologiques, tels que l’action 
de certains poisons, les décharges après la mort, l’action du 
dernier lobe, etc. M. Colladon a confirmé mes recherches 
dans un travail fait dans le méme temps, et a ensuite exposé des 
idées ingénieuses sur la production de cette décharge électri- 
que. Enfin M. Liuari, dans le mois d’août de la même année, 
a pu obtenir l’étincelle de la torpille sans recourir à l'appareil 
que j'avais imaginé. 


CHAPITRE IL. 


Je décrirai en deux mots les appareils principanx que j'ai em- 
plovés dans mes dernières recherches sur la torpille, Ce sont 


(x) Ce travail, qui a paruen 1832, est spécialemrnt important par la partie anatomique et 
d'histoire naturelle, (Voyez la première série de ces Annales, tom. xxx, R.) 

(2) La discussion de priorité sur la découverte de l’étincelle, qui s’est élevée entre M, Linari 
et moi, m'a obligé malgré moi à montrer’aux commissairés de l'Institut la correspodauce qui a 
eu lieu à ec sujet éntre le physicien de Sienne et moi. 


19. 


196 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


d’abord des galvanomètres construits suivant le modèle imaginé 
par M. Colladon. J'en avais un surtout qui était assez sensible: 
le fil de cuivre, de 174 de millimètre d'épaisseur, avait une 
double enveloppe de soie , et était recouvert encore d’une cou- 
che de vernis de gomme laque. Le fil faisait 6oo tours autour 
de l'aiguille astatique. Aux extrémités étaient soudées deux lames 
de platine. Quoique le fil fût bien isolé, je n’ai jamais obtenu 
que de faibles traces de courant par la décharge d’une petite 
bouteille de Leyde. Un galvanomètre fait comme celui que je 
viens de décrire, est tout ce qu’il y a de mieux pour étudier la 
décharge de la torpille. Plus sensible, c’est-à-dire à un très 
grand nombre de tours, il commence à être sensible aux actions 
électro-chimiques des lames de platine, et aux polarités se- 
condaires; et si on oblige le courant à passer à travers une 
couche d’eau, c’est plutôt le courant de la torpille que le cou- 
rant d'origine électro-chimique qu'on risque d'arrêter. L'autre 
électroscope que j'ai employé très souvent, c’est la grenouille 
préparée à la manière de Galvani. J'ai réussi même à m'en servir 
pour déterminer la direction du courant: j'ai pour cela coupé 
la grenouille an point où les deux cuisses sont attachées, et 
j'ai fait circuler la décharge électrique d’une patte à l’autre. Si 
la grenouille est un peu affaiblie, c’est toujours la cuisse par la- 
quelle le courant sort qui s’agite lorsque le courant passe. L’ap- 
pareil à l’aide duquel j'obtiens maintenant l’étincelle, sera dé- 
crit lorsque je parlerai de ce phénomène. 


\ 


CHAPITRE IIL. 


DES PHÉNOMENES DE LA DÉCHARGE ÉLECTRIQUE DE LA TORPILLE. 
‘ 

Toutes les fois qu'on prend dans la main une torpille vivante, 
on netarde pas long-temps à en ressentir une forte commation 
qui ordinairement peut se comparer à celle d’une pile à co- 
lonne de 100 à 150 couples, chargée avec de l’eau salée. Cette 
force est grandement affaiblie après un certain temps, même 
en conservant l'animal dans des vases d’eau salée. Ces déchar- 


CH. MATFEUCCI. — Sur la Torpille. 197 


ges se succèdent avec une très grande rapidité , lorsque l'animal 
est encore tout vivant, et il est alors impossible de les supporter. 
Il suffit, pour en donner une idée, de raconter l'observation sui- 
vante, qui est commune parmi les pêcheurs, et que j'ai vérifiée 
moi-même. Lorsqu'ils soulèvent les filets et renversent les pois- 
sons dans la barque, ils commencent par les laver, en y jetant 
dessus de grandes masses d’eau salée. Eh bien , on s'aperçoit 
à l'instant qu’il y a une torpille, par la secousse qu’éprouve le 
bras qui verse l’eau. Si alors on la prend dans la main pour 
l'essuyer, les décharges qu’elle donne sont tellement fortes et 
si rapprochées les unes des autres, qu’il faut l'abandonner, et 
le bras se trouve pour un certain temps engourdi. Ensuite elle 
cesse d’en donner , mais on est sûr d’en avoir une à l'instant où 
on la remet dans l’eau. — Des mouvemens à peine sensibles 
s’aperçoivent dans le corps de la torpille lorsqu'elle donne la 
décharge électrique. Je me suis assuré , par une expérience très 
simple , qu’en effet elle peut se décharger sans qu’il arrive dans. 
son corps aucun changement de volume. J'ai introduit une tor- 
pille femelle de médiocre grandeur, large de 0”, 14, dans un 
bocal plein d’eau salée , et avec elle une grenouille préparée 
et posée sur son corps. Le bocal était fermé exactement, et 
portait un tube de verre d’un diamètre très petit. Après avoir 
bien luté le bouchon, j'ai fini de remplir d’eau le bocal, de 
manière que le liquide s’élevât dans le petit tube. La torpille 
donnait de temps en temps des décharges par un procédé par- 
ticulier que je décrirai ensuite; la grenouille, en effet, se 
contractait, mais le niveau du liquide dans le petit tube était 
immobile. 

Lorsque l'animal est doué d’une grande vitalité, on ressent 
la commotion dans quelque point de son corps qu’on le touche. 
Au fur et à mesure que la vitalité cesse, la région de son corps 
où la décharge est sensible, se réduit à celle qui correspond 
aux organes appelés communément électriques. 

Je me suis assuré, par lexpérience, que la torpille n’a pas 
le pouvoir de diriger la décharge où elle veut et où elle est 
irritée. Elle se décharge quand elle veut, mais non où elle veut. 
On avait cru qu’elle pouvait diriger sa décharge où elle veut, 


198 CH. MATTEUCGŒ. — Sur la Torpille. 


parce qu'on avait ressentie la commotion dans la partie du 
Corps qui touche Ia torpille, et parce que le point irrité du 
poisson est le point où il est touché, mais voici ce qui arrive. 
Si les décharges sont fortes , l'animal était en pleine vie, elles 
se ressentent dans quelques points que la torpille soit touchée. 
Lorsqu'elle est affaiblie, et qu’on vient à l’irriter pour en avoir 
la décharge, ce n'est plus dans tous les points de son corps 
qu'on la ressent. En effet, j'ai couché plusieurs grenouilles pré- 
parées, sur-plusieurs points du corps d’une torpille un peu affai- 
blie : je lai irritée avec un couteau à la queue , aux nageoires, 
aux branchies, etc. Les grenouilles qui sautaient étaient, dans 
tous les cas, céltés que j'avais posées sur les organes électriques. 

Au moyen de la grenouille seule, j'ai pu établir qu’elle était, 
dans la décharge, la distribution de l'électricité sur le corps de 
la torpille. Pour que la grenouille, ou un corps quelconque, 
soient traversés par le courant électrique de la torpille qui se 
décharge , il faut toujours qu'ils en soient touchés en deux 
points différens. Si, par exemple, on prend une grenouille à 
laquelle on a laissé un seul filet nerveux crural, et qu’ensuite 
on touche la torpille avec la seule extrémité de ce nerf, en 
tenant la grenouille iso/ée, on ne voit jamais celle-ci se con- 
tractér , tandis que d’autres grenouilles posées sur le poisson 
souffrent de très grandes contractions. Pour voir la grenouille 
isolée se contracter par la décharge de la torpille, il suffit qu’elle 
la touche par deux filets nerveux , ou par un nerf et un mus- 
cle,enfin que deux points de la grenouille touchent deux points 
de la torpille. Si la grenouille n’est pas soutenue par un corps 
isolant, mais qu’au contraire elle communique avec la terre, 
on la voit alors se contracter, quand même elle ne toucherait 
la torpille que par la seule extrémité d’un filet nerveux. 

Avec le galvanomètre, la distribution de l'électricité est très 
aisément déterminée. Il suffit de promener les lames de platine 
du galvanomètre sur les différens points de l’organe électrique. 
Lorsqu'on veut des résuitats CORTE et exacts, il vaut 
mieux détruire l'un des organes, ce qu’on fait en le coupant 
tout entier ou seulement fés nerfs. On fait alors l'expérience 
sur l'organe laissé intact, sans avoir à craindre que la décharge 


. | 


CH. MATTEUCCI. — Sur La Torpulle. 199 


de l’autre vienne à troubler celui qu’on a étudié. Voici qu’elles 
sont les lois générales de cette distribution. 

1° Tous les points de la partie dorsale de l'organe sont posi- 
tifs relativement à tous les points de la partie ventrale. 

2° Les points de l’organe sur la face dorsale, qui sont au- 
dessus des nerfs qui pénètrent dans cet organe, sont positifs 
relativement aux autres points de la même face dorsale. 

3° Les points de l'organe sur la face ventrale , qui corres- 
pondent à ceux qui sont positifs sur la face dorsale, sont 
négatifs relativement aux autres points de la même face ven- 
trale. 

Ces trois lois, qui sont établies sur un très grand nombre 
d'expériences, expliquent très bien tous les cas du courant, 
qu’on fait naître en touchant ou uneseule face de l'organe dans 
deux points différens, ou bien les deux organes à-la-fois sur 
la même face , pourvu que les points touchés ne soient point 
symétriques. 

J'ai encore déterminé de quelle manière le courant se 
meut dans l’acte de la décharge de la peau extérieure à l'in- 
térieure de l'organe. Pour ces expériences, j'ai couvert de 
vernis mes lames de platine, de manière à en laisser à décou- 
vert seulement une bande très étroite. On coupe l'organe : 
horizontalement, on sépare avec une lame de verre les deux 
faces intérieures ; ou bien on le coupe verticalement, et l’on y 
introduit plus ou moins profondément les lames de platine. On 
varie de toutes manières ces dispositions, et le résultat général 
est toujours le suivant : la lame positive du glavanomètre est 
toujours celle qui touche la peau dorsale, où qui est Le plus près 
de cette partie, relativement à la lame qui touche la peau ven- 
trale, ou la partie intérieure de lorgane qui est le plus près 
de cetle peau. 

En examinant l'intensité du courant avec le galvanomètre , 
on trouve qu’elle varie avec l'étendue des lames qui touchent 
les deux faces de l’organe. 

J'ai voulu examiner encore quelle était la nature du courant 
de Ja torpille lorsqu'on le fait passer pendant plus ou moins 
de temps par une couche d’eau salée, ou par cette même 


200 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


couche séparée par un diaphragme métallique. Le principe 
général que j'ai découvert est le suivant : lorsque la torpille 
est douée d’une grande vitalité, au moment où on vient de la 
tirer de la mer, le courant qu'elle donne peut se comparer à 
celui d’une pile d’un grand nombre de couples, et chargé avec 
un liquide actif et bon conducteur. À mesure que la vitalité 
s’affaiblit, le courant de la torpille se rapproche toujours plus 
de celui d’une pile faible et d’un nombre de couples toujours 
moindre. Pour m’arréter à une déviation du galvanomètre qui 
püt être comparable, j'ai procédé de la manière suivante. Je 
pose la torpille, à peine tirée de l’eau ét essuyée, sur un plat 
métallique qui est isolé. C’est le plat de appareil que je dé- 
crirai plus loin, et qui me sert à produire l’étincelle. Un autre 
plat métallique qui a un manche de verre , est posé sur la tor- 
pille. Des fils de cuivre sont soudés à ces plats, et vont se 
réunir où l’on veut. Pour avoir une déviation fixe, j'irrite la 
torpille, disposée comme nous l'avons dit, de manière qu’elle 
donne huit à dix décharges successives, et je prends la dévia- 
tion finale à la moitié de l’oscillation. J’ôte ensuite la torpille, 
je la replonge dans l’eau de mer ,et au bout de six à huit minutes, 
je la soumets de nouveau à l'expérience et ainsi de suite. Sur 
une lorpille femelle très vivace, large de 0”, 18, j'ai fait l’ex- 
périence suivante. En établissant un circuit tout métallique 
j ai eu une déviation de 80°, Ce même courant passant ensuite 
par une couche d’eau salée, longue de 0°, 40, très large et très 
profonde, introduit par des électrodes de platine de 6 centi- 
mètres carrés, était à peine affaibli: la même torpille, après 
quelque temps, ma donné bo° avec le circuit tout métallique, 
et 12° avec l'addition de la couche d’eau salée. Le courant 
d'une autre torpille déjà faible, me donnait 30° en passant par 
le fil métallique, et 6° en passant par la couche d’eau salée, 
longue de 0", 20, large et profonde de 0", 02, à la moitié de 
laquelle se trouvait un diaphragme de platine. Cette même 
torpille encore plus affaiblie m’a donné 12° dans le premier 
cas, et à peine des traces d'électricité dans le second cas. 

Les phénomènes de décomposition électro-chimique, déjà 
obtenus par John Davy ont été peu étudiés par moi. J'exposerai 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 201 


seulement une manière très simple de les produire. Elle con- 
siste à fermer le circuit entre les deux faces de l'organe avec 
une bande de papier imbibée d’une solution très saturée de 
iodore de potassium. Deux lames de platine sont interposées 
entre les surfaces de l'organe et les bords du papier. Après 
quelques décharges, les indices de la décomposition appa- 
raissent. 

L’étincelle électrique s'obtient très aisément avec l’appareil 
que j'ai décrit. Des feuilles d’or sont appliquées, avec de la 
gomme, sur les deux boules métalliques. On tient ces deux 
feuilles à la distance d’un demi-millimètre, et, en mouvant lé- 
gerement le plat métallique supérieur , on irrite l'animal; dans 
le même moment les feuilles se meuvent, se rapprochent et 
s'éloignent presque simultanément. On ne manque pas de voir 
des étincelles très brillantes éclater entre les feuilles d’or. 


CHAPITRE 1V. 


DES CAUSES EXTÉRIEURES ET INTÉRIEURES QUI INFLUENT SUR LA 
DÉCHARGE DE LA TORPILLE. 


J'entends par causes extérieures celles qui ne détruisent pas 
sensiblement l’organisation du poisson : c’est l'inverse pour les 
causes intérieures. J'en ferai l’exposition dans deux sections 
séparées. 


17€ SECTION. — Causes extérieures. 


La vie de la torpille se prolonge plus ou moins, suivant : 
1° la masse d’eau de mer dans laquelle on la tient; 2° la tempé- 
rature de cette eau; 3° enfie, le degré de l'irritation qu'on fait 
souffrir à l'animal et par laquelle on l’oblige à se décharger 
trés souvent. J’ai réussi à prolunger la vie de la torpille jusqu'à 
trois jours dans ma chambre, en réunissant d’une rnanière 
favorable à l'animal les trois circonstances ci-dessus men- 
tionnées. Il faut pourtant observer que les causes qui pro- 
longent la vie de la torpille ne sont pas les mêmes qui ac- 


202 CH. MATTEUCCI, — Sur la Torpille. 


croissent l’activité de sa fonction électrique. Nous verro::s dans 
cette section, que la fonction électrique et le prolongement de 
la vie de l’animal varient par l'effet des mêmes causes agissant 
d'une manière opposée. Parlons d’abord de la chaleur. 

Dans une masse d’eau de mer, haute de presque un mètre 
et contenue dans un vase de 30 centimètres de diamètre, dont 
la température est à + 18° R., la torpille ne vit ordinairement 
que cinq à six heures au plus, en conservant toujours sa force 
électrique avec une activité plus ou moins grande. Si la tempé- 
rature vient à s’abaisser, la fonctiôn électrique cesse presque 
en même temps. J'ai pris deux torpilles femelles, pêchées au 
même instant, et d'une grosseur moyenne. L'expérience a 
commencé trois heures après que je les avais prises. On les a 
mises dans des quantités d’eau de mer égales , mais de tempé- 
rature différente, l’une étant à + 18° R., l’autre à + 4° R. Au 
bout de cinq minutes la torpille plongée dans l'eau froide, ne 
donnait plus de décharges électriques quoiqu’on l'irritât, et ne 
faisait aucun mouvement; cinq minutes plus tard, on ne 
voyait presque plus de mouvement dans ses branchies : on 
l'aurait crue morte. L'autre torpille était parfaitement dans son 
état ordinaire. J’ai retiré la première de l’eau et l’ai mise avec 
l'autre, Une dizaine de minutes s'étaient à peine écoulées qu’elle 
avait déjà repris sa première force, tout-à-fait comme l’autre. 
J'ai répété sur le même poisson quatre fois de suite la même 
expérience, toujours avec le même succès, si ce n’est qu'il 
demandait pour se rétablir un temps d’autant plus long qu’on 
l'avait plus longuement refroidi. J'ai vu une petite torpille mâle, 
large de six centimètres, transportée de nuit pendant dix 
heures dans une très petite quantité d’eau de mér à la tempé- 
rature de + 8° à 10°R. ; elle arriva engourdie et presque morte. 
L'état où je la voyais me la fit retirer de l’eau, et mettre sur 
une table où tombait un rayon de soleil levant. Je la vis alors 
se mouvoir; Je la remis dans de l’eau qui était à + 16°, et dans 
un instant elle me donna la décharge électrique. Elle vécut 
pendant une heure. J'ai étudié l’action du réchauffement sur 
une autre torpille. C'était une torpille femelle de dimension 
moyenne , ét qui n'était même pas très vivace. Je la mis dans 


cH. MAYrTEUCCI. — Sur la Torpille. 203 


de l’eau de mer que je pouvais échauffer à-volonté. A mesure 
que la température s'élevait, j'avais soin de toucher l'animal. Ilne 
cessa jamais de donner de fortes décharges électriques. La tem- 
pérature était à + 30° R., lorsque l'animal me donna cinq à six 
décharges électriques plus fortes qu'avant, qui durèrent quel- 
ques secondes; après quoi il mourut. J'ai prolongé le séjour 
d’une autre torpille dans de l’eau à + 26° R.; elle continua de 
donnér des décharges, mais elle ne tarda pas à y mourir. Si 
l’on a soin de la retirer tout de suite de l’eau chaude jusqu'a 
+ 24° ou 26° R. et de la remettre dans de l’eau à + 180 R., on 
parvient à la rétablir. C’est une expérience que J'ai répétée 
plusieurs fois. — On peut très bien expliquer cette action de 
la chaleur, sans recourir à des causes inconnues ou à des ana- 
logies trop éloignées. Les principes établis dans les grands tra- 
vaux de M. Edwards sur la respiration , suffisent pour faire com- 
prendre ce phénomène. Il n’y a qu’à admettre que l’activité de 
la fonction électrique est proportionnelle au degré d'activité de 
la circulation et de la respiration de l'animal. Le poisson plongé 
dans l’eau froide, à la circulation presque arrêtée à l'instant, 
et une petite quantité d’air suffit pour entretenir son existence 
engourdie. Dans l’eau chaude, la circulation et la respiration 
prennent une très grande rapidité; mais le poisson doit bien- 
tôt mourrir par l'effet de la diminution de l'air, dont la quan- 
tité n’est plus en rapport avec la nouvelle activité de ces deux 
fonctions. 

Avant de commencer l'étude de la respiration de la torpille 
sous le rapport de sa fonction électrique, j'ai dà commencer 
par l'analyse de l'air dissous dans de l’eau de mer. Mon appareil 
était le même qui a été employé par M. de Humboldt dans son 
célèbre travail sur la respiration des poissons. L'analyse de 
l'air fut faite »ar la potasse et par la combustion du phos- 
phore. J'ai répété plusieurs fois cette analyse, et j'ai observé de 
grandes différences dans les résultats, suivant les lieux de la 
mer où l’eau était prise, et suivant la température à laquelle 
elle était exposée. Je donnerai ici la composition moyenne de 
l'air contenu dans l’eau de mer prés de la côte de Cesenatico, 
prise à + 13° R.et à 1 pied au-dessous de la surface. 3500“ 


204 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


d'eau m'ont donné 62,5 dixièmes de pouce cube anglais, équi- 
valens à 101%, 87. La composition pour 100 de ce mélange 
était : 11 d'acide carbonique, 60,5 d'azote, 20,5 d'oxigène. Cette 
composition a été constante relativement à l’oxigène et à l'azote; 
l'acide carbonique a varié de 0,08 à 0,27. La même eau de mer 
prise près de mon habitation , dans un petit réservoir qui dé- 
bouchait dans le canal du port , à la température de + 22° R., 
n'a donné la composition suivante : 3500° donnent 45 dixiè- 
mes de pouce cube anglais, dont la composition pour 100 du 
mélange est de 17,8 d'acide carbonique, 24,4 d'oxigène, 57,8 
d'azote. Voyons maintenant quel est le changementapporté dans 
cette quantité d'air et dans sa composition, par la respiration 
de la torpille. J'ai fait deux expériences en choisissant deux 
torpilles femelles d’une vitalité presque égale et d’une gran- 
deur très peu différente : l’une de ces torpilles a été plongée 
dans l’eau dont j'ai donné l’analyse; elle a été tranquille pen- 
dant 45 minutes à la température de + 22° R. ; l’autre torpille 
a été dans la même condition, si ce n’est qu’on l’obligeait con- 
üinuellement à donner la décharge. Les ayant retirées de l’eau 
encore vivantes , J'ai passé tout de suite à l'analyse de l'air con- 
tenu dans ces deux masses séparées d’eau de mer. Voici les ré- 
sultats. 


Air de l'eau de la torpille qui a donné les décharges. 


3500® ont donné 30,5 dixièmes de pouce cube anglais. 
Composition. 
Acide carbonique. . . . r1 30,6 
Azoteb 114 unes ré ot5 69,4 
Oxigène,. . . 4 1.11,.:14 .:1+des traces 


30,5 100 
Air de l'eau de la-torpille restée tranquille. 


3500* ont donné 33,75 dixièmes de pouce cube anglais. 
Composition. 
Acide carbonique. . . . 12,50 37,8 
Azote.. sn tte cd  GÉREE 59,4 
Nubene. . ne) DUR 2,8 


——.. 


33,75 100 


CH. MAITEUCCI. — Sur la Torpille. 205 


On voit donc que la torpille tourmentée a respiré plus que 
autre. L’oxigène absorbé est à l'azote absorbé, comme 100: 59, 
loxigène absorbé à l'acide carbonique produit, comme 100 : 
37,2. Dans la seconde torpille, la première proportion est de 
300 : 57,50 la seconde de 100 : 45. C’est un résultat bien sin- 
gulier que de voir la torpille qui a plus d'action sur l’oxigène 
etl’azote, être en même temps celle qui développe moins d’a- 
cide carbonique. Le premier résultat s'explique très aisément 
par l'accélération de la respiration et de la circulation de la 
torpille irritée. 

Je décrirai encore une expérience qui confirme le principe 
déjà établi, c’est-à-dire que l’activité de la fonction électrique 
est proportionnelle à l’activité de la circulation et de la respi- 
ration de l'animal. J'ai pris une torpille mâle très petite, qui 
était très affaiblie : à peine de temps en temps la voyait-on 
opérer le mouvement respiratoire, et bien difficilement on en 
obtenait une décharge. J'ai introduit cette torpille sous une 
cloche pleine de gaz oxigène. A l'instant même l’animal s’agita, 
ilouvrit la bouche plusieurs fois, il fit de fortes contractions, 
et dans le même temps il me donna 5 à 6 fortes décharges 
électriques, puis il mourut. 

Pour achever l'exposition de mes recherches sur les causes 
extérieures qui influent sur la décharge électrique de la torpille, 
j'ai encore à parler de l'action du poison. Je suis revenu cette 
année sur les expériences que j'avais déjà faites et publiées 
l'an dernier. J'ai pris trois grains de strichnine et j'y ai ajouté 
quelques gouttes d'acide muriatique. J'ai introduit le muriate 
dans la bouche et l'estomac d’une grosse torpille très vivante, 
large de 25 centimètres et longue de 32. Au bout de quelques 
secondes il y eut de fortes contractions à la moelle épinière ; 
ensuite, avec ces contractions il se fit quelques rares décharges 
trés fortes ; dix minutes après, les décharges devinrent plus 
faibles, mais plus rapprochées lune de l'autre; enfin les dé- 
charges cessèrent, et l'animal mourut dans de fortes contrac- 
tions. Sa vie ne se prolongea certainement pas plus de ro à 
12 minutes. J'ai encore préparé, avec trois grains de morphine 
et des gouttes d'acide muriatique, le muriate de morphine. Ia 


206 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


torpille que j'ai employée dans cette expérience était encore 
plus grosse que l'autre ; mais elle était moins forte ; 8 à romi- 
nutes après l'introduction du poison, elle commença à donner 
par elle-même , sans être irritée et sans la moindre contraction, 
des décharges extraordinairement fortes; l'aiguille du galvano- 
mètre était dans une agitation continuelle. D 10 minutes 
elle ne donna certainement pas moins “d'une soixantaine de 
ces fortes décharges. À près ce temps, les décharges spontanées 
cessèrent, et il fallait alors, pour les obtenir, irriter l'animal 
dans la bouche et dans les branchies; il vécut ainsi tranquil- 
lement plus de 4o minutes, en donnant toujours des déchar- 
ges plus où moins fortes. 

Parmi les causes extérieures qui influent sur la décharge 
électrique de la torpille, il faut mettre encore l’irritation qu’on 
produit en elle en la comprimant dans les différentes parties 
de son corps. Le frottement sur les branchies est une des ma- 
nières les plus sûres d’avoir la décharge, comme l’est encore 
la compression de l’organe dans le point qui correspond au 
passage des nerfs. La décharge a presque toujours lieu encore 
lorsqu'on plie le poisson, de manière que le bas-ventre devienne 
concave. Enfin la compression des yeux et de la cavité qui est 
placée au-dessus du cerveau ne manque jamais de donner lieu 
à de fortes décharges électriques. Si les nerfs qui s’introduisent 
dans cette cavité et qui traversent les muscles de l’œil sont liés 
ou coupés, cette compression ne produit plus la décharge. 

Le courant électrique doit encore être placé parmi les causes 
extérieures qui déterminent la décharge de la torpille. Un cou- 
rant de trente couples zinc et cuivre, larges de 5 centimètres, 
chargés avec une solution nitro-sulfurique, donne lieu à de 
fortes décharges de la torpille, chaque fois qu'on le fait passer 
de la bouche aux branchies, à la peau ou dans l’intérieur de 
l'organe. J'ai prolongé la durée du passage du courant, pour 
voir quel effet était produit lorsqu'il cessait de circuler. Je n'ai 
rien aperçu dans ce cas. L'application extérieure du courant, 
telle que je lai décrite, soit directement, soit inversement, 
produit le même effet. 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 207 


2° SECTION. — Causes intérieures. 


J'ai déjà dit que, par causes tutérieures, j'entends celles qui 
modifient l’organisation. J'en partagerai l’étude entre trois par- 
ties du corps de la torpille. | 

1° La substance propre de l'organe et les parties musculaires, 
cartilagineuses , etc., qui le recouvrent et l'environnent.— Je 
rappelle ici ce que j'ai dit plus hant, que pour mieux étudier 
ces phénomènes, j'ai toujours eu soin de détruire ia fonction 
de l’un des organes: j'indiquerai bientôt de quelle manière 
on peut y parvenir. 

J'avais déjà observé, depuis l'année dernière, qu’en enlevant 
la peau de organe, celle du dos ou celle du bas-ventre, séparé- 
ment ou ensemble, la décharge électrique ne diminue pas d’in- 
tensité. J'ai eu occasion de répéter encore cette année un grand 
nombre d'expériences de ce genre. J'ai coupé l'organe à la 
moitié, soit horizontalement, soit verticalement, jai introduit 
une lame de verre pour séparer les deux tranches coupées, 
à la décharge électrique continuait encore à se faire. J’ai coupé 
l'organe de manière à en laisser une moitié attachée à l’autre 
par une petite tranche : la décharge arrivait encore de l’une à 
l’autre, pourvu qu’elles communiquassent encore entre elles 
par une branche nerveuse intacte. J'ai vu une petite torpille 
mâle , très vivace, large de 12 centimètres, dont je suis parvenu 
à couper en plusieurs fois les trois quarts de l'organe: eh bien, 
chaque fois qu'on recommençait de couper , les décharges arri- 
vaient avec une intensité toujours croissante. 

Ce n’est que par deux moyens que je suis parvenu à détruire 
la fonction électrique, en agissant sur la seule substance de 
l'organe. Ces deux moyens sont: le contact des acides minéraux 
concentrés et la chaleur de l’eau bouillante. Après avoir enlevé 
la peau supérieure de l'organe, j'ai mouillé la substance inter- 
ne avec de l'acide sulfurique , et à l'instant j'ai obtenu de 
fortes décharges. Au bout de quelques minutes, la substance 
de l’organe est devenue blanche et coagulée. Alors il m'a été 
impossible d’en tirer plus de décharges. Ce même effet est pro- 


2038 cH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


duit par l'acide muriatique. Si l’on plonge dans de l’eau bouïil- 
lante une torpille à laquelle la peau dorsale de l’un des organes 
a été enlevée, on a, à la première impression de la chaleur, 
des décharges très fortes. Mais si on prolonge cette immersion 
pendant quelques secondes seulement, la décharge cesse, et la 
substance de l'organe est encore coagulée. IL faut faire cette 
expérience de manière que la torpille ne plonge dans l’eau bouil- 
lante que par l'organe qu'on a écorché. C’est ainsi qu’on par- 
vient à la sauver.—Opérant de cette manière, il m'est arrivé de 
faire une observation curieuse que je crois utile de rapporter. 
Une des torpilles qui avait perdu la fonction électrique dans l'un 
de ses organes, après avoir été tenue plongée pendant quelques 
secondes dans l’eau bouillante, fut remise dans de l’eau de mer, 
où elle vécut presque deux heures. La substance de l'organe 
n’était plus ni blanche ni coagulée, elle avait repris ses pro- 
priétés ordinaires, sans être pourtant devenue capable de don- 
ner la décharge. 

J'ajoute, enfin, que j'aie coupé en deux ou trois points l'arc 
cartilagineux qui environne l'organe, les tubes sécrétoires qui 
se réunissent en faisceaux, l'arc cartilagineux qui est sur les 
branchies , que j'ai détruit complètement la cavité, pleine d'une 
substance analogue à celle de l'organe, qui est au-dessus du 
cerveau, sans avoir obtenu le moindre affaiblissement dans la 
force de la décharge électrique. J'ai obtenu le même résultat 
en coupant tous les muscles et les tendons qui environnent 
l'organe. 

2° Les nerfs qui se rendent dans l'orsane. — C'est un fait 
que Galvani et Spallanzani avaient déjà observé depuis long- 
temps, qu'en coupant les nerfs de l’un des organes , la décharge 
cesse de ce côté, tandis qu’elle continue du côté opposé. J'avais 
encore établi, dans mes recherches de l’année dernière, qu'il 
ne suffisait pas de couper un, deux, trois de ces nerfs pour dé- 
truire entièrement la décharge, qu’il fallait pour cela les couper 
tous les quatre. 

J'ai observé cette année que la décharge de la torpille, lors- 
qu’on lui a coupé deux ou trois de ces nerfs des organes, se 
limite aux points dans lesquels se trouve ramifié le nerf qu'on 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 209 


a laissé intact. Lorsqu'on a soin d’essuyer la peau de la torpille, 
-on voit très bien avec le galvanomètre ceite limitation de la 
décharge. 

La torpille peut vivre long-temps, même après que les nerfs 
de l’organe ont été coupés. En effet, j'ai coupé trois nerfs de l’or- 
gane droit à une torpille femelle très petite et très vivace. Après 
l'opération , la peau fut réunie et cousue, et le poisson , lié par 
la queue, fut mis dans le canal de Cesenatico: c'était le 27 juillet, 
à 3 heures après midi. L'animal mourut dans la soirée du 28, 
après environ 30 heures de vie. Le changement apporté dans la 
substance de l'organe était grand dans la partie où se ramifient 
les trois nerfs coupés: elle y était tellement amincie et atro- 
phiée, qu'il était impossible de la reconnaître ; la substance des 
troncs nerveux était devenue pultacée; le reste de l'organe 
était intact. 

Il n’est point nécessaire de couper les nerfs pour détruire 
la décharge électrique , il suffit de les lier; avec un peu d’habi- 
tude on y réussit très aisément. Le même phénomène que nous 
avons vu en coupant les nerfs, s’observe si on se borne à les 
lier. 

Lorsque les nerfs ont été coupés, et que par la toute fonction 
électrique a été détruite, si on tire avec une pince un de ces 
troncs nerveux qui sont attachés à l'organe, on obtient encore 
quelques décharges électriques. Il faut, pour que étte expé- 
rience réussisse, que la torpille employée soit très vivace. Dans 
ce cas le phénomène ne manque pas d’avoir lieu. 

En mouillant avec une solution très concentrée de potasse 
les troncs nerveux de lorgane mis à découvert, la décharge 
disparaît sans que la substance nerveuse soit altérée, du moins 
en apparence, 

3° Enfin /e cerveau.— Avec la lame d’un rasoir peu aignisé 
je découvre très vite le cerveau d’une torpille. Si l'animal est 
encore très vivant, on observe ce qui suit: toutes les fois qu’on 
touche avec une pliunne, une pince, un tube de verre, etc. , le 
cerveau de la torpille, la décharge électrique ne manque pas 
d'avoir lieu, On ne tarde pas à apercevoir quels sont les véri- 
tables points de cet organe dont lirritation produit la décharge. 

VIII, Zooz, — Octobre. 14 A. 


210 cu. MaArrEuCCI. — Sur la Torpille. 


Il vaut mieux, pour cette étude, que la torpille soit un peu 
affaiblie. Les premiers lobes ( cérébraux) peuvent être irrités, 
coupés, détruits tout-à-fait, sans que la décharge cesse d'avoir 
lieu. Les lobes qui suivent les premiers donnent lieu, lorsqu'on 
les touche ou qu'on les blesse, à de fortes contractions mus- 
culaires, et quelquefois mème , si l'animal est très vivant, à des 
décharges électriques: pourtaut on peut les couper sans que 
cela arrête la décharge. Le troisième lobe peut être irrité, 
blessé , enlevé tout-à-fait, sans contraction et sans que la dé- 
charge électrique cesse encore. | 

Le dernier lobe du cerveau, que je regarde comme un ren- 
flement de la moelle allongée, de laquelle partent les nerfs qui 
vont à l'organe , est la seule partie du cerveau qu'on ne puisse 
toucher sans avoir de très fortes décharges électriques. Celle-là 
détruite, toute décharge électrique devient impossible quand 
même on laisserait le reste du cerveau intact. J'ai coupé sur 
une autre torpille, la moelle allongée au point où elle sort du 
cerveau, c’est-à-dire, après qu’elle a donné les nerfs aux or- 
ganes. De fortes décharges et contractions musculaires ont lieu 
lorsqu'on fait cette opération , mais la décharge électrique con- 
tinue toujours lorsqu'on touche le dernier lobe, que j'appel- 
lerai désormais le lobe électrique. La décharge électrique con- 
serve une grande force, même après qu’on a coupé un gros 
faisceau nerveux formé par les premiers nerfs de la moelle épi- 
nière, et qui, partagé en deux branches, entoure l'organe en 
passant au-dessus et au-dessous de l'arc cartilagineux. 

Les organes de la fonction électrique se réduisent donc au 
dernier lobe du cerveau, à ses nerfs et à l'organe proprement 
dit. L'action de ce dernier lobe sur la fonction électrique est 
directe. C'est ainsi que, si on touche la partie droite du lobe 
électrique, c'est l'organe droit qui donne la décharge. Le con- 
traire arrive si c’est la partie gauche qu'on touche. 

Je passe à la description des expériences que j'ai faites sur la 
torpille morte. J'appelle morte la torpille, lorsque ses branchies 
ne font plus de mouvemens, etque, irritée, blessée et compri- 
mée, extérieurement et intérieurement, hors certains points du 
cerveau, elle ne donne plus de décharges électriques. Je ferai 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 211 


remarquer en passant que la torpille n'est pas assez morte, au 
moins selon la définition qui précède , même quand on a coupé 
ses gros vaisseaux sanguins, et détruit ainsi la circulation. Dans 
ce dernier cas, on gbtieñt encore quelques décharges électriques 
en irritant l’animal. — Qu'on prenne donc une torpille morte 
comme je l'ai dit, et qu'on en découvre le cerveau. La première 
expérience que je rapporterai était connue depuis mon travail 
de l'année dernière. Si l’on touche le lobe électrique ;îles dé- 
charges apparaissent, et bien jlus fortes que célles que l'animal 
donnait étant vivant. Les autres parties du cerveau, quoique 
inritées, ne produisent aucune décharge. L'action du lobe élec- 
trique est directe, et le courant de la décharge est dirigée 
comme à l'ordinaire, du dos au bas-ventre. Un certain temps 
étant écoulé , on fait cesser les décharges, simplement en tou- 
chant lelobeélectrique ; mais les décharges apparaissent encore 
si ce lobe vient à être blessé. Ce qui est encore plus extraordi- 
naire , C’est que les décharges que j'ai obtenues par la blessure 
du lobe électrique sont indifféremment dirigées du dos au bas- 
ventre, ou du bas-ventre au dos. J'en ai observé plusieurs, lune 
à la suite de l’autre, dirigées dans ce dernier sens. Ces faits se 
soit présentés encore à mat cette année sur un grand nombre 
de torpilles.: Les décharges que j'obtiens par la blessure du 
lobe électrique ne sont qu'au nombre de quatre où cinq; après 
cela, tout phénomène électrique est à jamais détruit. J'avais 
dbac raison de conclure que la direction de É décharge de a 
torpille dépend du cerveau. 

IL me reste maintenant à exposer quelle est l'action du cou- 
rant électrique appliqué sur le cerveau et sur les nerfs de l’or- 
gane de la torpille. C’est là la partie que je regarde coinme la 
plus importante de ces recherches. La pile que j'ai employée 
était à colonne , dont les couples, zinc et cuivre, avaient 4 cen- 
timètres de surface. Le liquide de la pile était de l’eau de mer 
avec 1110 d'acide nitro-sulfurique. C’est toujours une pile de 
vingt couples que j'ai employée: 

J'ai découvert le cerveau d’une grosse torpille, qui, quoique 
affaiblie, était encore vivante. J'ai introduit le réophore négatif 
de platine dans l'organe, sur la partie dorsale et près du bord 

14. 


212 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


extérieur. La torpille était couverte de grenouilles préparées, 
et deux galvanometres étaient déposés comme à l'ordinaire, 
sur les deux organes. Je commence par toucher légèrement, 
avec une pince, le lobe électrique, j'obtiens plusieurs décharges, 
mais dans peu de secondes elles cessent, même en le touchant. 
Alors je porte le réophore positif sur la partie droite du lobe 
électrique, c'est-à-dire, du même côté où se trouve le réophore 
négatif. A l'instant il y a décharge de l'organe. — Je 
crois important d'assurer dès l’abord le lecteur, que cette dé- 
charge, démontrée par les convulsions des grenouilles et par le 
galvanomètre, n’est pas due à une portion du courant de la pile 
qui parcourt les grenouilles et le galvanomètre. En effet, j'ai 
acquis, par d’autres expériences, la certitude que le même 
courant, qu'on fait passer dans d’autres parties du corps de la 
tocpille, hors de l'organe et dans les mêmes conditions, ne donne 
aucun signe, niaux grenouilles, niau galvanomètre. J'ai coupé 
une torpille au milieu de son corps, de manière qu’il ne restât 
aucune partie des organes électriques attachée au côté inférieur. 
Le galvanomètre et les grenouilles préparées étaient disposés 
sur cette dernière partie du corps de la torpille. Leicourant de 
la même pile a passé de la moelle épinière aux muscles de la 
queue, sans exciter aucune contraction dans les grenouilles, 
ni donner aucun signe au galvanomètre. Cette moitié de lator- 
pille était, au contraire, fortement agitée à chaque passage du 
courant, Je reprends maintenant la premiere expérience. —Si, 
au lieu de toucher avec le pôle positif la partie droite du lobe 
électrique, on touche la gauche, c’est l'organe gauche qui se 
décharge, et c'est là une nouvelle preuve que ces décharges sont 
effectivement de la torpille. En effet, les grenouilles et le galva- 
nomètre de l'organe gauche ne sont mème pas compris dans le 
circuit de la pile. Si le réophore positif touche tout entier le 
lobe électrique , les deux organes se déchargent à-la-fois. Qu'on 
vienne maintenant à changer la direction du courant, c’est-à- 
dire , que le pôle positif soit introduit dans l'organe, et que le 
négatif touche le lobe électrique: il y a alors de fortes contrac- 
tions musculaires, et point de décharges des organes: le galva- 
nomètre et les grenouilles ne se meuvent pas, et c'est encore 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 213 


une preuve que les décharges obtenues précédemment sont 
véritablement propres à la torpille. J’ai renouvelé encore l'action 
directe du courant électrique, et quoique l'animal füt beaucoup 
affaibli, lesmèmes phénomènes se sont reproduits , c’est-à-dire, 
il y avait décharge de l'organe à chaque passage du courant 
électrique. Il faut bien observer que si la torpille est douée d’une 
grande vitalité, les décharges s’observent encore pendant un 
certain temps, lorsque le courant est inverse, c'est-à-dire quil 
va de ‘organe au cerveau. 

J'ai voulu étudier encore quel était l'effet de la ligature des 
nerfs de l’organe. Dans cette expérience, j'ai lié les quatre nerfs 
de l'organe droit d'une autre torpille, grosse et très vivace ; j'ai 
découvert le cerveau, et j'ai répété l'expérience précédente. 
Lorsque le courant marchait directement, il n’y avait aucune 
décharge de l'organe; quand il marchait en sens inverse, je 
n'ai observé que de très faibles contractions, et c’est là encore 
une preuve dela véritable nature des décharges dont j'ai parlé. 
J'ai répété ces expériences sur quinze individus, toujours avec 
le même résultat, en laissant les nerfs intacts, quelquefois en 
les coupant ou lesliant, eten ayanttoujours soin de commencer 
le passage du courant, après m'être assuré que le contact du 
réophore de platine, sans qu’il lüt attaché à la pile, ne donnait 
lieu à aucune décharge de l’organe. Il est bien juste d'observer 
que ces décharges produites par le courant n’ont pas la force 
de celles que l'animal donne lorsqu'il est vivant; mais elles ne 
diffèrent certainement pas des dernières décharges qu'on tire 
dela torpille morte, en touchant légèrement son lobe électrique. 
En effet, les déviations du galvanomètre sont dans ce cas, comme 
dans l’autre, de 5, à 6 degrés; mais elles suffisent pour montrer 
clairement la déviation dans son sens ordinaire, c’est-à-dire, du 
dos au bas-ventre. Enfin, J’observerai encore que jamais on n’a 
les indices de la décharge de l'organe en touchant avec le pôle 
positif des muscles, la peau, le liquide du cerveau, etc., tous 
points qui ne diffèrent pas du lobe électrique jar leur po- 
sition et leur conductibilité, ce qui est encore une preuve de la 
véritable nature des décharges précédentes. 

L'action du courant électrique sur les nerfs de l'organe est 


214 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


encore importante , et mérite d’être décrite avec le plus grand 
soin. J'ai séparé un des organes d'une torpille qui était encore 
vivante : c'était une torpille femelle très grosse, la plus grosse 
de toutes les 116 torpilles que j'ai eues; elle pesait 6 livres 
(3 kil.). L'organe a été séparé sans détacher la peau. Je n’ai fait 
que couper les nerfs et les branchies, en tranchant circulaire- 
ment toutes les parties qui environnent l'organe du côté de la 
tête. Il me restait ainsi l'organe avec ses quatre nerfs, qui,un 
peu tirés en dehors , en ressortaient de deux on 3 centimètres. 
Tout cela a été mis sur une lame de verre. Alors, après avoir 
déposé le galvanomètre et les grenouilles sur l'organe, comme 
à l'ordinaire, j'atintroduitle réophore négatif dans la substance 
de l'organe, près du bord extérieur , et avec le réophore positif 
j'ai touché l’un des quatre nerfs qui étaient étendus sur la lame 
de verre. A l'instant il y à eu déviation de 4 degrés dans le gal- 
vanomètre, dans le sens Au courant ordinaire de la torpille , 
et de fortes contractions dans les grenouilles. En touchant les 
autres nerfs, les mêmes phénomènes ont lieu. Je touche la 
substance de l'organe qui est entre les nerfs, et cela en plu- 
sieurs points , tels que la peau ou quelques morceaux de mus- 
cles attachés, et aucun phénomène n’a lieu. J'ai réuni les quatre 
nérfs sur une lame de platine, et c’est en touchant cette lame 
que les phénomènes précédens, qui indiquent la décharge de 
l'organe, se sont reproduits avec le plus d'intensité. Je suis 
parvenu encore à couper la ramification de l’un des nerfsavec la 
substance dans l'intérieur de l'organe, en laissantintact le tronc 
nerveux extérieur. St ce tronc vient à être touché par le pôle po- 
sitif, les indices de la décharge manquent. J'ai lié les nerfs, et les 
décharges ont manqué encore quand le courant passait. En répé- 
tant plusieurs fois ces expériences et sur plusieurs individus, il 
m'est arrivé quelquefois devoir le phénomène de ladécharge, en 
touchant avec le pôle positif la substance de l'organe ; mais une 
légère ättention m'a montré chaque fois qu'il y avait toujours 
contact du pôle avec quelques-uns des filets nerveux répandus 
dans Forgane. La différence qu'il y a entre l’action du courant 
électrique sur les nerfs seulement , et son action sur le cerveau 
réum par les nerfs à l'organe, mérite d’être remarquée. Nous 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 215 


avons vu que, dans ce second cas, le courant inverse n’excitait 
aucune décharge. Le contraire arrive lorsque les nerfs et la 
substance de lorgane sont seuls parcourus par le courant élec- 
trique. Il y a décharge de l'organe quand le courant va des nerfs 
à l'organe , et il y à encore décharge lorsque la marche du cou- 
rant est contraire. Le galvanomètre dévie toujours dans le même 
sens, et cela établit encore mieux que c’est la décharge propre 
de la torpille qui se produit. Siles torpilles sont mortes depuis 
quelque peu de temps, l’action du courant électrique que 
nous avons décrite, sur les nerfs et l'organe, et sur le cerveau 
réuni à l’organe, est entièrement détruite, et on tâcherait inu- 
tilement de la reproduire par un plus grand|nombre de couples. 
Ce résultat, qui arrive après un certain temps, et qui dépend 
du degré de vitalité de l'animal et du traitement variable qu’on 
lui a fait subir, peut, au besoin, servir encore à prouver l’exac- 
titude de mon assertion. 

J'ai cru encore important de déterminer le pouvoir conduc- 
teur de l'électricité de la substance nerveuse et de celle de l’or- 
gane. J'ai fait cela avec l'exactitude qu’il est possible de porter 
dans ce genre d'expériences. J'ai employé un galvanomètre 
double , et j'ai fait passer les deux courans par une tranche de 
la substance de l'organe, et par cinq à six troncs nerveux de 
la torpille réunis: Je me servais de la pile de vingt couples. La 
conductibilité m’a semblé toujours plus forte pour la substance 
de lorgane, et cela me paraît bien aisé à concevoir. 


CONCLI SIONS. 


Lorsqu'on réfléchit, 1” aux faits que nous avons déjà établis 
dans notre premier travail sur la torpille, c’est-à-dire qu'aucune 
trace d'électricité ne se trouve dans l'organe sans qu'il se dé- 
charge ; 2° qu’on peut détruirela peau, les muscles, l'arc cartila- 
gineux qui entoure l'organe , et une grande partie de la sub- 
stance même de l'organe, sans que la décharge cesse ou même 
s'affaiblisse; 3° que des poisons narcotiques déterminent de 
fortes décharges électriques; 4° que l'irritation du lobe élec- 
trique du cerveau, après la mort, donne de tres fortes déchar- 


216 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


ges électriques; 5° qu'en tirant et comprimant les nerfs seule- 
ment on à la décharge; 6° que de fortes contractions muscu- 
laires s'observent dans les parties qui environrient l'organe, 
sans que la décharge ait lieu ; 7° que la blessure du lobe élec- 
trique du cerveau détermine les décharges dont la direction 
n'est plus constante du dos au bas-ventre , mais va quelquefois 
du bas-ventre au dos; 8° enfin, aux derniers faits que j'ai rap- 
portés sur l'action du courant électrique , — il est impossible 
de,ne pas en tirer les conclusions suivantes : 

1° L'élément nécessaire à la décharge électrique de la tor- 
pille et à la direction de cette décharge est produit par le 
dernier lobe du cerveau, et transmis parles nerfs dans la sub- 
stance de l'organe. 

2° Il en résulte que ce n’est pas dans l'organe et par l'organe 
que cet élément est préparé. 

3° Un courant électrique, dirigé du cerveau à l'organe par les 
nerfs, détermine la décharge, ainsi que le ferait cet élément 
qui me semble pouvoir êire regardé comme du fluide élec- 
trique. 

4" Puisque les décharges électriques de latorpille, même sous 
l'influence du courant électrique, cessent lorsque les nerfs sont 
liés , il faut admettre que cet élément, que je regarde comme 
analogue au courant électrique, et comme le courant électrique 
lui-même, a besoin pour fonctionner, d’une disposition molé- 
culaire dans les nerfs, dont la destruction entraine la cessation 
de la fonction. (1) 


CHAPITRE V. 


DE L'ÉLECTRICITÉ DE LA TORPILLE ET DE TOUS LES ANIMAUX 
EN GÉNÉRAL. 


La fonction de la torpille me parait maintenant mieux Con- 


(1) L'hypothèse émise par M. Becquerel pour expliquer les contractions musculaires, me 
semble rentrer dans l'explication que j’ni donnée dans le temps , de la secousse qu’épronvent 
les grenouilles lorsque le-courant inverse cesse de les parcourir; Voici comment ces phénomènes 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpile. 217 


nue. Voilà un animal qui a une organisation spéciale, à l’aide 
de laquelle le courant électrique peut être 1fodifié de manière 
à se changer en charge d'une batterie ou d’une pile. Nous igno- 
rons qu'elle est l’organisation propre à cet effet. Sans doute l'ap- 
pareil de condensation pour le fluide électrique, qui existe 
dans l'organe de la torpille, n’est pas semblable à ceux que 
nous connaissons. C'est là une grande découverte qui reste à 
faire pour la physique , et qui peut se faire même hors de ce 
poisson. Deux conditions sont nécessaires pour que cet organe 
fonctionne : 1° que la substance aibumineuse , qui le compose 
en grande partie , ne soit pas caagulée, quoique cette coagula- 
tion puisse avoir lieu sans détruire la conductibilité électrique 
de cette substance; 2 . que les nerfs qui entrent dans l'organe 
aient leur parfaite organisation. Une fois les nerfs liés , le cou- 
rant électrique passe également, mais la décharge manque. Il 
y à donc uneautre fonction dans les nerfs, outre celle de trans- 
porter le courant électrique, et cette autre fonction exige 
cette parfaite organisation normale qu’il nous reste encore à 
découvrir. S 

La fonction électrique de la torpille ainsi posée, il ne reste 
plus qu’à résoudre un problème de physiologie générale. Y a-t- 
il de l'électricité préparée dans les animaux ? Le cerveau, les 
nerfs, sont-ils plus propres que les autres parties des animaux 
à préparer, à conduire ce fluide électrique? Si cela est, quelle 
est l’action phisico-chimique à laquelle on peut comparer cette 
production d'électricité dans les animaux ? 

Un grand fait est dû à Galvani : les cuisses d’une grenouille 
récemment préparée, repliées sur le nerf sciatique, se con: 
tractent comme par l'effet du passage d'un courant électrique. 


peuvent s'entendre. Le courant direct déplace les globules nerveux dans le sens du courant,et 
dans ce cas il y a contraction. Lorsque le courant cesse, les globules reviennent à leur place; 
mais le mouvement ne détermine pas la contraction, au contraire, 1l devrait correspondre à ce 
qu'on appelle sensation. 11 est maintenant clair que, lorsque le courant est énverse, il ne doit 
pas y avoir de contraction à l'introduction du courant , parce que le déplacement des globules, 
qui se fait toujours dans le sens du courant , est dans ce cas le même qui est produit par le cou 
rant direct qui ne cesse de passer, On voit par là que, lorsque le courant inverse cesse, les glo- 
bules, pour revenir à leur place, font le même mouvement que ces globules mêmes lorsqu'ils 
sont envahis par le sourant direct. 11 doit donc y avoir, comme dans ce cas, sontraction, 


218 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


On a voulu, dans ces derniers temps, voir dans ce fait un cas 
d'électricité développée par l’action chimique de différens li- 
quides animaux, où bien un courant thermo-électrique. 11 
suffit, pour faire rejeter ces explications, de répéter cette ex- 
périence après avoir lavé trois ou quatre fois dans l’eau distillée 
la grenouille préparée. Les contractions, quoique plus faibles, 
arrivent encore en mettant en contact le nerf et les muscles. 
Le célèbre de Humboldt a observé ces contractions, même en 
mettant en contact les nerfs et les muscles par un morceau de 
substance musculaire. Des expériences de ce genre se trouvent 
encore décrites dans le traité de galvanisme d’Aldini. Lors- 
qu’on touche avec la moelle épinière d’une grenouille préparée, 
une partie quelconque du cerveau, des muscles, des viscères 
mis à découvert d’un animal encore vivant ou tout fraîche- 
ment tué, on ne manque jamais d'observer de fortes contra- 
dictions dans la grenouille. M. Nobili, avec son galvanomètre 
très sensible, a obtenu par le courant propre de la grenouille, 
une déviation même assez grande; et certainement les diffé- 
rentes parties d’une grenouille morte depuis long-temps et 
mouillée de solutions salines acides, alcalines, à des degrés 
différens de température, ne donnent jamais un courant aussi 
sensible et aussi fort que celui de la grenouille. J'ai vu bien des 
fois mon galvanomètre, qui est assez sensible, m'indiquer le 
courant de la grenouille ; mais jamais cela ne m'est arrivé avec 
les solutions susdites. k 
J'ai essayé de reproduire sur la torpille même ces expériences. 
Toutes les jois qu'une grenouille récemment préparée touchait 
avec ses nerfs le cerveau de la torpiile, elle se contractait forte- 
ment, et cés contractions étaient encore plus fortes lorsqu'une 
goutte de sang se répandait sur les points touchés. J'ai même 
vu constamment les contractions propres de la grenouille, se 
raviver fortement par l'effet d’une goutte de saug frais du même 
animal, répandue parmi les muscles et les nerfs en contact. 
J'ai varié, répété de toutes maniéres ces expériences, et il m'a 
fallu conclure que, toutes les fois que du sang, ou liquide ou 
organisé en substance musculeuse, touche la substance ner- 
veuse organisée en nerfs, ou en moelle allongée, ou en cer- 


CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 219 


veau , il y à production d'un courant électrique. Ce courant 
persiste un certain temps après la mort, il exige, pour se pro- 
duire, un certain degré de vitalité, et il est constamment di- 
rigé de la molécule sanguine ou musculaire à la nerveuse. Les 
belles observations de M. Donné, sur les Courans électriques 
qu'il a découverts entre les organes des sécrétions, finiront 
aussi par rentrer dans les phénomènes cités. 

Quoique les faits que j'ai rapportés puissent suffire pour dé- 
montrer que l’origine de ce courant n’est ni thermo-électrique, 
ni électro-chimique , j'ai cru toutefois qu'une-étude plus appro- 
fondie du courant propre de la grenouille aurait pent-être quel- 
que importance. 

J'ai d’abord découvert qu’on pouvait très bien observer le 
courant propre sur la grenouille vivante. On coupe longitudi- 
nalement la peau de ses flancs, et l’on retire avec une pince, 
ou une pointe en bois, un de ses nerfs spinaux. On enlève la 
peau des cuisses, on porte la cuisse sur ce nerf,et on voit les 
contractions à chaque contact. On peut découvrir les cuisses 
sans enlever la peau, et on parvient ainsi à conserver long-temps 
Panimal. Cette expérience est comme celle de Galvani, c’est-à- 
dire qu’elle ne réussit pas sur toutes les grenouilles. — J'ai voulu 
étudier l’action de la chaleur sur ce courant propre. Cette 
action est extrémement importante. Aussitôt qu'un morceau 
de glace a recouvert une grenouille pendant quatre à cinq mi- 
nutes, le courant propre est détruit, l'animal étant éncore tout 
vivant. En réchauffant ensuite la grenouille, en lui soufflant de 
loxigène dans les poumons, j'ai réussi quelquefois à exciter 
fortement l'animal, et alors le courant propre a reparu encore. 
Dans le plus grand nombre des cas, cependant , lorsque Paction 
du froid s’est prolongée, l'animal vit, mais le courant propre 
manque. Cette analogie, où mieux, cette identité de l'action de 
la chaleur sur la fonction électrique de la torpille, et sur le 
courant propre de la grenouille, me semble démontrer l'exis- 
tence d’une force commune à ces deux phénomènes. Le premier 
fait que j'ai remarqué, en étudiant ce courant propre sur l’ani- 
mal vivant, c’est qu'il ést plus faible qué le courant qu'on à 
aprés sa mort, et que, quelle que soit la vitalité de la gre- 


220 CH. MATTEUCCI. — Sur da Torpille. 
nouille, il s’affaiblit après un certain temps, et finit même par 
disparaitre. 

IL faut attendre que ce courant ait disparu par lui-même, 
pour voir se produire un phénomène singulier. Qu'on coupe 
alors la grenouille et qu’on là prépare à la manière de Galvani : 
on voit se faire une forte contraction, en mettant en contact 
la cuisse et les nerfs dans le même point à-peu-près qu’on l’avait 
fait, l'animal étant encore vivant. J'ai encore observé que, si 
l’on attend un certain temps, on voit disparaitre aussi ces 
contractions; mais il suffit, pour les reproduire encore, de 
couper les nerfs spinaux à leur origine, ou au point où ils 
sortent de la moelle épinière, et de les toucher encore avec la 
cuisse. 

Ces faits n'ont aucun rapport avec une loi physiologique éta- 
blie dans le temps par Ritter, savoir, que la sensibilité des nerfs. 
va en diminuant depuis son origine à ses ramifications. Dans 
ma manière d'opérer, ce sont les mêmes points des nerfs et des 
muscles qui sont touchés. Le fait qui pourrait se déduire de la 
loi de Ritter est le suivant: lorsque le nerf spinal ne donne 
plus de courans propres, qu'on découvre son prolongement 
qui est caché dans les muscles de la cuisse; si on touche les 
muscles avec cette partie, on aura encore de très fortes con- 
tractions. Ce cas diffère de celui de Ritter, le courant propre 
étant la cause de la contraction. 

Je reviens maintenant aux caractères tranchés qui distinguent 
le courant propre de la grenouille, d'un courant thermo-élec- 
trique, ou électro-chimique. — D abord le sens du courant est 
tout-à-fait opposé à celui qu’on lui verrait s'il avait une origine 
chimique, ou au moins il faudrait supposer les muscles chargés 
d'alcali, et les nerfs d'acide, ce qui est contraire à tout ce que 
nous savons de leur composition chimique. — J'ai découvert 
après cela deux différences extrêmement tranchées. Je compare 
le courant propre de la grenouille à un courant développé par 
le contact d’une solution d'acide nitrique et d’ane de potasse. 
Lorsque jai constaté l'existence de la contraction, en mettant 
en contact muscles et nerfs, et en faisant passer le courant 
d'origine électro -chimique, je lie avec un fil le nerf spinal ou 


cm. MaTTEuCCt. — Swr la Torpille. 221 


crural à la moitié de sa longueur; je replie alors la cuisse au- 
dessus de la ligature : il n’y a plus de contraction ; je touche au- 
dessou s: elle existe comme auparavant. Alors je fais passer le 
courant électro-chimique , et je trouve qu’il excite la contrac- 
tion , soit qu'il passe au-dessus ou au-dessous de la ligature. Une 
autre différence, qui n’est pas moins tranchée, c’est que , tandis 
que le courant propre se prolonge même pendant une demi- 
heure, le courant électrique , au contraire, produit par les deux 
solutions acide et alcaline (à-peu-près 1/40 d’acide et d’alcali), 
n’excite plus de contractions. 

J'ajouterai, enfin , que la ligature du nerf ne détruit en rien 
sa conductibilité. En effet, j'ai fait passer le courant d’un 
couple, dans le même temps, par les deux filets nerveux spi- 
naux d’une grenouille, et par un galvanometre. J'ai attendu, 
pour lier le nerf, que l'aiguille se fixât : au moment de l'opéra- 
tion, on observe dans celle-ci un petit mouvement, qui quel- 
quefois est en plus et quelquefois en moins, après quoi elle 
s'arrête comme auparavant. Ce mouvement n'est donc pas dû 
à un alfaiblissement de conductibilité produit dans le nerf par 
la ligature, ni à une plus grande intensité du courant dû à 
l’action chimique des deux solutions, puisque ce dernier cou- 
rant cesse de faire contracter la grenouille avant le courant 
propre. — Tout ce qu’on peut conclure de ces recherches sur 
le courant propre de la grenouille , est ce qui suit : 

1° Le courant propre de la grenouille doit avoir la même 
origine que le courant qui est produit dans le cerveau de la 
torpille, et qui va charger l'organe. 

2° Ce courant ne peut se développer et exciter de contrac- 
tions, ou fonctionner, en général, par les nerfs , sans que l’or- 
ganisation du nerf même, dans toute sa ramification successive, 
soit intacte. | 

Il me semble encore qu'on puisse assez bien comprendre les 
faits établis sur le courant propre. Lorsque le circuit nerveux, 
en y comprenant le cerveau, la moelle, les nerfs est complet, 
le fluide électrique doit y circuler d’une manière complète, et 
il n'y a pas de raison pour qu'on en puisse distraire une partie. 
Ce n’est que quand l'animal est surexcité qu'on parvient à en 


222 CH. MATTEUCCI. — Sur la Torpille. 


constater la présence. On conçoit, d’après cela, comment le 
courant propre disparait sur l'animal vivant. Mais si ce circuit 
est détruit, ce qui arrive lorsqu'on tue la grenouille et qu'on 
la prépare à la maniere de Galvani, lélectricité peut alors 
changer de route : on voit effectivement ce courant propre être 
plus fort sur la grenouille morte, et très souvent on l’a sur la 
grenouille morte, tandis qu'on ne parvient pas à l'observer sur 
l'animal vivant. Il n’est donc plus difficile de concevoir pour- 
quoi nous n'avons pas encore réussi à avoir des indices de 
courant dans les nerfs. 

J'espère qu’on ne jugera pas, après cela, que j'admeite des 
forces vitales inconnues. Loin de moi cette idée ; je n’ai jamais 
vu dans les fonctions organiques, que les elfets des grandes 
forces physiques, des agens généraux , agissant à travers cette 
mystérieuse disposition moléculaire qu’on appelle organisation. 
Je suis bien content, dans l'intérêt de la science, de voir un 
des plus grands physiologistes de notre époque pousser, dans 
ce sens, ses recherches et ses importans travaux de physio- 
logie. 

Quant à la torpille, le problème de sa fonction électrique 
me semble aujourd'hui plus clairement posé qu'il ne l'était. 
Il y a dans la torpille, comme dans tous les animaux, des réac- 
“ions physiques, chimiques (vitaies?), qui développent des 
courans électriques; il y a chez elle un organe spécial dans le- 
quel le courant électrique introduit par les nerfs, se con- 
dense et donne lieu à la décharge électrique propre à ce 
poisson. 


CHAPITRE VE 


ANALYSE CHIMIQUE DE LA SUBSTANCE DE L'ORGANE, 


J'ai analysé la substance de l'organe d’une torpille de moyenne 
grandeur , aprés l'avoir déaeles de toutes les membranes, 
38 muscles, et des gros troncs nerveux qui y sont attachés. 
J'ai commencé par déterminer la quantité d’eau qu'elle con- 
tient; et j'ai procédé par la méthode ordinaire. Dans une pre- 


CH. MATTEUCCI. -— Sur la Torpille. 2923 


mière expérience j'ai obtenu, de 1120 parties de substance, 
104 de produit desséché; dans une seconde expérience, de 
1307, 136 parties desséchées. La quantité moyenne d’eau se 
réduit ainsi à 90,4 sur 1000 de la substance de l'organe. 
L'analyse du produit desséché a été faite en le traitant avec de 
l'alcool à. 36°, et en renouvelant trois fois cette dissolution 
avec des intervalles de 24 heures. J'ai repris le résidu par le 
même alcool bouillant, et j'ai renouvelé deux fois ce traitement. 
Enfin, le reste a été traité par l'eau bouillante, et ensuite par 
l’acide acétique concentré. Voici le résultat: gr. 6, 65 du pro- 
duit desséché m’ont donné: 


er. 3,171 substance dissoute dans l'alcool froid (A.) 
0, 893 substance dissoute dans l’eau bouillante ( B.) 
2, 587 substances insolubles dans Palcool(C.) 


Les produits À et B se composent de muriate de soude, de 
lactate de potasse, d’acide lactique, d'extrait de viande de 
Berzélius , de phocénine, d’une substance grasse, analogue à 
l’élaine du cerveau , et enfin d’une substance grasse, solide à la 
température ordinaire. Le produit G est formé presque entiè- 
rement d’albumine et de quelques traces de gélatine. 

Lorsqu'on évapore la solution alcoolique obtenue à froid, 
il se forme d’abord des couches cristallines, puis des gouttes 
d’une huile jaunâtre : celles-ci se déposent au fond du liquide. 
Ce liquide est extrêmement acide et forme un précipité avec 
une infusion de noix de galle. En évaporanttoute la solution, 
il reste une masse jaune-verdètre, huileuse, très acide et déli- 
quescente. Elle se dissout presque entièrement dans l’eau , en 
faisant une espèce d’émulsion. Elle dégage une odeur d'huile 
de poisson rance. La potasse don L substance grasse , 
détruit l'odeur et neutralise le liquide; l'acide tartrique ajouté 
rétablit acide gras , et donne par l’évaporation et la distillation 
de l'acide lactique et phocénique. Le produit de l'alcool bouil- 
lant donne encore de l'acide lactique et une substance grasse, 
solide, qui, traitée par l'acide nitrique, donne des traces de 
soufre et de phosphore. La substance insoluble dans lalcool, 
bouillie dans de l’eau distillée, donne une solution d’un blanc 


224  RRFSCHET el GLUGE. — Sur l'œuf des Mammiferes. 


sale qui se trouble par le bi-chlorure de mercure; l'infusion 
de noix de galle y donne un précipité floconneux qu’on dissout 
en partie en chauffant le liquide. Enfin, le résidu est soluble, 
surtout à chaud, dans les acides et dans les solutions acides 
alcalines. Ce n'est que de l’albumine pure.(r) 

La substance albumineuse qui recouvre le cerveau ne dif- 
fère de la substance de l'organe que par une plus grande quan- 
tité d’eau. | 

Il me serait impossible de ne pas faire remarquer l’analogie 
qui existe entre la composition de la matière cérébrale, et 
celle de l'organe électrique de la torpille, que nous venons 
d'analyser. 


QUELQUES RECHERCHES sur la structure des membranes de l'œuf 
des mammifères, 


Par M. le professeur G. BrescaEr, membre de l’Institut , 
et M. Grue, docteur en médecine, à Bruxelles. 


.... Non ex libris, sed ex dissectionibus, 
non ex placitis philosophorum, sed fabricà 
naturæ discere et docere Anatomen profitear. 


G.Harverr. Exercitat. anatomicæ. 


La structure des membranes de l’œuf des mammifères est 
digne d'intérêt, non-seulement sous le rapport de lhistoire des 
développemens organiques, mais aussi sous celui de l’anatomie 
générale. On ignore complètement la composition des tissus dont 
l'existence est temporaire ou bornée à la durée de la vie intra- 


(x) Lorsque la substance desséchée de l’organe est traitée par trois fois avec l'éther froid et 
qu’on évapore la solution, on obtient une matière grasse, jaunâtre , d'apparence nacrée , qui se 
dissout faiblement dans l’éther et l'alcool froid ; elle est sans saveur , d’ure odeur fade, et se 
saporifie par la potasse ; brûlée et calcinée dans un creuset de platine, elle laisse une cendre 
acide, et, traitée par l'acide nitrique bouillant, elle donne des traces d’acide sulfurique et 
phosphorique. C’est douc de Ja stéarine cérébrale, 


BRESCHET et GLUGE.— Sur l'œuf des Mammiferes. 225 


utérine, et qui diffère des tissus dont l’existence n’a pour limites 
que celles de notre propre vie. En un mot, on ne sait pas s’il y a 
analogie de structure entre les membranes de l'œuf, et les autres 
tissus du corps qui jouissent de la faculté de se reproduire. Ces 
questions une fois posées nous avons cherché à y répondre. 

Nos observations ont été faites avec le microscope de Schick, 
et le grossissement n’a pas été porté au-delà de 250 à 300 fois. 
Nous avons fait nos recherches sur les membranes de l’œuf de 
l’homme, du singe, de la vache, et du chien. 

1. Chorion. — Cette membrane ne contient aucune trace 
de fibres, le plus grand grossissement n’a pu en faire aper- 
cevoir. La masse organique est constituée par de petites 
molécules étroitement apposées les unes auprès des autres. 
Cette matière est parsemée de globules blanchâtres, plus grands 
que ceux du sang humain. Quelques-uns de ces globules 
sont à surface unie, les autres contiennent un grand nombre de 
petits grains dans une masse uniforme. Les globules offrent une 
grande régularité et se détachent facilement des autres masses. 
Des filamens qui se ramifient et qui n’atteignent pas un diamètre 
d’-- de millimètre, sont dispersés dans la masse; nous n’osons 
dire si ce sont des vaisseaux. 

2. La partie de la membrane du chorion qui se prolonge sur le 
cordon ombilical offre une structure tout-à-fait analogue au reste 
de cette même tunique. La matière gélatineuse (gé/atine de Whar- 
ton), contenue dans la masse du cordon, est pourvue d’un 
tissu cellulaire, dont les fibres primitives ont un plus grand 
diamètre que celles du tissu cellulaire ordinaire. Les contours 
n'en sont pas aussi nets, et l’on y reconnait encore les carac- 
tères d’une formation récente. 

On sait que, suivant Uttini et Fohmann, cette masse géla- 
tiniforme est une substance albumineuse contenue dans des 
vaisseaux lyniphatiques ; mais nous n’avons pu reconnaître ici 
si les fibres du tissu cellulaire, qui sont répandues dans cette 
substance , offrent l'apparence d’un canal vasculaire. Des in- 
jections avec des matières colorantes ne pourraient rien prou- 
ver, Car l’état particulier du tissu cellulaire favorise trop les ex- 
travasations et les épanchemens, etc. 

VIT. Zooc. — Octobre, 15 


226  BRESCHET et GÈLUGE. — Sur l'œuf des Mammifères. 


3. Les granulations que nous avons examinées sur le cordon 
ombilical du veau, sont formées seulement par des couches 
superposées d’une matière comparable, d’après ses caractères 
extérieurs, aux couches de l’épiderme ou de l’épithélium. 

On voit sur ces parties des cellules hexagones , contenant 
des globules parfaitement semblables à ceux que nous avons 
trouvés dans le chorion. Ces cellules sont exactement placées 
les unes à côté des autres et se correspondent par leurs angles. 
Ce qui leur donne une régularité fort remarquable. 

4. L'amnios offre exactement la même structure que celle 
que nous venors de décrire dans le chorion. On ne saurait l’en 
distinguer à l’aide du microscope. La quantité des couches su- 
perposées constitue la différence visible à l’œil nu dans les 
deux membranes. La liqueur renfermée dans l'amnios contient 
des particules irrégulières et des cristaux. 

La structure presque uniforme des membranes de l'œuf 
offre un rapprochement assez curieux avec les couches de l’é- 
piderme de la peau ou de l’épithélium des membranes mu- 
queuses de beaucoup d'animaux. M. Valentin a décrit les cel- 
lules hexagones de l’épiderme des Batraciens, qui se détachent 
sans cesse sous forme de mucus. L'un de nous, M. Gluge(1), a 
examiné l’épiderme des oiseaux, et le mucus qui se sépare de 
la surface du corps des Sangsues et de celui des Batraciens. 
L’épiderme des oiseaux offre les cellules hexagones, contenant 
à leur centre un globule d’une surface unie; la même structure 
appartient à l’épiderme de la Baleine, où les couches constituant 
les cellules sont fort nombreuses. L'épiderme des Sangsues au 
contraire n’a pas de cellules, mais il est formé d’une matière 
homogène parsemée de globules, qui ressemblent à ceux qu'on 
trouve dans les mensbranes de l’œuf. Ils offrent en grande par- 
tie une surface unie et contiennent de petits grains dans leur 
intérieur. Nous croyons signaler un fait assez curieux dans 
cette ressemblance entre les membranes de l’œuf, l’épiderme 
l'épithélium. Tous ces tissus sont fort simples, sans orga- 
nisation proprement dite bien distincte, et semblent résulter 


(1) Bulletin de l’Académie de Bruxelles, désembre :837. 


BRESCHET et GLUGE. — Sur l'œuf des Mammifères. 227 


d’une dessiccation régulière d’un liquide sécrété; chez tous il 
existe une destruction et une reproduction continuelles. 

Nous avons encore porté notre attention sur quelques autres 
points de structure microscopique qui ont rapport à notre 
sujet. 

Ainsi nous avons examiné de nouveau les villosités du cho- 
rion de l'œuf humain, qui ont été déjà décrites par l’un de 
nous (1), et en général nous croyons pouvoir affirmer l'exac- 
titude de tout ce qui est cônsigné dans le travail que nous ci- 
tons. On ne saurait donner une meilleure idée de ces villosités 
de l'œuf du chorion humain, qu’en les comparant à des villo- 
sités intestinales qui, au lieu d’être simples, seraient rameuses. 

Toute la différence entre les villosités de l'intestin , et l'espèce 
de chevelu'rameux ou arboriforme de la surface du chorion de 
l'œuf humain, ne consiste que dans cette circonstance d’une tige 
simple chez les premières, et d’une tige avec des embranchemens 
chez les dernières. Quant à la structure des unes et des autres, 
il nous a été impossible de la découvrir, car elle est aussi simple 
que celle du chorion lui-même ou de l’épithélium intestinal, et 
les fonctions de ces deux ordres d'organes doivent avoir la plus 
grande analogie, celle d’absorber des liquides destinés à la 
nutrition. 

Dans l'utérus de la Vache nous avons trouvé un tissu recou- 
vrant la couche musculaire, et qui n’a pas encore été décrit 
comme appartenant à cet organe, c’est le tissu élastique qui 
présentait des fibres cylindriques, formant des ramifications 
dont l’arrangement produit un réseau. Par cette dispositicn, 
unique jusqu'ici parmi les tissus connus, ces fibres consti- 
tuent un organe à-la-fois résistant et élastique, qui sous ce 
rapport peut être comparé, d’après les fibres dont nous par- 
lons, aux ligamens jaunes des vertèbres, aux ligamens cervi- 
caux des grands ruminans, et au tissu jaune des bronches. La 
seule différence que nous ayons trouvée dans le tissu élastique 
de l'utérus , est que le diamètre de ses fibres est moindre que 
celui des autres tissus élastiques. La découverte de ce tissu dans 


(1) M. Breschet et M, Raspail, Voyez le Renertoire d'anatomie, clé, 


228  BREsCHET et GLUGE. — Sur l’œuf des Mammiferes. 


l'utérus, nous parait être de quelque importance pour expliquer 
la force et la résistance de cet organe, son élasticité ou sa contrac- 
tilité si manifestes, bien que les parois de l’utérus de la vache 
n'aient pas une épaisseur assez grande pour qu'on puisse les com- 
parer à celle de l'utérus de la femme. Lobstein avait rapproché 
le tissu de l'utérus du tissu fibreux jaune, mais il n’avait pas anato- 
miquement reconnu l'existence de ce tissu jaune élastique. Ce- 
pendant les fibres réputées musculaires n’en existent pas moins,et 
leur présence a été également constatée par nous dans l'utérus de 
la Vache. Elles sont cylindriques, et offrent un diamètre presque 
double de celui du tissu cellulaire. Ces fibres sont étroitement 
placées les unes auprès des autres, et forment des faisceaux si 
bien unis entre eux qu’il est très difficile de les isoler. 

Dans un autre mémoire nous parlerons de la structure de 
l'allantoïde, de la vésicule ombilicale et du placenta. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE 6 A. 


Fig. 1. Chorion”du Chien. 
a. Fibres ou vaisseaux , dispersés irrégulièrement dans la masse. 
b. Masse amorphe du chorion. 
c. Globules contenus dans la masse (grossissement de 225 diam. ;. 
Fig. 2. Idem. Structure des globules. 
a. Comme dans la figure précédente À 
b. Globules à surface unie. 
c. Globules avec de petits grains à l’intérieur. 
Fig. 3. Membrane du cordon ombilical. 
Fig. 4. Tissu cellulaire du même cordon. 
Fig. 5. Cellules qui forment les granulations sur le cordon ombilical du veau. 
Fig. 6. Zdem. On voit les fibres cellulaires en-dessous. 
Fig. 7. Tissu élastique ou jaune de l'utérus de la vache, 
Fig. 8. Fibres musculaires de l’utérus du même animal. 
Fig. 9. Le mème tissu isolé. 
Fig. 10. Villosités du chorion de l'œuf humain. 
Fig. 11. Cristaux de la liqueur de l’amnios ( liquor amnit). 


V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à sote. 229 


Recxercees anatomiques et physiologiques sur la maladie con- 
tagieuse qui attaque les Vers à soie , et qu’on désigne sous le 
nom de MuSCARDINE, 


Par M. V. AupouIw, 


Professeur-administrateur au Muséum d'Histoire naturelle, membre de la Société royale et- 
centrale d'agriculture de Paris, 


(Présentées à l Académie des Sciences, le 25-juillet 1836.) 


Chaque année, les éducateurs de Vers à-soie d'Italie et du midi 
de la France ont à redouter une maladie , la Muscardine, qui, 
lorsqu'elle se montre, exerce ses ravages instantanément et sur 
presque tous les insectes réunis dans un même local. Elle les 
atteint surtout au moment où, après avoir consommé la totalité 
des feuilles nécessaires à leur nourriture, ils ont achevé leur 
développement et sont prêts à filer leur cocon. Souvent le mal 
se déclare pendant que cette opération commence ou s'achève, 
et, dans tous les cas, le résultat est le même. Aucun de ceux 
attaqués n'échappe ; la mort les saisit tous! 

On conçoit que des observations qui auraient pour but de 
faire connaître la cause de ce terrible fléau, et qui ensuite 
instruiraient les praticiens sur les moyens de le détourner, 
devraient être accueillies avec empressement: aussi l'annonce 
que fit, en 1835, M. Bassi de Lodi du résultat heureux qu'il 
assurait avoir obtenu après de longs essais , fitelle une trés 
graride sensation. 

Suivant lui, la Muscardine serait due à la naissance d’une 
petite plante cryptogame, ou, en terme vulgaire, d’une o1- 
sissure, qui, se développant à l’intérieur du corps du Ver à 
soie, ne tarderait pas à le faire périr. Ainsi un animal, doué 


230 V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 


de vie et de vie très active; car c’est au moment où le ver a le 
plus de vigueur, qu'il est souvent atteint, pourrait fournir à la 
nourriture d'un être végétal. Les deux règnes organiques mis 
en contact immédiat, il y aurait entre eux (qu'on veuille bien 
me passer l'expression, parce qu’elle rend exactement compte 
du fait), il y aurait, dis-je, entre eux , une sorte de lutte dans 
laquelle l'être animé se trouverait dominé et bientôt remplacé 
par celui qui végète. 

Un cas de parasitisme aussi nouveau, et je crois pouvoir 
ajouter aussi anomal , méritait bien que les physiologistes son- 
geassent à le constater; et je dois dire que cela était d’autant 
plus nécessaire, que M. Bassi, après avoir étudié ce sujet 
avec une louable persévérance , n’a pas accompagné l’exposi- 
tion du fait des détails qui, en lui servant d'appui, devaient le 
mettre hors de doute. Le mémoire qu’il a publié à Lodi, en 1835, 
indique des résultats ; mais on n’y trouve pas consignée cette 
série d'expériences qu'on exige aujourd’hui d’un auteur avant 
d'enregistrer dans la science la vérité nouvelle qu'il annonce. 
Aussi M. le docteur Bassi a-t-il rencontré plusieurs opposans, 
parmi lesquels on compte réellement beaucoup plus d'incrédules 
que de contradicteurs. 


C’est parce que moi-même je n’ai pas été convaincu, que j'ai 
voulu souraettre le fait à une nouvelle analyse. 


M. le docteur Bassi a bien voulu me fournir lui-même les 
moyens de me livrer à ces recherches délicates ,en m'envoyant 
par son ami , M. le comte Barbo , une chrysalide de Ver à soie, 
morte de la Muscardine et dont le corps étaitentièrement couvert 
de cette efflorescence blanche et farineuse , qui est un des ca- 
ractères les plus apparens de la maladie. Un botaniste de mes 
amis, bien connu par ses recherches sur les plantes cryptogames, 
M. le docteur Montagne ayant constaté, par l'examen ; au mi- 
croscope, la nature de la matière blanche, je tentai avec cesavant 
etavec M. le comte Barbo lui-même quelques expériences sur 
divers insectes à l’état de larves et de chrysalides. Le 28 avril 1836, 
nous en frictionnâmes quelques-unes , nous en piquâmes 
d’autres; mais nous n'obtinmes aucun résultat, et nous attri- 


V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 231 


buâmes ce manque de succès à la température peu élevée sous 
laquelle nous avions opéré et aux froids qui suivirent. 

J'attendais que la saison fût plus avancée, afin d'opérer sur 
les Vers à soie, dont les éducations ne se font généralement aux 
environs de Paris que dans le courant du mois de juin. 

Je recommençai mes expériences le 21 juin:elles furent faites 
sur plus de cent Vers , que M. Loiseleur-Deslongchamps voulut 
bien in’abandonner : ils appartenaient à une très belle variété, 
dite Sina, et étaient éclos àParisle 28 mai. Les premiers individus 
sur lesquels j'opérai étaient âgés par conséquent de vingt-quatre 
jours. Déjà ils avaient subi trois mues et ne devaient pas tarder 
à opérer leur quatrième et dernière. 

Les circonstances dans lesquelles j'ai agi ont été, quant au 
degré de température, de 25 à 35° centigrades. 

Laissant pour le moment de côté les applications pratiques, 
je me proposai de décider par l'expérience les questions qui 
suivent : 

1° L’efflorescence blanche , de nature végétale qui se déve- 
loppe sur le corps d’un Ver à soie, mort de Muscardine, peut- 
elle, lorsqu'elle est inoculée sur un individu sain, produire une 
maladie semblable dans les symptômes qui accompagnent et 
dans les effets qui la suivent; et , s’il en est ainsi, ces insectes 
sont-ils aptes à la contracter à leurs divers états de Chenille, de 
Chrysalide et de Papillon ? 

2° Le développement de la matière efflorescente, que l’on a 
reconnu être un cryptogame, à-t-il lien immédiatement après 
la mort de l'insecte, ou bien végète-t-il déjà à l’intérieur de son 
corps pendant sa vie. Dans ce dernier cas, quelles sont les 
altérations organiques que l’on remarque? 

3° Dans quelles circonstances l'accroissement du cryptogame 
se manifeste-til à la sur'ace du corps du Ver à soie? Quels sont 
les caracteres de cette végétation extérieure ? 

Le 23 juin à 5 heures du soir, le thermomètre centigrade 
marquant 26 degrés , je pris ro Vers à soie, bien portans et 
choisis parmi ceux qui étaient les plus vigoureux; ils avaient 
15 à 16 lignes de longueur ; je les piquai au côté gauche en 
arriéreetun peu au-dessus du septième stigmate; l'aiguille avec 


252 V. AUDOUIN. — Maladie des l’ers à sote. 


laquelle j’opéraïs fut enfoncée d’une ligne , et dirigée oblique- 
ment d’arrière en avant sous les tégumens, de manière à n’in- 
téresser aucun organe essentiel. Aussitôt il séchappa une gout- 
telette d’un liquide jaune et limpide. Cette piqüre étant faite, 
je saisis avec la pointe de l'instrument une petite parcelle de la 
matière blanche(de la grosseur d’un quart de millimètre en tous 
sens ), ou du cryptogame qui recouvrait la chrysalide, envoyée 
par M. le docteur Bassi, et je l'introduisis sous la peau par la 
piqüre (x). 

Au bout de 5à 6 minutes d’agitation, mes vers à soie man- 
geaient avec la même tranquillité qu'avant l'expérience. La 
cicatrisation s'était faite presque instantanément , c’est-à-dire, 
que le liquide écoulé en une seule gouttelette au moment de 
l'opération n’avait pas tardé à se figer autour de la plaie. Le 
lendemain matin 22, la place en était indiquée par un très 
petit point noir. Pendant cette journée, ces insectes parurent 
aussi bien portans que 10 autres Vers intacts mis comparati- 
vement en expérience dans des circonstances tout-à-fait ana- 
logues, et qui reçurent une nourriture semblable. 

Le 23 juin et le 24, ils se disposèrent à changer de peau , 
ne prirent plus de nourriture et restèrent immobiles ; c’est ce 
que firent aussi les vers sains auxquels je les comparais. Le 
25, les uns et les autres subirent leur quatrième mue. 

Le 26, à 5 heures du soir et même à 11 heures, les Vers à soie 
sur lesquels j'avais opéré, mangeaient comme de coutumeet peut- 
être plus que de coutume. Du r:ste, et bien que déjà 5 jours se 
fussent écoulés depuis l'introduction da cryptogame à l'inté- 
rieur de leur corps, ils ne montraient extérieurement aucune 
altération; leur peau était lisse et blanche, leur corps consis- 


(x) Je dois remarquer qu’il ne faut pas d’abord saisir la matière blanche avec la 
pointe de l'aiguille et piquer ensuite , car il résulterait presque toujours de cette manière de 
faire, que la gouttelette qui s'écoule par la plaie entraînerait avec elle cette matière, qui spé- 
cifiquement plus légère resterait à la surface, et que l'aiguille seule pénétrerait dans le corps. 
On piquera donc d'abord, puis après avoir pris avec la pointe de l'instrument une petite 
parcelle du cryptogame, on l’humectera avec le liquide qui baigne le contour de la piqüre ; 
une fois imbibée et elle s’imbibe facilement, on la fera pénétrer dans la plaie : en agissant 
sous une loupe on pourra s'assurer que l'opération a été bien faite. C’est ainsi que j'ai opéré 
sur les dix individus de cette première expérience . 


V. AUDOUIN. — Maladie des l’ers a sote. 233 


tant; ils avaient enfin, la plus belle apparence. Et cependant, 
le lendemain 27 à 5 heures du matin, neuf d’entre eux étaient 
fixés par leurs pattes en couronne, relevaient la partie anté- 
rieure de leur corps et se tenant immobiles présentaient l’at- 
titude qu’on leur remarque lorsqu'ils se préparent à muer ou 
lorsqu'ils sont en repos. Je leur offris des feuilles de mürier ; 
ils les refusèrent et rien ne put les décider à sortir de cet état 
de somnolence. Ils le conservèrent tout le jour : le lendemain 
28, à 4 heures du matin, ils avaient cessé de vivre. Leur corps 
généralement mou, flasque dans certaines places était appliqné 
dans toute sa longueur à la surface du sol, non pas en ligne 
droite, mais en décrivant de légères et irrégulières ondulations. 
Les tégumens de la plupart étaient en tout ou en partie d’un 
rouge violacé ou lie de vin très pâle. Cette couleur paraissait 
plus foncée et même d’un rouge brunâtre autour de la cicatrice 
de la piqüre. 

Le 29, les cadavres offraient un tout autre aspect, ils avaient 
pris une certaine raideur, quelques-uns s'étaient contournés 
sur eux-mêmes. En sorte , que ces vers semblaient comme tor- 
dus ; chez d’autres, la partie antérieure et la partie postérieure 
s'étaient redressées en haut, et le corps figurait un arc; ail- 
leurs il s'était contracté de manière à former une sorte d'S. 
Quelques-unes des pattes en couronne, s'étaient allongées 
excessivement, beaucoup plus qu’elles ne le sont jamais dans 
l'état naturel, tandis que d’autres se trouvaient rentrées dans 
le corps qui lui-même avait beaucoup diminué de volume. 

Le 30 juin, je vis poindre de légères efflorescences blanches 
à la partie supérieure de ces cadavres et ordinairement d’abord, 
dans l'intervalle des anneaux qui avoisinaient l'endroit où avait 
été pratiquée l'inoculation. En même temps, les orifices res- 
piratuires se remplirent de ces mêmes efflorescences d’appa- 
rence farineuse. Le lendemain, et durant trois jours, cette ma- 
tiére alla en augmentant, et elle finit par envahir toute la surface 
du corps. (PL 10 , fig. 3 et 6.) 

Cest donc 6 jours après que j'ai eu introduit une petite 
parcelle du cryptogame à l’intérieur du corps de 10 Vers à soie, 
que 9 d'entre eux ont paru malades; et c’est après 7 jours qu’ils 


234 V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 


sont morts. L'individu qui a échappé, a subi sa métamorphose 
en nymphe et s’est changé en papillon , de même que les ro 
individus élevés dans des conditions semblables, mais sur les- 
quels aucune opération n'avait été tentée: 

Cette expérience qui est une répétition de celles dont 
M. Bassi à fait connaître le résultat, a été renouvelée du 
25 juin au 3 juillet sur 8, 15, 18 individus qui n'avaient pas 
encore opéré leur dernière mue , et toujours j'ai obtenu des 
effets analogues. Ayant aussi fait plusieurs essais sur diverses 
chenilles (celles du grand Paon, du Papillon Machaon , du Zipa- 
ris dispar, etc.) , Jai vu se développer chez ces insectes la Muscar- 
dine, et avec elle tous les phénomènes quil’accompagnent et qui 
la suivent.Un des membres de l’Académie des Sciences, M.Turpin, 
a été témoin du même phénomène, en soumettant à l'expérience 
la Chenille du Bouillon blanc (Cucullia verbasci). Enfin, il avait 
été également remarqué chez la mèmechenille, par M. Bonafous, 
qui, dès l’année 1829, a consigné cette observation, dans un 
mémoire sur l'emploi du chlorure de chaux pour purifier l'air 
des ateliers de Vers à soie. En sorte que, plus d’un témoignage 
vient aujourd’hui à l’appui de la remarque de M. Bassi , et con- 
firment particulièrement son opinion sur la transmission de la 
maladie. 

Il n’était pas indifférent de savoir si cette transmission aurait 
également lieu à un âge plus avancé du Ver à soie, par exemple, 
lorsqu'il ne prend plus de nourriture et au moment où il se dis- 
pose à filer. 

Le premier juillet, à sept heures du soir, je pris 20 indivi- 
dus qui se trouvaient tous dans cette circonstance. Ils furent 
piqués au côté gauche du corps entre le neuvième et le dixième 
anneau au-dessus du stigmate. L'inoculation fut pratiquée avec 
des parcelles de cryptogame prises sur la chrysalide muscardinée 
que m'avait envoyée M. Bassi,et de lamème manière que dans les 
expériences précédentes. Le 2 et le 3 juillet, la plupart des vers 
entreprirent de filer; d’autres ne se mirent activement à l’œu- 
vre que le 5 et le 6. Sur ces 20 individus, six conservérent 
une santé parfaite, les 14 autres, furent frappés de mort à 5 et 6 
jours d'intervalle. 4 d’entre eux moururent lorsqu'ils avaient 


Y. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 235 


filé la bourre lâche et irrégulière , de leurs cocons ou ébauché 
leurs coques (PI. 10, fig. 2). Il y en eut 7 qui avancèrent un peu 
plus leur travail, mais ne l’achevèrent point. J'en comptai trois 
autres qui le terminèrent , mais qui périrent sous leur forme 
de ver; enfin ur seul se métamorphosa en chrysalide ; mais 
cette chrisalide éprouva bientôt le même sort. 

Le Ver à soie, quand il a terminé son cocon, ne se change 
pas immédiatement en chrysalide, il reste pendant quelque 
temps à l’état de chenille, mais de chenille très courte et rabou- 
grie ; les pattes sont moius suillantes , les anneaux du corps se 
rapprochent, et la peau qui les forme, de mince qu'elle était, 
devient beaucoup plus dense. J'étais curieux de tenter sur une 
chenille présentant cette condition l'expérience qui m'avait si 
bien réussi sur les Vers moins avancés en âge. 

Le 7 juillet, je pris de très petites parcelles de Cryptogame 
sur la chrysalide dont il a été déjà question, et je les inoculai 
à 4 heures du soir sur bo Vers à soie, qui avaient achevé en- 
tiérement leurs cocons. Ils furent piqués au côté gauche en 
arrière du troisième stigmate. Le lendemain je fus surpris de 
voir que malgré cette opération , ces individus, hors un seul 
qui succomba (PI. 10, fig. 4), avaient subi leur métamor- 
phose en nymphes. Ces nymphes étaient douées de vie; le 9, le 
10 et le r1 elles présentaient le même aspect ; mais Le lendemain 
12 elles étaient toutes mortes, et l’une d’entre elles montrait 
déjà de légères efflorescences à l'extérieur. 

Jusqu' ici je n’avais pratiqué l’inoculation que sur des Vers à 
soie ayant leur forme de chenille, et il me parutintéressant d’en 
faire l'essai sur les Chrysalides elles-mêmes. 

Je choisis dix Chrysalides, cinq d’entre elles furent soumises à 
l'expérience, le 8 juillet à 7 heures du matin. Je n’opérai sur les 
cinq autres que le 11 à la même heure. La matière efflores- 
cente, qui provenait de la même source que dans les inocula- 
tions précédentes, fut introduite au côté gauche du corps en 
arrière du premier stigmate abdominal. Les chrysalides de la 
première expérience moururent toutes le 12 juillet, elles ne 
tardèrent pas à se déformer et à se dessécher sans qu'il parût 
à la surface de leur corps aucune efflorescence. 


236 V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 


Les cinq autres chrysalides périrent également, mais deux 
Jours plus tard; elles se dessechèrent, à l'exception d’une seule, 
sur laquelle je vis'paraître quelques petits linéamens blancs, 
qui sortaient de chacun des stigmates et qui se montraient 
ensuite dans les intervalles des anneaux et entre les lignes qui 
dessinent les pattes et les antennes du futur papillon (PL 10, 
fig. bet 7). Ces deux expériences me parurent assez décisives 
pour que je ne crusse pas utile de les répéter; elles me prou- 
verent que la Muscardine était aussi bien transmissible par 
inoculation à l'état de Nymphe qu'à celui de Larve, et que 
la mort qui en était la conséquence, survenait dans un temps 
égal, c’est-à-dire vers le cinquième jour. 

Il restait pour compléter cette série d'expériences à tenter 
linoculation sur les Vers à soie arrivés à leur état parfait. Le 
14 juillet je fis choix de dix Papillons, cinq mâles et cinq 
femelles, éclos depuis deux jours et qui n'avaient eu encore 
entre eux aucun contact. La substance inoculée fut encore 
prise sur la chrysalide envoyée par M. Bassi. Elle fut intro- 
duite avec toutes les précautions convenables dans l’inter- 
valle membraneux et dénudé de poils, qu'on remarque au- 
dessous du corps, entre le deuxième etle troisième segment abdo- 
minal. Ilétait midi : le lendemain 15 et le surlendemain 16 les 
insectes, tenus chacun isolément, continuaient de vivre. Le r7 
ils étaient tous morts, leur corps était dur et comme desséché; 
mais à cause de la présence des poils et parce qu'aucun ne 
montrait d’efflorescence, il était difficile de décider s'ils avaient 
succombé à la Muscardine. Ce qui me le fit penser, c’est que 
dans l'état naturel , leur vie se fût prolongée bien au-delà de 5 
jours, surtout dans l’'empêchement où je les avais mis de s’ac- 
coupler. (1) 

Ainsi l’inoculation de lefflorescence végétale, qui se ma- 
nifeste à la surface du corps des Vers à soie frappés de 
Muscardine, peut transmettre la maladie, non-seulement aux 


(x) Je m'assurai ensuite positivement que ces papillons étaient muscardinés, en placant leur 
cadavre sur une couche de sable humectée, et recouverte avec une cloche. Douze heures s’é- 
faient à peine écoulées, que leur corps était couvert des filamens du eryptogame qui s'étaient 
fait jour particulierement entre les articulations de l'abdomen et aux orifices stigmatiques. 


V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie: 237 


chenilles et aux nymphes, mais encore aux papillons eux- 
mêmes. Ce fait n’est pas sans intérêt pour les éducateurs de 
Vers à soie qui devront éviter de laisser dans des lieux suspects 
d'infection les papillons dont ils auront fait choix pour re- 
produire l’espèce. Cette précaution est d'autant plus impor- 
tante à prendre que l'observation semble avoir établi d’une 
manière certaine, que les œufs ou comme on le dit vulgai- 
rement la graine , qui provient d’une éducation infestée de 
muscardine , donne l’année suivante une génération plus sus- 
œæptible qu'aucune autre, d'être atteinte par la maladie, à leur 
naissance et même vers l’époque de leur quatrième mue. Si, 
comme j'en ai acquis la preuve, des papillons ayant le principe 
du mal, ne laissent pas cependant de s’accoupleretde reproduire, 
on conçoit jusqu’à un certain point, que les œufs résultant de 
cette union pourront, si ce n'est absorber, au moins conserver 
à leur surface le germe de la Muscardine, qui plus tard se pro- 
pagera , lorsque viendront des circonstances favorables. 

Je crois avoir répondu affirmativement par les expériences 
précédentes à cette première question que je m'étais faite,et que 
j'ai enoncée en ces termes: l’efflorescence blanche et de nature 
végétale qui se développe sur Le corps d’un Ver à soie mort de 
Muscardine , peut-elle, lorsqu'elle est inoculée sur un individu 
sain produire une maladie analogue dans les symptômes qui 
l’accompagnentet dans les effets qui la suivent. Je crois aussi avoir 
prouvé que: ces insectes sont aptes à la contracter à leurs divers 

états de Chenille, de Nymphe et de Papillon. 

J'aborde maintenant cette seconde question : Ze développe- 
ment de la matière efflorescente , que l’on a reconnu étre un 
Cryptogame, a-t-il lieu immédiatement Après La morr de l’in- 
secte, ou bien végèle-t-il à l’intérieur de son corps PENDANT s4 
vis; dans ce dernier cas, quelles sont les altérations organiques 
que l'on remarque ? 

C'est un fait si extraordinaire et si anomal que de voir 
une plante végéter sur un animal pendant qu'il vit, qu'on 
ne doit certainement l'admettre que sur des preuves irré- 
cusables , et qu'après avoir épuisé toutes les explications qui 
feraient rentrer ce fait exceptionnel dans le cadre de lois géné- 


238 Ÿ. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 


rales. Parmi ces explications il en est une qui m'a semble mé- 
riter qu'on sy arrêlàt: ne pourrait-on pas admettre que la 
plante Cryptogame ne commence à croître qu'après la mort 
de l'insecte, ce qui d’ailleurs s’accorderait très bien avec l'ap- 
parition de la matière blanche et d'aspect farineux qui ne se 
montre jamais au dehors qu'après que l’insecte a cessé de vivre. 
Alors , au lieu de supposer que la plante, par l'acte de sa végé- 
tation fait périr l'animal , on pourrait penser que cet effet est 
dû à quelque propriété délétère qu'elle possède et que son 
développement ne commence réellement qu'aussitôt apres la 
mort. 

Cette manière de voir qui réduirait ce phénomène à celui 
que nous présente toute végétation favorisée par des matières 
animales mortes et en état de décomposition, avait quelque 
chose de spécieux et je my serais arrêté avec plusieurs per- 
sonnes, qui partagent aujourd’nui cette opinion , s'il n'eût été 
encore préférable de s’en rapporter à l'expérience. 

Celle qui me sembla la plus simple et en même temps la plus 
concluante fut d’inoculer une parcelle du Cryptogame dans le 
corps d’un Ver à soie et de recourir à l'anatomie microscopique 
pour suivre les changemens qui auraient lieu depuis le moment 
de l'introduction , jusqu’à celui de la mort. 

Le 16 juillet à six heures du matin je pratiquai linoculation 
de‘la rnatière blancheet efflorescente du Cryptogame, sur quatre 
Chrysalides récemment métamorphosées. 

Le même jour, à 4 heures du soir, j'en disséquai une et je re- 
trouvai sous la peau, engagée dans la masse graisseuse, dont 
l'insecte à cet état est abondamment pourvu, la parcelle de 
matière inoculé:. Le volume en était un peu augmenté par suite 
de sonimbibition dans le liquide qui penètre le tissu graisseux ; 
d’ailleurs elle n’offrait aucun autre changement: elle se compo- 
sait d’une infinité de sporules er de fragmens de tigelles qui les 
supportaient. 

Je profitai de cette circonstance pour étudier la masse grais- 
seuse; elle présente dans la chrysalide du Ver à soie les carac- 
tères qu'on lni a reconnu chez plusieurs insectes, c’est-à-dire 
qu’elle est formée d’une très grande quantité de globules sphé- 


V. AUDOUIN. — Maladie des Lers à soie. 239 


riques, réunis entre eux par d'innombrables trachées (PI. 11, 
fig. 1). Ces globules ont chacun une paroi propre et ils ren- 
ferment dans leur intérieur une foule de très petits corps arrondis 
isolément transparens, mais qui par leur réunion constituent 
une masse d'apparence opaque (fig. 2). Lorsque accidentellement 
on déchire les globules sphériques , ces petits corps intérieurs en 
sortent et nagent dans le liquide environnant. Je décris cette 
structure et cet arrangement, etje les représente, afin de rendre 
plus facile à apprécier les changemens que ces parties pourront 
éprouver. 

Le 18 juillet , à 7 heures du matin, je disséquai une seconde 
chrysalide et je remarquai un changement assez important 
quoique peu sensible. 

La parcelle du Cryptogame que j'avais fait pénétrer dans le 
corps , présentait à son pourtour quelques prolongemens qui 
ressemblaient à autant de radicelles ; c'était le Thallus qui déjà 
commençait à se montrer (1) ;1ls la débordaient en toutsens,et il 
me parut évident qu'ils étaient dus à un accroissement excen- 
trique de cette petite masse. Je remarquai en outre sur le trajet 
du Thallus nouvellement formé, une quantité de petits globules 
dont les uns adhéraient à ce thallus, tandis que d’autres étaient 
libres. Enfin, ces mêmes radicelles me parurent en contact im- 
médiat par leur extrémité avec les globules graisseux du corps 
de la chrysalide. Tout cela ne dépassait pas en diamètre la lon- 
gueur d'une demi-ligne, et il fallait employer un grossissement 
de 3 à 400 fois pour distinguer ces divers détails avec quelque 
netteté ; cependant la chrysalide ne semblait nullement sout- 
frir ; c'était le second jour depuis Pinoculation. 

Le 19 juillet, j'examinai une troisième chysalide qui parais- 
sait encore bien portante. Ici, toutefois, il ne pouvait y avoir 
aucun doute sur l'accroissement prodigieux que le Cryptogame 


(x) Je me sers indistinctement de l'expression de Radicelle et de celle de T'hallus pour dé- 
signer ces Végétations naissantes; mais il est certain que ce dernier nom leur convient seul; 
en effet , le développement du Botrytis du Ver à soie, présente des phases en tout com- 
parables à celles que M. Dutrochet a si bien observées, et qu'il a particulièrement fait connaître 
dans son intéressant mémoire sur l'Origine des moisissures (Ann. des Sc. nat. 2° série, tom. 1, 
p. 30). 


240 V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 


avait pris à l’intérieur, le thallus se composait de nombreux fila- 
mens (PI. 11, fig. 10)qui occupaient dans le corps dela nymphe 
une surface de plus de trois lignes. C'était encore la couche 
graisseuse qui se trouvait envahie. On voyait une multitude de 
ces sortes de radicelles qui partaient en divergeant de la petite 
masse du Cryptogame inoculée (PL 11, fig. 10 , a. ); parmi ces 
rameaux dont il était aisé d'observer la structure à l'endroit 
où ils étaient moins nombreux , les uns étaient simples, se 
divisaient à l'infini et s’anastomosaient avec les rameaux voi- 
sins à. b.; les autres offraient sur leur trajet des espèces de pe- 
tits bourgeons ( c.c.); plusieurs se terminaient par des vésicules 
ou par des sortes de tubes biloculaires, triloculaires, qua- 
driloculaires (d. d. d.), etc. , dont l'intérieur, ainsi que celui des 
parties filamenteuses , était rempli de granules irrégulièrement 
arrondis ou ovales. Indépendamment de ces granules, on en 
voyait plusieurs autres entièrement libres qui fixèrent mon 
attention à cause de leur volume et de leur forme globuleuse 
et conique. Ces corps vésiculeux rerfermaient aussi dans leur 
intérieur une foule de granulations. Les uns étaient uniques, les 
autres étaient accolés bout à bout au nombre de deux, de trois 
ou de quatre (PI. 11 , fig. 9); d’autres fois la réunion avait lieu 
autour d’un axe et à l’aide de tubes membraneux; souvent il 
partait de l’une ou «le l’autre} de leurs extrémités ou de toutes 
deux en même temps des espèces de tigelles qui, prenant de 
l'accroissement , ne tardaient pas sans doute , lorsque ces corps 
se fixaient sur un point quelconque , à devenir le centre d’une 
nouvelle végétation radicellaire. Cette observation m'apprit que 
le Cryptogame avait deux manières de se propager à l'intérieur 
du tissu graisseux dé l’insecte; lune par les filamens du thallus 
qui naissent directement des nombreux sporules de la petite 
portion du Cryptogame qui a été inoculée ( fig. 10) ; l'autre par 
ces espèces de globules flottans (fig. 9) qui, détachés de la 
masse du thallus, sont chariés ensuite par le liquide ambiant. 
Il restait à expliquer un point important d'anatomie patho- 
logique : le tissu graisseux, comme on a pu le voir, est le siége 
du développement radicellaire de la plante; mais quelles sont 


Y. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 2x 


les altérations qu'il subit et comment fournit-il à ce dévelop- 
pement ? 

L'inspection microscopique que j'avais faite des chenilles, des 
nymphes et des papillons m'avait toujours montré que là où le 
Thallus était formé, il n'existait plus aucune trace de globules 
graisseux,ni de trachées ; et d’un autre côté j'avais constamment 
remarqué que partout où se montraient des globules graisseux 
et des trachées , on ne rencontrait encore aucune trace de 
Thallus. Sans aucun doute ,il y avait un point intermédiaire 
à ces deux états. J’eus la satisfaction de le découvrir et de 
l’ebserver ensuite un grand nombre de fois. En effet ,je remar- 
quai que , lorsque l'extrémité des radicelles où un de ces corps 
libres et flottans (PI. 2. fig. 3. a. b.b.) dont j'ai parlé se trouvait 
en contact avecune masse de globules graisseux, ceux-«1 étaient 
disjoints (d.d.), et que les trachées qui les réunissaient dis- 
_paraissaient entièrement; puis, je crus voir que le globule grais- 
seux lui-même ne tardait pas à s’affaisser (c.c.). 4 paraissait 
comme déchiré et il en sortait une foule de granules d’une té- 
nuité excessive qui nageaient dans le liquide ambiant et qui 
avaient une ressemblance frappante avec les granules contenus 
à l'intérieur des radicelles qui se formaient. 

Les observations que je viens de faire connaître sont, je le 
pense, ässez concluantes pour qu'il ne me semble pas néces- 
saire de les développer davantage ; j'ajouterai que je les ai ré- 
pétées sur un grand nombre de Vers à soie à divers états, et que 
toutes ces recherches subséquentes ont confirmé les résultats 
que jé viens d'exposer. Ils ne permettent plus de douter qu'un 
* cryptogame ne se développe parasitiquement dans Pintérieur du 
corps des insectes durant leur vie; etque éette végétation ne soit 
unique cause de leur mort. 

Il me reste à aborder la troisième question que je me suis 
faite; mais je la traiterai très brièvement, car elle est du 
ressort de la Botanique , €t je n'ai pas assez de loisir pour 
empiéter sur son domaine. Jusqu'ici je n'ai étudié le Crypto- 
game qu’à l'intérieur du corps de l'insecte, et je me suis borné à 
représenter et à décrire son merveilleux réseau radicellaire ou 


Thallus; il restait à savoir quand et comment il arrive que la 
VIIL, Zoor, — Octobre, 16 


2/2 V. AUDOUIN. — Maladie des Pers à soie. 


plante végète au dehors du corps et quels sont les caractères 
de cette végétation extérieure. 

MM. Bassi et Balsamo nous ont instruit de diverses conditions 
qui sont nécessaires pour que le Cryptogame se montre à la 
surface du corps sous forme d’une matière blanchâtre. Jamais 
on ne y voit pendant la vie de l’insecte, il n’y paraît qu'après sa 
mort , souvent même ilne s’y développe pas. Une série d'expé- 
riences m'a démontré que, d’une part le desséchement trop 
prompt de la peau de l’insecte, et de l’autre l’état atmosphérique 
trop sec, étaient les principales causes de ce non-développement 
à l'extérieur. En effet toujours j'ai pu à volonté faire paraître 
sous mes yeux et en très peu de temps, le Cryptogame à la sur- 
face du corps, et cela chez des individus dont le cadavre était 
durci depuis long-temps : une année et plus. Il m’a suffi, pour 
produire ce phénomène de les mettre pendant un jour ou deux 
. Sous une cloche renversée sur du sable humecté. 

J'aurais pu, à l’aide de ce procédé, étudier jour par jour et 
heure par heure, ie Cryptogame à sa sortie du corps. Je ne Fai 
pas fait avec tout ce soin, parce que je n’ai pas cru nécessaire à 
mon objet de m’engager dans des recherches qui m’eussent pris 
beaucoup de temps et quine manqueront pas d’être entreprises 
par les botanistes. 

Toutefois , ce que j'ai accidentellement observé à paru assez 
nouveau et assez intéressant à quelques-uns d’entre eux, pour 
qu'ils m'’aient engagé à le publier. Les figures qui accompagnent 
mon mémoire, me dispenseront d'entrer dans de longs détails 
descriptifs. 

Un Ver à soie à l’état de chenille étant mort de la Muscardine, 
je vis paraître à la fin du 3” jour une légère etflorescence; elle 
se manifesta entre le 6" et 7” anneau du corps. Cette matière, 
ayant été enlevée avec l’épiderme sur lequel elle était implantée, 
je posai le tout de profil sur le porte-objet d’un microscope. La 
section avait été assez heureusement faite pour que je puüsse 
distinguer parfaitement et sans aucune confusion les tiges de ce 
jeune Cryptogame. Elles étaient -simples, droites où légère- 
ment courbées, et supportaient toutes des globules parfaitement 
arrondis; les uns, au nombre de 3 à 6, 10, 20, 25, occupaient 


V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 243 


l'extrémité de la tige; les autres étaient placés sur sa longueur et 
formaient deux séries opposées et parallèles (PL. :r, fig. 5, 6, 7). 
Sur une autre chenille, la matière blanche était beaucoup plus 
abondante, parce que son développement datait de près de 
8 jours. Chez diverses chrysalides les fiiamens étaient enchevé- 
trés d’une manière inextricable; les uns portaient des globules irré- 
gulièrement espacés (fig. 8), et les autres en étaient complètement 
dépourvus (fig. 4). Je passe sous silence plusieurs observations du 
même genre. (1) 


EXPLICATION DES PLANCHES, 


PLANCHE :0. 


Vers à soie et Chrysalides atteints de Muscardine, 


Fig. r. Vers à soie trois jours après la quatrième mue et encore säin, 


Fig. 3. Le même, mort de Muscardine depuis quatre jours. Son cadavre contracté enS 
est entièrement couvert du Botrylis_ qui a l'apparence d’une poudre farineuse. 


Fig. 6. Aulre Ver à soie du même âge qui a succombé à la Muscardine, et dont le 
corps n’a pas éprouvé une aussi forte contraction. 

Fig. 2. Ver à soie muscardiné quatre jours avant de faire son cocon, et qui est mort après 
en avoir filé la bourre. Le Botrytis commence à poindre à la partie dorsale particulière- 
ment dans les interstices des anneaux. 


Fig. 4. Autre Ver à soie auquel on a inoculé la Muscardine après qu’il a eu achevé son 
cocon, Son corps contracté indique qu'il était sur le point de le changer en Chrysalide, On 
a encore représenté ici le Botrytis commençant à pousser au dehors entre les intervalles 
des anneaux, 

Fig. 5. Chrysalide de Ver à soie à laquelle on avait inoculé la Muscardine et qui a suc— 
combé. On voit poindre le Potrytis dans les interstices des anneaux postérieurs et dans chacune 
des ouvertures de la respiration. : 


(x) Létude'que j'ai faite du Botrytis qui produit la muscardine m'a naturellement conduit 
à rattacher à çe phénomene un fait du même genre, qui depuis long-temps a fixé l’atten- 
tion des bolanistes; je veux parler de ces végélations singulières qu'on a rencontrées sur les 
cadavres de certains insectes , particulièrement sur ceux de diverses espèces exotiques et 
qu'on a désignées sous le nom vulgaire d'énsectes végétans, Ten ai étudié surtout une qui 
wient sur une Guèpe des Antilles du sous-gepre Polistes, je la dois à l'obligeance de M. le 
baron  Larrey, qui a bien voulu mettre à ma disposition une vingtaine d'individus qui 
lui ont été récemment adressés et avec Jesquels je compte tenter divers essais d’inoculation. 

16. 


244 V. AUDOUIN. = Maladie des Vers à soie. 


Fig. 7. Autre Chrysalide montrant dans un degré plus avancé la végétation extérieure 
du Botrytis, les tigelles blanches sortent non-seulement entre les anneaux et dans les ouver- 
tures sugmatiques, mais dans les sillons qui dessinent les ailes, les pattes et les antennes 
du papillon. 

Fig. 8. Chrysalide récemment morte de Muscardine, et qui ne présentait encore au- 
cune végétation extérieure. On a fait une coupe longitudinale sur le trajet des stigmates, 
afin de mettre à découvert les canaux trachéens qui y aboutissent, et on'a vu que déjà 
ces canaux principaux étaient remplis par les petites tigelles du Botrytis qui se dirigeaient 
vers les ouvertures stigmatiques. La présence de ces tigelles s'explique par le séjour de l'air 
dans les trachées les plus voisines des ouvertures extérieures de la respiration. Le tissu de 
couleur rose uni qui a été mis à découvert dans cette coupe, est la masse graisseuse entièrement 
convertie en un featrage radicellaire ou thallus, on verra la composition de ce Thallus à la 
fig. 10 de la planche suivante. £ 

Fig. 9. Chrysalide d’une Phalère morte de Muscardine et coupée longitudinalement par 
son milieu. Cette Chrysalide devenue très dure ne présentait encore aucune végétation exté- 
rieure, l’intérieur de son corps montrait le tissu graisseux très abondant, transformé en thallus 
et ayant la teinte rose qui le caractérise, On voyait vers le milieu une masse brunâtre, c'est 
le canal intestinal desséché et durci, mais ce qui parut digne d'attention, ce furent deux pe- 
tites cavités sorte de géodes, qui existaient vers la partie dorsale et dont les parois 
étaient tapissées par des tigelles de Botrytis dont plusieurs portaient des sporules ou des 
fructifications. La présence de l'air dans ces cavités avait favorisé le développement du Bo- 
trytis et il s'était fait là une végétation analogue à celle qui avait eu lieu dans les 
stigmates. ; 


PLANCHE IL. 


Développement du Botrytis à l'intérieur et a l'extérieur du corps. 


Cette planche représente , à l’aide du microscope , le développement du Botrytis , tant à 
l'intérieur qu'à l’extérieur du corps du Ver à soie. (Toutes ces figures ont été faites par 
l’auteur à la Camera Lucida. Cette circonstance est une garantie de leur parfaite exactitude.) 


Fig. x. Petite portion grossie du tissu graisseux d’un Ver à soie, prise sur un individu sain, 
Ce tissu est formé de globules qui sont réunies par une foule de fines trachées. 

Fig. 2. Un de ces globules isolé et très grossi. Il recoit un grand nombre de fines trachées, 
dont on voit les tronçons à la périphérie et qui se subdivisent en se ramifiant à sa surface, L’in— 
térieur du globule renferme une matière grumeleuse, 


Fig. 3, Petite portion de la masse graisseuse, prise sur une Chrysalide de ver à soie, qui, 
depuis trois jours , était atteinte de Muscardine, Cette portion, placée immédiatement sur le 
porte-objet , a été dessiné à la camera lucida telle qu’elle s’est montrée : elle se composait d’une 
petite masse semi-fluide grumeleuse , au milieu de laquelle cn distinguait : 1° un ramuscule de 
Thallusle, qui avait été coupé, mais dont les extrémités étaient bien entières; 2° des corpssingu- 
liers 2,6, sorte de gemmules libres et dont on aura une idée exacte en jetant les yeux sur les 
fig. 9 ;3° des fausses membranes cc paraissant être les enveloppes des globules graisseux , qui 
auraient été ouverts; 4° enfin quelques globules graisseux dd, encore intacts et parfaite- 
ment reconnaissables, C’est d’après cette observation que l’auteur a supposé que l’accroissement 


V. AUDOUIN. — Maladie des Vers àsoie. 245 


du thallus amenait la destruction des globules graisseux , qui, en s’ouvrant, laissaient échapper 
une matière grumeleuse que l’on voit, nager dans le liquide, et qui s’assimile au nouvel être 
végétal. 

Fig, 10. Thallus observé le troisième jour de son développement : il nait d'un petit amas de 
sporules gros comme la tête d’une épingle, et qui avait été introduit, par inoculation , sous la 
peau d’un ver à soie, 

a. Portion de la petite masse inoculée, très grossie. On y distingue encore beaucoup de 
sporules et quelques fragmens des tigelles qui les supportent. 

bc d. Thallus qui est sorti de toute part de cette masse, et qui commence à s’enchevêtrer 
de manière à former un réseau,qui envahit de proche en proche le tissu graisseux et finit parle 
remplacer complètement. 2 raineaux simples; ce filamens articulés offrant des ramuscules 
naissans ; 4dd espèces de bourgeons uniioculaires, biloculaires, triloculaires, ete., qui terminent 
lesiradicelles. Toutes ces portions renflées et la plupart des filamens renferment dans leur inté- 
rieur, une matière grumeleuse. 

Ce n’est que dans les premiers temps de la formation du Thallus qu'il est possible de le voir 
aussi distinctement. Plus tard le feutrage devient inextricable, Cette figure a été faite dans 
cette circonstance et fidèlement copiée à l’aide de la camera lucida, 

Fige 9. Corps vésiculeux ou gemmules , souvent simples, souvent aussi géminés, réunis 
quelquefois trois à trois, ou bien ajoutés les uns a la suite des autres , et qui libressont charriés 
par le liquide nourricier de linsecte, Ces corps , évidemment détachés de la masse du thallus, 
pe tardent pas à pousser des petites tigelles; puis ils se fixent et établissent ainsi, sur diverses 
parties du tissu graisseux de l’insecte, autant de thallus ou de nouveaux foyers d'infection : 
cependant il peut arriver que ces corpuscules végêtent très sensiblement avant de prendre 
adhérence ; c’est le cas des deux gemmules rameux qui avoisinent la figure ro. 


Fig. 4. Diverses tiges de Botrytis qui ont traversé la peau da ver à soie, et qui forment à la 
surface de son corps l’enduit blanc à aspect farineux. 

Fig. 4. Tigelles observées quelques heures après lenr sortie du corps prises sur les vers à 
soie de la pl. x, fig. 2. Ces tigelles ne portent pas encore de fructification. 

Fig. 5. Botrytis plus avancé, pris sur la chrysalide de la figure 7, pl. r. Les ügelles ,encore 
assez courtes , sont cependant en pleine/fructification. 


Fig. 6 et 7. Quelques-unes de ces tigelles excessivement grossies, pour montrer la manière 
dont s’insèrent les sporules , ssit à leur extrémité, soit sur le trajet des tiges. 


Fig. 8. Tigelle plus développée, couverte de sporules et terminée par des espèces de bouquets 
On voit une de ces extrémités plus grossie , dans le dernier détail à droite de la figure 7. 


= 


, 246 BRULLÉ, — Sur les tarses des insectes. 


OsservATIONS sur l'absence des tarses dans quelques insectes , 


Par M. Brurzé, 


Depuis long-temps déjà les entomologistes avaient vu que 
certains insectes coléoptères de la tribu des Lamellicornes co- 
prophages, tels que le Scarabé sacré (ateuchus) et autres, adoré 
autrefois par les Egyptiens, paraissent dépourvus de tarses, à 
leurs pattes de devant, mais ils en ignoraient la cause; quelques- 
uns seulement supposaient que le genre de vie de ces insectes, 
dont les uns fouillent la terre et les autres roulent entre leurs 
pattes une boule de fiente dans laquelle ils renferment leurs 
œufs, pouvait annoncer la chute des tarses, qui, disaient-ils, 
doivent tomber par l'usage que l’insecte en fait. Quelque peu 
rationnelle que soit cette explication, elle semble cependant 
avoir été adoptée par Latreille. À l’occasion d’un groupe de 
cette famille (onitis) dans lequel il avait remarqué que les mâles 
sont privés des tarses de devant, il dit, dans un de ses derniers 
ouvrages (Règne animal de Cuvier, t. iv): « Plusieurs de ces 
insectes manquent de tarses, soif par naissance, soit parce 
qu'ils sont caduques ». On a lieu sans doute d’être surpris que 
ce naturaliste, après avoir ainsi constaté l'absence des tarses 
chez les Onitis, n’en ait pas recherché la cause. Comment ad- 
mettre, en effet, que des organes aussi essentiels que les tarses, 
qui soutiennent ordinairement l’insecte pendant la marche, et 
qui , formés de plusieurs articulations; renferment des muscles 
pour se mouvoir et des nerfs qui leur donnent la vie; comment, 
dis-je, admettre que ces tarses viennent à tomber pendant la 
vie de l’insecte, et cela d’une manière fréquente dans les Ateu- 
chus, ou même d’une manière constante dans quelques mâles 
d'Onitis? N’était-il pas évident que la chute de ces tarses doit 
constituer une véritable blessure, et qu’elle ne peut'être la suite 
que de quelque combat ou d’un accident grave? Cependant 


BRULLÉ, — Sur les tarses des insectes. 247 


on pouvait penser aussi que la chute des tarses a lieu apres la 
mort de l’insecte, par suite de leur fragilité; mais dans ce der- 
nier cas , on devrait trouver au moins quelques individus pour- 
vus de tarses, ou du moins en offrant quelques vestiges; or, 
c’est ce qui n'arrive jamais. Lorsque je conçus quelques doutes 
sur la validité des interprétations à l’aide desquelles on expliquait 
ce fait, mon premier soin fut d'examiner un très grand nombre 
d’Ateuchus, dans l'espoir de trouver des tarses sur quelques-uns 
d’entre eux; mais, après plusieurs essais infructueux, je décou- 
yris bientôt que mes recherches seraient superflues. En effet, 
non-seulement je ne trouvais pas detarses, je ne trouvais pas 
même le point de leur insertion sur la jambe. On sait que par- 
tout où une pièce vient s’articuler sur une autre, dans l’enve- 
loppe solide des insectes, il existe une perforation au travers 
de laquelle passent les muscles destinés à la faire mouvoir. Je 
devais donc chercher une semblable perforation, et ne la trou- 
vant pas, je dus bientôt en conclure qu'il ne pouvait pas y avoir 
eu de tarse , là où aucune perforation ne se manifestait. Voulant 
en acquérir la preuve, je pris d'autres Lamellicornes copro- 
phages qui sont pourvus de tous leurs 1arses (tels que les Bou- 
siers, les Gymnopleures, etc.), et, après leur avoir enlevé les 
tarses, je comparai leur jambe à celle des Ateuchus et des Oni- 
tis. Dès-lors , il ne me resta plus aucun doute; je pus voir aisé- 
ment sur Ja jambe des Bousiers la perforation dont j'ai parlé, 
tandis que je ne l’observais pas sur celle de l’Ateuchus. Ainsi, 
tout ce qu'il y avait d’inexplicable, de contradictoire, dans l’o- 
pinion reçue jusqu'ici parmi les entomologistes, disparut à l’in- 
stant , et je ne vis plus là qu'un autre phénomène également 
curieux, celui de labsence permanente ou de l’atrophie des 
tarses antérieurs. Je cherchai cependant à m'expliquer comment 
on avait pu, jusqu'à ce jour, rester dans une erreur qu'il était 
si facile de détruire, et je vis que la marche même suivie par la 
nature dans ceite famille d'Iusectes, pouvait en rendre raison. 
On trouve, en effet, que des Insectes très voisins, dont les carac- 
tères et surtout l'aspect sont à-peu-près les mêmes, tels que les 
Ateuchus et les Gymnopleures, par exemple, différent entre eux 
par l'absence ou la présence des tarses antérieurs. On conçoit 


248 BRULLE. — Sur les turses des Insectes. 


aisément que l'œil du naturaliste, accoutumé à voir des tarses 
dans les uns, ne les cherche pas dans les autres, d'autant plus 
que parmi nos espèces indigènes, ou du moins parmi celles qui 
vivent aux environs de Paris, on n'en trouve aucune qui appar- 
tienne à des genres dépourvus de tarses. Comme on ne con- 
naissait les autres qu’à l’état sec, et comme on n’en avait jamais 
que la dépouille, on pouvait, jusqu’à un certain point, supposer 
que cette dépouille nous arrivait toujours incomplète. 

Quant à l'importance physiologique que peut avoir l'absence 
des tarses däns les Coprophages, elle est très obscure, puisque, 
comme je le disais tout-à-l'heure, les insectes les plus voisins 
différent sous ce rapport, et même, dans certains groupes, tels 
que les Phanœus, les mâles sont dépourvus de tarses à leurs 
pattes de devant, et les femelles en ont presque toujours. 
en est à-peu-près de même à l'égard du genre Onitis, dont la 
plupart des espèces sont dépourvues de ces tarses dans les deux 
sexes, et dont les femelles de quelques espèces en sont cepen- 
dant pourvues. Si cette différence remarquable est difficile à 
expliquer entre deux genres distincts, comment l'expliquera-t- 
où dans un seul et même genre? 

Je n’exposerai pas ici les résultats auxquels ces recherches 
mont conduit dans la classification des Coprophages, mais je 
ne puis passer sous silence l'avantage qui peut en résulter pour 
Ja distinction des sexes. Ainsi, dans le genre Phanœus, quel- 
ques espèces de grande taille, tres remarquables par les inéga- 
lités de la surface de leur corselet et par la corne droite et élevée 
de leur tête, qui leur a fait donner les noms de lancifer, enst- 
fer et antres, n'avaient offert jusqu'ici aucune différence entre 
les deux sexes, au contraire de ce qui a lieu dans les autres es- 
pèces du même genre, dont les mâles seuls ont des cornes et 
je corselet pourvu d'apophyses. Cette supposition était assez 
plausible ; car il eüt été surprenant que, sur un grand nombre 
d'individus de ces espèces rapportés jusqu'ici par les voyageurs, 
il re se trouvàt absolument que des mâles. Or, l'observation de 
la présence ou de l'absence des tarses vient confirmer cette sup- 
position, et nous fournit un moyen de distinguer sûrement les 
femelles, Dans les Otis, qui sont à tous égards extrémement 


ISID. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. — ÎVouveaux Mammifères. 249 


voisins des Phanæus, ce résultat coïncide avec une particula- 
rité plus remarquable encore, c’est que les femelles de quel- 
ques espèces offrent sur la tête une éminence ou rudiment de 
corne, dont les mâles n’ont pas le moindre vestige, et cepen- 
dant on ne peut douter que ces individus ne soient véritable- 
ment des femelles, leurs mâles ayant dans la longueur de leurs 
paîtes de devant et dans la courbure irrégulière et la figure 
bizarre des apophyses de leurs pattes en général, des caractères 
qui ne peuvent, en aucune façon, s'accorder avec ceux des fe- 
melles. (1) 


Norice sur deux nouveaux genres de Mammifères carnassiers , 
les Ichneumies, du continent africain, et les Galidies, de 
Madagascar , par M.isin. Grorrroy SAINT-HiLaIRE. (Extrait.) 


« Les saturalistes momenclateurs se plaisent surtout dans l'observation de ca- 
ractères bien tranchés, dans la découverte de différences bien nettes entre les 
êtres qu'ils étudient. En effet, plus grand est l'intervalle qui sépare les diver- 
ses divisions d’un même groupe, et plus la classification de ce groupe est facile 
à faire; plus , une fois faite, elle paraît satisfaisante pour l’esprit. Aussi, lors- 
que , après des recherches plus ou moins longues, un tel résultat a éte obtenu, 
il semble quelquefois que les travaux ultérieurs, loin de constituer de nou- 
veaux progrès, tendent à porter la perturbation dans un ensemble rationnelle - 
ment coordonné de faits et d'idées, Des groupes qui avaient paru bien distincts, 
des groupes que séparait même un large intervalle , se trouvent reliés par la de- 
couverte de types intermédiaires touchant de part et d'autre aux limites de ceux- 
ci; et si le zoologiste philosophe suit avec intérêt toutes ces transitions natu- 
relles par lesquelles s’opère graduellement la fusion de toutes les différences , le 
classificateur hésite presque à regarder comme des progrès, des acquisitions qui 


(1) On se demandera sans doute si l'anatomie ne fournirait point aussi des caractères 
pour reconnaître les sexes. La chose est incontestable; mais la rareté des grands Phanœus en 
question n’a pas permis jusqu'ici de les sacrifier à l'étude. A l'égard des Onitis, l'ouverture de 
quelques individus est venue confirmer l'exactitude de ces observations sur les différences 
sexuelles extérieures, différences jusqu'ici sans exemple dans Les insectes, les mâles, paraissant 


être les seuls qui supportent des saïllies ou des apophyses, 


260 1SID. GEOFFROY SAINT-HILAIRE,— Vouveaux Mammiferes. 


peu-à-peu Ôtent à son œuvre ce qui avait semblé en faire le; mérite principal, 
la précision des caractères ; la netteté des coupes établies. 

Ces remarques se placent naturellement à la tête d’un travail consacré à l’éta- 
blissement des deux nouveaux genres de Viverriens. Autrefois réunion confuse 
d'espèces en partie étrangères les unes aux autres, le groupe des Viverra de 
Linné, revu successivement par M. Cuvier , par mon père et par quelques au- 
tres zoologistes, était devenu parfaitement naturel, et sa coordination semblait 
ne plus laisser rien à désirer, lorsque , il y a quelques années, il se composait 
des quatre genres Civette, Genette, Mangouste et Suricate. Ces genres, en 
même temps que faciles à distinguer entre eux formaient à eux quatre un 
groupe parfaitement défini à l'égard , soit des Ursiens, qui les précèdent, soit 
des Mustéliens qui doivent , les suivre. En même temps aussi, ces quatre gen- 
res formaient une série linéaire assez régulière, et par conséquent satisfaisaient 
àune condition que, pour ma part, je regarde comme impossible à remplir , 
mais que beaucoup de naturalistes ont considérée , et que quelques-uns consi- 
dèrent encore comme l’un des attributs nécessaires d’une bonne classification. 

Nous sommes loin, aujourd’hui, sinon par le nombre des années , au moins 
par le nombre des travaux accomplis, de l’époque où il en était ainsi. Des 
genres nouveaux ont été établis ou proposés, les uns, tels que les Paradoxtres, 
les Ailures, et surtout les Zctides, comblant peu-à-peu l'intervalle qui séparait 
les Viverriens des Ursiens; les autres, tels que les genres Crossarque ct 
Athylace de M. Frédéric Cuvier, Cryptopropte de M. Bennett, Cynictis et 
Mongo de M. Ogilby, et tout récemment encore, l'Ambliodon de M. Jourdan 
s’intercalant entre les quatre genres anciennement connus, et opérant entre eux 
des transitions plus ou moins intimes, en même temps que détruisant la possi- 
bilité d’une classification de tous les Ÿiverra en série linéaire. À tous ces gen- 
res ,ou du moins à ceux d’entre eux qui devront être conservés, j'en ai présen- 
tement deux autres à ajouter, et par eux de nouvelles transitions vont encore 
se trouver réalisées. L’un, que je nomme pour cette raison même Gazinæ, 
Galidia, tend à lier, avec les Mustéliens, les Mangoustes, les Geneties, et par 
elles tout le groupe des Viverriens , déjà lié par d’autres groupes avec les Fe- 
liens, et surtout, par d’autres encore, avec les Ursiens. L’autre, auquel je 
donne le nom d’Ican£umiE, /chnewmia , propre à rappeler ses analogies avec 
l'un des types les plus voisins, lie très intimement les Mangoustes avec le genre 
nouvellement établi, et encore imparfaitement connu, des Gynictis. Le premier 
se compose de trois espèces de Madagascar, dont l’une à peine connue, et les 
deux autres entièrement nouvelles. Le second compte de même, dès à 
présent , trois espèces dont deux connues déjà par de bonnes descriptions, et 
dont l’autre paraît encore inédite. » 


Voici les phrases caractéristiques dans lesquelles l’auteur résume les des- 


criptious étendues qu'il donne dans le cours de son memoire, de ces deux gen- 
res nouveaux, | 


ISID, GEOFFROY SAINT-HILAIRE. — Nouveaux Mamimiferes. 251 


1. ICHNEUMIE,, rcaweumra. — Paumes et plantes en trés grande partie 
velues; membres assez élevés; cinq doigts à chaque pied; pouces courts et pla- 
cés en haut surtout en arrière; ongles assez grands ,un peu recourbés , obtus. 
— Vingt dents à chaque mâchoire ; à la supérieure , trois fausses molaires , une 
carnassière, deux tuberculeuses de chaque côté; à l'inférieure, quatre fausses 
molaires, une carnassière , une tuberculeuse; troisième fausse molaire supé- 
rieure et quatrième inférieure, à quatre tubercules obtus; tuberculeuses des 
deux mâchoires assez étendues. —4 Oreilles à conques très larges et très courtes, 
un mufle; nez assez prolongé. — Queue longue, nullement préhensile ; une 
poche antéanale. —Pelage composé de deux sortes de poils; les soyeux, assez 
longs, rudes, peu abondans; les laineux, doux, abondans et plus ou moins 
xisibles à travers les soyeux. — Crâue renfle dans l'intervalle et un peu en ar- 
rière des orbites; pourtour orbitaire complètement osseux : arcade zygomatique 
étroite et peu écartée du crâne. 

Ce genre habite Afrique, dans la plus grande partie de son étendue cont- 
nentale. Ses espèces, insectivores, en même temps que carnivores, et vivant 
dans des terriers, sont les suivantes : 


» 


1°. Zchneumia albicauda (Herpestes albicaudus. Cuv.; Ichneumon albi- 
caudis . Smxrn). Corps d’un cendré fauve très peu tiqueté, passant au noirà- 
tre en dessus, principalement sur la croupe qui est noire; queue blanche dans 
les trois derniers quarts de sa longueur, Habite l'Afrique australe et le Sénégal. 


2°. Ichneumia albescens, espèce nouvelle , ou peut-être déjà connue, mais 
non distinguée de la précédente (Æerpestes leucurus, Enrexs.?). Corps d'un cen- 
dre clair, très tiqueté de blanc ; queue variée de blanc et de noir dans sa pre- 


mière moitie, blanche dans la séconde. Habite le Sennaar et peut-être le Don- 
gola. ‘ 


3° Ichneumia gracilis ( Herpestes gracilis. Rupr.). Corps d’un cendré un 
peu jaunâtre , partie postérieure de la queue noire. Habite l'Abyssinie, 


II. GALIDIE, czzipra. — Plantes, sauf les talons et paumes nues; mem- 
bres assez courts ; cinq doigts à chaque pied; en arrière, le médian et le qua- 
trième égaux; mais en avant le médian plus long, puis le quatrième, puis le se- 
cond , puis, mais avec une grande difference de longueur , l’externe, et enfin 
l'interne qui est le plus court ; ongles, les antérieurs surtout, assez longs, me- 
diocrement arqués, demi rétractiles, assez aigus À leur extrémité. — A la mà- 
choiré supérieure, vingt dents, ou seulement dix-huit, suivant que la pre- 
mière molaire, qui est rudimentaire, existe ou n'existe pas ; à la mâchoire infe- 
rieure, dix-huit, Incisives supérieures externes ; très grandes et échancrées en 
dehors et en arrière ; canines supérieures presques droites, aplaties en dedans 
les inférieures ; arquées. De chaque côté, supérieurement, trois ou deux 
fausses molaires , une caruassière, deux tubereuleuses ; inféricurement , trois 


252 15. GEOFFROY ST.-HILAIRE. — Syslème dentaire du Protèle. 


fausses molaires, une carnassière, une tuberculeuse. Tuberculeuses moins éten- 
dues que les carnassières. — Oreilles à conques de largeur et de longueur 
moyennes; un mufle; nez médiocrement prolonge. — Queue moins- longue 
que le corps, nuilement préhensile. — Poils soyeux, médiocrement longs, 
serrés, cachant les laineux. — Crâne à peine renflé entre les orbites, et se re- 
trécissant seulement en arrière de ces fosses. Apophyses post-orbitaires des 
frontaux et des jugaux ne se joiguant pas. 

Ce genre se compose de trois espèces, toutes de Madagascar, La première 
paraît avoir été fort anciennemeut indiquée par Flacourt, et M. Smith en a 
récemment décrit les couleurs, sans lui avoir d’ailleurs imposé aucune dénomi- 
nation , soit générique , soit spécifique. Les deux autres espèces sont nouvelles. 


1. Galidia elesans. Corps d'un beau rouge marron foncé; queue presque 
aussi longue que le corps, ornée de larges anneaux alternativement noirs et de 
la couleur générale du pelage. 


2°. Galidia unicolor. Corps d’un brun rougeûtre tiqueté de fauve et de 
noir; queue beaucoup plus courte que le corps et de même couleur que lui. 


3°. Galidia olivacea. Corps d'un brun olivâtre, tiquçté de fauve ; queue de 
même couleur que le corps. 


Outre la description détaillée de ces deux genres et de ces six espèces, 
M. Isidore Geoffroy donne une description plus succincte d’un autre carnassier 
de Madagascar inscrit depuis long-temps dans les catalogues, sous les noms de 
Mustelo striata , Guorr. S.-H., ou de Putorius striatus, Guv. Get animal, 
dont on n'avait connu jusqu’à présent qu'an très jeune individu, doit être re- 
porté, en raison des conditions de son système dentaire, parmi les Viverriens, 
et devenir le type d’un genre voisin, mais distinct des Galidies, auquel le nom de 
Galiclis est donné par M. Isidore Geoffroy, comme pouvant exprimer assez 
heureusement les rapports naturels de ce nouveau genre. Enfin le mémoire de 
M. Isidore Gcoffroy contient aussi quelques recüfications au sujet du genre 
Cynictis, nouvellement établi par Ozilby , et des remarques sur le Vansire de 
Buffon et plusieurs autres animaux mal connus du groupe des Viverriens. 

(Académie des Sciences, 23 octobre 1837.) 


Sur le système dentaire du Protèle, par M. Ysinore GEOFFROY 
SaNT-HrraiRe, (Extrait.) 


On sait qu’autant les conditions du système dentaire se montrent variables 
dans certains ordres de mammifères , tels que les édentés , les cétacés, etc. , au- 
tant elles sont constantes dans le groupe des carnassiers proprement dits 


| 
1$. GEOFFROY ST-HILAIRE. — Système dentaire du Protèle. 253 


ou carnivores. Chez ceux-ci , après les incisives, dont le nombre est même in- 
variable (si ce n’est peut-être chez l’'Euhydre) , viennent des canines toujours 
semblablement disposées, puis des molaires, de deux sortes; les unes, anté- 
rieures , de forme très simple, et seulement accessoires; ce sont les fausses mo- 
laires; les autres, qui sont les carnassières et les tuberculeuses, postérieures , 
de forme très complexe, et jouant le principal rôle dans les fonctions dévolues 
au système dentaire. Ces deux sortes de dents se retrouvent également, soit 
parmi les dents primitives ou de lait, soit parmi les dents permanentes, quel- 
ques différences que puis senailleurs présenter les deux appareils successifs 
de dentition. 

Ces conditions générales du système dentaire des carnassiers ont avec les ca- 
r tères de leurs autres systèmes organiques, une corrélation si évidente qu’on 
pourrait à la première vue la croire nécessaire; et tant qu'aucune exception 
n’a été connue, on a pu supposer toute exception impossible. Cependant, 
il y a dix-sept ans environ, le mémorable voyage de M. de Lalande dans 
VAfrique australe fit connaître dans le Protèle un animal pourvu de molaires 
établies sur un type tout différent, bien que ce genre remarquable appar- 
tienne incontestablement au groupe des carnivores par l’ensemble de ses 
£aractères, et même qu’il offre avec le genre hyène, spécialement avec l'hyène 
rayée, une analogie telle, que l'analyse de ses caractères génériques estfpresque 
nécessaire pour l'en distinguer. 

À la vérité, les Protèles rapportés par M. de Lalande étaient jeunes. En les 
voyant pourvus seulement de quelques molaires très simples , plus ou moins 
rapprochées de la forme conique, à une seule pointe, mal venues et cachées 
en partie dans les gencives, il était donc naturel de penser qu'on n’avait encore 
sous les yeux qu’une première forme du système dentaire, conservée chez de 
jeunes sujets un peu plus long-temps que d'ordinaire , par des causes acciden- 
telles. Telle fut l'opinion qu'émit M. Cuvier ; et c’est dans la pensée que le sys- 
tème dentaire définitif du Protèle devait être analogue’à celui des Civettes , que 
Y'illustre auteur du Règne animal décrivit sous le nom de Genette ou Civette 
hyénvide, Yanimal découvert par M de Lalande. 

En adoptant, comme l'ont fait plusieurs zoologisies, l'opinion émise par 
M. Cuvier sur le système dentaire du Protéle, cet animal se trouverait déjà 
par rapport à tous les autres carnassiers, dans des conditions très exception- 
nelles. Ainsi que je l'ai dit, le premier appareil dentaire, chez ces animaux 
comme chez les quadrumanes et l’homme lui-même, se compose, ontre les in- 
cisives et les canines, de molaires de deux sortes; et même les molaires de lait 
sont généralement analogues, par l’ensemble de leurs caractères , à une partie 
des molaires de remplacement. Le remplacement d’un appareil dentaire aussi 
singulier que celui du Protèle, par un système dentaire établi sur le type com- 
mun, et surtout identique avec. celui de tel ou tel autre carnassier , serait une 
anomalie peut-être plus grande encore que le remplacement de molaires excep- 
tionnelles par d’autres molaires parcillement en dehors du type commun, 


25% 1S. GEOFFROY ST.-MILAIRE. — Système dentaire du Frotèle. 


En établissant en 1824 (1), le genre Protèle , j’Ctais donc fonde à penser que 
son système dentaire définitif présenterait, comme son système dentaire tem- 
poraire , des caractères véritablement génériques ; et il y avait même lieu de pré- 
sumer que ces caractères offriraient un degré d'intérêt bien supérieur à celui 
qui s'attache d'ordinaire à des différences propres à distinguer l’un de l'autre 
deux groupes voisins. Aussi , depuis treize ans , n’ai-je négligé aucune occasion 
de recueillir des renseignemens, et surtout de faire par moi-même des obser- 
yations sur les individus en assez grand nombre qui ont té successivement en- 
voyés en France par MM. Verreaux, neveux de M. de Lalande, et livrés 
après lui, avec un égal succès, à l'exploration de l'Afrique australe. Tout ré- 
cemment encore une immense collection rapportée par l’un d’eux, vient de n@ 
fournir encore de nouveaux matériaux dont l'examen a confirmé les résultats 
de mes recherches antérieures, et m’äutorise à présenter comme positif un ré- 
sultat que j'avais déjà énoncé depuis plusieurs années , mais avec doute , dans 
mes leçons au Muséum d'histoire naturelle (2), savoir : que le Protèle, même 
adulte, a des molaires simples , imparfaites , semblables à celles que j'ai décrites 
et figurées autrefois d’après de jeunes sujets ; en d’autres termes , toutes analo- 
gues à de simples fausses molaires. Parmi les individus que j'ai examinés; la 
plupart m'ont présenté quatre de ces dents simples et imparfaites de chaque côté 
età chaque mâchoire ; mais, sur les quatre, il en est presque toujours quel- 
ques-unes qui, tout-à-fait rudimentaires , restent cachces dans les gencives. 
Quelquefois même , j'ai vu, chez des individus paraissant également adultes , 
Vune des molaires wanquer totalement. Ainsi, non-seulement le Protèle adulte 
n’a pas un système dentaire de yiverra, mais ses molaires ne sont comparables 
à celle d'aucun autre carnassier. Il faut descendre jusqu'aux édentés et aux cé- 
tacés, pour trouver un ensemble de dents aussi simples ; et ici, fait unique dans 
la série animale, elles se trouvent associées avec des incisives et des canines 
parfaitement analogues ,"par leurs formes et leurs dispositions, à celles des autres 
carnassicrs. 

L'état adulte de plusieurs des individus sur lesquels j’ai étudié ce système 
dentaire, est attesté par l'état avancé de leur ossification, notamment par leurs 
tubérosités occipitales très développées. Jajouterai que MM. Verreaux, qui ont 
vu un nombre plus considérable encore de Protèles, ont trouvé à tous le même 
système dentaire, sans excepter une femelle qui allaitait, et dont Pétat adulte 
est par conséquent incontestable , indépendamment de toute autre preuve. Enfin 


/ 


(x) Voyez Description d'un nouveau genre de mammifères carrassiers sous le nom de PROTÈLE, 
dans Je tome xr des Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, et l’article Protèle du Diction- 
naire classique d'histoire naturelle , tome xrv. 

(2) Voyez l'analyse de mon cours de 1835, que M. Gervais a bien voulu publier sous ce 
titre : Résumé des lecons de Mammalogie , professées au Muséum de Paris , pendant l’année 1835, 
par M, Isidore Geoffroy Sairt-Hilaire, Paris, in-8 , 1836. 


FALKONER ET CAUTLEY. — Quadrumanes fossiles. 255 


je dois à M. de Joannis, lieutenant dé vaisseau, commandant en second du 
Luxor, et bien connu des zoologistes par ses recherches sur les Poissons et les 
Mollusques , le dessin d’un animal trouvé mort en Nubie, et qui estincontesta- 
blement un Protèle , quoique cet animal ne nous ait jamais été envoyé que de 
l'Afrique Australe. Ce Protèle de Nubie, peut-être d’une autre espèce que le 
Proteles Lalandii, avait encore exactement le même système dentaire déjà 
connu chez tant d'individus du Cap. 

- Le Protèle manque donc bien certainement de dents propres à la mastication 
dans son état adulte comme dans son premier âge : il avale nécessairement sans 
mâcher , comme au reste le font si souvent aussi, quoique pourvus d’un appa= 
reil dentaire si puissant, quelques autres carnassiers voisins des Proièles, no- 
tamment les Hyènes. 

IL était intéressant de savoir quel est le genre de nourriture d’animaux carni- 
“vores qui n’ont ni carnassières, comme les espèces vraiment carnivores, ni tu- 
berculeuses, comme celles qui associent en partie le régime végétal au régime 
anime]. Les notes que j'ai demandées à M. E. Verreaux m'ont fourni un fait in- 
téressant : le Protèle vit en partie de la chair de très jeunes Ruminans, princi- 
palement de très jeunes agneaux, en partie et surtout des énormes loupes grais- 
seuses qui entourent la queue chez les Moutons africains. Il est inutile d’insister 
sur la concordance remarquable qui existe entre ces habitudes et les conditions 
exceptionnelles du système dentaire du Protèle, Ê 


{ Académie des Sciences, le 23 octobre 1837.) 


Notre sur la découverte de deux nouvelles espèces de Quadru- 


manes fossiles dans les montagnes Suvalik , par MM. FALKONER 
et CaurLey. (Extrait.) 


Nous avons déjà signalé la découverte d’une mâchoire de singe fossile, dé- 
couverte dans les montagnes du Sub-Himalaya, par MM. Baker et Durand. 
Les auteurs du Mémoire que uous annonçons ici ont rencontré d’autres débris 
qu'ils rapportent également à lordre des Quadrumanes et qu’ils considèrent 
comme ayant appartenu à deux espèces de plus petite taille que la précédente, 
mais offrant aussi les caractères propres aux Singes de l’ancien continent. 

Les couches qui renferment ces débris de Quadrumanes ou des couches faisant 
partie de la même formation, renferment des ossemens de chameau et d’anti- 
ope ; lAnoplotherium posterogenium (espèce nouvelle d’un genre caractéris- 
tique des terrains teraires, les plus aneiens de l'Europe) da Crocodilus bipor- 
catus et du Leplorynchus gangeticus qui de nos jours encore habitent en 
nombre immense les rivières de l'Inde, et du Megalochelys Sivalensis, 


256 OG1LEY. — Mammifères de l’Australasie. 


énorme Chélonien d'espèce nouvelle , et qui rappelle par ses formesgigantesques 
les grands reptiles de la période secondaire. On voit donc qu'il existait ici, en 
même temps que les Quadrumanes dont il vient d’être question, des animaux 
appartenant a des types propres à tous les âges gcologiques depuis celui de la 
craie jusqu’à la période actuelle. 
(Journal of the Asiatic, soc. of Bengal, vol. 6, pag. 354, et 
Philes. Magazine, no 71.) 


Nore sur quelques Mammifères nouveaux de l Æustralasie, par 
M. Ocrrey (Extrait.) 


M. Ogilby a lu à la Société Linéenne de Londres, séance du 5 decembre , un 
mémoire sur les caractères de la Faune Australasienne et sur quelques Mam- 
mifères appartenant à l'ordre des Rongeurs, trouvés récemment dans la Nouvelle- 
Hollande. Presque tous les Mammifères de ce vaste continent appartiennent, 
comme on le sait, au type des Marsupiaux, et les seules exceptions à cette règle , 
connues jusqu'à ce jour, étaient le chien (qn’on peut supposer y avoir été apporté 
par les premiers habitans), l'Hydromys et deux ou trois espèces de Rats. Or il est 
très remarquable de voir que les espèces nouvelles signalées aujourd’hui, soient 
aussi des Rongeurs, animaux qui paraissent avoir plus d’affinité naturelle avec 
les Marsupiaux que les autres Mammifères. 

L’un de ces quadrupèdes nouveaux ressemble un peu à un petit lapin qui 
aurait une longue queue, eta reçue pour cette raison le nom générique de Coni- 
lurus. Le second appartient à un genre déjà établi, mais n’en est pas moins in- 
téressant à cause de son origine ; c’est une véritable Gerboise qui se distingue 
de celles de V’'Asie et de l'Afrique, par lexistence de quatre doigts aux pattes 
postérieures. M. Ogilby désigne cette espèce sous le nom de Dipus Mitchellii. 


(London and Edinburgh Philosophicæ Maguzine, n° 71.) 


V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 257 


NouveLLes EXPÉRIENCES sur la nature de la maladie contagieuse 
qui attaque les Vers à soie , et qu'on désigne sous le nom de 
MusGARDINE, 


‘Communiquées à l'Académie des Sciences le 20 novembre 1837 


Par M. Vicror AuUpouIN, 


Professeur-administrateur au Museum d'Histoire naturelle, membre de la Société royale et 
centrale d’agrieulture de Paris, 


Quel phénomène de physiologie plus curieux que celui que 
nous montre un végétal vivant en parasite à l'intérieur d’un ani- 
mal et ne lui donnant la mort qu’au bout de quelques jours, 
lorsque les nombreux filamens qu'il pousse ont envahi de proche 
en proche et eniacé dans un réseau inextricable tout le tissu 
sous-cutané de son corps! (1) 

Telle est cependant la nâture et telle est la cause réelle de la 
maladie si désastreuse qui attaque les Vers à soie, et que lon 
désigne en France sous le nom de Muscardine. 

Un fait de ce genre méritait bien de fixer l'attention ; aussi 
n'ai-je pas cru entreprendre un travail inutile que de le sou- 
mettre à un nouvel examen, en employant une méthode parti- 
culière d'investigation, qui ne laissät subsister à son égard'aucun 
doute dans les esprits. 

J'ai eu l'honneur de communiquer à l’Académie des Sciences, 
dans sa séance du 25 juillet 1836, les résultats auxquels m'ont 
conduit ces recherches. 


(x) Ces filamens rameux d'apparence radicellaire , correspondent à ce que M. Dutrochet 
désigne sous le nom de Thalus, Voyez ses divers mémoires et particulièrement celui relatif 
à l’origine des moisissures (Ann. des Se, nat. 2° série, Bot, , tom. 1, p. 30). 

VII, Zoor, — Novembre, 17 


258 Y. AUDOUIN, == Maladie des J’ers à saie. 


Depuis lors plusieurs savans distingués, MM. Turpin et Mon- 
tagne, à Paris, et à Montpellier, MM. Dunal, Balard, Descou- 
bet, Cauvy et Berard, ont étudié d’une manière spéciale la 
Muscardine. Et cependant, malgré tant de louables efforts, le 
sujet n’est pas encore épuisé; non pas qu'il faille, je pense, appor- 
ter de nouvelles preuves pour établis la réalité da fait principal; 
mais parce que aussitôt que dans les sciences une vérité fonda- 
mentale vient à surgir,on voit se former et s'étendre autour d'elle 
une vaste carrière à l'observation. 

Voilà ce qui rend compte des nombreux travaux ayant chacun 
leur degré d'intérêt et d'utilité, dont la Muscardine a été l’objet, 
depuis que M. Bassi et nous-même avons âttiré sur cette singu- 
lière maladie l'attention des naturalistes. 

Je ne viendrais pas aujourd'hui en augmenter la liste et oc- 
cuper de nouveau les instans de l'Académie, si les faits que j'ai 
à exposer ne se liaient d’une manière intime aux expériences 
que j'ai consignées dans mon premier mémoire, et s'ils n’en 
étaient en quelque sorte le complément nécessaire. 

C'est ainsi que j'avais beaucoup regretté que les circonstances 
ne m’eussent pas permis de m'assurer si la Muscardine était 
une affection particulière au Ver à soie et dont l'origine remon- 
terait soit à l'introduction de l'insecte en Europe, soit au trans- 
port qui a eu lieu postérieurement de quelques-unes de ses 
variétés; ou bien si cette maladie ne serait pas générale à la 
dasse des insectes, inhérente à notre climat, et capable ensuite 
de prendre dans certaines circonstances favorables, un très 
grand développement. L 

Déjà j'avais constaté que si la matière d'apparence farineuse, 
ou, ‘pour parler plus exactement, le cryptogame dont se 
couvrent les vers à soie morts de Muscardine, était intro- 
duit par voie d’inoculation dans le corps de plusieurs che- 
nilles ou autres larves d'espèces variées et très difiérentes, 
il leur occasionait une maladie à laquelle elles ne résistaient 
pas, et qui ofirait tous les caractères de la Muscardine. Puis se 
m'étais assuré que J'efflorescence blanche qui ne tardait pas à se 
montrer sur leurs cadavres, transportée de nouveau sur des 
vers à soie reproduisait la même affection avec la série des 


« 
V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 259 


mêmes symptômes, sans que dans ce double transport, les pro= 
priétés du principe contagieux aient été en rien altérées. 

Ce fait curieux que je me suis exercé maintes fois à reproduire 
dans le courant de mes expériences ne décide pourtant pas la 
question, il prouve seulement que des insectes d’une autre es- 
pèce, d’un autre genre, d’une autre famille et d’un autre ordre 
que le Bombix de la soie sont aptes à recevoir l’infection, qu'ils 
y succombent de la même manière, et que le germe végétal en 
passant par leur corps ne perd rien de sa nature et de son ac- 
tion. 

Cependant on rencontre quelquefois dans la campagne des 
cadavres de chenilles, de chrysalides et d'insectes parfaits cou- 
verts de moisissures blanches. 

Sont-ce là des végétations en tout semblables à celles qui se 
montrent sur les vers à soie muscardinés? ont-elles commencé 
à se développer dans le corps de l'insecte, pendant qu'il vivait? : 
sont-elles la cause immédiate de sa mort, ou bien, la plante 
cryptogame aurait-elle pris naissance, comme cela se voit si 
souvent sur la matière animale, après qu’elle a été privée de 
vie ? 

Pour répondre à ces questions, il eüt fallu démontrer que 
ces productions végétales, trouvées sur des cadavres et inoculées 
à des insectes vivans, leur communiquait la Muscardine. Cette 
expérience n'a pas été tentée, que je sache; mais il eût été mieux 
encore d'arriver à produire naturellement chez eux cette ma- 
ladie, afin que la suivant, dès son origine, et dans toutes ses 
phases, on püt constater sa parfaite identité avec l'affection qui 
envahit les magnaneries. Toutefois on devait craindre en se li- 
yrant à cet essai d’être arrêté par un obstacle du même genre 
que celui qu’a rencontré M. Bassi, en opérant sur les vers à soie; 
c'est que, bien qu’on puisse à volonté transmettre la Muscar- 
dine par inoculation d’un ver à soie à un autre ver, puis de 
celui-ci à un insecte d’une espèce tres différente, et que cette 
maladie redoutable se propage si facilement. d'elle-même par 
voie de contagion que souvent tous les vers d’un atelier en sont 
simultanément atteints et meurent sans exception, il est cepen- 
dant très difficile, impossible même, suivant lui, de la faire 

17: 


à 


260 V. AUDOUIN. — Maladie des Fers à sorte. 


naître spontanément dans les lieux où l'infection ne règne pas. 

Aucune des tentatives qu'il a faites pour obtenir ce résultat 
ne lui a réussi, et cela paraît si étonnant, surtout quand on voit 
. n'hésite pas à présager le non-succès, qu'on se demande 

i, lorsqu'il fit ces expériences, l’auteur avait une connaissance 
bien exacte de la nature de la maladie, 

C’est en effet en m ’appuyant sur cette connaissance, c’est en 
réfléchissant que le principe de la Muscardine est en tout ana- 
logue au principe des moisissures , qui, répandues dans l'air, vé- 
gètent sur une foule de corps, lorsque certaines conditions fa- 
vorables les entourent; c’est, dis-je,en m’arrétant à ces réflexions, 
que Je n’ai pas désespéré de le rencontrer également dans l’atmo- 
sphère au milieu duquel je viendrais à expérimenter, et de le 
voir bientôt se développer spontanément sur des insectes vivans 
que je placerais dans des circonstances convenables d'humidité 
et de chaleur. | 

Voici, parmi les expériences que j'ai tentées, celles qui m'ont 
le mieux réussi : 


PREMIÈRE EXPÉRIENCE. 


J'élevais chez moi, au Jardin du Roi (1), plusieurs larves 
dune espèce de Capricorne du genre Saperde (Saperda car- 
charias") qui se nourrit aux dépens de l’aubier des Peupliers, 
particulièrement des peupliers dits de Canada, et cause à ces 
arbres un très grand dommage. (2) 

Le 15 août 1836, je fis choix de deux tronçons de ces arbres, 
bauts de 22 centimètres sur 5 à 6 de largeur, et après m'être 
assuré que chacun renfermait trois insectes bien vivans à l’état 
de larves, je plaçai séparément ces deux petites bûches dans 


(1) Toutes mes recherches pour transmettre la Muscardine aux vers à soie, ont été faites à la 
<ampagne. J'ai entrepris celles-ci à Paris, afin que si la maladie venait à se développer à la suite 
‘de mes expériences, on ne vint pas à supposer quelle était due au voisinage des insectes in- 
festés. J'ajouterai que les précautions les plus minutieuses furent prises pour qu'on ne püût 
avoir aucun doute sur ce point, 

(2) J'avais jugé plus convenable d’expérimenter sur des insectes autres que les vers à soie, 
<t certaines raisons me décidèrent à donner la préférence à des larves lignivores. 


V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 261 


deux grands bocaux en verre qui étaient du double plus élevés 
et plus larges qu’elles. 

L'un des bocaux fut couvert simplement d’une étoffe de gaze 
de manière à pérmettre à l’air de circuler librement dans son 
intérieur. Au contraire; je fermai l’autre avec une feuille de fort 
papier ficelée autour de l'ouverture, et je la perçai de quelques 
petits trous. J'avais préalablement introduit dans ce dernier 
bocal une grande quantité de mousse, de manière à le remplir 
exactement, puis je l'avais humectée avec de l'eau. 

Ces deux bocaux furent placés dans un cabinet où ils pou- 
vaient recevoir les rayons du soleil, de deux à six heures du 
soir; la température qu'éprouvaient {es larves soumises à l’expé- 
rience variait donc beaucoup dans les vingt-quatre heures. 

Quant à l'état hygrométrique de l’asmosphère contenu dans 
les deux bocaux, on conçoit qu’il était très différent dans le 
vase où l’on avait placé de ja mousse humide et dans celui qui 
n’en renfermait pas. 

Les choses étant ainsi disposées, et de telle sorte qu’on püt 
facilement observer les insectes sans qu’il füt nécessaire de leur 
apporter aucun dérangement (1), je commençai à devenir atten- 
tif à ce qui allait se passer. 

Le 16 août toutes mes larves paraissaient bien portantes; elles 
continuaient à creuser le bois pour s’en nourrir. Durant huit 
* jours, c'est-à-dire jusqu’au 23, je ne remarquai aucun change- 
ment; mais le 24 août au matin, deux des larves qui occupaient 
le tronçon de peuplier entouré de mousse humide, me semble- 
rent languissantes : à midi je les trouvai mortes. Leur corps, 
encore assez flasque, avait fort peu changé de couleur ; peut- 
être offrait-il une nuance légèrement rosée. Le lendemain 25, 
il avait pris un peu de consistance, et le soir du même jour il 
était déja devenu assez raide pour ne pouvoir plus être plié. 


(x) À cet effet j'avais fendu longitudinalement les galeries occupées dans le bois par les 
larves, et ainsi ouvertes je les avais appliquées contre la paroi du bocal, sa transparence 
me permettait de Jes voir parfaitement; mais craignant qu’une lumière permanente ne les 
inquiétät , je recouvrais chaque fois le point où elles se tenaient, avec un écran qui les met- | 
tait dans la condition d’obseurité où elles sont naturellement à l’intérieur des galeries qu'elles 
creuseul. 


262 Y. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 


Enfin, le 26, les deux cadavres se couvraient déjà d’une lègère 
efflorescence blanche; je les retirai alors du bocal, afin que cette 
végétation extérieure ne füt pas trop activée par l'humidité qui 
y régnait, et je les plaçai dans ane boîte de cafton, fermée avec 
un couvercle en verre. L’efflorescence continua à croitre et à 
s'étendre : bientôt elle devint générale. 

Elle était blanche comme de la farine, et l'inspection que j'en 
fis au microscope me montra qu’elle consistait en filamens blancs 
supportant pour la plupart des petits corps sphériques, qui 
souvent les terminaient, mais, qui souvent aussi étaient dispo- 
sés en séries sur deux lignes, ordinairement dans le voisinage de 
l'extrémité. 

La structure de ces filamens, la configuration de ces globules, 
l'aspect tout entier de ces végétations ne me permettaient guère 
de douter qu'ils n'appartinssent à quelque Botrytis; et je nevoyais 
aucun caractère qui püt me les faire distinguer spécifiquement 
de celui que j'avais si souvent observé sur les vers à soie morts 
de muscardine. (1) | 

Ce bocal contenait une troisième larve. Elle continua devivre, 
se métamorphosa même en nymphe, et au printemps de 1857 
elle se changea en insecte parfait; mais, cet insecte fut atteint 
de muscardine à ce dernier état; il mourut avant que de sortir 
de l’aubier du peuplier et son corps ne tarda pas à se couvrir 
de végétations blanches. 

Quant aux trois larves de Saperdes mises en observation 
dans le bocal où l'air pouvait ciculer librement et n’avait pas 
été chargé d'humidité, elles arrivèrent toutes à bien et don- 
nèrent chacune dans les derniers jours de mai de cette année 
un capricorne de l’espèce que j'ai mentionnée: (Saperda car- 
charias). 


(1) Je méts sous les yeux de l'Académie une de ces larves de Saperde muscardinée; on 
remarquera que le cryptogame parasite a tellement pénétré tous les tissus, et recouvre si 
exactement toutes les parties extérieures de cet insecte, qu'il, l’a rendu méconnaissable. J'ai 
placé à côté une larve saine retirée de l'alcool, afin qu’on puisse juger du changement qui a eu 
lieu, L'altération pathologique? est ici infiniment plus profonde que dans les vers à soie, 


V. AUDOUIN. = Maladie des Vers & soie. 263 


DEUXIÈME EXPÉRIENCE. 


En même temps que je faisais cette première expérience, sur 
les larves de Saperde, j'en avais disposé une seconde qui n’en 
différait que parce que les tronçons d’arbres étaient remplacés 
par de la sciure de bois mise à sec pour l'un des cas, et humec- 
tée dans l’autre avec de l'eau. J'y soumis des larves également 
lignivores, mais d'un genre très différent; c'étaient des larves 
d'un Bupreste , rare dans nos environs (Bupr.\ Berolinensis), 
dont j'avais pu, par un heureux hasard, me procurer une dizaine 
d'individus sur des troncs de Frêne de la forêt de Com- 
piègne. (1) 

J'expérimentai sur quatre larves de cette espèce. 

Les résultats furent à fort peu de chose près semblables à 
ceux de la première expérience. Deux larves mises dans de la 
sciure de bois de Frêne, maintenue humide et 'renfermée dans 
un bocal clos avec un bouchon en lièce, survécurent vingt-huit 
jours; le vingt-neuvième elles moururent subitement, et dès le 
trente-unième jour leur corps fut couvert des végétations 
blanches caractéristiques de la Muscardine. Les deux autres 
larves de Bupreste placées au miliéu d’une poussière de bois 
semblable, avec cette condition qu’elles y étaient à sec, conti- 
nuërent à vivre sans offrir aucun indice de la maladie. 

Peut-être me serais-je arrêté à ces deux expériences comme 
étant suffisantes pour démontrer que la Muscardine attaque d’au- 
tres insectes que les Vers à soie, et qu’elle peut, je n'ose dire 
s’engendrer, mais se développer spontanément chez eux, lors- 
que certaines circonstances d'humidité et de chaleur concen- 
trées se trouvent réunies, si M. le D'. Bassi ayant obtenu des 
résultats fort analogues en opérant à-peu-près de la même 
manière sur des Vers à soie et ayant été naturellement conduit 


(1) Je crois avoir fait connaitre le premier les métamorphoses des insectes du genre Bu- 
preste. Depuis, ces observations ont élé confirmées par M. Aubé, qui a étudié surtout quel- 
ques larves du genre Agrius, sous-division du genre Bupreste, 


264 V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 


à admettre cette croyance, n’eüt ensuite professé le contraire, 
se fondant sur ce que la maladie qu'il avait su produire, man- 
quait de l’un des caractères les plus saillans de la Muscardine; 
c'est-à-dire qu’elle n'était pas transmissible par voie de conta- 
gton. 

Ce fut en vain qu'il mit des Vers à soie sains en présence de 
la matière blanche qui avait végété sur les individus morts 
dans ses expériences; ce fut en vain qu'il en frotta leur corps et 
qu'il la leur inocula, jamais il ne put leur communiquer la 
maladie. 

En était-il de mème du cryptogame que j'avais fait naître 
dans ies larves de Capricorne et de Bupreste ? 

La question me parut importante à examiner, mais la saison 
trop avancée ne me permettait plus de tenter l'expérience sur 
des Vers à soie (1).Je dus la remettre à l’annéesuivante, 


TROISIÈME EXPÉRIENCE- 


J’avais commencé à la fin du mois de mai 1837 une petite 
éducation de Vers à soie provenant d’une variété très estimée 
originaire de Valence en Espagne, et que m'avait remise 
M. Blanco, professeur d'agriculture à Saint-Jacques de Com- 
postelle. Le 4 juillet, je choisis vingt de ces Vers ayant subi 
leur dernière mue et prêts à filer leur cocon. 

Je leur inoculai à l’aide d’une aiguille, sur le côté droit du 
neuvième anneau, une très petite parcelle de l'efflorescence blan- 
che qui depuis 11 mois couvrait le corps de l’une des larves de 
Capricornes, chez lesquelles j'avais fait naître spontanément 
l'aunée précédente une maladie mortelle, qui présentait tous 
les caractères de la Muscardine. 

Le 5, le Get le 7 juillet, mes Vers à soie ne montraient rien 
de particulier ; la cicatrisation s'était faite, comme d'ordinaire, 
tres promptement. Dans cet intervalle de trois jours, le thermo- 


‘5 Je tenais à transmettre la contagion à des Vers à soie, autrement il m'’eût été facile de 
encontrer enco beaucoup d'insectes très favorables à l'expérience, 


Y. AUDOUIN. -— Maladie des Vers à soie. 265 


mètre centigrade avait marqué 20 à 28 degrés et le temps s'était 
maintenu constamment beau et sec. 

Le 8 juillet au matin, une des chenilles fut trouvée morte. 

Le 9, son cadavre avait pris de la raideur et une teinte vio- 
lacée. 

Le 10, ‘il était devenu dur, et le rr, la végétation à aspect 
farineux commençait à poindre dans les ou vertures des organes 
respiratoires et dans les interstices des anneaux. 

Treize autres Vers à soie moururent peu de temps après le 
premier, et, au plus tard, le 9 juillet. Ils offrirent tous les mêmes 
mp tômes durant la maladie et les mêmes phénomènes après 
la mort. Un seul commença à filer son cocon; mais à peine en 
avait-il construit la bourre qu'il fut saisi et le laissa inachevé. 
Cependant, cinq chenilles résistèrent à l’inoculation, elles se 
métamorphosèrent en nymphe puis en papillon. 

Cette expérience me paraît concluante; elle prouve évidem- 
ment que la maladie dont j'ai obtenu en 1836 le développe- 
ment spontané, dans les larves de Capricorne, Joint à tous les 
autres caractères de la Muscardine celui d’être contagieuse, et 
que, transmise à des Vers à soie, elle se montre chez eux sous 
l'aspect ordinaire, sans qu'il soit possible, par aucun moÿen, de 
reconnaître son origine. 


QUATRIÈME EXPÉRIENCE. 

Ne voulant pas m'en tenir à une seule expérience et désirant 
multiplier les chances de réussite, j'avais cru devoir tenter aussi 
l'épreuve de la contagion avec le Botrytis qui, en 1836 , s'était 
développé spontanément dans le corps de la larve du Bupreste. 

Le même jour, 4 juillet 1837, je l’inoculai à dix Vers à soie. 

Le 7, à 4 heures du soir, un des individus avait succombé; 
deux heures après, un second fut trouvé mort; cinq autres pé- 
rirent dans l’espace de 24 heures; trois échapperent. Tous les 
individus atteints par la maladie offrirent exactement les mêmes 
symptômes qui accompagnent la Muscardine lorsqu'elle se déve- 
loppe dans les magnaneries; et quant au Cryptogame, il suivit 
une marche analogue dans son développement. 


266 V. AUDOUIN. — Maladie des lers a soie. 


Eneffet, je m'attachai à l’étudier sous ce point de vue, et je re- 
connus par la dissection que 24 heures après son introduction 
sous la peau du Ver à soie , la petite parcelle avait déjà poussé de 
toutes parts des filamens, qui par leur enchevétrement et leur as- 
pect, représentaient exactement cette partie originaire de tout 
Cryptogame que M. Dutrochet a si bien fait connaître et 
qu’il désigne sous le nom de Thallus. 

Ce thallus, formé de tigelles rameuses et articulées, était aussi 
-en'tout semblable à celui que j'avais précédemment observé dans 


les Vers à soie, et dont on trouvera la figure dans mon premier 
Mémoire. 


Quelques jours plus tard, le Cryptogame continuant de croître, 
avait traversé la peau du Ver à soie et la couvrait d’une belle 
végétation blanche comme de la neige. L’examen microscopique 
que j'en fis me montra de nombreuses tigelles pourvues la plu- 
part de sporules et parfaitement analogues au Botrytis Bassiana. 


CINQUIÈME EXPÉRIENCE. 


Cependant, on pouvait se demander si maintenant ces Vers à 
soie, qui avaient reçu l'infection d'insectes très différens de leur 
espèce (la larve du Capricorne et celle du Bupreste), la trans- 
mettraient aussi facilement à d’autres Vers à soie et si dans ce 
nouveau transport les caractères du Cryptogame, comme de la 
maladie, resteraient encore les mêmes. 

Je me suis assuré qu'il en était ainsi par l'expérience sui- 
vante. | 

Dix Vers à soie, dont le corps était couvert de végétations, 
provenant de la troisième expérience, c’est-à-dire qui avaient 
reçu la maladie par linoculation du Cryptogame pris sur 
les larves de Capricorne, furent placés, le 13 juillet, dans 
une boîte vitrée, au milieu de cent Vers à soie très bien 
portans, et qui depuis quatre jours avaient subi ieur troi- 
sième mue. Le 17 juillet, dix-huit étaient morts par la simple 
absorption des sporules du Cryptogame, soit que ces sporules 
aient été disséminées dans l'air, soit que ces Cheniiles aient en le 


V. AUDOUIN. — Maladie des Vers à soie. 267 


contact direct des Vers à soie muscardinés. La mortalité devint 
bientot générale. 

Tous les individus qui succombèrent, et le nombre s'élevait 
le septième jour à quatre-vingt-quinze, offrirent, durant la ma- 
ladie et après la mort, tous les signes de la Muscardine. 

Cette expérience, ajoutée aux précédentes, ne laissa aucun 
doute dans mon esprit, sur la similitude parfaite qui existe entre 
l'affection à laquelle succombent les Vers à soie dans les magna- 
neries, et celle qui attaque tout autre insecte à l’état libre. 

Cette ressemblance paraîtra encore plus frappante, si je dis 
que cette maladie peut, dans la nature comme dans nos ateliers, 
prendre tout-à-coup un grand développement, et que c’est à 
cette cause qu'on doit quelquefois attribuer la disparution in- 
stantanée d'insectes qui, s'étant montrés en très grand nombre, 
auraient dû l’année suivante pulluler en proportion. 


SIXIÈME EXPÉRIENCE. 


Je ne voulais pas abandonner mes expériences sur les Vers à 
soie sans en tenter une nouvelle, à laquelle j'avais songé l'an 
dernier, mais trop tard. 

M. Bassi avait avancé que la Muscardine, développée dans 
les magnaneries , n’était contagieuse que dans le cas où les Vers 
à soie présentaient une efflorescence blanche à la surface de leur 
cadavre ; que si, par des circonstances particulières etquise voient 
quelquefois; l’efflorescence avortait, le mal ne pouvait pas se 
transmettre, l'expérience l'avait mainte fois démontré à nos 
éleveurs du midi. Or, on conçoit pourquoi il doit en être ainsi 
maintenant qu'on sait que la matière blanche, d'apparence fari- 
neuse, n'est autre chose qu’un Cryptogame dont les tigelles sont 
chargées de sporules, facilement disséminables dans l'air. Mais 
si ce fait est constamment vrai à l’ordinaire et dans l’état, je dirai 
naturel , s’ensuit-il que la propriété reproductive du Cryptogame 
n'existe que dans la semence? Ne sait-on pas qu’un grand nombre 
de végétaux, d'animaux même peuvent se reproduire par cer- 
taines parties détachées du corps principal? 


268 V. AUDOUIN. — Maladie des lers à sote. 


Le Botrytis, qui appartient à un des derniers degrés de l’é- 
chelle végétale, offrira-t-il un phénomène analogue, et, par 
exemple, son réseau radicellaire, on, pour parler plus exacte- 
ment, son Thallus jouira:t-il de cette faculté reproductive? Ne 
pourrait-il pas continuer à croître, si on le mettait en contact 
avec les tissus vivans d’un insecte, et, dans tous les cas, quel 
serait sur l’animal l’effet de cette inoculation? Occasionnerait- 
elle à cet insecte la Muscardine? 

L'expérience était curieuse à faire. 

Le 9 juillet, vers le milieu du jour, je pris un Ver à soie de 
ma troisième expérience et qui venait de mourir de la Muscar- 
dine; son corps n'était pas encore raide, aucune végétation ne 
se montrait encore à sa surface. Je le dépouillai de sa peau dans 
une étendue de quelques millimètres, afin de mettre à nu le 
tissu qu'elle recouvrait. J’enlevai une très petite portion de ce 
tissu, et l’ayant examiné au microscope, je constatai qu'il était 
entière ment formé par un réseau de fibres végétales. 

J'avais fait choix de six Vers à soie bien portans. Je les piquai 
tous au côté droit et j'introduisis sous leur peau à l’aide d’une 
fine aiguille une parcelle de ce réseau ou Thallus ; elle était si 
petite que j'avais peine à la distinguer à l'œil nu, et que je dus 
employer la loupe pour opérer à coup sûr. 

Le 10 juillet à 6 heures du matin, c’est-à-dire 18 heures seule- 
ment après l’opération , un des Vers à soie était déjà mort! trois 
autres moururent dans la matinée du même jour, et les deux 
derniers, que je croyais devoir survivre parce qu'ils avaient 
commencé très activement leur cocon, succombèrent dans la 
journée du lendemain, après n’en avoir filé que la bourre. Bien- 
tôt une végétation blanche très abondante se montra à la sur- 
face de chacun de ces six cadavres. 

Le Cryptogame peut donc se propager par son Thallus aussi 
bien que par ses sporules ; il peut également communiquer aux 
msectes la Muscardine, et, ce qui est sans doute plus remarqua- 
ble et se conçoit pourtant très bien , il produit la mort dans un 
intervalle de temps infiniment plus court , en 18, en 4, en 48 
heures ; tandis que , dans ie cas de l'infection par les séminules, 
elle n'arrive que du quatrième au septième jour. 


v. AUDOUIN. — Maladie des Vers à sore. 269 


Or, j'étais curieux de savoir si cette prompte terminaison dé- 
pendait, comme à l’crdinaire, de ce que, par une sorte de pseu- 
domorphose, le tissu réticulaire du végétal ou son Thallus ve- 
nait se substituer aux lieu et place du tissu graisseux de l'insecte. 
Je netardai pas à me convaincre que telle en était réellement la 
cause. 

En effet, le prompt examen que je fis de la couche sous-cu- 
tanée du Ver à soie qui avait succombé dans les 18 heures, 
me la montra composé d’un réseau filamenteux tout aussi inex- 
tricable , tout aussi bien foriné que celui qui , dans le cas où on 
a inocnlé des séminules, n'arrive à cet état de croissance qu’au 
bout de 4 à 7 jours. 

Dans ce court espace de temps, le tissu graisseux avait entiè- 
rement disparu, le Thallus du cryptogame Favait remplacé 
dans toute son étendue et à tel point qu'il en gardait la forme; 
c'était, si je puis m'exprimer ainsi, une épigénie organique 
complète. 

En récapitulant sommaïrement les résultats qui découlent des 
expériences consignées dans ce mémoire, je crois avoir établi: 

1° Que la Muscardine peut se montrer spontanément et en 
tout lieu, lorsque certaines circonstances réunies favorisent 
son développement ; 

2° Qu'elle n’est pas une maladie particulière au Ver à soie; 
mais qu’elle est générale et peut être exclusivement propre à 
la classe des insectes ; 

3° Qu'elle peut se propager , non- seulement des Vers à soie à 
des insectes d'espèces très différentes, mais, qu'ayant pris spon- 
tanément naissance chez une de ces espèces, elle peut, lorsqu'on 
Ja transmet à des Vers à soie, leur occasioner cette même ma- 
ladie qui se montre dans les magnaneries et qu’on désigne sous 
le nom de Muscardine; 

4e Que dans ce transport qu'on peut multiplier et varier à 
l'infini, en l'opérant sur des insectes d’ordres, de familles, de 
genres et d'espèces différens ou semblables, le cryptogame 
et la maladie qu’il produit n’éprouvent aucun changement ; 

5° Que si les sporules disséminées dans l'air sont le moyen 
qu'emploie la nature pour la reproduction de la plante, on 


270 BLAINVILEL. — Mammifères de l'Inde. 


peut cependant obtenir son développement d’une manière ar- 
tificielle , en greffant certaines de ses parties, par exemple son 
Thallus , sur le tissu graisseux d’un insecte, c’est-à-dire sur ce 
même sol dans lequel les Sporules auraient végété ; 

6° Enfin que, par cette voie artificielle d'infection , le Crypto- 
game envahit beaucoup plus rapidement le tissu graisseux, ce 
qui amène une mort beaucoup plus prompte. 


L 


RapProrT sur un memoire de M. JourpAN concernant deux 
nouvelles espèces de mammifères de l’ Inde 


Fait à l'Académie des Sciences, le 23 octobre 1837 


Par M. De BLAINVILLE, 


L'Académie, dans sa séance du 18 septembre dernier, a ren- 
voyé à l'examen d’une Commission composée de M. Isid. Geof- 
froy Saint-Hilaire et de moi, une note que lui a adressée M. 
Jourdan, professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de 
Lyon, et dans laquelle deux nouvelles espèces de mammifères 
de l'Inde sont décrites d’une manière assez complète pour que 
. les zoologistes généraux puissent en prendre une idée suffisante 
et, par suite, les placer, d'après leurs rapports naturels, dans 
le système zoologique. 

L'ordre ou le degré d'organisation des carnassiers ; que l’on 
pourrait désigner sous le nom de Secundates par opposition à 
celui de Primates, imaginé par Linné pour le premier degré 
d'organisation des animaux mammifères monodelphes, renferme, 
comme tout le monde sait, quatre grandes familles, les Cheï- 
roptères cu chauve-souris, les Insectivores, les Carnassiers 
(plantigrades et digitigrades) et les Phoques ou carnassiers 
pinnigrades, que l’étude de l’ensemble de l'organisation dé- 
montre devoir être rangés suivant l’ordre sérial que nous venons 
dénoncer. 


BLAINVILLS, — Mammifères de L'Inde. 271 


Pour ne nous occuper en ce moment que de ce dont nous 
avons besoin pour faciliter la conception de notre rapport, la 
famille des carnassiers renferme !les genres Ursus, Mustela , 
Viverra, Felis , Canis, Hyæna et Phoca, de Linné; genres 
susceptibles de définitions suffisamment rigoureuses, mais dans 
lesquels on a trouvé aisément, par la considération minutieuse 
et exagérée sous certains rapports, mais fort utile sous d’autres, 
du système dentaire et dusystème digital, à former un assez 
grand nombre de subdivisions génériques, dont, quoique assez 
distinctes dans certains cas, les espèces véritables et à fortiori 
celles qui ne le sont pas, se nuancent d’une manière véritable- 
ment admirable , quand on a convenablement égard à l’ensem- 
ble de l’organisation. 

À la section du genre Ursus , dont les espèces se nuancent 
elles-mêmes, depuis l'ours polaire, qui a la tête la plus allongée, 
jusqu’à l'ours orné, qui l’a le moins , et, sous ce rapport, se 
. rapproche davantage des blaireaux et des gloutons, appartiennent 
comme l'avait si bien senti Linné dans sa grande manière de faire, 
les Blaireaux ou Meles, qui, comme les ours, manquent de 
cœcum , mais dont l’humérus est toujours percé d'un trou au 
condyle interne : ils existent dans toutes les parties septentrio- 
nales de la terre , ancien et nouveau continent , et sont repré- 
sentés , pour un premier degré, dans l'Inde par le Panda , dans 
l'Amérique par les Ratons , les Coatis; pour un second , par le 
Kinkajou, dans l'Amérique méridionale , analogue de lArctictis 
de la Sud-Asie , et, pour un troisième degré, par le Midaus, 
dans la Sud-Asie. 

Au genre Mustela, également dépourvu de cœcum et dont 
lhumérus est aussi percé au condyle interne, et dont l’Europe 
possède les quatre sections, Putois (1), Glouton , Marte et 
Loutre, correspondent : au premier, les Zorilles dans PAfrique 
méridionale , le Mélogale dans l'Inde, les Ratels dans l'Afrique 
et dans l’Asie, et les Grisons (Huro,Is. , Geoff.), ainsi que les Mé- 
phytis des parties septentrionales et méridionales d'Amérique. 


(x) Le prétendu Vison de France paraît n'être qu’un Putois ordinaire ; il a le poil presque 
hoir du Putois , et mème le blanc du pourtour de ses lèvres, 


272 BLAINVILLE.— {Mammifères de l'Inde. 


La première des sections du genre des Mustela a des repré- 
sentans en Europe, en Asie, en Amérique et même dans l'Afrique. 
Les Loutres sont aussi dans ce ças. 

Dans le genre Jiverra, T,., caractérisé par le système dentaire, 
les ongles demi rectractiles, l'existence du cœcum, le nombre 
des doigts égal en avant comme en arrière, l'Europe ne possède 
actuellement qu’une espèce , la Genette; à ce groupe appar- 
tiennent en Afrique, et surtout dans l'Afrique australe et à Ma- 
dagascar, pour un premier degré, les Mangoustes (Mangusta) , 
Vansire (Æ#hylax) , Crossarque, Lasiope , Cynictis et Surikate, 
dont les premières seulement existent dans l’Inde; pour un 
second degré, les Civettes et les Genettes de toutes les parties 
d'Afrique et des parties méridionales de l'Inde , ainsi que les 
Paradoxures , qui jusqu'ici semblent être propres à ses parties 
les plus australes ; et enfin, pour un troisième degré, le genre 
Bassaris , de M. Lichtenstein , le seul représentant de ce genre 
méridional en Amérique ; le Crÿtoprocta de Bennett, peut-être 
le même que l’Euplère de M. Doyère semble plutôt être le re- 
présentant des Paradoxures à Madagascar. 

Le genre Félis , L., si bien défini presque dans tous les points 
de l’organisation externe et interne, savoir : le moindre nombre 
de molaires au plus haut degré de carnivorité , les ongles ré- 
tractiles, un cœcum , un trou au condyle interne de l’humérus, 
est répandu dans toutes les parties du monde, du moins pour 
les espèces de ses quatre premieres sections , F, unicolores , à 
tâches ocellées ,à taches pleines, sans ou avec des barres noires 
aux joues et à la face interne des bras; car les Felis de la dernière 
section , les Cynaïlures ou Guépards, ne se trouvent qu’en Asie 
et en Afrique. 

Le genre Canis , L., caractérisé par le système dentaire plus 
nombreux, par le système digital et la forme des ongles, par 
l'absence de trou au condyle huméral , l’existence du cœcum, ete. 
est à-peu-près dans le même cas pour ses deux divisions princi- 
pales ; cependant on doit remarquer que tontes les sections Me- 
galotis , Renard, Chacal, Loup et Hyénoïde, se trouvent réunies 
dans l'Afrique. 


Le genre Hyœna , L, , que caractérise aussi le système digi- 


BLAINVILLE. — Mammifères de l'Inde. 273 


tal , le système dentaire particulier, l’abs ence du iicu au conle 
interne , et l'existence d’un cœcum , etc., est encore plus afri- 
cain, puisque ses trois sections, en y comprenant les Protèles, 
se trouvent à-la-fois dans l’Afrique méridionale , et que la pre- 
mière seulement existe dans l'Inde, mais aucune en Amérique 
ni actuellement en Europe. 

Enfin , le genre Phoca , plus aisé encore à définir par le sys- 
tème ‘aa incisif et molaire , par la disposition des doigts, 
par l'existence du trou condylien huméral et d'un cœcum, 
doit être essentiellement considéré comme circumpolaire; au- 
cune espèce peut-être n'étant intertropicale. Quant aux deux 
divisions principales de ce genre, les phoques proprement dits 
semblent exclusivement habitans des mers actiques , sur les 
rivages des deux continens. Les phoques à oreilles semblent, 
au contraire, appartenir aux mers antarctiques et arctiques ; 
mais pour celle-ci seulement, vers les terres de communication 
de l’Asie et de l'Amérique. 

Les deux mammifères, dont il est question dans la note de M. 
Jourdan, appartiennent à cette division des Carnassiers de 
moyenne ou même d'assez petite taille, que M. F. Cuvier a cru 
devoir séparer des Viverra de Linné, principalement à cause 
de la brièveté et de la nudité des tarses ou des pieds de derrière, 
ce qui indique des animaux moins aptes à Ja course que les 
Viverra ordinaires, tels que les Civettes et les Genettes ; et en 
effet, ce sont des espèces qui, se nourrissant probablement 
d'oiseaux et de leurs œufs, mais surtout de fruits , vivent pres- 
que constamment dans les arbres, pouvant jusqu’à un certain 
point en embrasser les branches à l'aide de la disposition élar- 
gie des mains et des pieds qui peuvent ainsi s'appliquer et 
s'adapter sur la convexité de rameaux assez petits. On avait 
même pensé que la queue qui, dans ces espèces, connues dans 
l'Inde sous le nom de Martes des palmiers, est toujours propor- 
tionnellement plus longue et plus grêle que dans les Genettes 
ordinaires, était jusqu’à un certain point préhensile, comme 
cela a lieu chez les Kinkajous, genre qui ne laisse pas que 
d’avoir quelques rapports avec les Viverra plantigrades, et 
comme sur l’individu qui a servi de type à l'espèce la plus et la 


VIII. Zoo, — Novembre, 18 


274 BLAINVILLE. — Marmmiferes de l'Inde. 


mieux connue , la queue semblait s’enrouler latéralement en une 
sorte de spirale , disposition fort insolite dans les mammifères, 
on en avait tiré le nom spécifique de 7’iverra prehensilis ,; donné 
par nous à une espèce, et celui de Paradoxurus imposé 
à la division considérée comme générique par M. F. Cuvier. 
Nous ne voyons cependant pas que cette particularité si remar- 
quable se confirme. Du moins l’espèce actuellement vivante à 
la ménagerie du Muséum, et qui pourrait bien être celle que 
nous avons signalée sous le nom de Z’iverra Bondar, n'ofire 
dans sa queue rien de préhensile ni de spiral. Quoi qu'il en soit, 
cette division des Viverra, sauf l'absence de poche moschifère, 
qui sembie remplacée par une énorme glande de Cooper, n'offre 
dans tout le reste de l'organisation rien qui puisse la distinguer 
des espèces à tarses plus élevéset couverts de poils. Le nombre 
des vertèbres truncales est le même, treize costifères ou thora- 
ciques et sept lombaires; il n’y a aucune trace de clavicules, 
remplacées par un simple ligament partant du raphé trapézo- 
deltoidien. L’humérus est également percé d’un trou au condyle 
interne; les deux parties du canal intestinal sont séparées et 
distinctes par un cœcum conique, obtus, d'un pouce de lon- 
gueur, ce qui n’a jamais lieu chez les véritables piantigrades du 
genre Ursus de Linné; iln’y a pas plus d'os dans la verge 
que dans les Viverra; et même, sous le rapport de la longueur 
et de la nudité des tarses, on trouve des degrés peu tranchés 
depuis les espèces chez lesquelles le tarse est, comme dans les 
Kinkajous, le plus large, le plus court et le plus nu possible, 
jusqu’à d’autres où ilest presque comme dans les chats, avec 
des ongles aigus, courbés en griffes, et plus rétractiles peut-être 
que dans certaines espèces du genre Felis. En effet, les Genettes, 
qui ne se distinguent pas, comme le dit G. Cuvier, par l'absence 
de la pocheau musc, qui chez elles est en effet aussi développée 
que dans les Civettes, présentent sous le rapport de la nudité 
du tarse, quelque chose d’intermédiaire à ce qui a -lieu 
chez les Civettes et chez les Paradoxes: une bande étroite de 
peau nue se prolongeant de la partie métatarsienne jusqu'à 
l'extrémité dutarse. Le pelage des Genettes offre quelques légères 
différences. 


BLAINVILLE, — Mammifères de l'Inde. 295 


Il en est de même pour le système dentaire , ces trois divisions 
du genre Viverra de Linné ne diffèrent que par des nuances. 
D'abord le nombre général est toujours le même, trois incisives 
er haut comme en bas, une canine et six molaires en haut 
commé en bas, trois avant la principale et deux en arrière. 
Mais dans cette partie molaire on peut apercevoir des différences 
très appréciables et que l’on peut même considérer comme 
indiquant le degré de carnivorité; ces différences portent sur 
la proportion relative des deux bords de la dent principale et 
l’abaissement des arrière-molaires; l'égalité complète indiquant 
le minimum , et l'inégalité la plus marquée à l'avantage du bord 
externe constituant le maximum de disposition carnivore. On 
peut également tirer des caractères importans de la considération 
d’égahté ou d’inégalité des deux parties des arrière-molaires 
dont la dernière surtout est d’une importance aussi remar- 
-quable qu’inexplicable dans la distinction des espèces, comme 
nous nous en sommes déjà assurés dans les {différentes fa- 
milles qui constituent les deux premiers degrés d’organisa- 
tion des mammifères inonodelphes. Or ces différences dans la 
prédominance du bord carnassier , s’il est permis de s'exprimer 
ainsi, et dans la proportion des arrière-molaires, se démontre 
déjà d’une manière bien évidente chez les Viverra digitigrades ; 
au reste, comme cela a lieu, dans les Mouffettes qui commen- 
cent la série des Mustela. En effet, les Genettes et surtout les 
Fossanes ont une disposition plus carnassière que les Civettes 
proprement dites. Mais ces nuances sont encore bien plus mar- 
quées chez les Viverra plantigrades, où paradoxures. Malheu- 
reusement les espèces de ce genre que M. Gray, du British 
Museum, porte à quinze dans un travail que l’on doit regretter 
de ne pas voir terminer, sont encore trop. imparfaitement dé- 
finies. Ce que nous pouvons dire, c’est que dans la collection 
ostéologique du Muséum, il existe des têtes osseuses. qui, sous 
le nom commun de Paradoxurus typus, indiquent au moins 
quatre espèces, et que dans chacune d'elles on peut aisément 
distinguer un degré tranché et différent de disposition car- 
nassiere. 

Les deux nouvelles espèces de marimiféres que la science 
18. 


276 BLAINVILLE. — Mammifères de l’Inde. 


doit aux investigations actives et éclairées de M. Jourdan, nous 
ont justement offert un nouvel exemple de ces nuances qui 
démontrent l’existence de la série animale jusque dans les sub- 
divisionsles plus voisines des espèces. 

Celle à laquelle il a donné le nom d’#mbliodon doré est 
celle qui offre la disposition dentaire le plus omnivore, celle qui 
par conséquent rappelle le mieux ce qui a lieu dans les Ratons, 
chez lesquels les âeux bords dentaires sont presque égaux en 
hauteur et en épaisseur, également tuberculeux, et où les deux 
arrièére-molaires approchent -le plus d’être égales et sem- 
blables dans leurs deux côtés interne et externe. 

Celle, an contraire , à laquelle il a imposé la dénomination 
d'Hémigale zébré, à cause dela singularité de son système de 
coloration , est presque à l'extrémité opposée, c’est-à-dire dans 
la division des Viverra plantigrades, dont la disposition dentaire 
est la plus carnassière , la plus rapprochée de ce qui existe 
chez les Genettes et les Fossanes, chez lesquelles en effet le 
bord externe des dents principales et arrière-molaires est le 
plus relevé, le plus tranchant, et dont les deux arrière molaires 
sont plus dissemblables dans les deux parties qui les con- 
stituent. 

Dans les autres points de l’organisation signalée plus haut 
comme montrant le passage des Viverra plantigrades aux digiti- 
grades, on peut faire la même observation que pour les dents 
des deux mammifères définis par M. Jourdan. L'un a le tarse 

“entièrement nu et la paume comme la plante sans callosités dis- 
tinctes ou circonscrites : c’est l’'Ambliodon, tandis que l’autre, 
ou l’'Hémigale , a non-seulement une partie du tarse poilue, mais 
encore les pelotes des mains et des pieds commençant à se des- 
siner nettement par des intervalles couverts de poils courts, 
comme dans les Civettes. 

Le système de coloration peut donner lieu à une remarque 
analogue. En effet, lAmbliodon a un pelage fort grossier, rude, 
assez long et presque unicolore, seulement plus foncé en dessus 
autour des yeux, avec des extrémités noires en dessus, comme 
les Mustela; tandis que l’'Hémigale a le sien court, serré, beau- 
coup plus varié par des bandes longitudinales sur la tête, et le 


BLAINVILLE. — Mammufères de l'Inde. 277 


col , transverses sur le tronc, la queue et la racine des membres, 
et rappelant ce qui a lieu dans les Civettes et dans les Chats, 
mais tous deux ont des moustaches fort longues, ce qui n’a lieu 
que chez les véritables carnassiers. 


Ainsi, comme il est aisé de le voir, les deux mammiferes 
signalés par M. Jourdan offrent un véritable intérêt non-seule- 
ment en eux-mêmes et comme espèces nouvelles, mais encore 
comme constituant de ces nuances si utiles pour les progrès 
réels de la véritable zoologie. 


Resterait la question de savoir si dans les différences sériales 
que présentent ces deux espèces de Viverra plantigrades, il s'en 
trouve de réellement suffisantes pour mériter d’être considérées 
comme pouvant servir à leur séparation en genres distincts. Les 
zoologistes pourront sans doute penser différemment à ce sujet, à 
cause de la diversité des principes de zooclassie qui les guident. 
Quant à nous, ayant admis depuis long-temps qu’un genre en 
zoologie ne doit étre établi que surdes différences d'organisation, 
traduites pardes caractères extérieurs, et suffisantes pour entrai- 
ner des différences évidentes dans les mœurset les habitudes, il 
est évident que les deux espèces décrites par M. Jourdan ne peu- 
vent former des genresdistincts parmi les Viverra plantigrades ou 
paradoxures; mais être l’une à la tête de ce dernier genre et l’autre 
à la fin. Toutefois, et sans prétendre autrement combattre en 
ce moment l'opinion contraire, nous nous bornerons à rappeler 
ce passage du traducteur de l’'Hermès d’Harris (M. Thurot); 
quoiqu'il n’ait réellement trait qu’à la considération la moins 
importante pour l'établissement d’une distribution méthodique 
des animaux. | 

Il y a trois inconvéniens à éviter, lorsqu'on veut établir des 
divisions systématiques dans la science, le but de ces divisions 
étant d'aider l'esprit à déméler les individus dont la foule se pré- 
sente à l’art: 

1° Si vous négligez d'établir un assez grand nombre de 
divisions principales, vous ne remédiez qu’imparfaitement à 
cette confusion ; 


2° Si vous admettez un trop grand nombre de sous-divisions 


278 BLAINVILLE, — Mammifères de l'Inde. 


vous ramenez le désordre et la confusion auxquels vous vouliez 
remédier; 

3° Enfin, on tombe dans le même inconvénient en établissant 
ses divisions sur des distinctions stériles et qui ne peuventinfluer 
en rien sur l’ensemble et les détails de la science. 


Au reste , que les zoologistes admettent ou non les deux genres 
proposés par M. Jourdan, les deux espèces animales qu’il a dési- 
gnées sont parfaitement définies et distinguées de toutes celles 
que nous connaissons dans nos collections européennes, et 
pour cela nous ne craignons pas de proposer à l'Académie d’ac- 
corder son approbation à la note descriptive qu’il lui a adres- 
sée à ce sujet. 


Pour faciliter la lecture de ce rapport, qu’il me seit permis de 
joindre en note le tableau de la disposition des espèces dont j'ai 
indiqué la répartition géographique. 


A, Mellivora , le Ratel. 
B, Meplutis, les Mouffettes. 


Zorilla. 
C, Putorius , Huro. 
G. MusrEeLrs. : .. Patorius. 
D, Lutra, les Loutres. 
M. Martes. 
sons | Melogale ou Helictis. 
F, Gulo , le Glouton du Nord. 
G. PROTELES. . . . . *"P. Hyænoides ou Lalandii. 
GG HYAÆNA 


A, F, Leo, Tigris, etc. 
B, Cynailurus, le Guépard. 


A, Suricata, 
B, Cynictis, Mang. Vaillantü, le même que Herp. pe- 
nicillatus, G. Guv., et Cyn. Steedmanni, 
Ocrrsy. 
Athylax ou Vansire. 
C, Herpestes, Mang. Ichueumon, Leucurus, Al- 
bicaudus , malaccensis. 
D, Mang. caffra , le Nems ; etc. 
E, Crossarchus , Cr. obscurus, M. urinatrix ou pa- 
ludosus , M. mungos, ete. 


G. MaNncusTa . . . 


BLAINVILLE. — Mammifères de l Inde. 279 


1° À, Bassaris. 
B, Eupleres et? Cryptoprocta. 
Genetta. ; 
Civetta. 
Ambliodon. 


P. typus, etc. 


C, 
D, 
RÉ ET due 2° E, Paradoxurus; 
F, Prionodon. 
G, Lamictis. (Viv. carcharias Nob). (1) 
\| H, Hemigalea. 
A, Megalotis. (2) 
B, Vulpes. 
C, Vulpicanis, GC. aureus. 
D, Lupus. 
E, Cynohyæœna. 
F, Canis primævus , Hodgson. 


GE AMIS Su ul : 


\ 


Ajoutez à la suite les genres: Arctitis ou Jctides,  Cercolep- 
tes, Ailurus, Procyon, Nasua, Mydaus, Meles, formant un 
groupe d'animaux qui passent aux Ours, et qu'on pourrait 
appeler Subursus ; puis le genre des Ursus, subdivisé en plu- 
sieurs sections, et celui des PHoqures, Phoca, qui forme, avec 
les Morses, la famille des Carn. pinnigrades. 


Addition au rapport ci-dessus. 


A la suite du rapport qu’on vient de lire et que j'ai soumis a 
l’Académie des sciences dans la séance du 23 octobre 1837, j'ai 
dit un mot sur une espèce particulière de mammifère, laquelle 
malheureusement ne m'est connue que d'une manière mcom- 
plète. Voici ce que je sais à son sujet; j'y joins une figure de 
son crâne et celle d’une partie de son intestin (pl. 8 A.) 

L'individu que possède le Muséum et que j'y ai étudié a été 
envoyé en 1826 par M. Diard avec d’autres objets expédiés de 
Java, mais qui sont peut-être de quelque autre partie de l'Inde. 
C’est un mâle adulte conservé dans l'alcool et portant lenuméro 


(1) Voyez plus bas sa description. 

(2) Consultez les Comptesrendus del’Académiedes Sciences, 1837, deuxièmesemestre, p.424, 
pour la description du ‘système dentaire du Canis megalotis, et les Annales d'anatomie et de 
physiologie, tome 3, pl. vur, pour sa représentation. 


%80 BLAINVILLE. — Mammifères de l'Inde. 


D 


38 sur le catalogue de M. Diard, catalogue que nous ne possé- 
dons point. 


L'animal a été malheureusement dépouillé et sa peau n’existe 
pas au Muséum ; mais les caractères de son système dentaire le 
rendent facile à distinguer. Il a 4o dents comme les Z’iverra 
(Inc. c+mol. # dont 3+1+2 à chaque mâchoire et de chaque 
côté). Les fausses molaires sont comprimées, à bords tranchans, 
aiguës à leur pointe, etrappelant assez bien les dents de certains 
squales. Celles d’en haut sont un peu recourbées en arrière; la 
première est simple, sans dentelures à son bord; la seconde offre 
au bord postérieur l'indice de deux très petites échancrures qui 
se retrouvent plus marquées à la troisième et déterminent deux 
petites pointes ; les fausses molaires d'en bas sont plus dirigées en 
avant, et les deux denticules du bord postérieur de la troisième 
sont mieux marqués. La dent principale ou carnassière d’en haut 
n'est pas triangulaire comme celle de presque tous les autres 
rarnassiers. Elle est irrégulièrement arrondie, et garnie de 
tubercules disposés sur deux collines longitudinales , et séparées 
par un intervalle en gouttière; il y a trois mamelons ou denti- 
cules au côté externe et trois à l’interne; les premiers sont 
plus gros, et celui du milieu est au côté interne comme au côté 
externe plus gros que les autres ; la dent principale d’en bas, 
est comprimée et festonnée à son bord par cinq pointes iné- 
gales, la première très petite et la médiane ou la troisième la 
plus forte; les deux dernières molaires sont arrondies, garnies 
d’une couronne plus ou moins régulière de petits tubercules 
aux deux màchoires, l’avant-dernière est plus forte que celle 
qui la suit. 


Le museau estassez allongé et le palais étroit ainst que l'échan- 
crure palatine; il w°y à pas d’apophyse post-orbitaire saillante 
et pas de traces d’uu cercle orbitaire plus ou moins complet, 

caractère qui distingue cette espèce des Mangusta pour la rap- 
procher des Z”iverra. 


La langue est garnie de papilles cornées ; le gros intestin est 
muscuieux et ont de six pouces; le cœcum n’a que six lignes: 
il est étroit et musculeux ; l'intestin grèle a quatre pouces; les 


BLAINVILLE. — Mammifères de l'Inde. 281 


pieds antérieurs et postérieurs ont également cinq doigts ; iln’y 
a pas de clavicule. 


longueur totale de l'animal 2 pieds 2 pouces 

. de la queue seule « 4 9 lignes 
hauteur à l'épaule « 9 6 
peau ? ongles ? 


Cet animal que dans le catalogue de nos collections j'ai pro- 
visoirement nommé ’iverracarcharias, n’est pas de même espèce 
que ceux que l’on connaît déjà dans le genre Viverra; ce n’est pas 
non plus le Fes (Prionodon) Gracilis de M. Horsfield ou 73- 
verra Linsang de M. Hardwich dont les dents et la queue diffèe- 
rent. Par ses fausses molaires comprimées il semblerait se rap- 
procher du Cynogale de Bennet indiqué par M. E. Gray dans 
les procès-verbaux de la société zoologique de Londres 1836, 
p- 86; mais le jeu de mots qu’en dit M. Gray ne permet pas de 
décider la question à ce sujet. Et en effet, M. Gray décrit la 
dent carnassière supérieure comme triangulaire , ce qui n’est 
certainement pas dans notre 7”. carcharias ; et même , d’après 
la note plus détaillée qu’il a insérée dans le Loudon’s magazine, 
nov. 1837, nous n’oserons pas encore croire à une identité par- 
faite, tant il nous semble avoir peu insisté sur les singularités 
de ce système dentaire. 


EXPLICATION DE LA PLANCHE 8 À. 


Fig. r. Tête osseuse du Viverra carcharias vue de profil. 
Fig. 2. Mächoire supérieure vue en dessous. 
Fig. 3. Portion d'intestin. 


282 WAGNER. — Sur la génération. 


RECHERCHES sur la génération , 


Par RoporPpne WAGwer, 


Professeur à l’Université d’Erlang, 
Communiquees par M. Brescner. (1) 


«La composition d’un traité sur l'histoire du développement 
du fœtus dans, le règne animal m’ayant conduit à soumettre à 
un nouvel examen la physiologie de la génération , j'ai fait, 
depuis un an, des observations qui, tout incomplètes qu’elles 
sont, m'ont cependant offert quelques résultats nouveaux, et 
diffèrens sur plusieurs points importans de ce que l'expérience 
avait consacré jusqu’à présent. Il me parut d’abord tout-à-fait 
indispensable, avant de poursuivre l’histoire du développement 
de l'embryon, d’avoir, autant que possible, des idées bien ar- 
rêtées sur le mode de formation et sur la structure la plus in- 
time de l’œuf dans l'ovaire. Dans ces recherches , je pris pour 
guide la méthode qui, dans ces derniers temps, a souvent été 


(x) A voir ce que, parmi nous, on a publié comme fort remarquable et surtout comme 
nouveau dans ces derniers temps, à voir l’accueil que l’on fait à de semblables productions, et 
la haute protection accordée à leur auteur, on ne sait pas ce qui doit le plus étonner de la 
hardiesse de ces plagiaires ou de notre indifférence sur les travaux qui se font chez nos voisins, 
et de leur influence sur les progrès de la physiologie. 

C’est pour appeler l'attention des jeunes naturalistes français sur toutes ces nouvelles re- 
cherches faites en Allemagne et pour exciter leur émulation , que nous avons pensé qu’il serait 
utile de donner, dans une série d’articles, l'exposé des importantes investigations physiologiques 
de Carus, de Baer, Rathke, Rod. Wagner, Purkinje, Valentin, Siebold, ete. Toutes ces nou- 
velles recherches se trouvent indiquées dans la deuxième édition de la physiologie de Burdach, 
dont le second volume vient ‘de paraître tout récemment; mais, en attendant la publication 
de la traduction de ce grand ouvrage, quelques notices sur les é/ucubrations des physiologistes 
célèbres que nous venons de nommer seront une introduction à la lecture de /a physiologie 
du professeur Burdach. Nous commencerons ces notices par celle qui appartient à M. le 
professeur Rod. Wagner, et nous y joindrons l'indication des principaux recueils où il a con- 
signé ses travaux etses découvertes. BRESCHET, 


WAGNER. — Sur la génération. 283 


suivie de succès, et qui, selon toute apparence , acquerra de 
plus en plus de valeur par la suite. Cette méthode consiste à 
suivre sans cesse chaque forme ou processus organique dans 
tout le règne animal, et, autant que possible, dans toutes les 
classes et sous-divisions du système animal. Ce n’est qu'en‘pro- 
cédant de cette manière et en distinguant ce qui est essentiel, 
invariable , de ce qui n’est qu'accessoire et sujet à changer au 
milieu de ces formes variées à l'infini, que l’esprit humain , au- 
tant que sa nature le comporte, parviendra à se faire, par ab- 
straction, une idée du prototype er de la loi qui lui sert de base. 

« Les conclusions premières de mes recherches peuvent se 
résumer dans les propositions suivantes. Le sens dans lequel j'ai 
rédigé celles-ci fera voir le degré de certitude que j'attache à 
mes résultats, et qui dépend, en partie, du développement plus 
ou moins grand que j'ai donné à mes séries d'observations. Je 
n'exclus par conséquent pas les modifications qui, plus tard, 
pourraient devenir nécessaires. 

«1. La duplicité du sexe paraît être une condition invariable, 
constante, de tous les êtres de la vie animale. Lorsque les 
sexes ne sont pas séparés, il semble toujours exister une 
organisation hermaphrodite, Ebhrenberg a presque démontré 
l'existence de cette dernière chez les animaux Infusoires , et, 
d’après les travaux de Prévost sur les Mollusques bivalves , de 
Burmeister sur les Cirrhopodes, et de Delle Chiaje sur les Echi- 
nodermes, il y a beaucoup de vraisemblance , pour qu'elle se 
rencontre de même chez ces animaux. Parmi les Cirrhopodes, 
le Batanus pusillus na offert dernièrement des animalcules 
spermatiques nombreux et en mouvement , qui ressemblaient 
assez à ceux que l’on voit chez l’homme. Cette ressemblance 
estencore plus grande avecles animalcules spermatiques à queue 
mince du Cyclas cornea où ils remplissent les testicules formés 
par de petits canaux sans ouverture (de petits cœcums): c'est ici 
que les Acéphales présentent une organisation hermaphrodite 
des plus manifestes. La découverte que je fis d'organes sexuels 
mäles chez les Actinies, qui sont maintenant classées généra- 
lement avec les Polypes, me parut donc très intéressante. Je 
trouvait, cet automne , dans Vile d'Heligoland, sur les Actinies 


284 WAGNER. — Sur la génération. 


holsatica etrufa, des testicules formés par de nombreux canaux 
entortillés les uns autour des autres : ils étaient très développés 
et placés à côté des ovaires en même nombre que ceux-ci. Les 
animalcules spermatiques que l’on y rencontre présentent beau- 
coup de phénomènes remarquables. J’éprouve du plaisir à pou- 
voir invoquer pour cet observation un témoignage d’une haute 
valeur, celui de mon très estimable collègue Ehrenberg. Je 
rencontrai tout-à-fait l4 même organisation chez d’autres Acti- 
nies conservées dans de l'alcool , par exemple, l’{ctinia affecta, 
dont j'avais dessiné les animalcules spermatiques déjà plus an- 
ciennement , mais sans les connaître. 


« 2. Les parties qui entrent dans la structure de l'œuf dans 
J'ovaire sont une espèce de coque ( chorion) à l'extérieur. Un 
moyen germe, composé d’élémens divers, mais toujours ana- 
logues ; une vésicule (vesicula germinativa), formée par une 
membrane très déliée et transparente, et renfermant une ma- 
tière semblable au blanc d’œuf, qui n'offre pas un aspect grenu 
(tout-à-fait comme l’indiquent Purkinje et Valentin); enfin une 
couche primitive (stratum germinativum), passée inaperçue 
jusqu’à présent et se présentant sous la forme d’une ou de plu- 
sieurs taches grenues , auxquelles j'avais autrefois donné le nom 
de macula germinativa. 


« 3. Cette organisation de l’œut est bien plus commune qu’on 
ne l'avait cru jusqu'à présent , et elle se rencontre en particu- 
lier chez les Vers intestinaux, les Echinodermes , les Méduses 
et les Polypes. C’est ainsi que j'ai vu d’une manière évidente 
la vésicule du germe et la couche primitive ( sous la forme d’une 
simple tache) chez des espèces de Coryne,de Lucernaire, d’Acti- 
nie ; parmi les Méduses, chez l’Aurelia ; et enfin chez quelques 
variétés d'Astéries. Peut-être que plusieurs de ces productions , 
que l’on appelle généralement des boutons , ne sont aussi que 
des œufs qui viennent à maturité et se développent dans des 
endroits marqués du corps. 


« 4. La couche du germe (stratum germinativum) , ayant l'as- 
pect d’une surface arrondie ou granulé et aplatie, occupe pri- 
mitivement une place constante sur la paroijinterne de la vé- 


WAGNER. — Sur la génération. 285 


sicule du germe, dont la transparence permet de l’entrevoir 
comme une simple tache obcure. 

« d. Le germe est donc une production primitive, préexistant 
à la fécondation. 


« 6. Une semblable tache du germe, simple et trés petite , se 
montre d’une manière constante chez tous les mammifères que 
j'ai examinés, chez les Amphibies à écailles, les Poissons carti- 
lagineux , les Insectes, les Arachnides et quelques Crustacés, les 
Limaçons , les Echinodermes , les Méduses, les Polypes. 


« 7. Plus souvent on rencontre plusieurs deces taches ou 
couches du germe séparées , sphériques et très petites chez les 
animaux des ordres et des classes que je viens d’énumérer, ex- 
cepté cependant chez les Mammifères , ou cette disposition est 
trés rare. 

«8. Mais on trouve consiamment la couche primitive du germe 
divisée en un nombre plus considérable de petites granulations 
et de globules, disséminées sur toute la surface de la vésicule 
du germe , chez les Batraciens, les Poissons osseux et plusieurs 
Crustacés, par exemple, l’Astacus, le Gammarus, etc. 

9. Entre ces deux formes de la couche primitive du germe, il y 
a des formes de transition. C’est ainsi que souvent cestaches sont 
amassées par groupes distincts ou réunis d’une maniere confuse; 
quelquefois on n’en remarque que des traces très légères, 
comme , par exemple, chez les Oiseaux , où il est très facile de 
ne pas les apercevoir. En un mot, il n'y a rien de constant à cet 
égard, même chez les individus d'une même espèce. Toutefois 
je n’ai jamais rencontré une simple tache seulement chez les 
animaux dont je parle au n° 8; j'en découvris, au contraire, 
bien souvent plusieurs groupes dans les ordres et classes men- 
tionnés au n° 6. 


« 10. En général, au fur et à mesure que l’œuf arrive à sa 
maturité, la vésicule du germe parait plus petite par rapport à 
la grosseur de l’œuf tout entier, quoique, la plupart du temps, 
l’accroissement de la vésicule soit très considérable. Cependant 
il existe des exceptions. Chez les Oiseaux, les Amphibies à écailles, 
les Poissons cartilagineux , les Insectes , la vésicule du germe 


286 WAGNER. — Sur la génération. 


est relatigement très petite dans les œufs qui approchent davan- 
tage de leur maturité, le vitellus se trouvant très développé. 
Elle est beaucoup plus grande chez les Batraciens. Elle paraît, 
au contraire, être toujours à-peu-près de la même grosseur chez 
les Mammiferes, ce qui est conforme aux assertions de Va- 
lentin. 

«11. Dans la même proportion que la vésicule du germe prend 
de l'accroissement et que l’œuf marche vers sa maturité, la 
couche du germe revêt aussi d’autres formes. Souvent la tache 
du germe, qui était simple , se décompose en une foule d'autres 
plus petites , et s’étend ainsi davantage sous la face supérieure 
de la vésicule du germe, de telle sorte que l'aspect que cette 
partie organique présente chez les animaux cités au n° 6, devient 
semblable à celui qu’elle offre chez les animaux du n° 8. 
Son adhérence à la paroi interne de la vésicule paraît aussi di- 
minuer dans la même proportion; car il n’est pas rare de voir 
les globules disséminés de la couche du germe s’écouler, après 
la rupture de la vésicule, avec la matière analogue au blanc d'œuf 
que celle-ci renferme, ce qui n'avait pas lieu auparavant. Au 
contraire, on peut , dans beaucoup de cas, et en pressant dou- 
cement , rouler la vésicule du germe entre deux petites lames de 
verre. Pendant cette manœuvre, la tache du germe reste toujours 
à la même place, sur la vésicule , et prend des formes variées 
sous l'influence de la pression. Bien souvent la couche du germe 
ne se divise pas en globules isolés et disséminés , mais s'étend 
au loin à la manière d’un nuage et forme nn stratum très 
mince. 

« Ceite couche primitive du germe augnrente en masse vers 
époque de la maturité de l'œuf, et il semble, dans béaucoup 
dé cas, comme par exemple chez les Grenouilles, les Poissons, 
que de nouvelles granulations viennent se grouper au milieu 
des globules disséminés; de telle facon qu’elle acquiert sans 
cesse une disposition de plus en plus membraneuse , et s'étend 
sous la forme d’une couche granulée sur la paroi interne de la 
vésicule du germe. 

«13. On ne sait pas au juste si la vésicule du germe finit par 
se rompre, ou si elle se déprime plutôt en prenant la forme 


WAGNER. — Sur la génération. 287 


d’ane lentille, ou bien encore si elle revient sur elle-même à la 
suite d’uñe diminution dans la masse de son contenu, et d’un 
rapprochement partiel de ses parois, qui finissent peut-être par 
se confondre et ne faire plus qu’un seul et même tout avec la 
couche du germe. 

« 14. Primitivement la vésicule du germe occupe toujours plus 
ou moins le centre de l'œuf, et ce n’est qu’au fur et à mesure 
que celui-ci s'approche de son point de maturité qu’elle s'élève 
graduellement pour aller se fixer contre la paroi de l’ovule op- 
pobée au point d'attache de l’ovaire , où l’on peut alors presque 
constamment l'apercevoir à travers la pellicule du vitellus chez 
des animaux tant soit peu grands, et même, par exemple, chez 
tous les insectes d'une certaine grosseur. | 

«15. Ici la vésicule du germe est en général énveloppée d'une 
couche plus ou moins circulaire du vitellus , d'une nature parti- 
culière , et que l’on a appelée le disque du germe. Celui-ci paraît 
toutefois servir à fixer la vésicule du germe à la superficie du 
vitellus, et plus tard à attirer vers son centre ou du moins dans 
sa masse le germe primitif et vivant proprement dit (tache du 
germe plus développée), plutôt que de constituer le disque, 
quoiqu'il soit possible qu’il entre comme élément dans la struc- 
ture de l'embryon. | 

«16. C’est tout-à-fait d'une manière analogue à celle par la- 
quelle ce disque entoure la vésicule du germe à la superficie du 
vitellus chez les individus de toutes les classes du règne animal, 
que lon voit, chez les Mammifères et chez l'Homme , l’ovule 
s'attacher à la paroi de la vésicule de De Graaf (foZiculus Graa- 
Jianus) à Vaide de cette couche granulée que de Baer avait à tort 
appelée discus proligerus. W m'a paru que, primitivement, lo- 
vule occupait constamment le centre dans de très petites vési- 
cules de De Graaf. 

« 17. Je ne trouvai pas que, dans l'œuf des Mammifères, 
la vésicule du germe füt manifestement entourée d’un disque; 
enr revanche, la tache circulaire que Prévost et Dumas dé- 
crivent dans l'utérus sur des œufs de Mammifères, et dont 
de Baer donne un dessin précis, comme Blastoderme, par : 
exemple, fig. 5 de sa lettre, rappelle beaucoup le ‘disque du 


288 WAGNER. — Sur la génération. 


germe, et il est probable qu'elle doit surtout son origine au 
développement de la tache primitive du germe, après que la 
vésicule a disparu ; je l'ai, du reste, moi-même très bien vue et 
examinée chez M. Gurlt, à Berlin, sur des œufs de chien, qua- 
torze jours après la fécondation dans l'utérus. 

« 18. Chez les animaux vertébrés et chez un grand nombre 
de non vertébrés, je n’ai jamais vu dans l'ovaire des vésicules 
du germe libres ; même dans les ovules de la plus petite dimen- 
sion, dans ceux qui présentaient d’un cinquantième à un cen- 
tième de ligne, j'ai toujours rencontré au moins une couéhe 
mince de vitellus, qui souvent était assez étroitement circon- 
scrit par un chorion. La pellicule du vitellus ne se forme que 
plus tard. Dans les plus petits œufs, la vésicule du germe forme 
souvent la moitié de l'œuf tout entier, tandis que dans ceux 
qui sont gros et presque arrivés à leur maturité, elle est quel- 
quefois dix fois plus petite et même davantage. 

« 19. S'il était au contraire possible de pousser plus loin les 
conclusions sur le mode de formation des diverses parties de 
l'œuf d’après ce que l’on voit chez les insectes, il en résulterait 
que la vésicule et la tache du germe existeraient les premières. 
La structure en forme de canaux des ovaires chez les Insectes, 
permet de suivre , de la manière la plus distincte, la matura- 
tion successive Ge l’œuf. Les extrémités filiformes les plus déliées 
des ovaires sont occupées par des vésicules du germe libres, 
qui n'ont souvent pas un centième de ligne de diamètre, et 
chacune d'elles laisse voir manifestement une tache qui m'a 
souvent que 17400 de ligne de grosseur. Ges vésicules du germe, 
au fur et à mesure qu'elles augmentent de volume, glissent 
dans des parties plus élargies de l’ovaire, s’y enveloppent d’un 
vitellus, et ensuite successivement d’un chorion et d’une pelli- 
cule. J'ai surtout très bien réussi à voir ce mode d'organisation 
chez les Orthoptères et les Névroptères. 

« 20. Il résulte clairement de là que le germe existe déjà dans 
l'ovaire , passe successivement par plusieurs degrés de matura- 
tion sous l'influence de la semence da mâle, mais reçoit de cette 
dernière seulement l’excitation proprement dite de son déve- 
loppement. 


e 


WAGNER: — Sur la génération. 289 


«21. L'opinion que les animalcules spermatiques constituent 
des parties essentielles de la semence, est aussi la mienne, et, 
à l'exemple de Prévost, Dumas, Czermak et autres, on peut 
bien les comparer aux globules à sang, en tant qu'ils reçoi- 
vent l'irritation de la vie de la semence , comme ces derniers re- 
çoivent celle du sang. 

« 22. Les animalcules spermatiques forment des classes et des 
variétés d'espèces analogues à celles des globules du sang. 

«23. Les animaicules spermatiques se développent dans le 
même rapport que la faculté génératrice de l’animal, et se règlent 
par conséquent sur l’âge et la saison (c’est-à-dire le temps du rut). 

« 24. C'est pendant l'acte de la génération qu'ils donnent les 
plus grandes preuves de vie et font voir la mobilité la plus 
remarquable ; celle-ci est surtout très considérable lorsqu'on 
examine les animalcules spermatiques sur les animaux immé- 
diatement après la copulation. 

« 25. Il paraît nécessaire que les animalcules spermatiques 
touchent toujours immédiatement l'œuf pour que celui-ci soit 
fécondé. 

«26. On ne sait si la puissance fécondante proprement dite 
de la semence réside dans les animalcules spermatiques où dans 
le reste de la liqueur séminale, dont la composition est d’une 
nature particulière. Peut-être cette dernière est-elle la partie fé- 
condante de la semence, analogue an sérum comme partie nu- 
tritive du sang, ce qui augmenterait encore l’analogie des ani- 
malcules spermatiques et dé globules du sang. 

« 27. Les animalcules spermatiques paraissent avoir un déve- 
loppement circulaire et devoir leur naissance à une génération. 
Ils paraissent toutefois constituer une classe tout-à-fait à part, 
et n'avoir qu'une analogie superficielle avec les Cercaires. 

«28. Jusqu'à présent je n’ai pas encore pu acquérir la certi- 
tude que les animalcules spermatiques ont une organisation bien 
réelle ; toutefois on en rencontre des signes non équivoques. 
C’est ainsi que les animalcules spermatiques des Actinies ont 
une très longue queue, qui est entièrement roulée dans linté- 
rieur du corps, et d’où elle peut être lancée. 


« Tous ces faits d'observation militent en faveur d’une unité 
III, Zoox, — Novembre, 19 


La 


290 WAGNER« == Sur la génération. 


de plan dans l'organisation animale, et d'une composition plus 
large et semblable à la structure des animaux inférieurs; ils 
marchent de front, pour le but vers lequel ils tendent, avec 
les résultats que, sur une plus grande échelle , on peut déduire 
des travaux réformateurs d’Ehrenberg : puissent-ils être jugés 
reposer sur des bases anssi solides! (1) 


(x) Nous croyons , pour faciliter le travail des personnes qui desireraient répéter ou conti- 
nuer les observations de M. Rodolphe Wagner, devoir donner ici une note sur diverses re- 
cherches touchant le même sujet, en y joignant l'indication des titres des mémoires, et celui 
des recueils où l’on pourra les trouver, 


« La tache germinative ( macula germinativa) , se voit dans la vésicule de Purkinje de tous 
les animaux , mais sous différentes formes. Cette découverte a été constatée depuis par beau— 
coup de naturalistes allemands, et on appelle aussi cette tache germinative Macula Wagneri. 
M. le Dr Barry, d'Edimbourg a donné une traduction du mémoire de M, Waguer dansle Journal 
de Jameson, et a traduit le mot macula 2erminativa par l'expression de germinal spot, M. Muller 
dit avec raison que, par cette découverte, Panatomie de l'œuf primitif est conduite jusqu’à son 
terme. Dans le Prodromus de M. Wagner, on trouve la description exacte des diverses parties 
qui composent l'œuf primitif: il. a montré que les Polypes (Coryne, &etinia ), les Mé- 
duses , ete., ont de vrais œufs avee une vésicule et une tache germinative, 

« Les découvertes qui peuvent le plus nous intéresser en France sont relatives aux organes 
mâles , que M. Wagner a trouvées dans les Potypes (Actinia), dans les Acéphales (Cyc/as), les 
Gÿpris (dont M. Strauss connaissait seulement les ovaires) , etc 

« Les nouvelles observations de M, Wagner regardent principalement le sperme, les 
zoospermes ou animaux spermatiques , leur développement, etc,, où il a fait les découvertes 
les fplus curieuses. On trouve des extraits de tous ses travaux dans le Répertoire de Valentin, 
1839, ord. 1, et dans les Archives de Muller. Mais jecrois devoir donner ici une liste de ses mé- 


moires, afin &e pouvoir les’ signaler à ceux;qui desireraient avoir des développemens plus éten- 
dus sur cette matière. 


E «1° Prodromus Hist. generationis, ete. Cet ouvrage est spécialement destiné à faire connaître 


la structure de l'œuf primitif dans l'échelle des animaux. La tache germinative a été signalée 
pour la première fois dans le Manuel d'anatomie comparée ; & 250 , pas. 35r et note (1835), 
de M. Wagner, Plus tard, onfen a parlé dans les Archives de Muller et dans Ise Vorices de 
Froriep. 


« 2° Du développement des zoospermes, Voÿez les Archives de Muller, 1536, pag. 225, 


pl. 1x. M. Wagner a montré le premier le développement des zoospermes dansfles oiseaux, 

« 3° Fragmens pour l'histoire de la génération, principalement d’après l'analyse microscopique 
du sperme , avec trois planches. : 

« 4° Mémoires pour servir à l’histoire de la génération et de l'ovologie, avec deux 
planches, 


« Ces deux mémoires contiennent : 1° les nouvelles observations sur la forme et le dévelop- 
pement des zoospermes , sur leur influence dans la génération, elc.; 2° les découvertes de l’au- 
teur sur la structure intime de l'œuf des mammifères , son développement dans les jeunes ani 
maux, ses changemens après la fécondation ; 3° ses travaux sur la structure de l'ovaire dans les 


tite Run. His 


F. DUYARDIN.— Zoospermes des Mammifères. 291 


EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE 68. 


Fig. r. OEuf du chat domestique , = de ligne de grosseur : — a couche granulée de l'inté- 
rieur de la vésicule de De Graaf, laquelle reste fixée à l’ovule(disque du germe de Baer) ; — 
bichorion épais: je ne sais si le cercle extérieur, qui avoisine la couche granulée, et le cercle 
interne ne forment pas deux membranes, dont l’interne serait alors la membrane du vitellus.— 
L’annecu épais et päle (le chorion) est la zona pellucida ; — c vitellus; — d vésicule 


” Ce LIL 
du germe avec tache du germe. — A. vésiculei du germe, de la grosseur de Fr. 


Fig. 2. OEuf de l’écrevisse de rivière, : de ligne de grosseur, moins fortement grossi que 
sur la fig. 1: — À. vésicule du germe, retirée de l'œuf et offrant des taches disséminées » 
PUR J 
7 de grosseur. 

4 LEL CA 

Fig. 3. OEuf du Coryne squamata , — de grosseur. — La vésicule'du germe a En 

Les lettres ent la même signification, que dans la fig. 1.— AAA représentent les vésicules du 
germe grossies ; ayec leurs taches. 


Sus les Zoospermes des Mammifères et sur ceux du Cochon 
d'Inde en particulier , ‘ 


Par F. Durarpix. 


Plus on étudie les Zoospermes ou prétendus animalcules sper- 
matiques, et plus on reste convaincu que ce ne sont pas des 
animaux proprement dits, des êtres naissant d’un œuf ou d’un 
gemme comme les Zoophytes et susceptibles de se nourrir, de 
s’accroitre et de se reproduire. L’emploi du microscope le plus 
parlait et la comparaison de ces corpuscules dans les différentes 


insettes , ete. ,eic, Ges deux mémoires sont contenus dans le tome n des Mémoires de la classe 
des sciences physiques de l'académie royale de Munich, volume qui vieut de paraître. 
« Les observations de M. R, Wagner sur les zoospermes des Actinies se trouvent dans leg 
Archüves de Wiegmann , t. 11, p.215, 1835. \ 
Tout récemment M, R. Wagner a publié une note sur les zoospermes des rats et des souris, 


sur le séjoa de ces animalcules dans l'utérus après l'accouplement des sexes, etc. Voyez les 
Notices de Froriep, juillet 1837, n° 51, p. 99. » Gù Bio 


19. 


292 F. DUSARDIN. — Zoospermes des Mammifères. 


classes du règne animal font penser au contraire que les Zoo- 
spermes sont simplement un produit ou une dérivation de la cou- 
che interne des tubes séminifères; non point nne sécrétion, 
mais un produit progressivement formé, un produit conser- 
vant une sorte de vitalité nécessaire pour concourir à laforma- 
tion delembryon. 


Le fait de la formation progressive des Zoospermes fut signalé 
pour la première fois dans la grenouille par M. Peltier qui fit à 
ce sujet une communication à la Societé des sciences naturelles 
en 1335. Cet observateur avait vu dans le testicule de la Gre- 
nouille des globules d’abord diaphanes et presque semblables à 
ceux du sang devenir successivement une vésicule de plus en 
plus grande, dans laquelle se voient d'abord une masse grume- 
leuse, puis une sorte de faisceau ou d’écheveau de Zoospermes 
qui se détachent plus tard, quand ils ont le contact de l’eau 
pour se mouvoir isolément et subir des modifications ou des 
transformations apparentes très singuliéres. 


D'un autre côté, M. R. Wagner professeur à Erlangen, publia 
(x) des observations du même genre, mais plus détaillées et plus 
complètes sur le développement des Zoospermes dans le Bruant 
(Emberiza Citrinella). I a vu dans le testicule de cet oiseau, 
pendant hiver, des globules granuleux de 0,0075 à 0,015 milli- 
mètre sans aucune trace de Zoospermes; mais au printemps 
ces globules étaient devenus des vésicules les unes plus petites 
(de 0,045 mill.) renfermant seulement des granules, les autres 
plus grosses montrant à l’intérieur un faisceau de Zoospermes 
qui, plus tard par la rupture de la vésicule, s’épanouis- 
sait dans le liquide et finissait par se diviser en Zoospermes 
isolés. 

M. Siebold publia aussi en 1836 dans le même recueil des obser- 
vations très intéressantes sur les Zoospermes des animaux sans 
vertèbres; il signala leur groupement en touffes ou en éche- 
veaux , et fit connaître l'effet que produit sur eux le contact de 
l'eau. J'ai moi-même vérifié ces observations sur des mollusques 


(x) Archie. für Anatomie , etc. Von Müller. 1836, p. 525. 


F. DUJARDIN. — Zoospermes des Marrmiféres, 203 


et sur des insectes, et j'ai reconnu , notamment sur les Zoosper- 
mes des poissons, comment l'eau en gonflant ces corpusculesles 
rend susceptibles de manifester leur vitalité par des mouvemens 
particuliers et par des changemens de forme. 

Ces faits assurément ne permettent pas de croire que des 
Zoospermes ainsi produits, ainsi groupés, ainsi modifiés par 
l’eau soient de véritables animaux; mais rien de tel n’a été vu 
chez les mammifères , et cesont précisément les Zoospermes de 
ces animaux qui, observés d’abord, ont été pris pour des Infu- 
soires du même genre que les Cercaires; on les voit presque 
toujours, en effet, composés d’un disque appelé communément 
la tête, et d’un long filament agité d’un mouvement ondulatoire 
et pris à tort pour la queue; la différence d'épaisseur du disque, 
en produisant sur la lumière un effet de réfraction, a fait croire 
à l’existence d’un suçoir, d’une ventouse ou même d’un système 
d'organes intérieurs, et enfin la symétrie apparente de ces cor- 
puscules a fourni un argument de plus aux naturalistes qui; 
comme M. Bory-Saint-Vincent, M. de Blainville et plusieurs 
autres savans distingués ont voulu en faire des animaux. 

Dans un mémoire publié dans les archives françaises etétran- 
geresd’anatomie, j'ai cherché à combattre ces raisons enmontrant 
que cettesymétrie n’existe point et que le disque est formé d’une 
substance homogène irrégulièrement renflée qui, en réfractant 
plus ou moins la lumière, produit les apparences prises à tort 
pour des traces d'organisation. Je signalai aussi l'existence de 
nodules irréguliers à la base du filament et de lambeaux adhé- 
rens à cette même partie et paraissant être des parties détachées 
en même temps que le Zoosperme du lieu où il a pris naissance. 
Ces lambeaux figurent quelquefois des appendices symétriques 
ou même une enveloppe irrégulière qui aurait abandonné le 
disque, comme on le voit dans les figures que je donne des 
Zoospermes de l’homme (pl. o fig. 6). Aucun auteur, que je 
sache, ne les ayant représentés d’une manière exacte, j'ai rassem- 
clé dans un même groupe les formes les plus remarquables de 
ces Zoospermes avec leur forme ordinaire (fig. a, b.) vues au 
grossissement de mille diamètres, ou du moins représentés dans 
cette dimension d’après les images données par un excellent 


294 F. DUJARDIN. — Zoospermes des Mammifères. 


microscope au grossissement de 300 diamètres, en calcülrnt À 
six pouces la distance pour la vision distincte. 


La plupart de ces Zoospermes montrent simplement un dis- 
que oblong irrégulier, déprimé au centre et inégalement renflé 
près de l'insertion du filament qui lui-même est toujours irré- 
gufièrement épaissi et noduleux près de sa base. Leur longueur 
totale est de —- à -= millimétres ; le disque seul est long 
de —- et large de =; vu de profil (fig. 6,6), ce disque est épais 
seulement de -= millimètre; le filament, qui a souvent plus 
d'un millième de millimètre à sa base, est huit ou dix foisplus mince 
à l'extrémité; c'est pourquoiavec un microscope moins parfait on 
le juge toujours moins long. Parmi les Zoospermss on en voit 
beaucoup dont le flament est pourvu d’appendices presque ré- 
guliers, comme dans la figure 6 c; d’autres moins nombreux 
ont ces appendices plus développés et ressemblant à des lam- 
beaux irréguliers (fig. 6 d) ; il m'est même arrivé quelquefois 
d'en voir (fig. 6 d') chez lesquels ces lambeaux paraissaient 
être une enveloppe imparfaite séparée du disque. 

Les Zoospermes de l’Ane (fig. 7 )et ceux du Cheval ne m'ont 
présenté que des nodules bien visibles à la base du filament, 
mais point de ces lambeaux irréguliers. Cela tient peut-être à la 
fluidité plus grande du liquide qui les contient. Leur disque un 
peu plus aplati etmoinsoblong a 5 à + millimètre de longueur, 
et le filament est au moins neuf fois aussi long, ce qui porte la 
longueur totale à + mill'mètre. 

Si les lambeaux irréguliers que porte à sa base le filament 
des Zoospermes de l'homme tendent à montrer que ces corpus- 
cules ont été adhérens par leur disque à la couche interne des 
tubes séminiferes, et si l’analogie avec les Zoospermes des autres 
animaux concourt à prouver que le disque était primitivement 
la partie adhérente , tandis que le filament était libre’, ce fait est 
démontré bien plus directement encore par l'observation des 
Zoospermes du cochon d'Inde. Ces corpuscules , en effet, au lieu 
d’être simplement formés d’un disque et d’un filament,possédent, 
en outre,une enveloppe glutineuse, soluble dans lammoniaque, 
et qui, servant à réunir d’abordles disques en pilesrégulières dans 
les canaux séminifères, se détache peu-à-peu comme un sac par 


F. DUJARDIN. — Zoospermes des Mammufères. 209 


l’action de l'eau. Si l’on comprime sur une plaque de verre un 
morceau de l’épididyme d’un cochon d'Inde, tué depuis quelques 
heures, on fait sortir des piles de Zoospermes , comme les repré- 
sente la figure 8 a, au grossissement de trois cents diamètres ; 
les disques , bordés par leur enveloppe, sont superposés un peu 
obliquement , et les filamens, notablement renflés à la base, 
sont presque parallèles. En faisant l'expérience sur un cochon 
d’Inde!, tué le 2 octobre à neuf heures du matin , je trouvais en- 
core des Zoospermes vivans à dix heures du soir ; mais j'obser- 
vais que le mouvement était bien moins prononcé quand ils 
étaient laissés dans le liquide même du testicule. En ajoutant 
de l’eau, on fait paraître le mouvement là où il semblait avoir 
disparu. C’est aussi par l'affusion de l’eau qu’on rend plus dis- 
tincte leur structure ; cependant , à l'instant même où ils sortent 
de l'épididyme, si on les sépare en comprimant légèrement et à 
plusieurs reprises,on voit que ,même avant qu'ils n’aient éprou- 
vé l’action de l’eau , ils sont revêtus de cette enveloppe gluti- 
neuse ; mais alors elle forme une sorte de rebordi, et leur donne 
presque la figure d’une cuiller (fig. 6 2). En les écrasant entre 
les lames de verre , on détermine la séparation de l'enveloppe, 
et l’on reconnaît aisément qu’elle a une consistance plus molle 
que le nucleus (fig. 6 c). Quand , après une addition d’eau, les 
Zoospermes flottent librement dans le liquide, et surtout quand 
ils sont tout-à-fait morts,on voit l'enveloppe se détacher de plus 
en plus et former une sorte de poche flétrie (fig. 6 4), envelop- 
pant en partie le disque qu’elle finit par abandonner. Le disque 
(fig. 6 e:2), resté nu, est presque circulaire, épaissi sur les bords, 
particulièrement au point d'attache du filament. Ilfest long de ++ 
et large de > millimètre: son épaisseur est de millimètre. Le 
filament, qui se détache aisément par la pression ou par l’action 
de lammoniaque,est long de + millimètre, noduleux à sa base, 
su son épaisseur est d'environ 5: millimètre ; mais il paraît re- 
vêtu d'une couche de substance glutineuse, qui disparaît en- 
suite. Son épaisseur à l'extrémité n’est pas de plus d’un trois 
milliemme de millimètre. 

Le disque , revétu de son enveloppe , présente un diamètre 
total de >; millimètre. L'enveloppe , ‘en partie détachée, présente 


296 Fr. DUJARDIN. — Zoospermes des Mammufères. 


quelquefois un contour régulier, qui pourrait faire croire qu’elle 
est organisée ; mais , soit en l'écrasart, soit en la dissolvant par 
l'ammoniaque , je me suis convaincu qu'elle est homogène. Voilà 
donc des Zoospermes qui se sont produits dans un état de grou- 
pement analogue à ce qu’on voit dans les insectes, dans les 
mollusques et même dans les batraciens , et ces Zoospermes se 
sont montrés revêtus d’une couche sarcodique analogue à celle 
qui tapisse l’intérieur des tubes séminifères. 

Cette structure sisingulière des Zoospermes du cochond’Inde, 
j'ai cherché à la retrouver chez d’autres rongeurs; mais nos 
espèces différent trop de celles du Brésil , et je n’ai point obte- 
nu le résultat que j'attendais. Les Zoosperines de la souris, par 
exemple , ont le disque sans enveloppe , quoique en forme de 
cuiller (fig. 9). Le filament , au lieu d’être inséré au bord même, 
est fixé à la partie concave du disque, près du centre. De là 
résultent les formes singulières que présentent ces Zoospermes. 
Lorsque le disque s'incline en avant , il paraît soutenu comme 
l’anthère d’une fleur sur son filet, et, quand il est incliné en 
arrière, il forme un angle bien prononcé. Ces Zoospermes exprimés 
de l’épididyme forment un cordon filamenteux, dans lequel tous 
les filamens sont rangés dans le même sens, comme les poiis d’une 
queue de marte. Leur longueur totale est de Æ à + millimètre. 
Le disque a 7 millimètre. 

Tous les Zoospermes sans exception paraissent éprouver des 
modifications particulières parle contact de l’eau, leur mouvement 
est plus vif d’abord:on en voit même qui commencent seulement 
alorsà se mouvoir ; mais bientôt leur filament se contourne plus 
ou moins comme un fil à coudre trop tordu dont on lâche les 
bouts. Il en résulte souvent un épaississementapparent de l’extré- 
mité du filament. De ce que les Zoospermes de la plupart des 
mammifères conservent leur forme lons- temps après la mort, 
lors même qu'ils sont mis en contact avec l’alcooi ou avec des 
solutions alcalines, j'avais cru pouvoir conclure qu’ils diffèrent 
absolument des infusoires auxquels on les a comparés , parce 
que ceux-ci se décomposent et se dissolvent en mourant ; mais 
l'étude des Zoospermes de poissons, qui se dissolvent entière- 
ment ; tandis que certains Vibrions(7. rugula, #7. undula, etc. ) 


F. DUJARDIN. — Z00spermes (le la Carpe. 297 


nesont point dissous par l’'ammoniaque, m'a prouvé que le degré 
de consistance de ces petits organismes ne saurait fournir d’ar- 
gument plausible pour ou contre leur animalité. 


£ 


Sur les Zoospermes de la Carpe, 


Par EF. Dusarpiw. 


Les Zoospermes des Poissons, qui constituent presque exclu: 
sivement la laite ou laitance de ces animaux , méritent surtout 
de fixer l'attention à cause des différences singulières qui les 
distinguent des Zoospermes observées chez les mammifères, les 
oiseaux, les reptiles, les mollusques et les insectes. En effet, au 
lieu de manifester leur vitalité pendant un temps plus ou moins 
long, immédiatement après avoir été tirés de la laite , ils restent 
immobiles et enapparence inanimés jusqu’à ce qu’ilsaient été mis 
en contact avec l’eau ou avec un autre liquide convenable , et 
les phénomènes de vitalité qu'ils montrent alors ont une durée 
invariablement limitée. D'un autre côté, tandis que tous les 
autres Zoospermes conservent , même après leur mort, même 
après avoir été soumis à l’action de l'alcool et d’une solution 
alcaline , la forme qu'ils avaient dans le testicule ou dans les 
vésicules séminales , les Zoospermes des poissons, toujours 
mous et glutineux, changent de forme à l'instant où ils com- 
mencent à se mouvoir. Ils changent successivement encore de 
forme pendant toute la durée de leur vie active jusqu’à ce que, 
cessant de se mouvoir, ils s’altérent presque comme les corpus- 
cules sanguins des mammifères. Sans partaser entièrement 
l'opinion émise par M. Czermak (1), qu , dans son mémoire sur 
les Zoospermes, dit qu'ils sont à la liqueur sémirale ce que les 


(1) Beitrage zu der Lehre von den Spermatozoen, Wien , 1833, 


208 F. DUJARDIN. == Zoospermes de la carpe. 


corpuscüles sanguins sont au sang; on ne peut s'empêcher de 
trouvér que , dans le cas des poissons, cette opinion n'ait un 
certain degré de vraisemblance. Les corpuseules de la laite ont 
réellement cette même consistance qu’on observe dans les cor- 
. puscules sanguins, et, comme eux aussi , ils changent de forme 
et sont susceptibles de s'agglutiner au support par quelques 
points de leur surface; mais ils ont de plus, et cette différence 
est immense; ils ont de plus le mouvement spontané, qui, dans 
ces êtres microscopiques, est l'indice le plus certain de la vie. 
L'étude de ces Zoospermes n’a pu être faite jusqu’à ce jour 
que d’une manière fort incomplète, en raison de l’imperfection 
des moyens d'observation. Spallanzani, toujours mal servi par 
son microscope quand il s’adressait à de trop petits objets ,affir- 
ma que les copuscules (2)de la laite d’une carpe, délayée avec de 
l'eau , sont de petites sphères d’une substance uniforme, qui 
paraît compacte. « Ces petites sphères, dit:il, nageaient dans 
tous les sens de la liqueur, s'avançant , reculant, s’évitant 
mutuellement, s’enfoncant dans le fluide surnageant, se déter- 
minant sur-le-champ à se mouvoir, etc. ; en un mot, ils avaient 
plusieurs des allures et des mœurs des animalcules ». Spallanzani 
ajoute que leur mouvement ne dura pas plus d’un quart d'heure, 
et qu'ensuite ils ne bougèrent plus. Nous verrons plus loin ce 
qu'il y a d’exact dans cette observation. MM. Prévost et Dumas, 
dans leur beau travail sur la génération, annoncèrent ,au con- 
traire, que les Zoospermes des poissons ont, en effet,une longue 
queue d’une extrême ténuité ; mais ils ne firent pas connaître 
en détail leur observation sur ce sujet. M. Bory de Saint-Vin- 
cent admit aussi, d’après Ledermuller, l'existence d’une queue 
chez les Zoospermes des poissons; mais d’autres auteurs la 
niérent absolument. Ainsi M. de Blainville, dans son Manuel 
d’actinologie (1834) , attribue aux Zoospermes de la carpe un 
corps pulvisculaire, sphérique ou globuleux , sans appendice 
caudiforme visible, et, de ples, il dit ne leur avoir pas vu de 
mouvement. Enfin le professeur Czermack, de Vienne, dans un 


(x) Opuscules de physique, de Spallanzani, trad, par Sennebier, t, 11,1p. 21, 


F. DUSARDIN. = Zoospermes tlé la carpe. 209 


mémoire, lu d’abord à l'assemblée dés naturalistes allemands 
en 1832,et publié en 1833, dit positivement que les Zoospermes 
des poissons n’ont pas de queue. Dans sa classification il établit 
pour eux ün ordre particulier, celui des Céphaloïdes, qui ; dit-il, 
sont ronds ; en forme de disqiie , ovales ou presque sphériques 
sans aucuñe trace d’apperdice ou de queue. 

9h voit donc que la question ne pouvait être considérée comme 
entièrement résolue ; c’est dans cet état que je lai reprise, ét 
j'espère que les nonveaux faits, qui m'ont-été révélés par un 
instrument plus parfait et par des moyens noûveaux d'observa- 
tion, auront au moins fait apercevoir le résultat qu'on atteindra 
plus tard avec des microscopes dont le grossissement puisse 
réellement être porté à deux mille fois le diamètre. 

Il est à propos de dire d’abord quelques mots de l'état actuel 
du microscope. Depuis douze ans, cet instrument n’a cessé de 
recevoir des perfectionnemens; cependant, encore aujourd'hui, 
avec le système actuel de construction , les meilleures lentilles 
ächromatiques ne donnent point un grossissement de plus de 
cinq cents diamètres avec une netteté suffisante ; c’est-a-dire 
que Si, par l'emploi de forts oculaires , on porte le pouvoir am- 
plifiänt à huit cents, mille ou quinze cents diamètres, on n’aper- 
Coit aticun détail de plus, on ne distingue aucune partie plus 
nettement qu'avec le grossissement de cinq cents. Les diamètres 
sont amplifiés ; mais la clarté à diminué , et les contours ne sont 
plus tranchés avec la même précision. Les lentilles dont je me 
sers habituellerient ne me donnent qu’un grossissement de trois 
cents diamètres, en supposant à six pouces la distance de la 
vision distincte pour dés objets délicats. Cela équivaut à un 
grossissement de quatre cent cinquante, en supposant cette 
distance à neuf pouces. En éclairant l’objet par un prisme réflec- 
teur ét concentrant convenablement la lumière pour n’avoir pas 
de colorisation ni de franges de diffraction , je vois avec netteté 
le filaient locomoteur des monas lens,des cercaria viridis (Eu- 
glena, Ehr. ), la queue de Zoospermes de la carpe, etc. 

Passons maintenant à l'exposé des phénomènes observés en 
étudiant la laite des poissons, et celle de la carpe en particulier. 
Si lon soumet au microscope un peu de cette laite, placée seule 


300 F. DUJARDIN. — Zoospermes de la carpe. 


entre deux lames de verre, on n'aperçoit rien autre chose que 
des globules ( pl. 9, fig. 10, a), épais de + millimètre, qui, 
par la compression , paraissent peu susceptibles de changer de 
forme. Si l’on ajoute de l’eau, ces globules, dont le diamètre 
augmente rapidement par l'absorption de ce liquide ,se meuvent 
aussitôt avec une extrême vivacité dans tous les sens. On serait 
d'abord tenté de croire que ces globules , en acquérant ainsi le 
mouvement et la vie, n'ont pas subi d’autre changement qu’une 
augmentation de volume, qui porte leur diamètreà millimètre. 
Mais, quand, au bout de quelques minutes ,leur mouvement se 
ralentit, ou même dès les premiers instans , chez ceux de ces 
globules qui se trouvent gèênés dans leur mouvement ,on dis- 
tingue une sorte de queue , un filament d’une excessive ténuité, 
qui sert d’organe locomoteur (fig. 10,0). (1) | 
En moins de cinq minutes on aperçoit déja chez beaucoup 
de ces Zoospermes des changemens plus considérables; quel- 
ques-uns se tiennent fixés au verre par quelque point de leur 
corps ou même par l'extrémité de la queue, et continuant à se 
mouvoir ils se déforment de plus en plus. Le plus grand nom- 
bre de ceux qui se meuvent librement dans le liquide montrent 
alors l'extrémité du filament recourbée et roulée sur elle-même 
(fig. 10 c), de manière à former une boucle comme un fil de 
soie dont on rapproche les deux bouts après l'avoir tordu for- 
tement entre les doigts. Un phénomène analogue avait été ob- 
servé par M. Siebold (4rchiv für anatomie , 1836) sur les Zoo- 
spermes des animaux sans vertèbres à l'instant où ils sonten 
contact avec l’eau, mais une différence notable s’observe dans 
la consistance des uns et des autres. En effet, les Zoospermes des 
mollusques et des insectes paraissent, comme ceux des mammi- 
fères, formés d’une substance résistante et peu contractile, 
tandis que ceux des poissons sont mous et glutineux dans toute 
leur étendue; c’est de là que proviennent tous les changemens 
de forme subis par ces derniers, et notamment la disparition 


(x) Ce filament , vu au grossissement de 300 diamètres , avec un éclairage brillant, parait 
comme un fil simple du cocon du Ver à soie , regardé à six pouces de distance , devant un fond 
aussi vivement éclairé, 


F. DUJARDIN.— Zaospermes de la carpe. 3oi 


de la queue qui se’‘contracte peu-à-peu en s’épaississant , comme 
on le voit dans les figures 10 c, 10 d, jusqu'à ce qu’il ne reste 
plus qu'un prolongement ou une sorte de tubercule (10 e). 

Cependant, si ces Zoospermes, à l'instant où leur filament 
était entièrement développé, sont laissés à sec par une évapo- 
ration partielle, on voit encore le filamenit, mais bien plusgros, 
parce que le liquide albumineux desséché tout au tour en fait 
une masse qui réfracte fortement la lumière. Un effet semblable 
a lieu quand des Zoospermes de mammiferes sont laissés à sec 
sur une plaque de verre, et cela peut expliquer comment, avec 
un microscope, pourtant assez bon, des observateurs récens n’ont 
point vu un filament, que leurs prédécesseurs avaient vu avec 
des instrumens fort médiocres. 

Quand le filament s’est entièrement contracté, ce qui arrive 
après 10 minutes, le Zoosperme présente un diamètre de = à 
millimètre; plus tard, au bout de 25 minutes, beaucoup de 
Zoospermes sont déformés, comme on le voit fer les figures 
10 4, 10 7, 10 m; la plupart, cependant , conservent une forme 
globuleuse : après 4o minutes on n’a plus que deux sortes de 
corpuscules (fig. 10-72), les uns contractés, irrégulièrs, plus 
petits; les autres plus gros, en forme de globules, presque dia- 
phanes, larges de + millimètre et dont quelques-uns sont creu- 
sés de vacuoles (10-0). Quelques-uns de ces globules se mor- 
trent ensuite sous la forme de disques épaissis sur les bords(r10-p), 
comme les globules sanguins des mammifères. Enfin, au bout 
de deux heures tous ces corpuscules fixés à la plaque de verre 
sous l’eau sont devenus des disques irréguliers déprimés au cen- 
tre (fig. 10 g). 

Tel est le mode de transformation habituel des Zoospermes 
de la carpe; mais comme tous ne sont pas exactement dans les 
mêmes conditions, quand on a fait la première affusion d’eau , il 
arrive qu'uné nouvelle addition de ce liquide réveille un cer- 
tain nombre de Zoospermes qu'une enveloppe de mucus avait 
sans doute préservés d’abord. Ce fait a lieu surtout quand on 
opère en faisant arriver l’eau par capillarité entre les plaques de 
verre sur l’une desquelles on a mis d’abord la laite seule. 
Dans ce cas, le reveil des Zoospermes est en quelque sorte suc- 


302 F. DUJARDIN. =« Z00spermnes de la carpe. 


cessif, et pendant un certain temps on a le spectacle de ces ani- 
malcules à tousles degrés de développement; dans ce cas aussi 
or voit de ces animalcules, dont la vitalité s’est éveillée d’une 
manière particulière, continuer à se mouvoir sous une des for- 
mes 10 f,10g,10h,10 &, 10 2, etc.— Ce qui me porte à croire 
que la nature plus ou moins aqueuse du liquide exerce une 
grande influence sur ces développemens anormaux, c'est qu'en 
employant la salive au lieu d’eau, j'en ai vu un plus grand nom: 
bre, et qu’en général les mouvemens ont été moins vifs. Peut- 
être aussi que la viscosité du liquide est la seule cause qi mo- 
difie le mouvement de ces animalcules. 

Toujours est-il que j'ai observé plusieurs fois un grand nom- 
bre de Zoospermes de carpefdont la queue était renflée à sa base 
et à l'extrémité, comme dans les figures 10 fet 10 g, et qui fixés 
par cette extrémité se balançaient dans le liquide en prenant les 
positions indiquées par les figures ponctuées (fig. 10 g); d’autres 
(fig. roi), fixés au verre parun prolongement latéral angulaire, 
se mouvaient comme certains infusoires (720nas, cercaria gibba , 
etc.) ; d’autres enfin fixés par la partie la plus épaisse (fig. 10 h), 
agitaient d’un mouvement ondulatoire leur prolongement eau- 
diforme,en prenant les positions indiquées par la ligne ponctuée ; 
j'en ai même vu qui, flottant dans le liquide, s’agitaient en se 
contractant dans divers sens. 

De ces faits il résulte donc évidemment que les Zoospermes 
des poissons ontune consistance molle, glutineuse et que limbi- 
bition de l'eau joue un grand rôle dans les phénomènes qu'ils 
nous présentent. Des recherches ultérieures montreraient peut- 
être des transformations analogues dans ies Zoospermes des 
autres animaux ; mais jusqu'à présent, quoique M. Peltier ait 
annoncé avoir vu les Zoospermes de la grenouille prendre une 
figure analogue à celle des Vorticelles, on admet généralement 
que ces animalcules en général conservent leur forme propre 


et sont seulement susceptibles de se contourner de diverses 
manières. 


F, DUJARDIN. — Æmbryon des’ Entozaaires. 303 


t 


Sur l'embryon des Entozoaires et sur les mouvemens de cet 
embryon dans l'œuf , 


Par F. Durarpin. 


Dans une note adressée à l’Académie des Sciences le 27 acto- 
bre 1837 et publiée dans le numéro de juin de ces Annales, j'ai 
fait connaître des faits nouveaux sur la manifestation de la vie 
chez les embryons de Limace. Le résultat, je l’avais obtenu en 
poursuivant des recherches depuis long-temps entreprises pour 
arriver à la connaissance plus exacte des organismes inférieurs, 
etilme fut d'autant plus agréable qu'il me montrait au début 
de l'existence d’un animal très complexe des caractères et des 
propriétés analogues à ce que j'avais vu dans les Amibes. Dans 
ces Infusoires si simples comme dans les embryons de Limace, 
une substance molle, slutineuse, diaphane, et en apparence homo- 
gène, s'étend, se retire et semble se mouvoir en différens 
sens en coulant comme un liquide visqueux. Plus tard ces 
mêmes embryons s'étaient couverts de cils vibratiles sur une 
certaine partie de leur surface; ils avaient donc alors pris 
les caracteres d’un ordre d’Infusoires incontestablement plus 
élevé que les Amibes, et, au lien de présenter au liquide en repos 
qui les environne des parties plus ou moins étendues de leur 
substance molle, ils pouvaient au moyen de leurs cils détermi- 
ner des courans dansleliquide et se tourner eux-mêmes pour mul- 
tiplier encore davantage leurs points de contact avec ce liquide. 

Long-temps auparavant j'avais cherché à voir quelque signe 
de vitalité dans les œufs de quelques animaux inférieurs et no- 
tamment dans ceux des Entozoaires ou vers intestinaux paren- 
chymateux. Dans les œufs de Distome et de Ténia, si faciles à 
obtenir dans tous leurs degrés de développement, j'avais bien 
vu en globules distincts cette même substance glutineuse qui 
exsude du corps de ces Entozoaires mourans, et que j'ai pro- 
posé de nommer Sarcode ; mais je n'avais pu apercevoir aucun 


” 304 F. DUJARDIN.— Æmbryon des Entozoaires: 


mouvement. Ces œufs probablement étaient trop loin encore du 
terme de leur maturité. 

Enfin, en répétant cette observation sur les œufs d’une 
Douve, j'ai eu la satisfaction de voir les embryons changer de 
forme et se mouvoir dans l'œuf au moyen des cils vibratiles dont 
leur surface est couverte. La Douve qui m’a fourni cette obser- 
vation se trouvait en grand nombre dans la vessie urinaire d’une 
grenouille tenue en captivité depuis six mois, et morte le 29 
octobre 1837. D’après sa forme allongée et le rapport de ses 
deux ventouses, je présume que cette Douve était le Distoma 
cygnoides de Rudolphi; cependant elle présentait une teinte 
jaune-rougeâtre bien prononcée qui n’est point indiquée dans 
les auteurs. Plusieurs de ces Douves étaient sorties d’ellesmêmes 
du corps de la grenouille morte , et restaient adhérentes à la 
peau. Leur longueur êtait de 8 à 10 millimètres. Je pus les con- 
Server vivantes dans l’eau durant quatre jours. En les compri- 
mant légèrement entre des lames de verre, je fis sortir par l’o- 
viducte les œufs les plus mürs, qui étaient ovoides, longs 
de >: millimètre , et laissaient voir par transparence le fœtus 
du ver,plus court d’un sixième environ (pl. 9, fig. 3).Ce fœtus, 
en moins d’une demi-minute,avait totalement changé de forme: 
il était tantôt ovoïde , tantôt pyriforme ou en forme de gourde. 
Les contractions qu'il éprouvait se propageaient d'avant en ar- 
rière, et produisaient un ou deux étranglemens variables. De 
temps en temps il se retournait d'avant en arrière, ou bien il 
tournait sur lui-même, et l’on reconnaissait parfaitement que 
ces mouvemens étaient produits par des petits cils vibratiles qui 
sont indiqués dans la figure. Cette observation fut répétée avec 
succès sur plusieurs œufs arrivés au même degré de maturité. 
Les œufs plus petits, ceux qui n’avaient que + millimètres, ne 
contenaient que des globules sarcodiques. 

Ainsi donc, voilà un Entozoaire qui, entièrement dépourvu 
de cils vibratiles extérieurs dans son entier développement, 
en présente de bien visibles pendant sa vie embryonnaire. Se- 
rait-ce, par hasard , que les Douves ou Distomes , que les Te- 
nias , etc., avant de se fixer dans les organes où doit s'achever 
leur existence, ont d’abord des organes locomoteurs, transitoires, 


‘ F. DUJARDIN. — Sur les infusoires. 305 


et que, durant une première période de leur existence, ils sont 
susceptibles de nager librement dans les eaux. 

Cette conjecture, qui m’a été suggérée par M. Audouin lors- 
que je communiquai à la Société Philomatique le fait en ques: 
tion, sera vérifiée ou renversée par des observations ultérieures; 
on doit toutefois reconnaître, dès cet instant, que cette conjec- 
ture reçoit un certain degré de probabilité de ce que certaines 
espèces d'Infusoires classées par Müller dans ses genres Leucophre 
et Bursaire se trouvent exclusivement dans les intestins des gre- 
nouilles, tandis que d’autres se trouvent exclusivement aussi dans 
les intestins des Lombrics. En effet, les embryons qu'on voit se 
mouvoir dans les œufs de notre Distoma cygnoides ont assez bien 
les caractères des Leucophres, c’est-à.dire un corps oblong 
entouré de cils vibratiles de tous côtés, et de plus ils sont 


quatre ou cinq fois plus petits que les Leucophres décrits par 
Müller. 


Sur les Infusoires munis d’un double filament locomoteur, 
Par F. Durarpin. 


Dans un mémoire inséré dans le tome v de ces Annales, jai 
signalé dans beaucoup d’Infusoires très simples la présence 
d'un filament flagelliforme qui est leur seul organe locomoteur. 
Je m’efforçai alors de montrer que ce filament si long et si dé- 
lié ne peut être une trompe, parce qu'il est entièrement ho- 
mogène et semblable aux filamens glutineux des Rhizopodes. 
J'avais vu ces derniers filamens, dans certains cas, se dresser 
et s’agiter un peu, ce qui rendait l’analogie plus frappante ; et 
d'autre part, j'avais vu des Pyronèmes perdre leur filament et 
continuer à se mouvoir encore, ce qui ne permettait guère 
d'admettre que l'organe perdu fût aussi important que doit l'être 


une trompe. Cependant quelques observateurs, trompés saps 
VIII, Zoo, — Novembre, | 20 


306 F. DUJARDIN. »— Syr les infusoires. 


doute par l'agitation de l'extrémité du filament, et croyant de- 
voir compléter par la pensée ce qui échappait à leur vue, 
avaient admis que cette extrémité doit porter une bouche en- 
tourée de cils. Pour rectifier cette dernière opinion, il suffira 
de répéter l'observation avec des instrumens meilleurs ou dans 
des circonstances plus favorables; quant à ce qui est d’y voir une 
trompe où un conduit pour l'introduction des alimens, en outre 
de l'invraisemblance qui résulte de leur longueur dispropors 
tionnée et de leur ténuité, je puis citer l’Infusoire dont j'ai parlé 
à la Société Philomatique le 10 juin 1837, et qui possède deux 
filamens absolument semblables, servant alternativement à cet 
animalcule pour se fixer ou pour se mouvoir dans le liquide. 
En effet, tant qu'on n'avait vu qu'un seul filament à un Infu- 
soire, On pouvait, à la rigueur, supposer que son analogie 
avec ceux des Rhizopodes est seulement apparente, et qu'il rein- 
plit à-la-fois tes fonctions d'une trompe et celles d’un organe de 
locomotion ; mais quand on a un Infusoire muni de deux fila- 
mens pareils, à moins de vouloir lui accorder deux trompes, 
on est bien forcé de renoncer à cette opinion. D'ailleurs, ces 
filamens dans linfusoire en question ainsi que dans beaucoup 
d’autres, ont la faculté de se coller au porte-objet tantôt dans 
un point, tantôt dans un autre point de leur longueur : de là 
résulte la preuve de leur nature glutineuse comme chez les 
Rhizopodes. Or, si l’on n’y peut supposer une membrane ex- 
terne, un épithélium, quelle raison aurait-on de supposer à 
l'intérieur un œsophage, un tube membraneux, lorsque sur- 
tout on n’en aperçoit pas le moindre indice ? 

L’infusoire à double filament dont je veux parler (pl. 3, fig. 
4) est une des espèces confondues par Müller sous le nom de 
monas pulvisculus ; c’est probablement aussi le #icroglena 
monadina de M. Fhrenberg, ou du moins on laurait pu 
prendre pour cette espèce avant de connaître ses filamens; 
mais ce noùveau caractere en fait un type particulier fort im- 
portant. Je crois donc convenable de le désigner par une nou- 
velle dénomination, et je l'appellerai Diselmis viridis. IL est 
ovoide ou presque eglobuleux, vert, avec un ou deux points 
rouges qui ont été pris à tort pour des yeux. Il se compose d’une 


F. DUJARDIN. — Sur les infusoires. 307 


membrane transparente, tapissée irrégulièrement à l'intérieur 
par la matière animale verte, et percée vers le sommet d’une 
ouverture ronde par laquelle sortent, en divergeant, les deux 
filamens flagelliformes qui, en raison de leur extrême ténuité, 
paraissent tout-à-fait incolores. 

La longueur de la Diselmis varie de +5 à 55 millimètre; les 
filamens, deux fois et demie aussi longs que le corps, mont 
guère que —"— millimètre d'épaisseur : ils sont fixés et comme 
agglutinés sur la plaque de verre du porte-objet quand Panimal- 
cule est immobile ; mais bientôt lun des filimens se détachant 
du verre et s'agitant avec force, lanimalcule reste amarré par 
l'autre filiment et oscille sans changer de place; peu-à-peu 
l’autre filament’se détache à son tour, et l’on voit alors com- 
went il peut ne pas adhérer également dans tonte son étendue, 
car il est quelquefois plié en angle. L'animalcule, lorsqu'il a 
détaché ses deux filamens , parcourt le liquide en les agitant 
tous deux ä-la-fois , ce qui produit un mouvement tremblottant 
ou une sorte de balancement rapide. Pendant ce mouvement, 
il est fort difficile d'apercevoir les filamens ; mais quand bientôt 
l'animal se fixe de nouveau, on voit l'un d’abord, puis läntre, 
s'agiter plus lentement et s’agglutiner ensuite à la plaque de 
verre, soit par l'extrémité, soit par tout autre point, pour re- 
tenir comme deux amarres le petit infusoire : on voit souvent, 
d'ailleurs, ces filamens se rompre à leur base et flotter librement 
dans le liquide. 

Ce Diselmis s'était développé en quantité prodigieuse dans 
de l’eau de pluie qui avait séjourné sur du terreau, à Fombre, 
vers la fin du mois de mai. La surface de l'eau se couvrait d’une 
pellicule d'un vert foncé très brillant, et si on l’agitait, la pelli- 
cule se dissolvait aussitôt, et le liquide restait uniformément 
coloré. 

Cette matière verte vivante et animale, quoiqu'elle différât 
sons tous les rapports de la matière verte végétale, et que, par 
exemple , étendue et séchée sur un papier, elle résistät beau- 
coup mieux à l’action des réactifs chimiques, avait, comme 
celle des plantes, la propritté de dégager de nombreuses bulles 
de gaz sous l’influence de la lumiére solaire. 


204 


308 F. DUJARDIN. — 954r Les infusoires. 


Pour d’autres infusoires munis d’un double filament , on ne 
pourrait arguer de la similitude parfaite des deux filamens pour 
prouver que ce ne peut être des trompes. En effet, dans les es- 
pèces figurées (pl. 9, fig. à), lun des filamens est très ténu, 
toujours en mouvement, et représente le filament flagelliforme 
des monas, des euglena, etc.; l'autre, beaucoup plus épais, 
représente l’un des filamens du #rinema que j'ai décrits dans 
mon précédent mémoire(Ann. Sc. nat. 2° sériet. v). Ilest évidem- 
ment glutineux et contractile; il adhère au verre du porte- 
objet en un ou plusieurs points, ou même dans une certaine 
partie de son étendue. Au moyen de ce filament, l’animalcule 
se trouve solidement amarré , et, en le contractant subitement, 
il peut changer de lieu pour éviter quelque obstacle; mais il 
peut aussi le détacher entièrement du plan qui le supporte, et, 
se mouvant alors en avant d’un mouvement assez lent au moyen 
du filament flagelliforme seul, il traîne l'autre filament comme 
un cordage flottant, jusqu’à ce que, voulant se fixer de nou- 
veau, il le fasse adhérer à la plaque de verre. Une fois fixé, 1l 
reçoit de son filament flagelliforme un nouveau mode de mou- 
vement : il s’agite en tous sens, comme s’il voulait vaincre la 
résistance que lui oppose son petit cable; mais s’il vient à con- 
tracter tout-à-coup son gros filament, on reconnait aisément 
qu'il n’était fixé que par l'effet de sa propre volonté. 

Ces Infusoires, auxquels je n’essaie pas pour le moment de 
donner un nom générique, se trouvent fréquemment dans 
l'eau de la Seine et dans les eaux stagnantes des environs de 
Paris. C’est dans la couche de débris qui entoure les tiges des 
plantes aquatiques que l'on peut espérer les trouver plus sûre- 
ment. L'infusoire représenté par la fig. 5 b au grossissement de 
300 diamètres, a été observé le 12 octobre dernier dans l’eau 
de Seine. Il est long de trois à cinq centièmes de millimètre. 
L'autre (fig. 5 a) était observé dans de l’eau d’un étang, conser- 
vée depuis trois mois avec des débris de plantes aquatiques. Ses 
dimensions étaient un peu moindres, car le plus grand n'avait 
que 35 millimètre de longueur. L'un et l’autre sont composés 
d'un sac membraneux contenant une substance glutineuse vi- 
vante , susceptible de se creuser de vacuoles. Vers l'extrémité, 


F. DUJARDIN. — Sur les infusoires. 309 


un peu de côté, se trouve une ouverture par laquelle sortent les 
deux filamens. Le filament flagelliforme est presque aussi mince 
que dans la Cercaria viridis (Euglena Ehr.). Celui qui sert de 
câble est beaucoup plus gros : il n’a pas moins de 35 milli- 
mètre ; aussi est-il bien facile à reconnaître. 

Bien que ces filamens aient à remplir un rôle différent, je ne 
crois pas que l’un plus que l’autre puisse être une trompe véri- 
table; celui des deux que par analogie on aurait pu regarder 
comme tel est précisément le plus mince, et l'autre ressemble 
trop à ceux des Trinèmes et des Rhizopodes pour qu’on puisse 
supposer à l'intérieur des détails d'organisation que sa transpa- 
rence parfaite ne laisse aucunement apercevoir. Je suis loin de 
prétendre pourtant que ces filamens n'aient aucun rapport 
avec la nutrition chez tous les animaux qui en sont pourvus; 
bien loin de là, comme ils sont souvent la seule partie dépour- 
vue de tégument, je crois qu’ils doivent être aussi la partie la 
plus propre à absorber les substances nutritives dissoutes dans 
le liquide. Les Rhizopodes , en effet, les Difflugies, les Arcel- 
les, etc., n’ont absolument point d’autres organes de nutrition 
que la surface tout entière de leurs expansions glutineuses. 

Quoi qu'il en soit, les filamens locomoteurs et les diverses 
expansions glutineuses doivent fournir les principaux et les 
meilleurs caractères distinctifs pour les genres et les ordres des : 
Infusoires dépourvus de cils vibratiles. Ainsi, par exemple, des 
Amibes par les Difflugies et les Arcelles, on‘arrive d’un côté aux 
Rhizopodes, et d’un autre côté, par les Trinèmes, on passe à 
ces derniers Infusoires que je viens de décrire ; puis de ceux-ci 
par les Diselmis, on arrive aux différens genres d’Infusoires 
munis d’un seul filament flagelliforme , lesquels forment une sé- 
ric très étendue et très variée, depuis l'Euglena ou Cercaria 
viridis jusqu'aux Monades proprement dites. 


310  F. DUTARDIN. —= Sr le Gromia et les Difhugies. 


Sur une nouvelle espèce de Gromia et sur les Difflugies. 


Par F. Durarpin. 


Depuis que j'ai fait connaître la véritable organisation des 
Rhizopodes, je me suis constamment appliqué à rechercher et 
à étudier les êtres qui dans la classification peuvent servir de 
lien entre ces animaux si singuliers et les Infusoires proprement 
dits. Déjà en 1835 (tome 1v de ce Recueil) j'avais indiqué l’ana- 
logie des Rhizopodes avec les Amibes et surtout avecles Difflu- 
gies et les Arcelles. Ce rapprochement, que justifiait alors la con- 
naissance de la Gromia oviformis, et qui eùt paru bien trop 
hardi si l’on n’eüt considéré d'une part que les Milioles ou les 
Vorticiales et d'autre part que les Amibes formant l’autre extré- 
mité de la série, ce rapprochement s’est trouvé confirmé de ‘jour 
en jour par de nouvelles observations. Deux faits, que je crois 
les plus riches en conséquences et les plus propres à servir de 
base à une classification rationnelle des organismes inférieurs, 
avaient été signalés par moi dans mes précédens mémoires: savoir, 
qu'il est des animaux inférieurs dépourvus de tégumens oud'épi- 
thélium, et que des prolongemens ou des filamens mobiles peu- 
vent être produits par l'expansion d’unesubstance vivante molle, 
glutineuse, sans fibres et s'étendant en vertu d’une forceinté- 
rieure. Ces deux faits ont été confirmés par d’autres microgra- 
phes; M. Peltier en répétant les observations que j'avais com- 
muniquées à la sociéte philomatique sur une espèce d’Arcelle, a 
vu lesexpansions gélatineuses se souder à la volonté de l'animal, 
et de plus il a constaté chez ces animalcules le mode de repro- 
duction que j'avais admis dans mon mémoire sur les Orga- 
nismes inférieurs (Ann. Sc. nat. déc. 1835). En écrasant des Mi- 
lioles, j'avais vu « quelques lambeaux vivans se contracter iso- 
« lement, puis émettre de nouveau des filamens comme s'ils 
« étaient devenus des centres partiels d'organisation », et j'en 
concluais que les Rhizopodes se multiplient au moyen des lobes 


F. DUYARDIN, — Sur le Gromia et les Difflugies. 311 


de substances qu'ils abandonnent çà et là sur les corps solides. 
Ce singulier mode de reproduction, M. Peltier l’a constaté sur 
les Arcelles vivantes; il a vu une de leurs expansions s’allonger 
davantage, se fixer à l'extrémité, puis, après que la substance 
glutineuse vivante avait été refluée plusieurs fois dans un sens 
et dans l’autre, l'extrémité se détachait et formait un petit amas 
incolore qui au bout d’un cértain temps se couvrait d’un test 
corné et déveriait une véritable Arcelle. 

Dés faits aussi importans méritent bien de fixer l’atténtion 
des observateurs ; mais comme les Rhizopodes à test calcaire, 
les Milioles, les Vorticiales, etc., ne peuvent être étudiés qu'aux 
bords de la mer, il est à propos de faire connaitre les animal- 
culés analogues habitant les eaux douces. Depuis la découverte 
de la Difflugie ( Difflugia proteiforrmis) par M. Léon Leclerc de 
Laval on a observé plusieurs autres espèces qui doivent être 
rapportées au même genre: telle ést celle dont je donne la figure 
(pl: 0, fig. 1 a. b.), et qui peut être nommée Difflugia globu- 
losa ; je Fai trouvée fréquemment dans les bassins du Jard'ä 
des Plantes, fixée aux feuilles mortes de Cyperus et de Pontede- 
ra. Elle est caractérisée par son test corné presque globuleux, 
et remarquable surtout par l'allongement de ses expansions, 
qui sont souvent ramifiées à l’extrémité. La longueur du test 
est de >= millimètre. Les Arcelles décrites d’abord par M.Ehren- 
berg ne different des Difflugies que paf la forme de leur test 
qui est en segment de sphère, plat en dessous et convexe en 
dessus. L'ouverture qui laisse sortir les expansions glutineuses 
est ronde, beaucoup plus large proportionnellement, et occupe 
le milieu de la face plane. On les trouve fréquemment, comme 
les Difflugies, adhérentes aux feuilles mortes des plantes maré- 
cageuses ; j'en ai même conservé péndant plus d’un an avec des 
débris de végétaux recueillis dans les étangs ; elles se tenaient 
fixées aux parois du flacon et pouvaient étre étudiées sur place 
avec une forte loupe ; leur diamètre était de + à : millimètre. 

Dans ces déux genres d’animalculés, les expansions sont 
épaisses de & à + millimètre, également largés dans toute 
leur étendue et arrondies à l'extrémité : l'analogie avec les vrais 
Rhizopodes n'est donc pas complète, et l’on devait desirer voir, 


312 Fr. DUJARDIN. »—.5 /e Gromia et les Difflugies. 


dans quelque Infusoire pourvu d'un test ou d’une enveloppe, 
se produire des filamens minces comme ceux des Trinèmes et 
ramifiés comme ceux des Milioles. C’est ce que m’a montré der- 
nièrement un animalcule dont je donne la figure (pl. 9, fig. 2 
a. b. c.\ et que je propose de nommer Gromia fluvialis pour ex- 
primer à-la-fois sa ressemblance avec la Gromia oviformis qui 
vit dans la mer, et pour indiquer le lieu où je l'ai trouvé. Je l'ai 
observé le 12 octobre sur des plantes aquatiques prises la veille 
dans la Seine à Saint-Denis, et conservées dans des flacons pleins 
d’eau. J'avais enlevé, sur des feuilles de Potamogeton, la couche 
de débris et de petites feuilles de conferves qui est si riche 
en Infusoires de toute espèce; parmi plusieurs globules larges 
de + millimètre environ, assez semblables à des œufs, et ren- 
dus à moitié opaques par la substance animale de l'intérieur, 
j'en vis un qui avait émis des filamens tout-à-fait semblables à 
ceux des Milioles, et qui changeait lentement de place aussi, 
comme ces Rhizopodes. La figure 2 4. b. représente cette Gro- 
mia à l'instant où ses filamens furent bien épanouis ; la fig. 2 6, 
exprime la position qu’elle avait prise dix minutes après; la fig. 
2 c. enfin montre la disposition des filamens quand une légère 
secousse la détermina à changer la direction de son mouve- 
ment. Dans cette dernière figure, les filamens sont repliés et 
croisés les uns par-dessus les autres. Dans cette espèce mieux 
encore que dans les Rhizopodes marins, on voit les filamens 
élargis en palmures à l'endroit des bifurcations ; d’ailleurs, le 
mouvement d’afflux de la matière glutineuse et la soudure des 
filamens ont lieu de la même manière. 

Cette nouvelle espèce, en complétant la série déjà tracée 
entre les Amibes et les Rhizopodes marins, montre bien, comme 
cela a été dit, que les êtres de cette série appartiennent au 
même type d'organisation, et que, entre les Gromia et les Dif- 
flugies par exemple, il n’y a que des différences génériques, 
celles-ci, comme les Arcelies, ayant leurs expansions épaisses 
et arrondies à leur extrémité, celles-là, au contraire, ayant 
leurs expansions filiformes plus ramifiées et trés amincies à 
l'extrémité. 


F. DUJARDIN.— Sur le Gromia et les Diffluÿies. 313 


EXPLICATION DE LA PLANCHE 9 


1. Difflugia globulosa, vue au grossissement de deux cent cinquante diamètres: — 4, vue 
par-dessus avec des expansions plus nombreuses et ramifiées ;—?, vue par le côté pour montrer 
V’orifice du test : ses expansions commencent à s'étendre ;— c. expansion divisée en trois lobes 
à l'extrémité. 

2. Gromia fluvialis, vue au grossissement de deux cent cinquante diamètres: — 2 a, — 
2 b, la même vue à dix minutes d'intervalle ; — 2 c. les expansions de la Gromia à l'instant 


où elle vient de changer de position, 


3. OEuf du Distoma cygnoïdes, dans lequel embryon, pourvu de cils, change de |forme et 
de position en a , #, c. La longueur de cet œuf est de" millimètre : il est représenté grossi 
deux cent 8 an AMAR fois, 


&. Diselmis viridis. Infusoire pourvu de deux filamens locomoteurs et constituant une sorte 
de matière verte, produite dans l’eau de pluie qui a séjourné sur du terreau: il est représenté 
grossi cinq cents TR Dans la figure a, les deux filamens sont supposés se mouvoir en même 
temps ; dans la figure à, l’un d’eux{est fixé à la plaque de verre,—5 a. 5 8. Nouvelles espèces d'in- 
fusoires pourvus d'un double filament locomoteur, savoir: d'un filament flagelliforme analogue 
à ceux du Diselmis , et d’un filament plus gros, contractile , susceptible de se coller à la plaque 


de verre. 


6. Zoospermes de l'homme, représentés grossis mille fois : la longueur de la tête seule est de 
—— millimètre, et la longueur, totale de omill.,048 ou —— millimètre. En a sont figurés les 
Zoospermes dans leur forme la plus ordinaire; en à, les mêmes vus de profil; en c, sont des 
Zoospermes qu'on voit fréquemment , avec des renflemens en forme d’appendices symélriques, 
à la base du filament ; en d , on a représenté des Zoospermes portant des lambeaux de la sub- 
stance dans laqnelle ils ont pris naissance ; l’un d'eux 4’ semble méme porter unc enveloppe 


rejetée en arrière de la tête, 


7. Panyrmes de l’âne , vus au grossissement de mille diamètres : la longueur du disque est 


de—— à —, et la longueur totale de millimètre. |, 


8. Zoospermes du cochon d'Inde, vus à divers grossissemens : — a. tirés par expression de 
l'épididyme: ils ont leurs disques empilés comme une pile de verres de montre, et leurs queues 
presque parallèles: ils ne se meuvent avec une certaine vivacité qu'après qu’on a ajouté de l’eau. 
Ils sont représentés grossi trois cents fois. La grosseur au disque est de = millimètre, et la 
longueur totale de - millimètre; — 8. l’un d’eux grossit huit cents fois, pour montrer la 
disposition de la couche enveloppante qui doit favoriser l’adhérence des Zoospermes empilés ; 
— c. l’un d'eux, grossi six cents fois, écrasé entre deux lames de verre, pour montrer com- 
ment le disque peut se dépouiller de son enveloppe et se séparer de son filament.—4. plusieur 
de ces Zoospermes, morts avec l'enveloppe plus ou moins détachée du disque: ils sont grossisS 
mille fois; — €. un Foosperme de cochon d'Inde, mort et privé de son enveloppe , qui a été 
dissoute par l’ammoniaque ; — / des disques isolés ;-—g un disque vu de profil; —un filament 
détaché, Les figures d-g sont grossies huit cents fois. 


9. Zoospermes de la souris, grossis neuf cents fois. 


10. Zoospermes de Ja carpe , grossis mille fois: — à globules pris dans la laite : ils ont 


314 eue. — Structure des Hydatides: 


alors -!— millimètre; — & les mêmes, après que, par le contact de l'eau , ils se sont gonflés et 


1 
270 


ont acquis une queue très mince , qui leur sert d'organe locomoteur :ils ont de à 2 mill. ; 
— e les mêmes , quand , au bout de cinq minutes, la queue commence à se boucler ; —4, avec 
la queue contractée en partie et plus grossie ;—e les mêmes , quand , au bout de douze à quinze 
minutes; la queue est entièrement contractée 3 —= f, g, , à sont des Zoospermes aui conti- 
nuënt à se mouvoir plus lentement et adhèrent à la plaque de verre par quelques pointé; — 
k ,1,m, les Zoospermes morts ct flottant dans le liquide, au bout de vingt cinq minutes ; en 
raison deÏleur natureglutineuse : ils paraissent encore changer de forme parleur contact mutuel, 
et de la viscosité du liquide; — ». les Zoospermes vus après quarante minutes : les uns sont en 
globules ou disques translucides; les autres plus contractés, en forme de granules irréguliers ;— 
o. l’un des globules diaphanes creusé d’une rainure ; —p. l’un des disques au bout d’une heure, 
ressemblant à un corpuscule sanguin de mammifères; — q les disques agglutinés sur le verre, 


au bout de deux héures. 


Nore sur la structure microscopique des Hydatides ; 


Par M. Gruce. 


(Lue à l’Académie royale des Sciences de Bruxelles, le 4 novembre 1837.) 


L’anatomie des acéphalocystes ayant été jusqu'ici peu cultivée, jai cru 
utile de rappeler Fattention sur une organisation assez curieuse. Les observa- 
tiôns que j'ai l'honneur de soumettre à l'académie ne sont qu'un extrait suceinct 
d’un mémoire plus étendu. | 

Ou trouve comme on sait, dans l’homme, ainsi que dans quelques animaux 
des vésicules qui contiennent ou un liquide limpide ou de petits grains na- 
gcant dans ce liquide où attachés à la surface mtérieüre de la vésicule. Pallas 
avait le premier émis l’opinion que ces petits grains pourraïent bien être des 
animalcules, mais à M. Goeze (1), appartient leur decouverte. Il trouva que 
ces petits grains visibles à l’œil nu contenaient, observés par le microscope, 
üne infinité de petits animalcules. Il donna la description des crochets et 
des quatre suçoirs qui se trouvent à la partie supérieure de l'animal. 

Il faut avouer que les auteurs qui l'ont suivi n’ont rién ajouté à cette 
description, et généralement on a augmenté la confusion sur les hydatides. 
C'est ainsi que Rudolphi (1), dans son ouvrage classique , se borna à donner 
seulement la copie des figures de Goeze ; et que M. Bremser, dans la première 
édition de son ouvrage, excellent du reste, nia même l'existence de ces petits 
vers (échinocoques) chez l'homme , qui avait été signalée par Goeze ; et c’est 
plus tard seulement que, dans une‘dissertation d’un de ses élèves (M. Renzdorf), 


(r) Gocze , Versuch einer Naturgeschichte der Eingeweidewürmer im thiérischen Korper . 
Leipzig, 1782.4, eterster Nachtrag zur Naturgeschichte der Eingeweidewürmer von Goeze 
von Zeder, Leipzig, 1800. 4. 


(2) Rudolphi K, 4, Entozoorum listoria naturalis. Amstelodami 1808, 83 


cLuce. — Structure des Hydatides. 31 


il rétracta son erreur, M. Laennec et M. Kuhn ; le dernier dans sa disser- 
tation sur les hydatides (Strasbourg 1832), ont donné des remarques intéres- 
santes (1); mais ils ont augmenté la confusion sous le point de vue zoologique et 
anatomique. Le second nia les crochets; mais il ne fut induit en erreur que 
parce qu'il s'était seulement servi d’un grossissement de 4 fois , tandis qu'il en 
faut de 200 fois pour bien étudier la nature des échinocoques. M. Laennec 
enfin réunit des élémens fort hétérogènes en confondant les échinocoques et 
les vésicnles qui n’en contenaient pas sous le nom d’acephalocystes: 

Cette dénomination renferme déjà une hypothèse. Le nom de kyste sans 
tête laisse présumer que l’auteur regarde comme des animaux les hytatyides 
mêmes qui ne contiennent pas des échinocoques , opinion qui n’est nullement 
prouvée. 

H me paraît plus prudent ; d’après les observations que jai faites et dont 
je donnerai le résumé, de laisser le nom d’hydatides à toutes les vésicules ren- 
fermant des grains d’échinocoque ou non, et d'attendre pour les subdivisions 
le temps ou des observations microscopiques nombreuses auront été faites 
sur ce sujet. Les miennes ont été faites avec le microscope de Schiek de 
Berlin, et un grossissement de 250, sur les hydatides de l'homme et dû 
cochon. 


I. Hydatides contenant des grains d’échinocoques. 


1. Animalcule. J'ajoute seulement aux observations faites par les auteurs 
précédens qu’on trouve dans la parte postérieure de l'animal des corpusculés 
assez curieux ; ils sont d’une figure ronde, transparens , et sont formées par 
un noyau et une enveloppe séparés sous le microscope par une ligne noire. 


Je ne saurais mieux les comparer qu'aux œufs des limaçons regardés par la 
loupe simple, après avoir été rendus transparens par un acide. Seulement ils 
sôtit infiniment plus petits (37100 millim. ä-peu-près). Ils sont situés vers la 
partie latérale de animal, de manière à former un demi éerele, et laissent un 
pétit espace entre eux. Leur nombre est variable : on en voit 3, 5 et plus. On 
les sépare facilement du corps de léchinocoque ; et, s’il éommence à être détruit 
on les trouve quelquefois déjà détachés. Il se pourrait bien que ces petits corps 
fussent des œufs, cependant ce n’est qu'ime hypothèse. 


Les crochets de l'animal se conservent très long-temps, pendant que son 
corps se détruit facilement par la décomposition ou putréfaction des tissus 
environnans, qui renferment les hydatides. C’est par la présence de ces cro- 
chets , qu’on peut toujours déterminer si les grands kystes, qu’on trouve sou- 
vent dans Je foie ou dans des autres organes , et remplis, d’une matière verte, 
contenaient dès leur origine des échinocoques ou non. 


* 2. Le liquide dans lequel les échinocoques nagent est assez transparent ; il 
contient des globales d’un diamètre différent qui ressemblent tout-à-fait aux 
gouttelettesde graisse que renferment les kystes du tissu adipeux de l’homme (2). 
Ils se trouvent aussi fortement adhérens à la surface interne du kyste qui ren- 
ferme les échinocoques. Outre ces globules, il y en a d'autres d’une nature . 
tout-à-fait différente, 


(2) Voyez mes observations sur le tissu cellulaire, Annales de physiologie. 
(2) Voyez Annales des Sciences naturelles, premiète sérié, tone xx1x. 


316 GLUGE. — Structure des Hydatides. 


3. Ce sont des globules parsemés de points noirâtres, d’une surface 
inégale, de différens diamètres, dont la moyenne est à-peu-près de 37100 
millim. 

4, Des cristaux. J'ai décrit dars un autre mémoire les cristallisations qu'on 
trouve dans les sécrétions saines et morbides des mammifères. Celles de l’echi- 
nocoque ont quelque chose de particulier ce sont des lames demi transparentes 
rectangulaires , qu’on trouve dans le liquide en très grand nombre; elles sont 
très minces; je n’en ai trouvé jusqu'ici dans aucune sécrétion morbide. Ces 
cristaux augmentent à mesure que le liquide et les enveloppes se décomposent, 
mais ils se trouvent toujours dans Îes hydatides qui sont encore parfaitement 
intacles. | 


5. Membranes. La membrane qui forme le kyste hydatique peut être divisée 
artificiellement en plusieurs lames; si l'on, regarde la surface interne au mi- 
eroscope , on aperçoit, même avec un faible grossissement , les globules (adi- 
peux), dont nous avons parlé et dont plusieurs auteurs ont déjà fait mention. 
La membrane est composée , d’après mes observations, de la manière suivante. 
Elle ne contient aucune fibre; des grains infiniment petits sont disposés l'un 
auprès de l’autre et forment aiusi une surface unie, dont un fort grossissement 
seulement peut faire distinguer les petites granulations qui constituent la masse 
entrère de la membrane; quelquefois seulement des fibrilles très courtes se 
présentent dans la membrane; mais constamment j'y ai vu une sorte d’arbo- 
risation qui ressemble assez bien aux formations qu’on trouve dans la fibrine 
exsudée pendant le premier degré de l'inflammation. On voit alors des corps 
trausparens avec des contours un peu irréguliers , ressemblant aux vaisseaux 
sanguins vides et se ramifiant comme ses derniers. Si ce sont de véritables vais- 
seaux je n’en sais rien, toutefois j'ai cru devoir noter le fait. 


Un autre fait assez curieux que j'ai trouvé dans la structure des membranes 
hydatiques , est le suivant : Si l’on coupe verticalement dans leur épaisseur une 
lame très mince , on voit par uu grossissement de 255 fois, que la membrane 
est formce par des couches concentriques , l'une posée exactement sur l’autre. 
Une ligne noire, effet de la réflexion de la lumière, désigne le commencement 
de chaque nouvelle couche. L’épaisseur des couches est différeute ; j'en ai vu 
de 17500 jusqu’à 17100 millim. On voit aussi alors que toute la masse , comme 
la surface, est composée de petits grains ou molécules liés par l’apposition la 
plus étroite. Maintenant si nous cherchons à établir une comparaison de cette 
structure avec d’autres tissus, nous trouvons seulement les membranes de 
l'œuf des mammifères (je n’ai comparé que celles-ci), offrant une assez grande 
ressemblance, comme nous le démontrerons plus tard dans un travail, sur les 
membranes de l’œuf fait en commun avec M. Breschet (1). Pour les couches 
concentriques, je ne saurais mieux les comparer qu’à celles du bois, et dans les 
tissus des animaux qu’à la structure du cristallin. C’est là que M. Valentin a 
trouvé une semblable disposition , mais les couches sont plus uniformes quant 
au diamètre, et c’est pourquoi on a pu proposer de se servir de lignes noires 
pour millimètre. 


6. Les hydatides finissent par être détruites déjà dans le corps vivant. C’est 
alors qu’on trouve une masse verdâtre constituée par des molécules sans aucune 
forme distincte. 


(x) Voyez le cahier précédent de ces Annales. 


GLUCE. — Structure des Hydatides. 317 


Les globules qui ressemblent aux gouttelettes adipeuscs y sont mêlés. M. Cru- 
veilhier a attribué la couleur de cette masse à la bile; mais comme les Hydatides 
peuvent subir cette transformation hors du foie, on ne saurait faire valoir cette 
cause. 


IT. Hydatides sans échinocoques. 


1. Liquide. Le liquide contenu dans ces kystes, qui ne se caractérisent que 
par l'absence des grains d'échinocoques, quoique transparent, n’est jamais pur. 
Il contient toujours les corps suivans : 

1. Des globules semblables à ceux qu’on trouve dans les échinocoques cou- 
verts des points noirs. 


2. Des globules d’un aspect graisseux, et, comme dans les précédens, forte- 
ment attachés à la surface interne de la membrane. 


3. Des cristaux ou des lames minces, rectangulaires ou d’une autre forme, 
comme des prismes, etc. 


4. Des globules très petits ( plus petits que les globules du sang ) qui forment 
des agglomerations. Ils ne setrouvent pas dans leskystes remplis d’echinocoques. 

Les membranes offrent absolument la même structure que les kystes qui ren- 
ferment les échinocoques. Seulement composces par des grains infiuiment petits, 
des couches se sont posées successivement l’une sur l’autre , et on voit , par une 
couche perpendiculaire, six et plus de ces couches qui sont séparées par une 
ligne noirc. 


Ces Hydatides subissent, comme les Echinocoques, la transformation en ma- 
tière verte, qui alors offre la même apparence sous le microscope. Seulement jy 
ai encore vu des eorps assez ressemblans aux vibrions, mais je n’ai jamais re- 
marqué de mouvement. 


Ordinairement les Hydatides sont renfermés dans une membrane commune, 
qui les sépare entièrement du tissu de l’organe où elles sont déposées. Sa struc- 
ture diffère tout-à-fait de celle des kystes hydatiques. Il n’y a pas de fibres 
dans les dernières, tandis que cette membrane offre des fibres distinctes, dont 
la formation entre tout-à-fait dans la manière dont se forment les fausses mem - 
branes ; sujet d’un haut intérêt, mais qui n’entre pas dans le but de notre com- 
munication. 


Nous avons dit au commencement qu’il était impossible à présent de former 
une division naturelle entre les deux formes des Hydatides. Les observations 
que nous avons faites l'ont, nous le croyons, démontré en signalant la même 
Structure dans les membranes des deux formes, et, à l'exception des animal- 
cules, le même contenu dans les kystes. 


La seconde forme n’est-elle que la première au commencement du développe- 
ment ? Je ne saurais le dire, mais j'ai noté avec soin tous les corps qu’on re- 
marque dans leur liquide, pour faciliter les recherches de ceux qui, un jour, 
seraient assez heureux pour observer le développement des Echinocoques. Mais 
pi l'opinion que chaque kyste est un animal, ni celle que les kystes hydatiques 
de la seconde forme ne diffèrent pas des autres kystes qui se forment quelque- 
fois dans le corps animal , ne peut être admise d’après mes observations. 


(Bulletin de Acad. roy. de Brux., 4 nov. 1838.) 


Ed 


318  PRevost, — Contraction de la fibre musculaire. 


, 


Nore sur le développement d’un courant électrique qui accom- 
qm£, 
pagne la contraction de la fibre musculaire, 


Par le Dr J. L. Prevosr, 


{Lue à la Société de Phys. et &'Hist. nat, de Genève , le 5 décembre 1837.) 


Nous publiïmes , il y a quatorze ou quinze ans, avec M. Dumas, uu mé- 
moire sur la fibre musculaire, dans lequel nous déterminämes, que le rac- 
courcissement des muscles était dû à la flexion sinueuse des fibres; nous attri- 
buâmes la flexion à l'attraction des filets nerveux qui, placés à de petites distances 
les uns des autres, perpendiculairement à la direction des fibres musculaires , 
se rapprochaient lorsqu'un courant électrique, émané du système cérébro-spinal 
venait à les parcourir. Nos observations ayant été faites avec un microscope 
moins bons que ceux de M. le professeur Amici, la véritable disposition de 
l'appareil du mouvement nous échappa, et notre assertion resla comme une 
hypothèse ingénieuse à laquelle il manquait les développemens nécessaires à 
sa confirmation. J'ai repris cet été ce travail avec de meilleurs moyens , et 
voici un des résultats que jai obténus. — Si l’on regarde chez la grenouille 
les muscles , avec un pouvoir amplifiant de 400 : Fon voit qu’ils sont composés 
de petits cylindres dont le diamètre varie entre cinq et vingt centièmes de 
millimètre; ces cylindres sont unis entre eux par le tissu cellulaire au tra- 
vers duquel passent , de l’un à l'autre cylindre , les nerfs et les vaisseaux. 

Les fibres ainsi disposées parallèlement entre elles, vont, sans se diviser, 
se fixer , soit aux tendons, soit aux aponévroses qui correspondent à leurs extrés 
mités , celles-ci s’arrondissent et s’implantent dans une petite fossette , disposée 
sur le tendon pour les recevoir. 

Les cylindres musculaires, que nous nommerons les fibres, sont composés 
eux-mêmes de fibrilles, dont le diamètre est un + de millimètre environ, 
Elles sont juxtaposées dans le cylindre, et si étroitement unies qu’elles sem 
blent, à un observateur peu attentif, ne faire qu'un tout homogène. 

À la surface des fibres musculaires telles que nous venons de lesdécrire, nousre« 
marquous des anneaux quijentourent toute leur circonférence, comme feraient de 
petits rubans: ils sont distans les uns des autres de = de millmètre environ 
sur la fibre , lorsqu'elle a perdu toute irratibilité; sur le vivant ils sont plus 
rapprochés : ces anneaux appartiennent à la membrane d'enveloppe. Si celle-ci 
se fend longitudinalement , ce qui arrive quelquefois, on voit saillir dans la 
fente les fibrilles longitudinales, qui en fontle corps; les portions déchirées 
des anneaux laissent apercevoir des bouts de filets qui les composent, et qu'on 
n’y peut voir dans l’état normal. 

En éclairant les fibres musculaires par un miroir qui réfléchit li lumière à 
leur surface supérieure, on voit les filets nerveux qui se ramifient sur le muscle 
se jeter dans les anneaux des fibres ; ils semblent ainsi les envelopper comme le 
feraient une suite d’arises. Dans l’état de repos les fibres e sont pas droites, 
mais légèrement flexueuses. Lorsqu’elles agissent , toutes les portions de la 
ligne brisée qu’elles présentent, gravitent les uues contre les autres, et la 
contraction musculaire résulte du raccourcissement auquel cette action donne 
lieu. Tels sont les faits que chacun peut apercevoir avec un bon microscope. 

Maintenant , appliqnons à cette disposition anatomique très remarquable, la 
doctrine des courans électriques, le long des filets nerveux. Il est clair que, dans 


PREVOSF. =« Contraction de la fibre musculaire. 319 


ce cas, chaque fibre deviendra comme un petit aimant à charnière flexible, 
dont les diverses parties tendrunt à s'attirer les unes les autres, et produiront 
l'effet que nous observons dans la contraction des muscles; mais comment re- 
connaître ces courans ? Jusqu'à présent on s’est contenté de les chercher avec 
le multiplicateur électrique, et l’on ne devait rien trouver, puisqu’on avait 
affaire à des courans fermés, et que nous savons qu’un nerf coupé ne transmet 
pas d'action. Il ne nous restait donc que l’aimant pour nous les indiquer. Em- 
ployer laiguille aimantée etait difficile : J’ai eu recours à un autr emoyen. 

Si une aiguille est mise en contact avec de la limaille très divisée, comme 
on lobtient avec lime fine et du fer doux, quelque peu aïmantée qu’elle soit, 
on s’en aperçoit par la disposition que prennent les particules de fer à sa sur- 
face : elles se plantent en petites aiguilles qu’on distingue à la loupe. On ne 
saurait confondre cette action avec l'attraction par laquelle les petits corps 
restent attachés à une baguette avec laquelle on les manie. J'ai enfoncé dans 
la cuisse d’une grenouille, en suivant la direction des fibres, une aiguille trés 
fine et point aimantée; la pointe débordait et trempait dans la limaille. Au 
moment où j'ai excité une violente contraction en blessant la moelle épinière, j’ai 
vu les petites particules de fer se planter à la pointe de l'aiguille, comme elles 
le font lorsqu’elle est aimantée; elles disparaissaient avec l'irritation du muscle. 

En étudiant ce phénomène j'espère le rendre très visible, et j'aurais différé 
à le publier jusque-là , si M. le professeur de la Rive ne m’eût conseillé de 
le joindre à l’observation précédente (1) , et d’en prendre date dans notre so= 
cièté. (Bibliothèque universelle de Genève, nov. 1837.) 


EE 


Expériences sur la voix humaine, par M. Cacxarp-LATour: 
(Communiquées à la Société Philomatique, le 26 août 1837.) 


L'auteur rend compte de nouvelles recherches qu’il a faites pour savoir à quelle 
pression, en sus de celle de l'atmosphère, l'air contenu dans la trachée-artère se 
trouve soumis pendant émission de la voix. Se expériences ont été faites sur 
une jenne femme qui avait à la trachée-artère, à 4 centimètres au-dessous de la 
saillie du cartilage thyroïde, un tou d’environ 1 centimètre de diamètre résnl- 
tant d’une opération de trachéotomie. La malade était très avancé dans sa gué- 
rison et pouvait émeltre sa voix à-peu-près aussi facilement qu'avant d’avoir été 
opérée. 

Lorsque, pendant la phonation, la voix était de moyenne intensité, la pres< 
sion supportce alors par l'air contenu dans la trachce-artère faisait équilibre 
moyennement à une colonne d’eau de 13 centimètres. La pression augmentait 
lorsque la voix était plus intense et diminuait dans le cas eontraire; de sorte 
que, daus le cas où la phonation avait lieu à voix très basse, c’est-à-dire sans 
vibrations sensibles du larynx, la pression n’était pas d'environ 3 centimètres. 
Si l'émission de cette voix basse avait lieu pendant l'aspiration , la pression deve- 
nait un peu plus forte , c’est-à-dire de 4 centimètres. (Journal FInstitut, n° 222 


(1) Le travail sur la Torpille, inséré dans le précédent cahier de ces Annales. 


a 


320 SCHULZE. == Sur les générations équivoques. 


Expériences sur les générations équivoques,' par M. Scxurze. 


Depuis que l'attention des physiologistes a été fixée sur la question des géne- 
rations équivoques, on n’a jamais observé le développement d'êtres organisés 
dans des vases complètement purgés d’air par l’ébullition et hermeétiquement fer- 
més. L'accès de l'air est considéré comme une condition essentielle pour que la 
décomposition des matières organiques donne lieu à la production d’Infusoires ; 
et en effet,au moyen d’une couche d'huile placée à la surface d’une infusion, on 
arrête le phénomène. Maïs il restait encore à déterminer si l'action de l'air 2tmo- 
sphérique, de la lumière et de la chaleur étaient les seules conditions nécessaires 

our que des êtres organisés , végétaux où animaux pussent se manifester dans 
de semblables infusions, et, pour résoudre cétte question, il fallait s'assurer 
qu’en commençant l'expérience il n’existait déjà dans le liquide aucun germe ca- 
pable de se développer, et prendre les précautions nécessaires pour que, pendant 
le cours de cette même expérience , l'air n’y introduisait rien de semblable. 

Pour éclairer ce point important de physiologie, l’auteur remplit à moitié un 
flacon de cristal avec de l’eau distillée contenant diverses substances animales et 
végétales , puis boucha le vase à l’aide d’un bouchon traversé par deux tubes 
coudés , et soumit l’appareil ainsi disposé à la température de l’eau bouillante. 
Enfin, pendant que la vapenr s’eéchappait encore à travers les tubes dont nous 
venons de parler, il adapta à chacun d’eux un de ces petits appareils de Liebig 
employés par les chimistes dans les analyses élémentaires de substances organi- 
ques , et remplit l’un d’acide sulfurique concentré, l’autre d’une solution con- 
centrée de potasse. La température élevée avait dû nécessairement détruire tout 
ce qui était vivant ct tous les germes qui pouvaient se trouver dans l'intérieur 
du vase ou. de ses ajustages, et la communication du dehors en dedans était in 
terceptée par l'acide sulfurique d’un côté, la potasse de l’autre; néanmoins, en 
aspirant par l'extrémité de l'appareil où se trouvait la solution de potasse, il était 
facile de renouveler l'air ainsi enfermé, et les nouvelles quantités de ce fluide 

ui s’introduisaient ne pouvaient porter avec elles aucun germe vivant, car elles 
étaient forcées de passer dans un bain d’acide sulfurique concentré. M. Schulze 
plaça l'appareil ainsi disposé sur une fenêtre bien éclairée à côté d’un vaseouvert 
dans lequel il avait mis en infusion les mêmes substances organiques, puis il eut 
le soin de renouveler l’air de son appareil plusieurs fois par jour pendant plus de 
deux mois, et d'examiner au microscope ce qui se passait dans l’infusion. Le vase 
ouvert se trouva promptement rempli de Vibrions et de Monades auxquels s'ajou- 
tèrent bientôt des Infusoires polygastriques d’un plus grand volume, et même 
des Rotateurs; mais l'observation la plus attentive ne peut faire découvrir la 
moindre tache d’Infusoires, de Conferves ou de Moisissures dans l'infusion con- 
tenue dans l’atitre appareil soit pendant le cours de l'expérience soit après sa ter- 
minsison lorsque le flacon fut vide et toutes les parties de l'appareil examinées 
avec soin. Néanmoins , l’infusion retirée de ee même appareil et exposée à l'air 
libre ne tarda pas à donner des infusoires de la manière ordinaire, (Edinburgh 
new philosophical Journal, octobre 1837.) 


MILNE EDWARDS, — Sur les Tubulipores. 327 


« 


Mémomme sur les Polypes du genre des Tubulipores , 
Par M. H. Mreve Enwanrps. 


(Présenté à l'Académie des Sciences, le 5 février 1838. ) 


js 


Dans un mémoire que j'ai eu l'honneur de lire à l'Académie, 
il y a quelques années, j'ai rendu compte de mes observations 
sur quelques Polypes de la famille des Alcyoniens, et j'ai an- 
noncé l'intention de m'occuper successivement, sous le double 
rapport de l'anatomie et de la zoologie, des divers animaux de 
la même classe dont il me serait possible d'étudier, sur nos côtes, 
la structure intérieure (1). Depuis lors, j'ai fait connaître le 
mode d'organisation propre à un autre groupe naturel de cette 
classe , le genre Eschare (2), et j'ai indiqué les résultats géné- 
raux auxquels j'étais arrivé, en cherchant à faire de la distribu- 
tion méthodique de tous ces Zoophytes, une sorte de tableau 
synoptique des diverses modifications plus ou moins impor- 
tantes que la nature a introduites dans la conformation tant 
intérieure qu'extérieure de ces petits êtres. (3) 

Dans le travail que je soumets aujourd’hui au jugement de 
l'Académie, je me propose de poursuivre l'exposé de cette série 
dé recherches minutieuses, et de m'occuper d’un groupe de 
Polypes qu’on ne connaît encore que très imparfaitement, celui 
des Tubulipores. 


(x) Observations sur les Alcyons proprement dits, — Mémoire sur les Alcyonides. ( Ann. 
Sc. nat. 2° sér. t. 1v.) 


(2) Recherches anatomiques, physiologiques et zoologiques sur les Eschares, (Ann. Sc. nat. 
2° sér. t. vi.) 

(3) Essai d’une classification naturelle des Polypes , présentée à la Société Philomatique le 
20 mai 1837, et publiée par extrait dans Je journal l’/nstitut, 


VIII, 2000, == Décembre. 2 


set” 


322 MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 


Le nom générique de Tubulipore a été donné par Lamarck 
à un certain nombre de petits Polypiers, à cellules tabuleuses 
et réunies par leur base en faisceaux rampans ou en petites 
masses encroûtantes qu'on trouve assez fréquemment adhérens 
à des fucus ou à d’autres corps sous-marins. Ce zoologiste les 
place entre les Flustrés et les Discopores (1); Lamouroux les 
réunit aux Cellépores pour former de la sorte un ordre parti- 
culier (2), et Cuvier les range à la suite de ce dernier genre dans 
la famille des Polypiers à cellules (3). Mais tous ces auteurs ne 
savaient rien sur la structure intérieure de ces animaux, et ne 
connaissaient que leur dépouille calcaire. M. de Blainville a été 
le premier à donner, d'apres les observations inédites de MM. 
Quoy et Gaimard, quelques notions sur la conformation de ces 
Polypes, qui, dit-il, sont «grèles, allongés, kydriformes et 
pourvus de huit tentacules simples » (4); enfin ce naturaliste 
prend les Tubulipores pour type d’une famille qui comprend 
aussi les Obélies, les Microsolènes et les Rubules, genres qui 
sont moins bien connus encore que ies premiers. 

Tel est l'état de nos connaissances sur l’organisation des Tu- 
bulipores. D’après le peu de mots que je viens de citer, on se- 
rait porté à croire que ces Polypes ont une structure analogue 
à celle des Sertulariens, qui, en effet, sont des animaux « grèles, 
hydriformes et pourvus de tentacules simples »: mais cette 
opinion serait tout-à-fait erronée, car, au lieu d’être organisés 
comme les Hydres, les Tubulipores sont en réalité conformés 
sur le même plan général que les Eschares , et offrent une com- 
plication organique presque aussi grande : les observations sui 
vantes en donnent la preuve. 


(x) Histoire des animaux sans vertèbres, première édition, t, 1r, p. 161, et deuxième édition, 
Lx, p. 241. 

(2 Exposition méthodique des genres de l’ordre des Polypiers , page 5. 

(3) Règne animal, deuxième édition, t. xx , p. 305% 


(4) Manuel d’actinologie, page 424. 


MILNE EDWARDS. == Sur des Tubulipores. 325 


$ 1. Du Tubulipore verruqueux. 


(Planche 12.) 


Pendant mon séjour à Roscoff, sur les côtes de la Bretagne, 
j'ai rencontré à l’état-vivant plusieurs Tubulipores qui se trou- 
vaient fixés sur les larges frondes des laminaires, et y formaient 
. de petites masses à-peu-près circulaires dont la base était adhé- 
rente et dont la surface supérieure était hérissée d’une multi- 
tude de tubes redressés vers le bout (1). Ces tubes, rampans à 
leur base et libres à leur extrémité supérieure, partaient du 
centre du Polypier, et, quoique disposés avec irrégularité, 
montraient une tendance bien évidente à se réunir en des sé- 
ries linéaires, rayonnantes comme les lames cloisonnaires d’un 
Polypier étoilé; une substance calcaire commune empätait la 
base de ces tubes crétacés et en cachait l’origine ; enfin chaque 
tube était ouvert à son extrémité supérieure, et ne présentait 
dans ce point ni rétrécissement, ni opercule, ni dentelures, 
mais se terminait par un bord mince et circulaire. 

Les petits Zoophytes qui construisent ces polypiers sont 
pourvus de huit tentacules déliés comme l'avaient déjà observé 
MM. Quoy et Gaimard ; mais ces tentacules ne sont pas simples 
dans leur stracture, comme ceux des Hydres ou même des Ser- 
tulaires, et, par le reste de leur organisation, ces Polypes ne 
ressemblent pas davantage à des animaux hydriformes. Chaque 
tentacule est garni latéralement d’une rangée de cils vibratiles 
dont les mouvemens rapides produisent l’apparence d’une ran< 
gée de perles qui roulerait de bas en haut du côté gauche et 
descendrait du côté opposé (2). Sous ce rapport, les Tubulipores 
ne diffèrent en rien des Eschares et des Flustres, et ils y res- 
semblent aussi par la manière dont ils font sortir ou rentrer 
l'ensemble de leur appareil tentaculaire. Chez les Sertulaires et 
les autres Polypes hydriformes, les tentacules pour rentrer dans 


(x) PL 12, fig. z et 4, 
(2) Planche 12 , fig. 7. 


324 MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 


l'intérieur de la loge tégumentaire se contractent beaucoup et 
se recourbent en dedans, de façon à se ramasser en une espèce 
de bouton, tandis que chez les Tubulipores, ainsi que chez les 
Eschares , les Flustres et les autres Polypes de l’ordre des Tu- 
niciens tentaculés , ces appendices, pour se retirer de la sorte, 
se rapprochent les uns des autres, et se réunissent en un fais- 
ceau cylindrique, mais ne se courbent pas et rentrent en ligne 
droite dans l'intérieur de leur gaïîne. Lorsque ces tentacules s’é- 
panouissent, ils sortent de la même manière, comme un faisceau 
de verges raides, puis tout-à-coup s’'écartent entre eux et repré- 
sentent ainsi un cône renversé dont la base serait légèrement 
arrondie vers le bord. 

La bouche occupe, comme d'ordinaire, le centre de cette 
couronne tentaculaire, et s’ouvre dans une cavité digestive 
dont la disposition est essentiellement la même que chez les 
Eschares ; au lieu d’être un sac à un seul orifice creusé dans le 
parenchyme du corps de l'animal, comme chez les Polypes hy- 
driformes, c'est un tube à parois membraneuses, qui est sus- 
pendu au milieu d'une cavité abdominale , qui est recourbé sur 
lui-même, et qui est garni d’une bouche et d'un anus distincts(x). 
La gaine tégumentaire qui nait du pourtour de la couronne 
tentaculaire est fine.et membraneuse dans sa partie antérieure, 
et on voit dans son intérieur des muscles rétracteurs destinés à 
faire rentrer les tentacules, et disposés comme chez les Eschares. 
La portion moyenne et inférieure de cette même gaine tégu- 
mentaire, au lieu d'être mince et flexible comme celle dont 
nous venons de parler, est au coniraire assez épaisse et rigide : 
elle est en quelque sorte ossifiée par le dépôt de molécules 
calcaires dans son épaisseur, et elle constitue ainsi la cellule 
tubuleuse dans laquelle toutes les parties molles du Polype se 
logent lors de la contraction (2). De même que chez les Eschares, 
la portion de l’enveloppe cutanée qui constitue la gaine rétrac- 
tile des tentacules ne se continue pas avec le bord terminal de 
la portion ossifiée des tégumens ; elle s’en sépare un peu plus 


1) Planche 13, fig. 1“. 


f 
\ 
(2) Fig. r?, 


e 
5° 


MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 325 


bas, de la face externe de celle-ci et entre ces deux points, il 
paraît exister un repli intérieur de cette espèce de peau solide ; 
mais ici ce repli, au lieu d'occuper seulement une partie de 
la circonférence de l'ouverture de la cellule et de constituer un 
opercule mobile, garnit tout le pourtour de cette ouverture, et 
ne se distingue pas du reste de la cellule ; aussi l'appareil oper- 
culaire avec ses muscles bilatéraux, qui est si remarquable chez 
les Eschares, les Flustres , etc, n'existe pas ici, et ce caractère 
est un des plus importans pour la distinction des deux familles 
naturelles formées par les Tubuliporiens et les Eschariens. 

La cellule calcaire formée par l’ossification de la majeure par- 
tie de la gaine tégumentaire du Polype, est très longne, et se 
rétrécit peu-à-peu vers son extrémité inférieure. On y remarque 
des stries circulaires dont la disposition n'offre rien de régulier, 
et des pores microscopiques dont le nombre varie. Dans es 
points où elle est en contact avec les tubes voisins, elle se soude 
intimement avec eux et finit même par constituer ainsi une 
masse commune Jans laquelle on ne distingue la structure tu- 
buleuse qu’après y avoir pratiqué une section. Si on fend ver- 
ticalement le polypier (comme dans la préparation représentée 
planche 12, fig. 1”), on voit que, dans le jeune âge, les cellules 
tubiformes ont dù être flexibles, car toutes sont d’abord ram- 
pantes, et elles ne semblent se redresser que lorsque leur ex- 
trémité libre a été soulevée par quelque obstacle mécanique, 
tel que l’agglomération d’un certain nombre de nouvelles cel- 
lules entre leur face inférieure etle corps sur lequel elles ram- 
pent; aussi, lorsqu'elles se développent sur une surface plane 
sont-elles d'autant plus fortement redressées qu’elles sont 
plus éloignées du bord du polypier, et dans ce dernier point 
elles sont presque horizontales. 

En étudiant de la sorte ces petits polypiers, on voit aussi 
que les polypes doivent naître comme des bourgeons les uns 
des autres, de la même manière que chez les Eschariens, et 
que c'est assez près de leur base, du côté inférieur de la cellule 
tégumentaire que cette multiplication s'effectue; car les indivi- 
dus qui occupent le centre de l’aggrégation naissent du fond 
du polypier d'où ils s'élèvent en divergeant comme les rayons 


326 MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 


d’une étoile sans être jamais recouverts par dé jeunes Polypes, 
tandis que ceux qui , à raison de leur position plus excentrique, 
ont dü se former plus tard, naissent toujours au-dessous des 
précédens et les dépassent après avoir longé leur bord externe. 
Ce mode de reproduction détermine les rapports qu'ont entre 
elles les diverses cellules tubiformes dont l’assemblage con- 
stitue le polypier, et rend raison de la tendance de ces loges 
tégumentaires à affecter une disposition sérialaire rayonnante 
ct à s'empiler obliquement les unes au-dessous des autres, de 
facon à former des espèces de cloisons verticales. (1) 


Du reste, le petit polypier résultant de l’agglomération de 
tous ces tubes ne présente pas toujours la forme circulaire et 
radiée que je viens de décrire. Lorsqu'il croit sur une surface 
plane et que rien ne gêne son développement régulier , ilaftecte 
cette disposition ; mais lorsqu'il se trouve fixé sur la tige arron- 
die d’un fucus ou sur quelque autre corps dont la surface est 
irrégulière, il se déforme en grandissant , et cette déformation 
peut être portée au point de le rendre presque méconnaissable. 
Ainsi, au premier abord, on serait certainement porté à considé- 
rer le polypier représenté dans la figure 1 comme appartenant à 
une espèce distincte de celui placé au-dessous (fig. 1°), et quelques 
naturalistes auraient bien pu en former même deux genres dif- 
férens ; mais, pour peu que lon multiplie les observations , on 
ne tarde pas à se convaincre que ce sont de simples variétés 
d’une seule et même espèce, variétés qui sont déterminées par 
les circonstances dans lesquelles ces zoophytes se développent. 
En effet, je n’ai pu découvrir aucune différence individuelle 
entre les polypes composant ces deux agglomérations, et j'ai 
trouvé dans la même localité tous les degrés intermédiaires entre 
ces deux états si différens : quand le polypier était fixé sur une 
surface plane, il grandissait régulièrement tout autour et res- 
taitcirculaire , mais lorsqu'il vivait sur un corps dont la surface 
était inégale , il s’étendait aussi d’une manière inégale, et, sui- 
vant qu’il rencontrait dans tel ou tel point quelque obstacle, 


(1) Fig: zeti”. 


MILNE EDWARDS, — Our les Tubulipores. 327 


il se contournait en divers sens et devenait pyriforme , rameux, 
tubulaire ou d’une forme tout-à-fait indéterminable. 

Le Tubulipore dont nous venons d'étudier la structure n’est 
pas nouveau pour la science; 1] me parait même avoir été ob- 
servé sous plusieurs des formes accidentelles qu'il affecte quand 
son accroissement régulier est entravé; mais, faute d’avoir été 
suffisan:ment étudiée , l'identité spécifique de ces variétés a été 
souvent méconnue, et les naturalistes ont été jusqu’à former 
avec le même animal ainsi modifié dans ses rapports d’aggréga- 
tion, trois espèces et même deux genres distincts. En effet , lors- 
que son développement est normal, ce polypier ne diffère en 
rien du Madrepora verrucaria d'Othon Fabricins (1) qui se 
trouve dans les mers du nord et qu'il ne faut pas confondre avec 
l'espèce désignée sous le même nom par Linné, Pallas et Forskal 
(2); lorsque ce même polypier vit sur une tige rameuse cylin- 
dracée , il affecte quelquefois exactement la même disposition 
que le polypier figuré par Ellis sous le nom de petit Eschare 
pourpre (3) et appelé par des auteurs plus modernes Millepora 
tubulosa (4). Enfin, lorsque son développement a été arrété dès 


(x) Fauna groenlandica, ». 430. 


(2) Othon Fabricius reproduit la phrase caractéristique donnée par Linné pour le Madre- 
pora werrucaria , qui est évidemment le Tubulipora patina Lamarck ; mais d’après sa descrip- 
tion , on voit que le polypier dont il parle ne présentait pas le caractère le plus remarquable 
de ce dernier , et avait la plus grande ressemblance avec l'espèce étudiée par nous; on pourra 
s’en convaincre par la citation suivante : 

æ Tubuli disci per radios plerumque disposili , versus limbum vero magis aggregati , sub— 
compressi, apice acuminali in aculeos 2 vel 3 divisi , superficiem echinatam reddunt, In aliis 
interstitia radiorum integra , in aliis et quidem majoribus, porosa, quasi reticulata, » 

Et plus loin il ajoute : 

« Varietas flavicans in ulvis præsertim obvia, in quarum foliis impressiones orbiculares re- 
linquit. Si ramulis tenellis affixa sit, ant circum illos convoluta, cylindrum seu annulum 
oblongum format, aut duæ oppositæ annexæ ramulum interse seruant. » 

(Faura groenlandica, p. 480.) 

Les dentelures dont Othon Fabricius parle se produisent souvent par suite de la fracture des 

bords très fragiles de l'ouverture des tubes , mais ne présentent ici rien de constant. 


(3) Essai sur l'hist, nat. des Corallines, pl. 27, n. 4, fig. e. £. Pour faciliter la comparai- 
son ; nous avons reproduit au trait cette figure dans notre planche 12, fig. 2. 


(4) Ellis and Solander, Nat. hist. of Zooph. p. 136. — Cuvier, Règne anim. deuxième édit, 
tx, p, 305, Nous avons reproduit cette figure au trait dans notre planche 12, fig. 3, 


328 MILNE EDWARDS.— dur les Tubulipores. 


le principe d'un côté par quelque obstacle mécanique et s’est 
fait librement dans la direction opposée, ce même polypier de- 
vient quelquelois pyriforme, et les rangées de tabes dont il se 
compose se recourbent en dehors, de façon à lui donner tous 
les caractères du petit zoophyte aggrégé dont Lamouroux a 
iormé son genre Obélie (1). Quelquefois on rencontre dans le 
mème polypier une portion dont la disposition ne diffère en 
rien de celle du Millepora tubulosa considéré généralement 
comme le type du genre Tubulipore et une autre portion qui, 
si elle venait à se séparer par suite d’une simple cassure , aurait 
avec l'Obélie tubulifère la ressemblance la plus exacte; l’'échan- 
tillon que j'a figuré sous le numéro 1 présente ce double 
caractère. 

il me parait donc bien probable quele Madrepora verrucaria 
d'Othon Fabricius , le Millepora tubulosa d'Ellis que Cuvier a 
choisi comme type du genre Tubulipore et l’'Obelia tubulifera 
de Lamouroux ne sont que de simples variétés d’une seule et 
méme espèce; au moins, dans l’état actuel de la science, je ne 
vois aucune raison pour les supposer distincts, et il me semble 
par conséquent inutile d'en charger plus long-temps nos catalo- 
gues zoologiques. 

Quant au choix du nom à conserver, la chose est de peu d’im- 
portance; mais cependant, je crois devoir préférer celuiemployé 
par l’auteur de la Faune groënlandaise, car ce naturaliste est le 
seul qui ait décrit notre polypier sous sa forme régulière. Je 
proposerai donc d'appeler ce petit zoophyte le TuBuLiPoRE VER- 
RUGUEUX ( Z'ubulipora verrucosa), et d'y rapporter comme sim- 
ples variétés le Millepora tubipora où Tubulipora de Cuvier et 
ie genre Obélie de Lamouroux. Les caractères que Lamarck a 
assignés à son l'zbulipora orbicularis (2) conviennent aussi très 
bien à ce polypier , mais les figures qu’il cite à l'appui de sa des- 


(1) Lamouroux, Exposition méthodique des genres de Polypiers, p. 8x, pl. 8, fig. 7, 8. 


(2) Lamarck. Hist, des anim, sans vert. , première édit., t. m1, p. 163 et deuxième édit. ÿ 
BU, p.245. — Delonchamps, Encycl, méthod, Vers, p. 759, 


MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 329 


cription (1) se rapportent évidemment à un autre genre : celui 
des Cellépores. 


2. Du Tubulipore patène. (2) 


( Planche 13, fig. 1.) 


On a souvent confondu avec l’espèce précédente le petit po- 
lypier désigné par Lamarck sous le nom de Tubulipore patele, 
mais il me paraît cependant en être bien distinct. La disposition 
des tubes tézcumentaires est essentiellement la même ; ils rampent 
à leur base, se relèvent plus ou moins brusquement vers le bout 
et constituent par leur réunion une petite masse circulaire à la 
surface de laquelle ils forment des rangées qui rayonnent du 
centre vers la cirsonférence; mais ces rangées sont plus régulières 
que dans l'espèce précédente et la circonférence du polypier 
est occupée par une bordure lamelleuse qui lui donne l'appa- 
rence d’un disque ou plutôt d’une cupule dont le centre serait 
hérissé de tubes. Ce limbe présente des lignes rayonnantes qui 
sont éloignées entre elles de l'épaisseur des tubes, et ceux-ci 
sont réunis à leur base par une substance calcaire commune qui 
est criblée de trous et qui constitue une sorte de tissu aréolaire 
de consistance pierreuse. 

Je n’ai pas eu l’occasion d’étudier ce'l'ubulipore à l'état vivant, 
de sorte que je ne puis rien avancer de positiftouchant la nature 
et ie mode de développement des parties communes du polypier 
dont la disposition est si remarquable; mais il me parait pro- 
bable que la portion aréolaire est constituée par des prolon- 
gemens filiformes de la gaîne tégumentaire des divers individus 
réunis dans le même polypier, prolongemens qui se soudent 


entre eux ou avec les parties voisines et qui, en s'ossifiant, don- 
vent naissance à uu réseau solide, Quant à la bordure lamel- 


(1) Orbiculus, Seba. thesaur, t. ur , pl. 100, fig. 7.— Millepora verrucaria, Esper Pflan- 
zenthiere Madrep. pl. 15, fig. B, C. 

(2) Tubulipora patina Lawarck op. cit, p, 244.— Delonchamps encyclop. p. 240, —Blainv, 
Mau, d’actin, p. 429. 


330 MILNE EDWARDS. — 19#r les Tubulipores. 


leuse dont le polypier est entouré, il me parait aussi très pro- 
bable qu’elle résulte d’un premier degré d'ossification desrangées 
périphériques des jeunes Polypes dons les tubes tégumentaires 
- seraient disposés parallèlement les uns à côté Ace autres, et 
se solidifieraient par leur face inférieure avant que de s'endur- 
cir dans le reste de leur étendue. 

C’est avec raison que Lamarck a rapporté à cette espèce les 
polypiers décrits sous le nom de Madrepora verrucaria par 
Ellis et Solander (1), Linné (2), Pallas (3) et Esper (4). Forskal 
‘en a aussi donné une figure (5), et je ne vois aucune raison 
suffisante pour en distinguerspécifiquement le Tubulipore repré- 
senté par M. Savigny dans le grand ouvrage sur l'Egypte (6) et 
désigné par M. Audouin sous le nom de Melobesia radiata (9) 
car la seule différence que j'ai pu apercevoir est que , dans l'é- 
chantillon figuré par M. Savigny, la substance commune qui 
empâte le centre du polypier est moins abondante et moins 
aréolaire que dans celles que j'ai eu l’occasion d’observer. Enfin 
l'Obélie rayonnante de MM. Quoy et Gaimard (8) offre aussi la 
plus grande analogie avec le Tubulipore patèle et devra proba- 
blement ne pas en être séparée. 


$ 3. Du Tubulipore frange. (9) 


(Planche 14, fig. 2 et20.) 


Le Tubulivore frangé de Lamarck me parait peut-être une 
p 6 P P 
espèce bien distincte des précédentes pon-seulement à raison 


(:) Nat. hist. of Zooph. p: 137. 

(2) Syst. naturæ ; editio duodecima reformata , t. 1. pars 2. p. 1272. 

(3) Elenchus zoophytarum , p. 280. 

(4) Pflanzenthiere, t. x, p.120. Madrep. pl. 17, fig. A. D.E. 

(5) Icones rerum nat, tab. 26, 6g. d. D. 

(6) Egypte. Polypes, pl.6, fe. 3. 

(7) Explication des lhéties de M. Savigny dans le grand ouvrage sur l'Égypte. Hist, nat, 
Lr, p.235 (edit. in-fol.). 

(8) Voyage de l’Uranie. Zool. pl. 89, fig. 12. 

(9) Tubulipora fimbriata Lamarck Hist. des anim. sans vertèbres, première édit. t, 2 p. 163, 
et deuxième édit. t. 2 p, 243, -Delonchamps Encyel. méth. Vers, p. 759.-de Blainville Dict, 
des Sc. nat, t, 56 p. 53. 


MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 337 


de la disposition générale du polypier, mais à cause de la forme 
individuelle des Polypes. En effet, il se compose, comme celles- 
ci, d’une aggrégation de tubes rampans et relevés vers le bout ; 
mais ces tubes, au lieu d’être pour la plupart réunis en fais- 
ceaux dans toute leur longueur, sont tous isolés dans leur por- 
tion redressée, et, au lieu de former entre eux, des séries liné- 
aires, ils n’affectent aucune disposition constante et se dirigent 
dans tous les sens; enfin, ils nese relèvent pas seulement vers 
le bout,mais se contournent plus ou moins sur eux-mêmes dans 
toutes les directions. Quant au polypier considéré dans son en- 
semble, il ne diffère du reste que peu de certaines variétés irré- 
gulières du Tubulipore verruqueux ; il affecte la forme de petites 
plaques encroûtantes , allongées et irrégulièrement branchues, 
qui rampent sur la surface des plantes marines, et qui sont hé- 
rissées par la portion terminale des tubes tégumentaires des 
Polypes dont la base est empâtée dans une substance calcaire 
commune de texture grenue. 

La description donnée par Othon Fabricius du Tubipora ser- 
pens (1) convient si bien à cette espèce que je n'hésite pas à 
considérer ces deux polypiers comme identiques, mais il ne 
faut pas le confondre avec le Tubipora serpens de Linné (2) qui 
est un Aulopore. Ainsi que l'avait déjà observé Lamarck, il 
faut rapporter à cette espèce le Cellepora ramulosa figuré 
par Esper (3) et mentionné par quelques autres zoologistes. 
En fin, lepolypier figuré par M. Savigny (4) et désigné par M. Au- 
douin sous le nom générique de Proboscina (5) me paraît être 
encore ce même Tubulipore , ou du moins une espèce si voisine 
que, dans l’état actuel de la science , on ne peut y assigner au- 
cun caractere distinctif de quelque valeur, J'ajouterai aussi que 
le polypier figuré par M. de Blainville (6) comme étant le Zu+ 


(1) Fauna groenlandica, p. 428. x. p, 261. 

(2) Amen. acad. 

(3) Pflanzenthiere, t, 1, p. 251 (sous le nam de Madrepora ramulosa), et Altas Cellep. 
tab. V (sous le nom de Cellepora ramulosa ). 

(4) Egypte, Polypes. pl. 6, fig.!4 (Probascina Boryi À.) et fig. 5 (P. Lamourouxi). 

{5) Explication des planches de M. Savigny. (Hist, nat. t, 2 ,p. 238.) 

16) Manuel d'actinologie, pl, 62 , fig, 3, et Dict, des Sc, nat, pl. 40, fig. 3. 


332 MILNE EDWARDs. — Sur les Tubulipores. 


bulipore foraminulé de Lamarck ne présente pas la disposition 
indiquée comme étant caractéristique de cette dernière espèce, 
et ne me paraît pas différer notablement de celui dont nous 
venons de nous occuper. 


$ 4. Je n’ai pas eu l’occasion d’observer le Tübulipora forami- 
rulata de Lamarck(r), mais, d’après la courte description que 
ce naturaliste en a donné, je suis porté à croire qu'il doit res- 
sembler beaucoup au Tubulipore verruqueux, car il forme, 
dit Lamarck, des plaques suborbiculaires encroûtantes, et ses 
tubes sont inclinés, cohérens et divergens de tous les côtés 
comme des rayons. 


+ 


$ 5. Le Tubulipora transversa de Lamarck (2) appartient, 
comme nous le verrons bientôt, au genre Idmonée, et, ainsi 
que l’a fait observer M. Eudes Delonchamps (3), c’est à tort que 
ce naturaliste (4) a rangé parmi les Tubulipores l'£schara an- 
nularis de Pallas (5) et de Moll. (6) 


Quant au Tubulipore paielle de Lamarck (7), il était facile 
de se convaincre que ce ne pouvait être un polypier appartenant 
à ce genre, car les prolongemens que ce naturaliste avait décrit 
comme étant des tubes ne sont pas creux (8); et en effet, M. 
Valenciennes a constaté récemment que ce prétendu Tubulipore 
n'était en réalité qu'une plaque épidermique de quelque Es- 
turgeon. (9) 


(1) Lamarck. Hist. des anim. sans vert., première édit. tome 1r, p./163 et deuxième édit. 
t.1n1,p. 243. — Delonchamps. Encycl. méthod. Vers. p. 759. Blainville. Dict. des Sc. nat. 
t. 56, p.33, et Manuel d'actinologie, p. 425. 

(2) Lamarck. Hist, des anim, sans vert. , première édit. t, 17, pe 162 et deuxième édit, t. a, 
P- 242. 

(3) Encyclop. p. 760. 

(4) Lamarck. op. cit. , deuxième édit, , t. 11, p. 245, 

(5) Elenchus zoophytorum , p. 48. 

(6) Monogr. de Eschara , p. 36, pl, 1, fig. 4. 

(5) Tubulipora patellata Lamarck, op, cit, t. x. p: 245. 

(8) Voy. Blainville op. cit., et les notes que j'ai ajoutées à la deuxième édition de Lamarck, 
Las, p. 245. C2 

(9) Séance de la Soe. Philom, du 11 mars 1837. Voy. le jourual l'Znstitut, 


MILNEEDWARDS, — Sur les Tubulipores. 333 


ESPÈCES FOSSILES. 


Jusqu'ici on n'a pas, du moins que je sache, signalé de 
Tubulipore à l’état fossile; il en existe cependant plusieurs qui 
appartiennent , les uns à la craie, les autres aux terrains ter- 
tiaires; j'en ai déjà rencontré trois espèces, et lorsqu'on cher- 
chera les très petits polypiers fossiles avec plus de soin qu’on 
ne le fait ordinairement, il est probable qu’on en découvrira en 
plus grand nombre. Du reste, ces fossiles ont la plus grande 
analogie avec les espèces actuelles comme on pourrait s’en 
convaincre par les détails suivans: 


$ 1. Tubulipore de Grignon. 
( Planche 13, fig. 2—24. ) 


Ce fossile que j'ai trouvé à Grignon ressemble beaucoup au 
Tubulipore patèle, il en présente la disposition générale, mais 
il en diffère par le diamètre de ses tubes qui sont beaucoup 
plus grèles, par la position des prolongemens dentiformes de 
leur bord qui sont latéraux au lieu d’être placés l’un du côté in- 
terne ou supérieur , l’autre du côté externe de l’ouverture, et 
par lastructure du limbe général du polypier , qui, au lieu d’être 
lamelleux et simplement strié à sa face supérieure, est tout cou- 
vert de petites cellules qu’on reconnaît facilement pour être 
les premiers rudimens d'autant de tubes. 

Je crois devoir considérer comme une simple variété de cette 
espèce un petit polypier fossile appartenant à la même période 
géologique et trouvé à Parnes. Par sa forme générale, il diffère 
cependant beaucoup du Tubulipore que je viens de décrire, car, 
au lieu d’être orbiculaire, il ressemble à un coin dont la base 
serait semi-circulaire (1). En effet, il est comme ployé en deux, de 
façon que les deux moitiés de la face inférieure, au lieu d’être 


(x) Planche 13, fig. 2°. 


334 MILNE EDWARDS. — Our les Tubulipores. 


horizontales , s'élèvent presque verticalement , et c’est entre ces 
deux plans inclinés que se trouve la portion terminale des 
tubes técumentaires dontla structure et la disposition sont, du 
réste, les mêmes que dans les variétés orbiculaires. Si cette forme 
générale était constante, elle serait certainement indicative 
d’une différence spécifique; mais il me paraît probable qu’elle 
n’est qu'accidentelle; aussi, en attendant que l’on ait à ce sujet 
des observations plus nombreuses, me semble-t-il préférable 
de ne pas donner à ce fossile un nom particulier. 


$ 2. Du Tubulipore de Brongniart. 


(Planche 14, fig. r et 1°.) 


Cette seconde espèce de Tubulipore fossile offre aussi à-peu- 
près la même disposition générale que le Tubulipore patène, 
mais parait ne pas avoir de limbe lamelleux, caractère qui ten- 
drait à le rapprocher du Tubulipore verruqueux. Les tubes 
tégumentaires de ce petit polypier sont très étroits, et sont, 
pour la plupart , réunis en rangées doubles de façon à constituer 
des cloisons rayonnantes, assez épaisses, disposées à-peu-près 
régulièrement et très espacées, qui sont séparées à leur base par 
une substance commune compacte vers la surface, mais réticu- 
lée à l’intérieur. 

Ce fossile, dont le diamètre est d'environ trois lignes, sé 
trouve dans la craie de Meudon, et je le dédierai au savant natu- 
raliste dont les travaux ont jeté tant de lumières sur la consti- 
tution géologique du bassin de Paris. 


$ 3. Du Tubulipore étalé. 


( Planche 14, fig. 3 et 3°.) 


Ce fossile se rapproche du Tubulipore frangé plus que de 
toutes les autres espèces connues, mais en diffère néanmoins 
beaucoup et tend à établir un passage entre les Tubulipores 
ordinaires et les Bérénices. 


MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 335 


Les tubes dont il se compose ont une épaisseur très grande 
et rampent irrégulièrement dans la plus grande partie de leur 
longueur, puis se relèvent et sont alors, pour la plupart, com- 
plètement libres et isolés. Inférieurement , ils sont réunis en 
une masse commune, mais ils ne se recouvrent que peu les uns 
les autres, et s’étalent de facon à donner au polypier résultant de 
leur agglomération, une disposition lamelleuse , caractère qui est 
porté au plus haut degré dans les Bérénices, comme nous le 
verrons bientôt dans un prochain article. 

Le Tubulipore étalé a été trouvé aux environs de Paris, 
et me parait provenir de Grignon ou de Parnes. 


$ 4. — Il me parait bien probable que le petit polypier des 
faluniers de Hauteville et d’Orglandes, désigné par M. Defrance 
sous le nom de Lichenopora crispa (1), doit appartenir à ce 
genre etse rapprocher beaucoup du Tubulipora grignonensis(2). 
Il est aussi à noter que les autres Lichenopores de ce natura- 
liste ont également beaucoup d’analogie avec les Tubulipores 
de forme orbiculaire , mais ils s’en distinguent par l'absence de 
là portion libre des tubes tégumentaires, ce qui rend la surface 
du polypier uniformément celluleuse et rappelle la disposition 
propre aux Frondipores. 

M. de Blainville pense que ces Lichenopores pourraient bien 
être des jeunes Rétépores(r); mais ils me paraissent avoir beau- 
coup plus de ressemblance avec de jeunes Tubulipores, çar 
chez ceux-ci on voit souvent dans la portion du polypier la 
plus nouvellement formée tous les’tubes accolés entre eux jus- 
qu’à leur extrémité, et réunis en une masse dont la surface 
supérieure paraît celluleuse, disposition que j'ai représentée 
dans la figure 1° de la planche r2. 


(1) Dict. des Sc. nat. 1. 26 p. 257.—Blainv. Man, d’Actin. p, 409. 

(2) Voici la description que M. Defrance en a donnée : « Lichenopora crispa. Cette espèce 
« S'attachesur les corps par toute sa surface inférieure. Elle ést un peu moins grande que la pré- 
« cédente (le L. turbiné figuré dans l’atläs du Dict, pl. 46, fig. 4), et sa surface supérieure est 
“couverte de petites aspérités formées par le prolongement des pores qui sont tubuleux.. Les 
« bords sont quelquefois relevés et forment un encadrement autour du polypier. » 


336 MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 


D'après les faits que j'ai exposés dans ce mémoire, on voit 
que les Polypes du genre Tubulipore ne sont pas des animaux 
hydriformes , comme on devait le croire d’après le peu de mots 
qu'en avaient dit MM. Quoy et Gaimard, et que leur mode 
d'organisation, loin de ressembler à celui des Hydres et des au- 
tres Polypes parenchymateux inférieurs , a une grande analogie 
avec celui des Eschares et des Flustres. En effet, ils présentent 
comme ceux-ci un tube digestif ayant des parois membraneuses 
distinctes de l'enveloppe tégumentaire et deux ouvertures ter- 
minales également distinctes , un appareil tentaculaire garni de 
cils vibratiles qui paraissent servir à la respiration aussi bien 
qu'à la préhension des alimens, des muscles bien formés, etc., 
mais ils n’ont pas, comme ces Eschareset ces Flustres, un appa- 
reil operculaire garni!de muscles bilatéraux, et ils en diffèrent 
aussi pat la conformation de la gaine tégumentaire qui, en se 
durcissant, constitue la cellule tubuleuse dans laquelle toutes 
les parties molles se retirent lors de la contraction. A raison du 
plan général de leur structure tant intérieure qu’extérieure, ces 
petits animaux appartiennent donc au même type organique 
que les Eschares et doivent prendre place avec eux dans l’ordre 
des Polypes tuniciens; mais ils ne présentent pas tous les carac- 
tères anatomiques des Eschariens, et ils établissent un passage 
entre le mode d'organisation propre à ces derniers Polypes et 
celui qu’on observe dans les Sérialaires, les Vésiculaires, etc. 
C’est donc avec raison que M. de Blainville, guidé seulement par 
la considération de la dépouille calcaire des Tubulipores, en a 
formé le type d’une famille particulière. Quant aux limites natu- 
relles de cette famille, je m'en occuperai dans un prochain 
mémoire, et je montrerai alors que les caractères anatomiques 
propres aux Tubulipores se retrouvent tous chez un grand 
nombre d’autres Polypes qui, dans les classifications proposées 
jusqu’à ce jour, sont disséminées dans des familles et même dans 
des ordres différens. 


Nous avons vu aussi comment les circonstances dans lesquelles 
vivent ces petits zoophytes peuvent influer sur la croissance du 
polypier et en modifier la forme générale. L'étude des variations 


MILNE EDWARDS. — Sur les Tubulipores. 33 


déterminées par les causes extérieures dans la conformation 
d’un Tubulipore assez commun sur nos côtes a montré que c’est 
avec une seule et même espèce que les zoologistes ont 
formé deux genres et trois espèces nominales. 

Enfin, nous avons passé en revue toutes les espèces connues 
de ce genre ; nous en avons discuté la synonymie et nous avons 
trouvé que ces petits polypiers existaient dans les mers ancien- 
nes aussi bien que dans celles de l’époque actuelle. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


(Toutes ces figures ont été dessinées à la camera lucida, afin de rendre leurs dimensions exacte- 
ment comparatives.) 


PLANCHE 12. ‘ 


Fig. 1. TuBuLiPoRE VERRUQUEUx ; T'ubulipora verrucaria, vu en dessus au microscope (gros- 
sissement de 8); ce polype agrégé ayant vécu sur une surface plane a pu se développer régu- 
lièrement dans tous les sens et présente en effet une forme orbicuiaire. 

Fig. 14. Croquis du même, montrant sa grandeur naturelle, 

Fig. 15. Section verticale d'une portion du même polypier, vue au microscope avec ün gros- 
sissement de 44, et montrant la manière dont les Polypes déploient leurs tentacules, ainsi 
que la disposition tubuleuse de leur gaîne tégumentaire. 

Fig. 1c. Face inférieure d’une portion du même polypier, montrant la disposition des tubes 
aplatis et soudés entre eux (gr. 24). 

Fig. 14, Appareil digestif et tentaculaire d'un de ces polypes extrait du tube tégumentaire. 

Fig. 1e. Variété irréguliere du Tubulipore verruqueux, fixée à la surface irrégulièrement 
cylindrique d’un Fucus ; la portion supérieure (aa) présente la même disposition que celle assi- 
guée par Ellis au Millépore tubuleux (voy. fig. 2.); la portiou inférieure (2 4 offre, au con- 
traire, tous les caractères des Obélies (voy. fig.3). 

Fig. 1f. Portion marginale d’un polypier de la mème espèce, pour montrer le manière dont 
les tubes tégumentaires peuvent s'agglomérer irrégulièrement et former même une masse 
compacte. 

Fig. 2. Millepora tubulosa d'Ellis (Hist, nat, des Corallines pl, 27 fig. E); on a reproduit ici 
au trait, comme objet de comparaison, la figure grossie donnée par Ellis. 


Fig. 3. Obelia tubulifera, d'après Lamouroux (Expos. méthod, des polypiers pl. 8. fig, 8). 
PLANCHE 13. 


Fig. 1. Tosuzirones rarezse ; T'ubulipora patina (d'après un échanullon de Ja collection du 
Muséum, étiqueté de la main de Lamarck) grossi 12 fois, 

Fig. 1°. Croquis du même de grandeur naturelle, 

Fig. 1°, Croquis du même ou de profil. 


VIII, Zoo. — Décembre, 22 


338 TURPIN. —— Sur des globules du lait. 


Fig. 2. TUBULIPORE DE Gri@non ; T'ubulipora Grignonensis, fossile du térrain tertiaire des én= 
virons de Paris. Grossissement 12 fois. - 


Fig. 22. Croquis du même, (grand. nat.) 


Fig, 26, Croquis d’une variété conique de la mème espèce provenant également de Grignon 
(grand. nat.). 


Fig. 2c, Croquis d’une variété comprimée de la même espèce, provenant de Parnes (grossis= 
sement 12 fois). 


Fig. 24. Profil du même. 
PLANCIIE 14, 
Fig. 1. Tusuzrrore De BroNGNiaRT; Tubulipora Brongniartii, fossile de la craie de Meudon 
(grossissement 12 fois). 
Fig. 1°. Croquis du même, grandeur naturelle. 


Fig. 2. TusuciPORE FRANGÉ ; Tubulipora fimbriata, d'après un échantillon de la collection du 
Muséum , étiqueté de la main de Lamarck. ( Grossissement 12 fois.) 


Fig. 24 Croquis d’un autre échantillon de la même espèce fixé sur un Fucus (de grandeur na- 
turelle). 


Fig. 3. Tusuzirore ÉraLÉ ; Tubulipora explanata, fossile du terrain tertiaire des environs de 
Paris (grossissement 12 fois). 


Fig. 34. Croquis du même, grandeur naturelle. 


RECHERCHES mnicroscopiques sur l’organisation et la vitalité des 
globules du lait; sur leur germination , leur développement 
et leur transformation en un végétal rameux et articulé, 


Par M. Turpw, de l’Institut. 


(Lues à l’Académie des Sciences , dans sa séance du 11 décembre 1837.) 


A la suite d'expériences et d'observations microscopiques, 
faites depuis quelques mois sur la végétation de certains pro- 
duits organisés, comme, par exemple , ceux des divérses espèces 
de levures, et ceux que les botanistes ont nommés des Wyco- 
dermes (1), j'ai cru devoir , comme objet analogue, et par con- 


(x) La dénomination de Mycoderma créée par Persoon, pour un prétendu genre de 
Champignons, peut s'appliquer à tous ces coagulums ou espèces de fongus qui se forment à 
la surface de tous les liquides qui contiennent en suspension des globules de matière organique 
capables de germer et de s'étendre en des végétahons filamenteuses et articulées, 

C’est à l’enchevêtrement inextricable de tous ces innombrables petits végétaux ; que sont 


TURPIN. — Sur les globules du lait. 339 


séquent de comparaison, reprendre êt répéter avec soin mes 
anciennes récherches sur l’organisation et la vie particulière des 
globules du lait. 

Les globules qui composent la partie solide et nutritive de 
cette sécrétion blanche animale que lon appelle le Zaif, nais- 
sent, vivent et se développent en commun, comme une véri- 
table population au milieu de l’eau, dans laquelle ils sont sus- 
pendus ou baignés, dans laquelle se trouvent les élémens de nu- 
trition qu'ils absorbent, qu'ils s’assimilent pendant leur accrois- 
sement et tant que dure leur existence. En cela, ils se compor- 
tent absolument comme les globules du sang et ceux de la 
lymphe, comme ceux de la pulpe nerveuse, comme le bulbe du 
poil; en un mot, comme le font tous les organes élémentaires 
qui composent les masses tissulaires des corps organisés, et qui 
puisent leur nourriture dans l’eau muqueuse qui les environne. 

Chaque globule de lait vit individuellement pour son propre 
compte ; il n’a rien de commun avec les autres globules de l’as- 
sociation lactée , que d’exister dans le même milieu et de s’être 
développé sous l'influence et la protection de certains tissus 
animaux. Sa vie est purement organique ou végétale ; aussi est- 
il absolument privé de tout mouvement de locomotion (1). Sa 
structure consiste dans deux vésicules sphériques , incolores et 
translucides, qui s’emboîtent, et dont l'intérieure renferme, 
tout à-la-fois, des globulins tres fins, et l'huile butyreuse, de 
laquelle résulte plus tard le beurre. : 

Les vésicules des globules du lait, de même que tous les or- 
ganes élémentaires qui servent à former les masses tissulaires 


dues les masses informes et comme charnues des Mycodermes , telles qu'on les voit sé former 
sur le lait, la colle de farine , celle de poisson et de mammifères, sur le vin, la bière, le cidre, 
le vinaigré, etc. ' 

On à érré en individualisant, sous la dénomination de Mycoderma , toute une forèt d’indi= 
vidus, Mais on a bien autrement erré lorsqu'on a cru que ces petits végétaux, contre là loi 


ordinaire , se formaient à l'aide d’animalcules qui venaient se coller et s’ajuster symétriquement 
bout à bout. 


(x) Les très petits globules , comme cela a lieu dans ceux de toutes les matières organiques 
observées dans l’eau, offrent un mouvement de fourmillement toujours subordonné à un cer- 


tain degré de chaleur, 


22, 


340 TURPIN. — Sr les globules du lait. 


des végétaux et des animaux, soit les globuleux pleins ou les 
globuleux vésiculeux , soit les fibreux pleins ou les fibreux tu- 
buleux, étudiées au microscope, ne laissent jamais voir les élé- 
mens de leur propre structure. C’est de la matiere organique 
transparente et incolore globulisée et vésiculisée en un corps 
organisé susceptible d’absorber la matière nutritive ambiante, 
de se l’assimiler , et, par conséquent, de croître sous une forme 
et dans des dimeusions déterminées par rapport à l'espèce. 

Le diamètre naturel de ces petits êtres varie depuis le point 
apercevable jusqu’à +5 de mill. 

Je dis naturel, car à l’aide d’une chaleur augmentée graduel- 
lement, les globules du lait, mis entre deux lames de verre po- 
sées sur le marbre chaud d’un poëèle, se dilatent jusqu’au point 
de prendre quatre ou cinq fois leur diamètre normal, et, en 
continuant de s'étendre, à se rompre, à disparaitre comme la 
bulle de savon, et à répandre dans l’espace, comme le font les 
vésicules polliniques et celles de la lupuline du houblon, les 
globulins (1) fauves et l'huile butyreuse qu’ils contenaient. 

La destruction ou le déchirement des globules vésiculeux du 
lait, quoique rationnelle quand il s’agit d'obtenir plus promp- 
tement et en plus grande quantité possible les globulins et 
l'huile butyreuse, comme cela a lieu dans les barattes, n’est pas 
une chose absolument nécessaire pour l'émission partielle du 
beurre et des globulins. On les voit souvert, encore intacts, en- 
tourés d’une pulviscule fauve ou roussàtre, formée de globu- 
lins , et de goutteiettes huileuses, transparentes et jaunâtres, 
sorties de l’intérieur du globule sans ruptures apparentes. 

Lorsque les globules du lait ont quitté le milieu anima: dans 
lequel ils ont pris naissance , et dans lequel ils se sont dévelop- 
pés sous la forme globuleuse ; lorsqu'ils se trouvent livrés à eux- 
mêmes et placés dans des circonstances favorables à la conti- 
nuité de leur existence, ils ne tardent pas à se gonfler, à prendre 
souvent la forme irrégulière d’un petit topinambour microsco- 
pique et à germer, par plusieurs côtés à-la-fois, de la mème ma- 


(x) Ces globulins, qui paraissent fauves ou roussâtres sous le microscope, fourmillent 
comme ceux échappés des vésicules polliniques ou de celles de la lupuline du houblon. 


TURPIN. — Sur les globules du lait. 341 


nière que germent les seminules vésiculeuses des Confervées, 
des Mucédinées, des Champignons et des vésicules polliniques. 

Comme dans toutes ces germinations, où la vésicule externe 
de la seminule a cessé de vivre, où elle n’est plus qu’une enve- 
loppe protectrice de la vésicule interne qui vit encore, l’enve- 
loppe extérieure du globule vésiculeux du lait se rompt sur un, 
deux ou trois points, pour laisser sortir des bourgeons qui, peu- 
à-peu, s’allongent et deviennent des tigellules incolores et dia- 
phanes, articulées, rameuses, tubuleuses, et dans l'intérieur 
desquelles on aperçoit des globules et une fine granulation com- 
posée de globulins très ténus. 

Le long de ces tigellules, ordinairement couchées et enche- 
vêtrées les unes dans les autres comme les longues tiges étiolées 
de pommes de terre privées d’air et de lumière, on voit s'élever de 
distance en distance d’autres tigellules courtes qui se terminent 
par un nambre variable de petits rameaux alternes, très rap- 
prochés et disposés en pinceau ouvert ou en une sorte de petite 
ombelle. Ces ramaux terminaux sont formés d'articles ou de 
mérithalles globuleux, ce qui les rend comme moniliformes ou 
en chapelets. Ces articles, colorés en vert-glauque, qui ne sont 
que ceux de la tige devenus plus courts, se désarticulent facile- 
ment, et, en cet état d'isolement, serment et reproduisent les 
pèce par un moyen secondaire, moyen qui peut être égalemens 
considéré comme provenant d’une seminule où d’une bouture 
puisqu'il est vrai que ces globules terminaux ne sont que des 
articles de tige plus abrégés, et qu'aussi ils représentent rigou- 
reusement ces autres articles terminaux des tiges des végétaux 
appendiculés que l’on nomme des embryons, parce que ceux-ci, 
au lieu d'être nus, sout enveloppés et protégés par quelques- 
unes des dernières feuilles du rameau. 

A ce dernier terme de développement , on reconnait parfaite- 
ment cette végétation qui se produit si rapidement et si généra- 
lement à la surface de toutes les matières organisées, suffisam- 
ment humides, et que l’on désigne en botanique sous le nom 
de Penicillium glaucum Linck. (1) 


(+) Mucor penicillatus , Pull, ; Nonilia digitata , Pers. 


342 TURPIN. — Sur les globules du lait. 


Dans d’autres cas, les globules vésiculeux du lait, au lieu de 
commencer par prendre un développement irrégulier, devien- 
nent ovoides, puis allongés comme de petits bouts de cylindre, 
et, dans ces divers étais, ou plutôt sous ces formes modifiées , 
poussent des bourgeons par lune ou par les deux extrémités 
à-la-fois, et produisent également le même penicillium glaucum. 

Tout en conservant toujours sa première origine , cet élégant 
végétal se reproduit encore, simultanément avec le globule du 
lait, par deux moyens semblables à ceux des autres végétaux, 
la bouture et la seminule, deux choses qui, du reste , ne diffe- 
rent entre elles que par la forme et les dimensions. 

Lorsque les tiges se désarticulent, les articles, très variables 
dans leur longueur, et comparables aux mérithalles qui com- 
posent le scion annuel d’un végétal appendiculé , une fois sépa- 
rés, poussent sur un, deux, trois, et quelquefois sur les quatre 
angles arrondis de chacun de ces petits tronçons qui, comme on 
le voit, sont devenus autant de boutures reproductrices. 

Ces bourgeons ou ces pousses latérales sur les angles, chose 
qui n’a point lieu sur les globules de lait allongés en cylindre, 
indiquent le véritable caractère de la bouture et se trouvent en 
rapport avec les lois ordinaires de la végétation. Il est facile de 
sentir que si ces articles étaient restés entés les uns au-dessus 
des autres, comme ils l’étaient dans la composition de la tige, 
que c’est des mêmes points vitaux que seraient partis les bour- 
geons destinés à produire les rameaux latéraux. 

En parlant de la forme parallélogrammique des articles ou 
boutures de ces petits végétaux et de leur germination sur les 
angles, on ne peut s'empêcher d’en rapprocher les vésicules 
polliniques de la balsamine, dont la forme est également paral- 
lélogramme, et dont la germination, en très longues tigellules 
tubuleuses (1), part aussi de plusieurs angles à-la-fois. 

D’après un semblable mode, ne pourrait-on pas supposer que 


(x) Quelque longues que soient les tigellules que poussent, en germant , les vésicules poili- 
niques, elles sont toujours d’une seule venue, ou, en d’autres termes, elles n’offrent jamais 
qu'un seul article ou mérithalle. Ceci paraît favorable aux causes finales , car des cloisons se- 
raient un obstacle au cheminement des globules spermatiques et à leur éjaculation dans l'inté- 
rieur de l’ovule où du cornet, formé par les bords soudés de la feuille ovulaire. 


ŒURPIN, + Our les globules du lait. 343 


ces vésicules, contenues dans le tissu cellulaire de l'anthère, 
sont disposées en série ou bout à bout? 

La seminule, qui n'est au fond, comme nous l’avons déjà dit, 
qu’un article terminai plus court et globuleux , reproduit aussi 
la plante en germant ou en poussant par un ou par deux côtés 
à-la-fois. 

Des globules organisés formés sous l’influence de forces ani- 
males et dans le laboratoire vivant de certains tissus de Mammi- 
fères ; des globules destinés à s'étendre, à germer et à se trans- 
former en de véritables végétaux dès qu'ils changent de milieu, 
m'ont étonné au plus haut point et m'ont semblé l’une des 
choses les plus curieuses de l'organisation. Là se trouve une 
sorte de chaînon qui lie les deux grands embranchemens du 
règne organique ; comme déjà ce règne s’enchainait à l’inorga- 
nique par la formation des nombreux cristaux de toute espèce 
que l’on observe dans le creux ou dans les interstices des or- 
ganes élémentaires des tissus végétaux et animaux. 

Cette observation , à laquelle j'ai été conduit par l'étude que 
je viens de faire des levures et des matières mycodermiques, 
qui ne sont les unes et les autres que des agglomérations de pe- 
tits végétaux très analogues à ceux du lait, expliquera, je l'es- 
père , comment tous les globules des matières organiques et 
tous ceux encore agglomérés en corps organisés, soit vivans , 
soit éteints dans leur vie d'association, peuvent être l'ori- 
gine ou le corps producteur de ces innombrables petits vé- 
gétaux appartenant au groupe des Mucédinées , que l'on dé- 
signe par le nom de moisissures , et qui, comme de petits her- 
bages microscopiques, végétent à la surface de toutes les ma- 
tières organiques humides , tenues dans des milieux abrités , et 
privées, en grande partie, d'air et de lumière. 

On concevra alors comment, indépendamment des moyens 
reproducteurs secondaires, tels que ceux de la seminule et de 
la bouture, le Penicillium glaucum peut se montrer avec une 
étonnante profusion partout où se rencontrent les globules pro- 
ducteurs de la matière organique. 

On devinera avec facilité comment le Botrytis Bassiana des 
Vers à soie peut provenir immédiatement de l'extension des 


344 TURPIN. — Sur Les globules du lait. 


nombreux globules du tissu intérieur de ces chenilles, comme 
de ceux de tous les insectes , soit à l’état de larve, soit à l’état 
de chrysalide, soit à l’état parfait ou achevé; comment le corps 
de ces animaux peut se remplir et être entièrement envahi par 
le développement de leurs propres globules en thallus filamen- 
teux; filamens qui, plus tard, s’allongent et sortent , par toutes 
les issues possibles (1), pour venir à l'extérieur de ces animaux 
fructifier sous l'influence d’un milieu plus aéré et plus en rapport 
avec les besoins de la partie terminale et seminulifère de ces vé- 
gétaux (2); comment l’Zsaria felina naît seulement à la surface 
des crottes de chat déposées dans les caves humides et obscures, 
et jamais sur d’autres matières organiques, parce que très pro- 
bablement ces excrémens, en traversant l'intestin de ces ani- 
maux, se sont enduits de globules détachés de la membrane 
muqueuse, et qui, excités par les agens d’un milieu différent, 
germent et rayonnent autour de cette matière sous la forme 
d'un filament tubuleux et rameux dont les extrémités, en se di- 
latant, protègent et renferment des glomérules composés de se- 
minules sphériques, incolores et très ténues. 

D'après ce qui se passe dans le développement végétal du 
globule du lait, on sera naturellement conduit à admettre que 
les arganes élémentaires qui servent à constituer, par une sorte 
d'agglomération, les masses tissulaires des corps organisés, 


(1) On les voit se précipiter en foule par l'ouverture des stigmates, de même que les vé- 
gétaux appendiculés, lorsqu'ils sont enfermés , se font jour et sortent leurs rameaux par toutes 
les issues qui se présentent pour venir jouir de l'air et de la lumière dont ils éprouvent un 
pressant besoin. 

(2) Quand on saura bien qu’un globule normal, ayant fait partie constitutive de la masse 
üssulaire d'un végétal ou d’un animal, peut, après ou même pendant la vie d'association, 
s'étendre sous une forme végétale , on comprendra facilement comment , de la partie supérieure 
et du centre du corcelet de quelques espèces d'insectes , jamais d'un autre point , il peut sortir 
par rupture de la peau cornée un champignon du genre des Clavaires ( Clavaria ), Gette végéta- 
tion singulière, que j'ai assez souvent rencontrée dans les montagnes de Saint-Domingue, et 
que l'on nomme, à cause de son point de départ , mouche végétale ou mouche végétante , résulte 
probablement de l’un des globules graisseux du corcelet , de celui le plus avantageusement placé 
sur la ligne médiane, point où la vie composée de l’animal est ia plus énergique. L’analogie 
autorise à penser que le globule privilégié commence, à mesure que l’insecte vegétant devient 
malade, par développer, sous la peau du corcelet, un thallus filamenteux , duquel , plus tard, 
s'élève et sort à l'extérieur un appareil seminulifère jaunâtre , long de huit à dix lignes, pédi- 
cellé et terminé en massue, 5 V 


Turpin. — Our les globules du lait. 345 


jouissent, non-seulement comme individus, d’un centre vital 
particulier, mais encore qu’en cette qualité ils sont susceptibles, 
sous certaines influences, de subir individuellement des déve- 
loppemens anormaux ou monstrueux, par rapport à ceux de 
leur état naturel et constant: que, dans ces cas pathologiques ou 
d’excès, ces organes peuvent prendre des dimensions plus 
grandes, des formes particulières, acquérir une plus grande 
concentration vitale, et devenir des existences simples, dis- 
tinctes , vivant dans des existences plus composées, et enfin 
pourvues ou privées de corps reproducteurs de leur espèce. 
Telles sont, pour citer deux exemples seulement, les Hydatides 
ou les Cysticerques, ces ébauches d'organisation animale qui me 
paraissent être le produit de l’un des globules surexcités conte- 
nus dans les poches vésiculeuses de certains tissus animaux, et 
dont la poche, en se dilatant à mesure que la nouvelle existence 
s’accroit et s’animalise , forme le kyste enveloppant. 

Tels sont les Urédos et autres productions végétales analogues 
qui prennent naissance dans l'épaisseur du tissu cellulaire des 
plantes malades, et qui résultent toujours de la transformation 
d’un grain de globuline ou fécule, comme cela se voit, soit dans 
le tissu cellulaire des jeunes écorces, soit dans celui des feuilles, 
soit enfin dans celui du périsperme farineux du blé, où cette 
monstruosité du grain de globuline devenu brun ôu noir, porte 
le nom de Carie des blés, ou d’Uredo caries. (1) 

Quoique les Urédos ne soient que le produit d’une maladie ou 
une dégénérescence de la globuline, dont la cause première 
existe dans Ja constitution des milieux dans lesquels vivent les 
plantes accidentellement affectées de ces productions malades, 
on ne peut cependant blâmer les chaulages et les sulfatages 
que l'on fait subir aux grains de blé avant de les semer, car la 


(1) L'urédinée est une maladie qui attaque ,par place, les globules contenus dans les vési- 
cules du tissu cellulaire des plantes, qui leur donne quelquefois plus de volume et toujours les 
coulenrs blanche , jaune , aurore et brune , par lesquelles les mêmes globules passent dans les 
feuilles qui prennent toutes ces couleurs à l'automne, Ces globules, ainsi viciés, peuvent ensuite, 
par contagion ou par inoculation , altérer de la même manière ceux de la plante nouvelle, 

Cette affection spéciale est au grain de globuline du tissu cellulaire ce qu'est celle de l'ergat 
au grain du seigle , du froment et de l'ivraie tout entier. 


346 TORPIN. — Sur les globules du lait. 


maladie urédinée de la globuline est contagieuse et susceptible 
d’être inoculée, Mais les cultivateurs seraient dans une grande 
erreur s'ils pensaient qu’il suffit de semer du blé pur d’urédo 
pour en être débarrassé. Pour cela il faudrait, ce qui n’est pas 
dans la puissance de l’homme, pouvoir changer Pétat de Fat- 
mosphère et la nature de certains sols froids, humides, com- 
pactes et argileux. (1) 

Après cette courte digression, qui n’est pas tout-à-fait étran- 
gère au sujet principal de mes recherches, je vais rentrer plus 
spécialement dans ce qui regarde les globules du lait. 

Si, comme on le sait, on laisse reposer le lait dans un vase 
après être sorti des mamelles, les plus gros globules , comme les 
plus âgés et comme les plus riches en [globulins intérieurs et 


(x) La Carie noire et puante, qui détruit souvent en tout ou en partie le grain du blé et 
que les botanistes appellent l'Uredo caries, n’est qu'un état pathologique de la globuline 
naissante du tissu cellulaire du périsperme. Cette maladie est due, en grande partie, aux re- 
froïdissemens humides eu à ces petites gelées, occasionées par des rayonnemens nocturnes pen- 
dant les mois d’avril et de mai, tels que ceux que M. Boussingault a déjà signalés comme pouvant 
geler, en Amérique et en quelques heures , des récoltes de blés et de maïs, et à la suite desquels 
doit probablement résulter l’Uredinée ou Carie noire dans les parties frappées de ces Céréales, 

On a dernièrement annoncé dans Îles journaux * que la Carie des blés était le résultat d’une 
maladie du pollen occasionnée, au moment de Ja floraison , par des temps froids , humides , ou 
de brouillards, et qui, selon l’auteur, M. G. Heuzé, se communiquait ensuite dans l'ovaire, 
puis dans l’ovule , par voie de fécondation. 

Tout en cherchant à simplifier la cause de cette destruction , tout en essayant de la montrer 
où elle réside véritablement, il etait inutile de l'envelopper ou de la compliquer , en y faisant 
intervenir les mystères de la fécondation , bien assez embarrassés d’eux-mèmes; car il est tout 
simple de penser que ce qui peut agir sur les tissus naissans du pollen des anthères doit axoir la 
mème influence sur ceux très susceptibles et très impressionnables de l'ovaire, de l’ovule, du 
périsperme et de l’embryon. j 

On voit que l'hypothèse de M. Heuzé est entièrement calquée sur celle de la fécondation et 
que les granules spermatiques du pollen malade, en suivant la même route , porte des germes 
de mort aux périspermes et aux embryons préexistans, au lieu de la vivification accoutumée, 
T1 m’est bien démontré par un grand nombre d’observations, faites sur diverses plantes plus ou 
moins altaquées de l’Urédinée , que la carie n’est qu'un état morbide , qu’une dégénérescence 
de la globuline ou fécule du tissu cellulaire du périsperme du grain de blé et non un végétal 
parasite intestinal , comme on l’a cru et sur lequel il a fallu imaginer tant de curieuses hypo- 
thèses pour le faire péniblement cheminer des spongio!es des radicelles, par les tiges et les 
feuilles , jusque dans l’intérieur de l’ovule , le seul des lieux de l’organisation où il lui soit permis 
de se reposer enfin , et de dévorer, sous la protection des enveloppes du grain, l'embryon et le 
périsperme, destinés par l'homme à la nourriture de l'homme, 


* Courrier français, 15 janvier 1838, Supp, Agriculture. 


TURPIN. — ur les globules du lait. 347 


en huile butyreuse, s'élèvent comme étant les plus légers, et, 
en même temps comme corps organisés, pour satisfaire à un 
besoin d’air atmosphérique. 

Là ils s'accumulent et forment ce coagulum ou ce Mycoderme 
que l’on nomme la crême, et au-dessous de laquelle est l’eau 
ou le sérum appauvri de globules. 

Il n’y a point dans le lait, comme on l'a dit, deux sortes 
de globules , les uns albumineux et les autres oléagineux ou 
chargés spécialement de sécréter l'huile de beurre dans leur 
intérieur. 

Tous m'ont paru de même nature et ne différer entre eux que 
par le volume, l’âge, le plus ou le moins d’opacité et par le 
plus ou le moins de globulins et d’huile butyreuse formés dans 
leur intérieur. 

La crême enlevée et portée dans la baratte est une agglomé- 
ration de globules parfaitement intacts lorsque même ils ont subi 
l'action de l’ébullition. Il est donc nécessaire , pour en obtenir le 
beurre , de déchirer et de détruire mécaniquement les enve- 
loppes qui l’ont sécrété, afin de le mettre , par sa qualité légère 
et huileuse, dans le cas de surnager et de s’amonceler , tandis 
que les nombreux globulins , plus pesans, tombent dans le petit 
lait où on les trouve en grande quantité sous la forme de flocons 
allongés et roussâtres, mélés avec de petits globules et quelques 
débris de gros globules oléagineux déchirés. 

Si au lieu d’utiliser la crême on l’abandonne à elle-même, sa 
surface prend un aspect luisant , jaunâtre , finement feuilleté et 
comme couenneux (1). Peu de jours après, il s'élève çà et là de 
petites touffes byssoïdes d’un beau blanc, qui finissent bientôt 
par se joindre et par couvrir entièrement la surface. C’est alors 
un véritable champ de blé en herbe, dont la fructification ne va 
pas tarder à paraître. En effet, on voit bientôt cette élégante 
végétation verdir par place, puis peu-à-peu en totalité. C’est la 
moisissure la plus commune, c'est celle de toutes les matières 


(x) C'est en cet état qu’il convient d'observer au microscope les globules sphériques ou ovali. 
sés plus ou moins avancés en germinations filamenteuses. 


348 TURPIN. — Sur les globules du lait. 


-organiques ; c’est, comme nous l'avons déjà dit, l'élégant Peni- 
cillium glaucum. (1) 

Mais d’où provient ce végétal? qui le produit à la surface du 
lait crèmé, du fromage et de toutes les matières organiques? Ces 
matières le produisent-elles immédiatement de leurs globules, 
ou ne fournissent-elles à ses seminules propres qu’une sorte de 
territoire alimentaire ? Ces questions ne pouvaient être résolues 
que par le voir-venir, car ce végétal tout venu ne peut étre 
touché sans être à l'instant désorganisé dans toutes ses parties, 
et pour lors impossible à pouvoir être étudié dans son organi- 
sation et surtout dans son singulier point de départ.(2) 

J'ai donc pour cela employé les moyens suivans, et que je vais 
faire connaître, afin que l’on puisse répéter mes observations 
sur la curieuse origine de cette végétation. 

Si, comme je l'ai fait à mainte reprise , on étend des globules 
de lait de vache entre deux lames de verre mince, et qu’on ait 
soin de n’en pas mettre une trop grande quantité et de les divi- 
ser ensuite à l’aide d’une goutte d’eau, on ne tardera pas à voir 
ces globules germer et produire le Penicillium glaucum jusqu’à 
son dernier terme de fructification, comme nous l’avons décrit 
plus haut. 

Lorsque les globules sont placés entreles deux lames de verre, 
ils tendent presque toujours à s’agglomérer et à former des es- 
pèces d’ilots dans lesquels ils s’entassent et se confondent de ma- 
nière à ne plus paraitre souvent que comme une membrane 
pulvisculaire. C'est plus particulièrement du pourtour de ces 
îlots , comparables à des tas de blé ou de pommes de terre, que 
germent et poussent, en rayonnant de toutes parts, les longues 
tigellules plus ou moins articulées du Penicillium. En rayon- 
nant, autour d’une agglomération de globules de lait, renfermée 
entre deux lames de verre, les tigellules existantes étant exces- 


(x) Lorsque l’on pèle un fromage à la crème ou un fromage de Brie sur lesquels ont poussé ces 
petits herbages flexibles, on lève du gazon d’une certaine espèce, dans lequel se promènent 
quelquefois denombreux Acarus, 

(2) Comme dans toutes les germinations des végétaux agpendiculés dont l'embryon se dé- 
truit, comme mieux encore dans celles des Confervées , le globule producteur du lait ne tarde 
pas à se dissoudre à la base dé la tigellule produite, 


TÜURPIN, — Sur les globules du lait. 349 


sivemient nombreuses, s'unissent et semblent se greffer par ap- 
proche plusieurs ensemble. 

À cette époque, les articles très prononcés chez les unes, et 
peu ou point sensibles chez les autres, feraient presque soup- 
çonner deux espèces, si l'on ne rencontrait pas quelquefois ces 
deux caractères dans l'étendue d’une même tigellule. Te nombre 
des globules qui végètent est si grand, qne les tiges, en profi- 
tant de tous les espaces qui leur sont offerts, s’entrelacent les 
unes dans les autres de manière à représenter exactement ce 
lacis qu’offrent les nombreuses tiges longues et grèles qui re- 
couvrent un monceau de pommes de terre en germination, 
long-temps abandonnées dans l'obscurité. (1) 

La végétation des globules du lait paraît susceptible de se 
bien conserver entre les lames de verre où elle s’est développée 
et forcément étendue. J’en possède des échantillons en pleine 
fructification , qui ont plus d’une année, et qui sont encore, 
comme le représente la planche 16, dans le plus bel état. 

Une découverte aussi inattendue que celle du globule du lait 
se développant et se transformant en un végétal, était trop neuve 
pour pouvoir être annoncée avec empressement et légèreté ; 
aussi ai-je répété soigneusement mes observations depuis plus 
de six semaines, en suivant heure par heure ce curieux déve- 
loppement, en en décrivant et en en dessinant avec exactitude 
toutes les phases successives, comme on peut le voir dans les 
dessins tres détaillés que j'ai honneur de mettre sous les yeux 
de l’Académie. 

D'abord, en quelque sorte effrayé d’une métamorphose aussi 
extraordinaire , j'ai cherché à me rassurer en rappelant à mon 
souvenir tout ce qui pouvait présenter de l’analogie avec lechan- 
gement de forme et la végétation filamenteuse du globule de lait, 

J'ai pensé à ces singulières extensions, véritables bédeguards, 
qui se développent sous certaines feuilles vivantes , et que pen- 
dant long-temns on a prises pour des existences distinctes et 


(x) Nous croyons que les globulins , contenus dans le globule vésiculeux du lait, une fois 
répandus dans l'espace humide, sont susceptibles de croître , de germer et de produire, aussi 
bien que le globule-mère, le Penicillium glaucum, 


350 TURPIN. — Sur les globules du lait. 


parasites ; désignées sous la dénomination d’£rineum ; produc- 
tions que nous savons être aujourd'hui de simples végétations 
monstrueuses , dues à l'excitation accidentelle de quelques-unes 
des vésicules les plus extérieures de l’épiderme, et qui, comme 
lon sait, prennent les formes les plus bizarres, souvent les 
couleurs les plus brillantes et les plus tranchées, comparative- 
ment à celles des vésicules restées à leur état normal, comme, 
par exemple, cela se voit dans le Zaphria aurea ( Erineum au- 
reum ) qui se développe par taches d’un beau jaune doré à 
la face extérieure des feuilles de plusieurs espèces de peu- 
pliers. (1) 

Si nous supposons un instant que la surface des végétaux ait 
toujours été lisse, c’est-à-dire que toutes les vésicules les plus 
extérieures de la masse tissulaire ne se soient jamais étendues 
au-delà de la surface, et qu’ensuite tout-à-coup, par un excitant 
quelconque, on vit apparaître ces poils si variés dans leur strué- 
ture, et toujours provenant, par extension , d’une vésicule dis- 
tincte, on ne balancerait pas un instant à les regarder comme 
des êtres nouveaux, nés et développés en parasites sur le tissu 
de la feuille ou celui des jeunes tiges. 

Si nous faisons la même supposition pour la peau des ani- 
maux , si les nombreux globules que l’on appelle les bulbes du 
poil y restaient tous inclus dans ce premier état, et si, par ex- 
traordinaire, ce globule ou ce bulbe venait à germer, à s’é- 
tendre en un long filament tubuleux, parfois cloisonné (2), 
rempli de granules souvent colorés, et offrant à sa surface des 
nodosités disposées symétriquement, comme le sont les nœuds 
vitaux sur les tiges des végétaux appendiculés (3), nous n’hési- 
terions pas à dire : Ces productions filamenteuses, qui croissent 
encore long-temps après que la vie d'association de l’animal est 
éteinte , qui tirent leur origine de l’un des nombreux globules 


{1) Voir l'excellent ouvrage de M. le professeur Fée ,intitulé: Mémoire sur les Phyllériées, 
brochure in-$ , composée de 75 pages de texte et de r1 planches, Levrault. 


(1) Le poil du lièvre, dans l’intérieur duquel la matière gramuleuse colorée est interrompue 
et renfermée dans des articles courts. 


(3) Le poil de la taupe, etc. 


TÜRPIN. == Sur les globules du lait. 351 


de la péau; sont des végétaux. Sous le rapport de letir organisa: 
tion, de leur insensibilité absolue, même dans lé cas de la 
plique , et de leur indépendance, nous ne serions pas très loin 
de la vérité , puisque chaque globule ou bulbe, ainsi que son 
prolongement pileux, n’a de commun avec ses pareils, que de 
vivre dans leur voisinage, sous l'influence des mêmes milieux, 
et dans tne aussi parfaite indépendance que celle qui existe 
entre les divers individus d’une même espèce de végétaux plan- 
tés près les uns des autres dans le même sol. 

Eh bien ! qu’est une masse de globules de lait, soit à l’état dé 
crème ; soit à l'état de fromage? C’est une agglomération formée, 
par rapprochement et par contiguité, de globules toujours im- 
prégnés de la vie organique , et par conséquent susceptibles de 
végéter et de prendre d'autres formes que la globuleusé, c’ést 
un Mycoderme. C’est l'explication la plus simple et la plus 
vraie que l’on puisse donner de la composition dé toutes les 
masses tissulaires des végétaux et des animaux, qui ne sont j:- 
mais que des agglomérations d'individus organisés plus simples. 

Qu'est une masse de matière organique? C’est l'assemblage 
d’une innombrable quantité de globules doués d’un centre vital 
particulier , et qui n’attendent que les circonstances favorables 
à leur éveil pour se développer, se vésiculiser, s'étendre et 
prendre des formes diverses. 

Qu'’est une masse de levure quelconque? Cest une association 
composée d’un grand nombre d'individus globuleux, vésicu- 
leux, remplis de globulins, vivans (1), susceptibles de germer 
et de s'étendre, en autant de petits végétaux rameux et articu< 
lés, comme nous l’a si bien démontré M. Cagniard-Latour, pour 
ceux de la levure de bière (2), du jus de raisin, de prune et de celui 
dé pommes, végétaux que j'ai moi-même observés depuis dans 
toutes les phases successives dé leurs dévéloppemens, et dont 


(x) Les globules vésiculeux de la levure de bière, que l’on metentre deux lames de verre, en= 
tretenues humides; ne tardent pas à se vider de tôus leurs globulins et à devenir par conséquent 
plus transparens. En même temps que les globulins répandus sur le porte:objet , on voit encorè 
de nombreuses gouttelettes d'huile , comme cela se remarque, dans les mêmes cas d'émission, 
chez les vésicules du lait, de la lupuline du Houblon, et d’un grand nombre de pollens. 

(2) Torula cervisiæ , Turp. 


352 TURPIN. — Sur les globules du lait. 


je produirai bientôt la description et la figure. Un morceau de 
levure ne peut être mieux comparé, quant à l'indépendance in- 
dividuelle de ses composans, qu’à une agglomération d’œufs de 
poisson , ou à un monceau de petites graines sphériques dans 
lesquels réside le corps reproducteur de l'espèce. 

Je ne vois donc, organiquement parlant, aucune différence 
entre le globule vésiculeux du lait germant et poussant en her- 
bage filamenteux à la surface du lait, de la crème ou du fro- 
mage, et les globules pleins où vésiculeux situés près des sur- 
faces des tissus cellulaires des végétaux et des animaux germant 
et poussant , individuellement ; des poils à la surface des deux 
sortes de peaux. 

Depuis plus de trois mois que Je m'occupe de ces végétations, 
mes idées se sont étendues de plus en plus par la comparaison, 
et mon étonnement, grand d'abord, s’est graduellement dimi- 
nué à mesure que mes observations se sont multipliées et qu’elles 
sont venues s’éclairer mutuellement. 

Le lait dont je me suis servi, dans mes nombreuses prépara- 
tions, a toujours été pris par moi au pis de la vache, et mis de 
suite entre les lames de verre où il a végété. Ce lait, d’abord 
examiné au microscope, n était, bien certainement , composé 
que de ses propres globules. 

On ne peut donc pas supposer un instant que dans ce lait, 
tout fraîchement trait, il püt y avoir une seule seminule de 
Penicillium glaucum, ce qui, du reste, se reconnaitrait à la 
première vue par la couleur noire de ces seminules, si caracté- 
risées sous le microscope. 

Il parait démontré que le départ de la végétation des glo- 
bules du lait ne commence qu'au moment où l'acide se fait sen- 
tir, comme étant un stimulant nécessaire à l’élongation des ti- 
gellules confervoides , et comme M. Datrochet l'a prouvé relati- 
vement aux végétations produites par la matière albumineuse 
de l'œuf. (1) 

Pour observer commodément la germination et la végétation 
des globules du lait dans toutes les phases de leur développe- 


(x) Dutrochet, Mémoires, tome 11, page 190. 


TURPIN. — Sur les globules du lait. 353 


ment , il faut prendre du lait de beurre et le laisser reposer pen- 
dant quelques jours. Dans cet état de repos , les globulins fauves 
et les globules vésiculeux du lait se séparent de l’eau ou du sé- 
- rum en se précipitant au-dessous. À mesure que les globules de 
lait éprouvent le besoin de germer et en même temps celui de 
l'air atmosphérique, nécessaire à lenr végétation, ils $’élèvent 
successivement à la surface du sérum où ils forment peu-à-peu 
de petites pellicules qui s’agrandissent et finissent bientôt par se 
joindre les unes aux autres , de manière à former une pellicule 
générale. 

Ces pellicules , faciles à enlever et à isoler du sérum, placées 
entre deux lames de verre et soumises au microscope, sont 
composées tout à-la-fois de globules et de germinations fila- 
menteuses , plus où moins avancées , qui, nageant à la surface 
du sérum, représentent, en petit, les tiges de certaines plantes 
aquatiques , flottant ou se traînant à la surface des eaux. 

La végétation filamenteuse et confervoide des globules äu 
lait est-elle une chose naturelle et prévue? est-ce là leur véri- 
sable destination, le dernier terme de leur vie organique? Em- 
ployés comme alimens, ces globules ne peuvent:ls pas être con- 
sidérés comme les pois que nous mangeons et qui, forcément, 
terminent là leur existence destinée à se prolonger sans cette 
destruction anticipée ? , 

Ou bien, en reconnaissant au globule du lait la faculté de 
végéter, peut-on croire que cette végétation n'est qu’acciden- 
telle et subordonnée à certaines excitations, comme, par 
exemple, cela a lieu quelquefois pour le développement en 
poils plus ou moins longs des globules ou bulbes, situés dans 
tout le trajet de la surface intérieure et muqueuse des Mammi- 
fères, ou encore, à la paroi intérieure des kystes poilus; glo- 
bules ou bulbes qui, sans des sur-irritations survenues, seraient 
restés à l’état inerte d’un simple germe globuleux? (1) 


(1) N ne s’agit que d’uneplus grande énergie vitale pour éveiller et déterminer les innom- 
brables globules pilifères intérieurs du derme des mamrnaifères , à germer et à s'étendre à l’exté- 
rieur des masses tissulaires sous la forme plus ou moins allongée d’un poil, 

C'est ce que nous voyons sur les parties les plus animalisées de la peau et dans ces petites 

VIII, Zoox. — Décembre, 23 


354 TURPIN. — Sur les globules du lait. 


On ne peut le supposer. Tout prouve au contraire que le glo: 
bule du lait n’est assujéti à aucun arrêt de végétation dans toutes 
les phases de développement par lesquelles il doit passer avant 
d'arriver au dernier terme de son existence organique. 

J'avais cru, en commençant ce travail, que le globule vési- 
culeux du lait avait besoin d’être sorti des tuyaux lactifères, ét 
d'être exposé aux influences extérieures d’un autre milieu , pour 
pouvoir germer et pousser ses longues tigellules confervoides ; 
mais les engorgemens de mamelles ou cette iialadie des femirnes 
en couche, désignée par les plus anciens médecins sous le nom 
très ridicule de Poil, m'ont fait penser que ces engorgéméns 
pouvaient être produits par des accumulations de globules dé 
lait qui, ne s'étant point écoulés à mesure qu'ils se formaient, 
germent en ces lieux et poussent des tigellules qui s’énchez 
vétrent et se pelotonnent, faute d'espace, en forinant des sortes 
de petits égagropiles. 

C'est sans doute à cés pelotons de tigellules que sont dues ces 
nodosités partielles que les médecins nomment des cordes 
noueuses dans les seins affectés dé cette maladie. Il est remar: 
quable que ces engorgemens des mamelles nese manifestent qué 
quatre ou cinq jours agrès que la sécrétion du lait est commen: 
cée ; espace de temps qui se rapporte assez bien avec celui que 
nécessite la germination , en dehors , des mêmes globules de lait. 
On ne peut encore s’empècher de faire attention aux causes dé- 
terminantes matérielles de l’engorgement des seins, telles que 
les applications acides et astringentes sur les mamelles , sans sé 
rappeler que les mêmes moyens hâtent ou sont absolument né: 
cessaires à la végétation en dehors des globules. 

Vésale et Roderic à Castro, en rejetant l'absurde opinion d’un 
poil avalé en buvant et s'acheminant à travers les tissus pour ve: 
nir ensuite boucher tout juste un vaisseau laiteux , en émettent 
une autré bien plus raisonnable, et qui ferait presque croire 
qu'ils avaient vu ou du moins qu'ils s'étaient approchés de la 


touffes de poils qui poussent vigoureusement sur cerlaines élévations verruqueusés , Sémblabtés 
à ces touffes d’herbe qui végètent là où se troufent amoncelés la matière nutritive et les stinüu— 
lans propres à produire ces excès de végétation. 


TurR PIN. — Sur les globules du lait. 355 


vérité par une sorte d’instinct : le premier, en disant qu’il ne 
s’engendre point de véritables poils dans les mamelles, mais quel- 
que chose de semblable à ces //lamens qui 'se forment dans les 
reins et dans les méats urinaires; le second, en étant, dit-il, 
persuadé que le lait, en se grumelant dans les vaisseaux lacti- 
fères, y forrne des concrétions filamenteuses semblables à des 
poils. (1) 

: On peut croire, avec assez de probabilité, que c’est à la pré- 
sence des filamens ou tigellules confervoides amoncelés dans 
les vaisseaux lactifères des mamelles engorgées, filamens vus ou 
entrévus anciennement, qu'est due la dénomination de Poil 
donnée à cette maladie, à laquelle, suivant moi, celle de Bourre 
des mamelles serait plus convenable, puisqu'elle exprimerait 
l’entassement des tigellules produites par la germination des 
globules du lait accumulés. (2) 


En récapitulant les principaux faits énoncés dans ce mémoire, 
je dirai : 

1° Que pour former le globule du lait, la matière organique, 
sous l'influence de la vie animale, s'organise, se globulise et se 
vésiculise dans les cavités des tissus mammaires ; 


2° Que le globule vésiculeux du lait, malgré le lieu de son 
origine ; ua qu'une vie purement organique ou végétale, et que, 
comme la vésicule pollinique et la séminule des Confervées, des 
Mucédinées et autres analogues, ilse compose de deux vésicules 


(x) Dict, des Scienc. médic. , tome xcin , Pag. 475. + 

En supposant , d'apres les auteurs cités, que les globules du lait , accumulés dans les voiés 
lactées des mameiles, nuissent s'étendre en filamens, il y aurait dans l’engorgement deux 
époques très distinctes: celle où l’on ne trouverait encore que de simples globules entassés et 
celle plus tardive, où ces globules se seraient étendus en filamens. 

Du ait extrait par incision d’un sein éngorgé et observé , au microscope, depuis la publica- 
tion de ce mémoire , ne m’a offert que des globules malades ou plus probablement morts, dont 
la vésicule extérieure était devenue verdâtre, crispée ou comme galeuse. Aucun de ces globules 
n'avait germé dans le sein , et aucun d'eux, mis depuis en expérience, n'a végété. 

Dans ce cas particulier, où se trouvait le siège drigitel de la maladie? Qui, des tissus mam- 
maires où des globules du lait, nés dans les interstices de ices tissus , étaient malades? Qui, 


des 
deux, comme source du mal , avait influencé, vicié l'autre ? 


(2) On pourrait dire que de telles mamelles sont moisies en dedans. 
23. 


356 TURPIN. — Sur des ; lobules du lait. 


emboîtées , dont l'intérieure sécrè’e l'huile butyreuse et produit 
en même temps les nombreux globulins intérieurs; 
3° Qu'en cet état, le globule n’est encore que le germe pro- 
ducteur du Penicillium glaucum, soit directement par l’élonga- 
tion en boyau de la vésicule interne , soit par l’un des globulins 
intérieurs après leur émission dans l’espace ; 
4° Que le Penicillium glaucum, produit primitivement et im- 
médiatement par l'extension du globule du lait, jouit ensuite de 
la faculté de se reproduire lui-même , concurremment avec le 
premier moyen, par des boutures de ses tiges désarticulées, soit 
celles inférieures et allongées, soit celles terminales et globu- 
leuses regardées comme des seminules, et qui, en effet, repré- 
sentent chez les végétaux appendiculés cet autre article ou 
bourgeon terminal nommé lembryon de la graine ; 
5° Que le globule de lait arrêté et accumulé dans les voies 
lactées des mamelles, peut y germer, y pousser ses longues ti- 
gellules , et occasioner par ces développemens filamenteux des 
obstructions ou des engorgemens de mamelies ; végétations in- 
testines qui, étant en grande partie privées d'air et de lumière, ne 
peuvent s'étendre jusqu à la fructification,qui a besoin de Pair at- 
mosphérique pour pouvoir se développer, comme, pour citer un 
seul exemple, les tigellules traçantes et intestines de l'Oidium 
fructigenum après avoir rampé entre les vésicules du tissu cel- 
lulaire de plusieurs sortes de fruits (poires et pommes) sou- 
lèvent et percent la cuticalë pour venir fructifier en plein air 
à la surface de leur territoire organisé; 
6° Que la végétation filamenteuse du globule du lait, sem- 
blable à celles des Conferves qui se développent si souvent dans 
les interstices des tissus des corps organisés morts ou vivans, 
est encore très analogue à celle pileuse et simplement organique 
ou végétale qui résulte par extension du globule ou du bulbe, 
soit naturellement, soit accidentellement, du derme sec et éx- 
térieur de la peau , ou du derme humide et muqueux de l'in- 
térieur des voies intestinales ; 
7° Que tous les globules, soit ceux e la matière organique, 
soit ceux de cette même matière à l'état d'organisation compo- 


4 


ée , sont autant de germes prêts à absorber, à assimiler , à s'é- 


TURPIN. — Sur les globules du lait. 357 


tendre et à se transformer dans des limites très restreintes et dé- 
terminées à l'avance chaque fais que des stimulations conve- 
nables et les alimens nécessaires à leur existence leur sont of- 
ferts; (1) 

8° Que, quand bien même la preuve de la végétation fila- 
menteuse des globules du lait ne serait pas acquise par le fait ou 
le voir-venir , il suffirait de réfléchir un instant sur l’état achevé 
de cette végétation pour éloigner de soi toute idée que, dans la 
matière qui constitue le globule du lait, il püt exister des germes 
invisibles ou tomber accidentellement des seminules de Pernis 
cillium glaucum , si facile à distinguer sous le microscope. 

On ne peut raisonnablement admettre le premier cas, car cela 
entrainerait à dire aussi que dans le globule ou bulbe du poil 
il y a un germe distinct d'où résulte l'extension pileuse, ce qui 
serait contraire à la vérité. Le second cas, consistant dans la 
chute accidentelle de quelques seminules de Penicillium sur les 
globules de lait, étant entierement soumis au hasard, pourrait 
manquer quelquefois, ou n'offrir le plus souvent qu'un bien 
petit nombre de seminules , tandis que celui des germinations à 
Ja surface de la crème est au moins égal à celui des globules de 
lait qui, par contiguité, forment cette surface. 

On ne peut pas dire davantage que cette immense quantité 
d'individus de Penicillium qui se développent presque en même 
temps, soit le produit de plusieurs générations successives ve- 
nant originairement de quelques seminules fortuitement ap- 
portées, puisque toujours la surface de la crême, comme un 
champ de blé en herbe, est entièrement couverte de ces petits 
végétaux avant qu'aucun d'eux ne fructifie. 


(x) Quand on sait comment la nature a fait emploi de la matière et comment elle a procédé 
dans l'immense développement du règne organique , tel que nous pouvons l’observer et Le suivre 
dans son état actuel , quand on voit cette unité de composition partout si insensiblement gra- 
duée des êtres les plus simples aux êtres les plus composés, quand on voit que le plus composé 
ne diffère du plus simple que parce qu'il a reçu quelque chose en plus, on peut raisonnable- 
meut supposer que, parmi les Mucédinées immédiatement produites d'an globule isolé, soit 
d'un végétal, soit d'un animal, il en est qui se bornent à de simples filamens byssoïdes , inca- 
pables de se reproduire par eux-mêmes, et d’autres , plus avancées, comme celles du lait , qui £ 
tout en conservant la même origine que les premières, peuvent; en outre, se reproduire par 


les articles courts et terminaux de leurs propres liges, 


358 TURPIN. — Sur les globules du lait. 


ADDITION. 


Dans mon dernier mémoire (1) se trouve la note suivante, 
dans laquelle je parle de deux autres productions végétales dont 
l'origine est analogue à celle du lait : lune provenant de l’un 
des globulins du périsperme de l'orge, l’autre de lun des glo: 
bulins dont se compose en grande partie l’albumen de l'œuf. 
Ces productions que j'ai soigneusement observées, décrites et 
dessinées dans tous leurs développemens, seront publiées pro- 
chainement dans un travail spécial dont elles font le principal 
sujet. 

La substance de l’albumen de l'œuf doit sa densité, son action 
coliante et filante à la présence et à la cohésion d’un grand 
nombre de globulins qui, vu leur trop grande transparence et 
leur excessive ténuité, ne peuvent pas plus être sensibles au 
microscope que les élémens des sels dissous, ou que les glo- 
bulins qui proviennent de la fécule bouillie et filtrée , et que 
l'iode seul, en les colorant en bleu, peut déceler dans l’eau où 
ils se trouvent en suspension. 

Mais comme les globulins de l’albumen de l’œuf existent réel- 
lement et que chacun d'eux a son centre vital particulier , il en 
résulte que chaque fois qu’on leur offre un milieu et des ali- 
mens convenables, ils croissent, deviennent bientôt visibles 
au microscope , et se développent peu-à-peu en un Leptomitus 
moniliforme et rameux, comme les globules du lait en un 
Penicillium sluucum. 

Cette végétation , provenant ou tirant son origine de l’un des 
globulins de l’albumen de l'œuf, soumis à l’action d’influences 
nouvelles, offre beaucoup d’analogie avec celle produite par le 
globule du lait et celle moniliforme et presque rameuse du To- 
rula cervisiæ Turp., qui s'obtient de l’un des globulins du péri- 
sperme de l'orge pendant la fabrication de la bière, végétation 


(1) Analyse microscopique faites sur des globules de lait à état pathologique, lue à l'Acadé- 
mie des Sciences , séauce du 26 février 1838. Compie rendu , page 253. 


TuURPIN. — Sur les globules du lait. 359 


qui, désarticulée ou simplement affaissée sur elle-même, a été 
considérée, sous le nom de Levure , comme une pâte ou comme 
une simple matière organique sans organisation, lorsque en réa- 
lité cette pâte, vue au microscope, est une agglomération com- 
posée d'individus globuleux, vésiculeux et remplis de globulins 
reproducteurs ; agglomération rigoureusement comparable à 
celle d'un tas de blé vu de très loin et dont chaque grain, 
comme individu, n’attend que des circonstances favorables à 
son développement pour devenir une plante et reproduire de 
nouveaux grains de blé. 

Bientôt, les faits arrivant, il paraîtra tout aussi naturel de 
voir les globules qui auront fait partie de l'organisation géné- 
rale et de la vie d'association d’un végétal où d’un animal, étant 
placés sous des influences nouvelles, continuer encore leur 
existence organique particulière en végétant, en s'étendant et 
en se transformant en diverses espèces de moisissures ou de 
mucédinées, que de voir les globules vésiculeux du pollen des 
anthères s’allonger en de longs boyaux ou pénis végétaux; ou 
encore, le globule microscopique et hyalin de l'embryon nais- 
sant du chêne, se métamorphoser insensiblement en un grand 
arbre solide et de longue durée. 

Pour que les transformations filamenteuses des globules 
organisés paraissent naturelles, pour qu’elles n’excitent plus 
l’étonnement, parfois même l'incrédnlité malgré les faits, il 
faut être bien convaincu de cette grande vérité : que les végé- 
taux et les animaux ne sont pas des êtres simples, mais bieu des 
individualités composées, sortes d’agglomérations formées d’un 
nombre plus ou moins considérable d'individus plus simples 
doués, chacun, de son centre vital rayonnant d’accroissement , 
fixés Le plus souvent , et se nourrissant, comme le fait le poil, 
sur le point de l’organisation générale qui les à vus naître et qui 
les voit mourir ; ou , quoique faisant toujours partie de l'indivi- 
dualité composée, mobiles et errans dans l'épaisseur des tissus, 
comme les globules des sucs propres des végétaux, ceux des 
Chara, les globules sanguins , les animalcules spermatiques. etc., 
des animaux, toos soumis, sauf les derniers qui se meuvent par 
eux-mêmes , aux courans réglés des liquides aqueux dans les 


360 TURPIN. — Sur des globules du lait. 


quels ils vivent en suspension comme dans un océan qui leur 
est propre. 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


A mesure que nous avancerons , par l'observation microscopique, soit äans la connaissance 
des corps temporaires très pelits et isolés daps l’espace , soit dans celle des organes élémentaires 
servant à constituer, par agglomération , des corps temporaires plus complexes, nous sentirons 
Je besoin de refaire ou de modifier successivement notre première éducation scientifique. Nous 
aurons besoin d'oublier ces caractères de végétabilité et d’animalité, bons pour l'étude , mais 
qui , dans le cas dont nous nous occupons , ne servent qu’à troubler nos idées sur la véritable 
nature d'ua grand nombre d'êtres organisés très simples et qui n’offrent poiut encore ces carac- 
tères si tranchés qui existent entre le chou et‘un mammifère. Alors cesseront ces disputes 
oiseuses pour savoir si les oscillaires et les bacillariées sont des végétaux ou des animaux. 

L'animalité n'existe que dans l'assemblage , la combinaison et la disposition particulière des 
organes élémentaires qui composent les diverses masses tissu'aires des animaux, et dans la vie 
d'association qui résulte de l’ensemble et de l’arrangement des vies simplement organiques de 
chacun des organes composans. 

Chacun de ces organes, pris isolément , est une individuaiité purement organique ou végé- 
tale, qui a son centre vital particulier d'absorption , d’assimilation et d’accroissement, et qui, 
étant désagrégée de l'individualité composée et de la vie commune d'association, peut, en ce 
nouvel état, continuer de végéter, de croître et de se transformer quelquefois , comme celle du 
globule de lait , en des végétations filamenteuses , simples ou ramieuses, En cet état d'isolement 
la dénomination d'animal doit absolumeut être abandonnée, tout aussi bien que celle de 
Panthéon pour l’une des pierres dont se compose cet édifice. 

Il est bien présumable que , en raison de la manière dont la nature procède das le dévelop- 
pement successif et gradué de la matière organisée, plusieurs de ces végétations de transition 
doivent se boraer à de simples extensions byssoïdes dépourvues de moyen de reproduction 
autre que le primitif, tandis que d’autres, comme celles du globule de lait , plus avancées 
dans l'échelle de l'organisation, peuvent être produites à-la-fois par deux voies différentes: 
celle de Vextension immédiate du globuie de lait , et celle ensuite d'un article allongé ou glo- 
buleux séparé de la tiye du végétal produit. 


PLANCHE 15. 


Fig. r. Une goutte de lait vue à l'œil nu. 


Fig. 2. Globules vésiculeux du lait tels qu'ils sont à l'instant où ils sortent des vaisseaux 
lactés. C’est une population composée d’existences organisées , distinetes, vivant chacune pour 
leur propre compte. 

Les individus, selon leur âge , varient depuis le point apercevable au microscope jusqu’au 
diamètre d’un centième de müillimètre, Quelques-uns atteignent des dimensions plus grandes 
Leur structure consiste èn deux vésicules emboitées, dont l’intérieur sécrète l'huile butyreuse 
et contient ou donne naissance à un grand nombre de globulins. 

Le caséum est un magma composé de ces globulins, de très petits globules de lait, de quel- 
ques gros globules oléagiseux échappés à l'action desiruelive de Ja baratte ; et de chiffons ou 


TURPIN, — Our les globules du lait. 361 


de lambeaux provenant, par déchirement, des vésieules des globules qui ont fourni le 
beurre. 3 

Fig. 3. Globules de lait plus ou moins'avancés dans leurs germinations el dans leurs végéta- 
tions filamenteuses. Un grand nombre sont encore à l’état de globules de diverses grosseurs; 
d’autres montrent un , deux et quelquefois trois bourgeons allongés en tigellules tubuleuses , 
simples ou rameuses , plus où moins articulées et contenant des globulins ou des corps vésicu- 
leux oblongset remplis eux-mêmes de nouveaux globulins.—a , a, a. Globules de lait montrant 
leurs globulins intérieurs et dont la vésicule interne , après avoir percé la vésicule externe , 
commence à s'étendre en un bourgeon vésiculeux , arrondi au sommet, transparent, et dans 
lequel il n’y a point encore de globulins. — 2, #, . Autres globules de lait, germant par 
deux côtés. àa-la-fois ou successivement. — c,c, c. Autres globules , germant par trois points 
différens. — c’. Deux globules agglutinés ou soudés poussant chacun une gemmule, — 
ce” Deux globules également soudés , et dont l’un, le plus gros, montre deux gemmules de 
grosseurs et d’âges différens. — 4, d , d. Autres globules à tigellule simple , encore sans cloi- 
sons ou articulations. — d’, d’,' d’. Autres globules à tigellule simple ou unique, montrant 
des cloisons ou des articles (mérithalles ). — 4”. Un individu dont la uigellule, assez longue, 

-est composée de six articles , compris le premier, qui n’est jamais que l’extension de la vési- 
cule interne. Chacun des articles contient des globules plus ou moins ovoïdes et un grand 
nombre de globulins très ténus. Le double cercle du globule producteur indique Yexistence 
des deux vésicules emboîtées. — e, e, e. Individus poussant leurs tigellules par deux côtés. — 
e’. Germination très avancée, rameuse et articulée. Un petit bourgeon naissant du point 
opposé. — 2”, c”. Individus ayant leurs tigellules très articulées. —f, f. Deux individus dont 
le globule producteur pousse des tigeliules sur trois points différens. — g. J'ai vu p'usieurs fois 
des globules de lait qui, apres s'être élargis sur leurs bords, étaient découpés irrégulièrement , 
de manière à offrir de petites rosaces et dont l'extérieur montrait une pulviscule composée de 
globulios très fins, qui paraissaient en être sortis par explosion. 

Les deux lignes parallèles, situées au-dessous de la masse dont je viens de m'occuper, in- 
diquent arbitrairement un centième de millimètre : on a placé dans cette distance üne lignée 
progressive, composée de globules de lait , dont les quatre derniers offrent des commenceinens 
de germination , et les sept premiers les divers diamètres par lesquels passent les globules 
de lait, à mesure qu'ils se développent. 

Fig. 4. Boutures produites par la désarticulation des tigellules et poussant de nouvelles tigel- 
Jules sur un , deux , trois et quelquefois sur les quatre angles, Parmi ‘ces boutures ou articles 
de tiges , on en voit beaucoup qui ne végètent point encore et dont un certain nombre peuvent 
être des globules de lait allongés ou ovalisés , mélangés avec des globules de toutes grosseurs. 
—a,a, a, Globules de Jait qui n’ont point encore germé.—, a’, a’ Deux globules de lait 
commençant à germer. — À, à, à. Articles ou mérithalles de tigellules désarticulées qui, 
comme boutures , ne poussent point encore. Dans le milieu de la masse , on distingue deux 
boutures dont les tigellules , portent sur l'un des angles. — e, c, c. Boutures, dont un seul 
des angles a poussé une tigellule tubuleuse et articulée. — c’ Deux articles encore réunis et 
poussant , par les deux mêmes angles extérieurs , chacun une tigeliule non encore articulée, 
e”, e”, ce”, c”. Boutures se développant inégalement par deux angles à-la-fois', tantôt du même 
côté et tantôt diagonalement, — c””, keproduction, par bouture, fort avancée, et dont les 
deux pousses très longues sont articulées et rameuses, — 4. Un article poussant sur les quatre 
angles à-la-fois des tigellules très articulées et dont une ne fait que commencer, Je n'ai vu 
qu'un individu ayant développé quatre tigellules. 

Fig. 5. Cette masse représente tout ce que l’on trouve dans le lait de beurre observé au 
microscope, — a, Très petits glubules de lait de diamètres différens’, qui n'ont point fourni 


362 TURPIN. — Sur les globules du lait. 


de beurre, —£. Gros globule oléagineux échappé à l'action destructive de la baratte, —c, Gros 
globule oléagineux déchiré et ayant lâché son huile butyreuse et ses globulins intérienrs. — 
d,, d. Chiffons membraneux produits par de gros globules déchirés ou détruits. —e, Globule 
extrèmement dilatés et d’une manière-difforme. — /. Gouttelettes aplaties d'huile de beurre, 
s'élevant et nageant à la surface du sérum. 

Fig. 6. Cristaux rhomboëdres , lamelleux , de grandeurs très variables, marqués de fissures, 
qui indiquent leur elivage , et de cristaux prismatiques, à base triangulaire , et qui, chose 
remarquable, sont des moitiés complètes des premiers , prises dans le sens des deux angles 
aigus. — a. Rhomboëdres sur lesquels la ligne ponctuée indique le sens dans lequel se forment 
isolément les moitiés derhomboëdres. 

Ces cristaux s’obtiennent , par évaporation, lorsqu'on abandonne du lait entre deux lames de 
verre. Le lait de femme est celui qui m'a toujours le mieux réussi pour la produetion de ces 
cristaux. 


* PLANCHE 16. 


& Fig. 1. Une agglomération de globules de lait, les uns globuleux et de grosseurs différentes, 
les autres ovoïdes ou allongés, mêlés ayec un nombre prodigieux de globulins, germant et 
poussant de toutes paris leurs végétations. Ces globules, poussés les uns vers les autres par 
l'air qui s’introduit entre Jes lames de verre, forment des sortes d’ilots ou des masses que l’on 
pourrait assez justement comparer à un amas de graines de millet plus ou moins ayancées dans 
leurs végétations. Pour ne poiut embrouiller notre figure , nous n'avons fait partir les tigellules 
des globules de lait que de ceux du pourtour de Ja masse, malgré que tous germent et 
poussent, —, a, 4. Globules isolés de l'agglomération, plus ou moins ayancés dans leur germi- 
nation, — 2. Un globule germant par deux points, — c. Un autre dont Ja tigellule avancée se 
compose de six articles inférieurs, allongés et de cinq terminaux [devenus plus courts, globuleux 
etseminulifères Sur l’us des côtés et du milieu du troisième article, il est parti un court rameau, 
sans articulation, qui se termine par un globule seminulifère. — 4, d, Articles de tigellules 
isolés, germant par un ou deux de leurs angles.—,, e. Tigellules très développées, mais 
encore sans fructification terminale. — f, f, f. Tigellules très articulées; articles souvent dis 
posés en zig-zag. —g, Fruclification à son début, comme cela se voit dans la figure Cr 
k,h,kh.Fructification composée d’un , de deux ou d’un petit nombre de rameaux terminaux 
et RETTE —i,i,i. Fructification disposée en pinceau ou en ombelle. 

Fig. 2. Partie terminale, articulée, rameuse, d’une tigellule avant la fructification. Tous les 
articles tubuleux renferment des séries de globules ovoïdes plus ou moins développés. 

Fig. 3. Un article fort long et contenant une série de globules devenus très allongés. 

Fig. 4. Une ombelle terminale, fructifère, composée de rameaux moniliformes , divergens 
en piuceau ouvert, formés d'axticlès courts et globuleux , et FOUrRÉ, par isolement, germer et 
reproduire la même plante par un moyen secondaire, 

Fig, 5. Globules isolés d’une ombelle, les uns simples, les autres plus ou moins avancés 
en germination. — a. Globules ou seminules, — b, b. Globules germant par un seul point.— 
c, €. Globules germant par deux points, — c’ Globules germant par un seu] point , mais dont 
la tigellule est déjà rameuse. 


A, 3, CORDA. — Ænatome hydræ fuscæ. 363 


Anarome Hydræ fuscæ exposuit Aucusrus Josepaus Corps, 
cum tabuls tribus. (1) 


Sæculi præteriti homines eximii atque illustres (præ omnibus 
Trembley, Schaffer, Rôsel, etc. ) quamvis permulta eaque egre- 
gia de Hydra litteris mandassent , quæ omnia in Okenii opere de 
historia naturali conscripto collecta invenies , tamen qui peni- 
tiori hujus animalculi anatomæ incubuisset, reperitur  nullus. 
Scrutatores ver, qui nostra ætate exstant et florent, Hydram 
simplicem esse tractum sive tubum intestinalem, cujus orificium 
 anterius tentaculis cingitur, parietibus a reliquo corpore yix 
distiuctis, adfirmant. Quibus omnibus, ne balbis quidem novis, 
missis, horum animalculorum structuram pro yirium tenuitate 
atque imbegillitate describam. 

Corpus Hydræ esse constat contractile et extensile cylindri- 
eux, cujus apex (quod vulgo caput nuncupant) tentaculis, 
pumeri paris imparisve circumdatur. Inter hæc tentacula aper- 
tura est sita, ad œsophagum deducta: os, quod labiis brevibus 
lobiformibus contractilibus rotundatisque claudi potest. Ori 
oppositus et in eodem axi medio ad finem corporis situs est 
anus, 

Tentacula, —Mydræ constant ex tubo longo tenero pellucido 
membrapaceo (vid. tab, xwiu, fig, 5 a ) substantiam ferè fluidam,, 
albuminosam continente, quæ certis quibusdam definitisque 
locis in nodos intumescit (4) densiores verruciformes in linea 
spirali positos, tanquam bases organorum palpandi (4) et ca- 
piendi{c) significandos. In tubo ipso sub quateruis in circum- 
ferentia collocatis nodis (b) immediate ad tubi membranam 
externam quatuor fibræ musculares flavescentes (e) longitudi- 
nales jacent, quæ extensores lentaculi esse videntur. 

Extensores tentaculi iterüm concoloribus transversalibus fibris 


(1) Extrait des Acta acad, Cœs, Leop.-Carol. naturæ curiosorum , vol. xvirx. 


364 A. J. CORDA. — ÆAnatome hydræ fuscæ. 


muscularibus (f) inter se conjunguntur, quos adductores tenta- 
culi vocandos esse credam, cùm earum ope tentaculum exten- 
sum (ut in tab.xvir, fig. 2, et tab. xvui, fig. 5 ) flabelli ferè instar 
plicari , ideoque breviüs reddi possit , quod e fig. 3, 4, 11, 14, 
clariüs elucet. 

Tentaculi cavitatem cum corporis cavitate aut intestino ulla 
ratione communicari , invenire nequeo ; inest vero in eà massà 
albuminosä, in quà brunvei granuli dispersi (tab. xvm, fig. 5, 
et fig. 12), plerumque propè fibrarum muscularium. locos siti 
reperiuntur. Qui compressi guttulam oleosam emittunt. 

In verracis,quæ extensoribus tentaculi superimpositæ dactu 
spirali tentaculum ambeunt, organa reperi palpandi (tab. xvur, 
fig.5 d'et fig. 9,10). Quas 7rembley descripsit esse cilia subtilia, 
quæque Schaffer post longam demüm perquisitionem invenit, 
quamvis functionem et structuram ignoraverit. Constant enim ex 
tenero verrucæ inserto sacculo (tab. xviu, fig. 9 et 10p), qui alium 
parietibus crassioribus instructum /g) continet in quo cavum 
inest exiguum (rj. Uterque apicis loco, quo uniuntur, célium (s) 
gestant sive pilum vix animadvertendum, acyminatum mobilem. 
Cujus neque ingressum neque egressum aliquem conspexi. Num 
sacculus sub eo positus fluidum quoddam continet ?—In medià 
quàque verrucà ab hisce ciliis circumdatum invenimus unum 
(rarius plura) organon capiendi, quod hastam nuncupamus. 
Constat ex sacco claro, cbovato: verrucæ inserto (fig. 6/), qui supe- 
rius subtili instructus apertura (2) densa tentacula massa invol- 
vitur (#).1n fundo hujus sacci latiori reperitur inversa penitüsque 
clausa vesicula pateliformis (#1), in cujus superiori impressione 
corpusculum (7) solidum, ovatum , insidet, cujus apici longam 
cuspidatamque calcaream sagitiam (0), quæ per aperturam (Z) 
tentaculi superficiem tangit, ac protrudi retrahique potest, con- 
Spicimus.Quum enim patelliformis vesica se evertit, corpusculum 
ovatum (kastifer,n)elevatur et sagitta (o) extruditur, cum verû se 
invertit, sagitta retrahitur. 

Quodsi Hydra animal quoddam tentaculo comprehenderit, 
sagittæ illico extruduntur, ut tentaculi superficies rudior facta 
captum animal faciliüs retineat. Sed huic soli scopo organa des- 
tinata non esse videntur; quæ venenum continere verisimile 


A. T4 CORDA. — Anatome hydræ fuscæ. 365 


est, cum animalia capta, etsi tentaculis solis teneantur, tamen 
mox moriantur. | 

Ad basin tentaculorum binorum /ab/um'(tab. xvui, fig. 11, tab. 
xx, fig. 14 £) subrotundum, quod inflecti ac protrudi possit, posi- 
tum est, texturæ tentaculo similis, et eumdem in modum ciliis et 
hastis in superficie externa instructum. Hæc labia os voluntarie 
claudunt et dilatant, et ratione animalis habita magna vi mus- 
culari prædita esse videntur. Intüs ab ïis superficies superior et 
inferior tractus intestinalis formatur, versus latera autem massa 
corporis ex iis oritur, et in eà transit. Labia sola ciliis et hastis, 
quæ corporti cetero desunt, muniuntur. 

Ut suprà jàm notatum est, multi naturæ studiosi Hydram tam- 
quam simplex intestinum contemplantur. Quod si organon hujus 
animalculi digestrix, simulque totum organismum respicimus, 
analogia quædam cum tubo cibario animalium superioris ordinis 
fugere nos non potest. 

Corpus Hydræ externe membrana , quæ duobus stratis com- 
ponitur, vestitur, quorum superiüs stratum (tab. x1x , fig. 14 v) 
magnas ostendit cellulas. In interiori strato (w), minoribus in- 
structo cellulis, germina (tab. xvu, fig. 2 H) inveni, quæ alio 
in loco contemplaturi sumus. Quod utrumque stratum cutem 
efficit, quæ in ore anoque terminatur, et in os et anum eva- 
nescit; in ano autem intus flectitur et eum obducit. 

Infra cutem et canalem alimentarium densis cellulis constans 
stratum musculare (tab. xix , fig. 14 x) situm est. Expandi admo- 
dum potest, quintamen contractilitatem (imo tensione maximà) 
amittat; cellulæ ejus granulis teneris impletæ et coloratæ sunt. 
Sub strato musculari intimum stratum obvenit, quod secundüm 
analogiam formæ et texturæ {unicam villosam (tab. xvil, fig. 14 y) 
vocare debemus. Hæcce tunica omnem tractum intestinalem a 
margine labiorum ad anum usque obducit, et in forulos (z) per 
nonnullos amplos villis destitutos meatus (7) dividitur. Intime 
concreti cum strato musculari arctè sibi adpropinquati sunt villi 
feré cylindrici, duplicis formæ, quum alii ad apicem foramine 
instructi sint, alii clausi. 

Quivis horum villorum (tab. xrx, fig. 15—17) vesiculam for- 
mat pellucidam cylindricam, parietibus crassis præditam, veri- 


366 A:3, CORDA. — ÆAnatome hydre fusceæ. 


similiter contractilem. Multi eorum in apice perforati apparent 
foramine (tab. xvr, fig. 17 #") exiguo ad cavum amplum, materia 
nutriente completum , ducente (fig. 17 G). In aliis villis, parce 
inter perforatos sparsis, hæc perforatio conspici non potest, 
quätiquam eadem, quà perforati ; repleti sint materià 

Pone anum eminentiam animadvertimus plus minusve prolon- 
gatam membranaceam cavam contractilem (tab. kix ; fig. 14 Æ), 
quæ nomine pedis utitur. 

Vis digestrix Hydrarum ingens est,quum Hydra,quam in tabula 
adjacente secandüm naturam délineavi intra quatuor minuta 
larvam insecti cujusdam pachydermaticam (tab. x1x, fig: 14 B) 
adeo digesséerit , ut forma vis dignosei possit. Victui vegetabili 
minuüs aptæ videntur, cùm Hydra ante larvam deglutiverat sporam 
Vaucheriæ clavatæ circumnatantem (tab. xix, fig. 14 C), quam 
in sectione indigestam reperi; nèqne minuüs ejusdem plantæ par- 
tes devoratas post longum tempus sine ullà mutatione iterüm 
ejici vidi. 

Varietas hic depicta est: Hydra fusca 6 galiancona. 

TABULARUM EXPLICATIO. 


Tas, XVIL Fig. :. Hydræ magnitudo naturalis. 
Fig. 2. Hydra extensa aucta, 
Fig. 3. Eadem cortracta aucta. 
Fig. 4. Ejusdem prospectus verticalis , ut videatur os. 
Ta», XVIII Fig. 5. Kinis tentaculi valdè extensi et aucti. 
Fig. 6— 8. Hastæ tentaculi auctæ. 
Fig. o—10. Cilia ejusdem aucta. 
Fig. 11. Os decisSum in prospéctu verticali auctüm, 
Fig. 12. Grana téntaculi interna cüm 
Fig. 13. Guttula olei valdè auctis. 
Tas, XIX, Fig. 14. Hydra secundum longitudinem dissecta et aucta. 
Fig. 15—19. Villi intestini valdè aucti, 


Lite a a. epidermis tentaculi; — À, verrucæ ejusdem; — c, hastæ; — d, cilia ejusdem ; — 
e. extensores;—f. attractores tentaculi ;—2. granula (vid. fig. 12);—h. ostium hastæ;—5, epi- 
derhis tentaculi , et mass ejusdem; —#, succus primus; — /. saccus secundus ; — #, vesica ; 
2 n. hastfer et o. hasta organi capiéndi ; — p. saccus primus; — q. saccus secundus cilii ; — 
r. CaYUM ejus ; — 5, cilium et labia oris ;—u. tentacula ; —%. stratum primum et w. stra= 
tum secundüm cutis ; — z stratum muüscülère; — } tunica villosà; — = ejus foruli et 4. meatus 
villis destituti; — B. larva insecti semidigesta ; — C. spora Vaucheriæ clavatæ; = D; anus; #- 
E. pes; —#. foramen villi ; — G. cavum willi ; — Z. verrucæ (dictæ germina ) in superficie 


externa corporis, ; 
A 


JOURDAN. == Mammifères nouveaux. 367 


RapPporT sur un mémoire de M. Journax, de Lyon ; concernant 


quelques Mammifères nouveaux , 
Fait à l’Académie des Sciences, le 2 janvier 183”, 


Par M. F. Cuvrer. 


L'Académie nous a chargés, M. Duméril et moi, de lui faire 
un rapport sur ün mémoire de M: Jourdan, professeur à la Fa- 
culté des Sciences de Lyon, relatif à quelques Mammifères nou 
veaux de l’Australasie, des Philippines et du Brésil: C’est ce rap: 
port que nous avons l'honneur de lui présenter aujourd’hui. 

Si la crainte de voir l’esprit du nomenclateur dominer, à l’é- 
poque où nous sommes, l’histoire naturelle des Mammifères; 
n'était pas üne crainte aussi vaine que nous le pènsons, aujour- 
d'hui que les principes de la méthode naturelle sont si généra: 
lement admis , il nous semble qu’on pourrait se rassurer pour 
l’avénir en voyant l'esprit dans lequel sont écrits tous les rié- 
moires qui paraissent chaque jour sur cette premiere classe du 
règne animal. Aucun de leurs auteurs , en effet, ne se borne à 
nommer et à classer, pour les classer et 1és nommer seulement, 
les espèces qu'il se propose de faire connaître; tous les classent 
et les nomment pour montrer leurs rapports véritables avec les 
autres Mammifères, pour remplir les intervalles grands ou petits 
qui séparent encore les espèces entre lesquelles élles sont appe- 
lées à se placer par leur organisation, et c’est tout-à-fait dans 
cet esprit éclairé que M. Jourdan à fait le travail dont nous ve- 
nons vous rendre compte. 

Ce travail a pour objet l'établissement de trois genres sur trois 
éspèces nouvelles qui en deviennent les types; et la description 
de trois espèces, nouvelles aussi, mais qui appartiennent à dés 
genres connus. 


368 JOURDAN. — Mammifères nouveaux. 


Le premier de ces genres est présenté sous le nom d'Hér£- 
ROPE ; il appartient à la famille des Kanguroos, et se distingue 
comme son nom l'indique, de toutes les autres espèces de ce 
groupe, par des jambes et des tarses postérieurs beaucoup plus 
courts et plus trapus que les leurs. De plus, l'ongle du grand 
doigt ou du troisième, fort grand chez les Kanguroos , et qui 
est pour eux une arme assez forte , dépasse à peine la partie 
charnue sur laquelle il s'appuie chez l'Hétérope, et semble ne 
devoir être pour lui d'aucune utilité particulière. Privé de ca- 
nines comme les Kanguroos proprement dits, l'Hétérope se rap- 
proche par là plus du groupe que forment ces animaux, que des 
Potoroos qui sont pourvus de ces dents ; mais la brièveté de ses 
membres postérieurs le rapproche un peu davantage de ceux-ci 
que des autres. Ainsi, à ces différens égards , l’'Hétérope se pla- 
cerait entre ces deux groupes principaux en se rapprochant ce- 
pendant davantage des seconds que des premiers. 

L'espèce qui a présenté ces caractères et qui vient de la Nou- 
velle-Galles du Sud , se caractérise par un pelage oris-brun, des 
membres et la queue noirs ,et une tache blanche sous la gorge; 
de là le nom spécifique {/bogularis ; que lui donne M. Jourdan, 
Sa taille est à-peu-près celle du renard commun. (1) 


(1) « Les Kangouroos hétéropes, dit M. Jourdan, se distinguent des Kangouroos proprement 
dits et des Halmatures , par l'absence des caractères suivans communs à ces deux groupes, 
d’avoir des jambes et des tarses postérieurs très allongés , un troisième doigt dépassant de beau- 
couples autres et emboité par un ongle long et fort, Dans notre nouvelle espèce, les jambes sont 
médiocrement longues; les tarses sont courts et épais , couverts de poils touffus , et leur sur- 
face plantaire, largement dénudée, présente un grand nombre de papilles aplaties, noires et 
cornées ; le troisième ét le quatrième orteil ne sont point emboîtés par les ongles, qui sont 
petits , courts ,obtus et légèrement courbés. On dirait des ongles de chien, Le genre Hétérope 
a le système dentaire des Halmatures. 

« L'Hétérope à gorge blanche, Weiteropus albogularis , a la surface palmaire des membres . 
antérieurs rugueuse ,| ce qui annonce qu’ils doivent souvent reposer sur le sol: ja. queue est 
d’un égal développement à sa base et à son sommet ; elle est forte et couverte de poils durs. Le 
pelage est laineux , excepté à l'extrémité des membres. Tête marquée d’une ligne brune longi- 
tudinale; joues blanchâtres; oreilles noires en dehors , jaunes en dedans ; gorge blanche ; ; poi- 
trine et ventre roux ; cou et partie supérieure du dos gris ; fesses d’un fauve rougeätre ; extré- 
mité des membres et queue d’un brun foncé : cette dernière terminée de blanc. Longueur totale 
du museau au sommet de Ja queue, 1met:,30; membres antérieurs, x2£ent. ; membres posté- 

- rieurs, 3otent,; (ronc, 6ocent.; queue, 56cent.; tarses, 8ceut. ; tête osseuse, 1 1cent., L'hétérope 
à gorge blanche nous est venu dés montagnes qui sont au sud-ouest de Sidney. On dit qu'il 
marche plutôt qu'il ne saute, » (Extrait du mémoire de M. Jourvax. R.} ! 


JOURDAN. — Mammifères nouveaux. 369 


Le genre Acéropon appartient à la famille des Roussettes ou 
Chéiroptères frugivores , et ne se distingue des Roussettes pro- 
prement dites, que par des molaires inférieures à trois collines 
et par des molaires supérieures à collines tuberculeuses, dans 
Jesquelles cependant se montre avec évidence le type c caracté- 
ristique des molaires de cette famille. Les formes mêmes de la 
tête rappellent celles qui sont essentiellement propres aux têtes 
des espèces du genre ou du sous-genre Roussette, et, comme 
ces Roussettes encore, l'Acérodon a quatre incisives à l’une et à 
l’autre mâchoire. 


La considération de ces tubercules caractéristiques des mo- 
laires de l’'Acérodon , pourrait faire penser qu’il existe entre ces 
molaires et celles des Chauve-Souris, des rapports de structure 
propres à fonder entreles deux familles de Chéiroptèresun rappro- 
chement beaucoup plus intime que celui qui existait avant que 
l'espèce füt connue. Quant à nous, nous ne pensons point que’ces 
modifications aient en rien changé la nature des dents de l’Acé- 
rodon, et puissent même exercer une influence très sensible sur 
les mœurs de cet animal. Le système dentaire de la famille des 
Roussettes et celui de la famille des Chauve-Souris, sont diffé- 
rens dans leur essence de forme ; chacun d’eux peut se présen- 
ter avec des modifications plus ou moins profondes ; mais, tant 
que ce qui est essentiel à leurs formes dominera,'les Roussettes 
ne seront pas des Chauve-Souris, ni les Chauve-Souris des Rous- 
settes. Or, l’Acérodon appartient encore exclusivement, sous ce 
rapport, à cette derniere famille. C’est pour n’avoir pas reconnu 
la distinction des formes principales et des formes accessoires 
dans les dents, qu’on a proposé, par la considération de ces 


organes , des rapprochemens si insolites entre certains mammi- 
féres. 


Les rapports de l’Acérodon et des Roussettes se retrouvent 
méme jusque dams la distribution des couleurs, qui sont brunes, 
avec une tache plus pâle ou plus brillante sur le cou. L’Æcéro- 
don de Meyen a la taille des plus grandes espèces de ce genre : 
il est originaire des Philippines, et si M. Meyen l’a décrit sous 
le nom de Pyrocéphalus ; il ne l'a point fait de manière à ce 


VIII Zocz, — Décembre, 24 


370 JOURDAN. — Mammifères nouveaux. 


qu’on en puisse reconnaitre les caractères principaux. D'ailleurs 
il ne l’a donné que comme une simple Roussette. 

Le genre Néromys a pour type uné.espèce de rongeur origi- 
naire du Brésil, à laquelle M. Jourdan réunit l’Echimys huppé ; 
ces deux espèces se ressemblant par des oreilles arrondies peu 
développées ,une queue velue , des tarses courts, des membres 
trapus et une forme générale assez lourde. Cette réunion suffirait 
pour indiquer les rapports des Nélomys avec les Echimys, l'E- 
chimys huppé étant le type de dernier genre , si , en effet, les 
Echimys formaient un genre naturel. 

Depuis long-temps l’un de nous avait signalé la construction 
irrégulière de ce genre Echymis, et la nécessité de ramener les 
espèces qui le composent à leurs véritables rapports. M. Jourdan 
propose , pour arriver à ce but , de séparer des Echimys qui, 
comme l’'Echimys huppé, auraient les caractères des Nélomys, 
les espèces distinguées de ceux-ci par de grandes oreilles, une 
queue écailleuse et nue, des tarses allongés et une forme géné- 
rale élancée. C’est pour ces dernières espèces qu’il réserve le nom 
générique d'Echymis , et il donne pour type de ce genre l'Echi- 
mys de Cayenne. Nous regrettons que M. Jourdan n'ait pas 
complété son travail, en nous indiquant les modifications orga- 
niques sur lesquelles il fonde véritablement lun et l’autre de 
ces genres; car une conque externe de l'oreille un peu plus ou 
un peu moins grande, des tarses un peu plus ou un peu moins 
longs, une queue un peu plus ou un peu moins velue, ne 
peuvent être que des signes extérieurs de leurs véritables carac- 
tères. Il nous donne bien quelques-uns de ces caractères pour 
les Nélomys, qui ont quatre molaires à racines et à couronnes 
composées de chaque côté de l’une et de l'autre mâchoire , et 
cinq doigts à chaque pied, les pouces excessivement courts;; 
mais il ne le fait point pour les Echimys, ce qui laisse beaucoup 
de vague et d'incertitude sur la véritable nature de ces derniers, 
relativement aux autres; en effet , de ce qu'ils diffèrent un peu 
des Nélomys par les oreilles, les tarses et la queue, ce n’est point 
une raison pour qu'il en soit de même par les organes plus 
importans et véritablement caractéristiques des genres. Nous 
pouvons dire cependant que l'Echymis huppé, qui à une queue 


TJODAN,  — Mammifères nouveaux. 371 


velue, des tarses courts, etc., comme ie Nélomys, à aussi des 
molaires semblables aux siennes, et que l'Echimys dactylin ; qui 
a une queue nue et écailleuse, a des dents fort différentes pour 
la forme, de celles des Nélomys; mais nous ignorons si elles 
ressemblent à celles de l'Echimys de Cayenne. Ces simples indi- 
cations , au reste; seraient Join de suffire pour établir les rap- 
ports des neuf à dix espèces de rongeurs qui, à la suite des ob- 
servations de notre confrère M. Geoffroy Saint-Hilaire et de 
M. Lichtenstein , de Berlin , ont été réunies dans le genre que le 
premier a nommé Echimys, et le second, d’après Illiger, Lon- 
chères. Quoi qu’il en soit , fes Echimys et les Nélomys ont entre 
eux des rapports intimes , et c’est dans le groupe naturel qu'ils 
forment , que viennent se ranger le Cercomys et les Agoutis, 
autres rongeurs de l'Amérique du Sud. 

L'espèce sur laquelle M. Jourdan a fondé son genre Nélomys, 
etiqu’il nomme Nélomys de Blainville, grandecommeun cochon 
d'Inde est fanve en dessus, blanche en <lessous, et sa queue est 
noirâtre; plusieurs des poils de sa croupe sont épineux, Elle ne 
paraît pas en effet avoir encore été décrite. (r) 

Les trois espèces nouvelles que M. Jourdan fait connaitre 
consistent en un Kanguroo proprement dit, qu'ilnomme/rma (2}, 


(1) « La nouvelle espèce, le Nélomys de Blainville (Nelomys Blainvilit), dit M, Jourdan, a vingt 
dents, quatre incisives et huit molaires, présentant à la mâchoire supérieure quatre collines trans- 
versales , et à l’inférieure un double V tourné en dedans et coudé en arrière. Crâne long avecun 
bulla ossea très développé. Oreilles courtes et arrondies, queue velue; membres forts et trap= 
pus; cinq doigts à chaque pied, pouces rudimentaires ; moustaches noirés, nombreuses et 
longues ; poils de deux natures, les uns sous leur forme ordinaire, les autres sous celle de 
piquans. Tète, cou , parties supérieures du corps et externes des membres roux doré; bouche, 
gorge , poitrine, ventre et face interne des membres, blancs ; queue brune, pieds d’un gris- 
roux, Lougueur générale, 45 centimètres; du museau à l'origine de la queue, 25cent., de la 
queue , 2ocent., Le Nélomys de Blainville a été tué dans une petite île sur les côtes du Brésil, 
près de Bahia. On dit qu’il se creuse des galeries, » (Mémoire de M. Journax) RJ KTaa 

(2) « La forme généralé de ce nouvel Halmadure est d’une élégance remarquable 3 son corps 
élancé , ses membres fins et délicats, sa queue surmontée d’une crète de poils et terminée de 
blanc; ses oreilles blanches et noires , la forme de sa tête, tout contribue à lui donner une 
beauté particulière. Ses caractères sont: tête grise supérieurement ; joues et lèvres d’un blanc 
jauoâtre ; tache noire sous le menton; face externe des oreilles, brune en avant, blanchâtre 
en arrière ; face interue jaune dans les deux tiers inférieurs , noire dans son tiers supérieur 
une tache brune entre les deux oïrcilles, se prolongeant un peu sur le cou ; poitrine, cou; 
flancs , face externe des membres , jaune-fauve clair ; carpes et tarses jaunes ; doigts et ort 

24: 


372 JOURDAN. = ]Mammifères nouveaux. 


en un Hydromis, qu’il désigne par le nom de Fulvo-F'enter(r), 
et en un carnassier qu'il regarde comme un Paradoxure, auquel 
il donne le nom de Philippensis (2). 

Nous n'avons aucune espèce d'observation à faire sur les deux 
premières espèces; elles different en effet, par les teintes et les 
couleurs de quelques-unes de leurs parties, des espèces de leur 
genre qui, jusqu’à présent, ont été décrites. 

Quant au tarnassier, il serait assez difficile de dire si, en effet, 
il appartient à ce genre Paradoxure, qui menace de devenir ce 
qu'était avant les travaux modernes, le genre Viverra de Lin- 
næus, c’est-à-dire le genre le plus hétérogène de toute la masto- 
logie, celui où venaientse réunir tous les carnassiers de moyenne 
taille, dont on n'avait pas su apprécier la nature; et il faut con- 
venir que Linnæus lui-même, en le formant, avait donné l'exemple 
de cette confusion, sans, cependant, tomber dans l’excès de ses 
successeurs, les Gmelin , les Erxleben, etc. Car, un genre, dans 
lequel se trouvent réunis, comme dans ce genre Viverra de la 
treizième et dernière édition du Systema Naturwæ, les Ichneu- 
mons aux Coatis, ceux-ci aux Moufettes, et les Moufettes aux 
Civettes et aux Genettes, est un genre artificiel, que tous les 
naturalistes depuis se sont appliqués à rectifier. En effet, sitous 
s'accordent aujourd’hui à rapprocher, maïs dans des groupes 
distincts, les Ichneumons, les Civettes , les Genettes, tous s’ac- 
cordent aussi, non-seulement à en séparer les Coatis et les 
Moufettes, mais même à éloigner considérablement ceux-ci l’un 
de l'autre, et des Z’iverra proprement dits. C’est à ce dernier 


bruns et noirs; la queue est grise dans sa plus grande étendue, noirâtre vers son sommet, qui 
se termine par des poils blancs, Elle a une double crête de poils; la plus longue est celle de son 
côté supérieur; Longueur totale , 1met.,35 ; du museau à l’origine de la queue, 7acent.. La 
queue , 63€ent ; membres antérieurs , ricent.; membres postérieurs , 45cent. ; oreilles, 8cent, 

L'halmäture irma habite les bords de la rivière des Cygnes, sur les côtes de Leuwin (Austra- 
lasie.) (Jourpax, loc. cit.) R, 


(x) Tous les caractères des hydromÿs ; seulement le ventre fauve et le dos plus noirâtre: 
habite les bords de la rivière des Cygnes. (Australasie.) (Jourpan, loc. cit.) R, 


(2) Dents à lubereules plus mousses que dans le paradoxure type. Au lieu d’avoir des bandes 
sur les {flancs et le dos; il est marqueté d’un grand nombre de petites taches fauves et blan- 
châtres ; pieds bruns, Habite les îles Philippines, Lucon et Mindgnao, (Jounpan, oc, cit.) Re 


JOURDAN. — Mammifères nouveaux. 373 


groupe, où se réunissent les Civettes, et beaucoup d’autres 
carnassiers encore, qu'appartient celui des Paradoxures ; mais 
ce groupe générique, formé d’abord du plus petit nombre d’es- 
pèces, et d’une principalement, le Paradoxure type, dont la 
nature, jusque-là, avait été tout-à-fait méconnue, s’est vu enri- 
chir en peu de temps par douze à quinze autres espèces de petits 
carnassiers tout-à-fait inconnus auparavant et dont on n’a pas 
toujours eu soin de décrire les caractères avec assez de détails pour 
qu’on puisse déterminer leurs vrais rapports ; de sorte qu’aujour- 
d’hui il pourrait arriver pour ce genre ce qui est arrivé pour le 
genre Viverra de Linnæus ; que les caractères sur lesquels il 
avait d’abord été fondé ne convinssent ‘plus à toutes les espèces 
qui le composent aujourd’hui, et qu'il fallüt lui en assigner 
de nouveaux, sinon, le diviser. Quoi qu'il en soit, le Paradoxure 
des Philippines qui nous occupe en ce moment, réunit quel- 
ques-uns des caractères propres à ce genre; M. Jourdan assure 
qu'ilena les dents et les doigts. Nous avons bien pu reconnaître 
sur une peau desséchée que cet animal a en effet une marche 
plantigrade et des ongles acérés; mais nous n’en avons vu ni les 
dents, ni aucune autre partie, et la queue était à moitié détruite. 
Quant aux couleurs, elles ne nous ont paru se rapporter, en effet, 
à aucune des espèces publiées jusqu’à ce jour. 

Tel est le contenu du mémoire de M. Jourdan. Nous n’exami- 
nerons point en critique la formation de ses genres ni celles de ses 
espèces; cet examen nous conduirait sur la formation des genres 
et des espèces en général , à une discussion d’autant plus déplacée 
que notre objet principal doit être le mémoire dont nous ren- 
dons compte ; sur ces hautes questions, les principes généraux 
ne donnent la solution d’aucune difficulté, et les principes par- 
ticuliers, les seuls dignes d'intérêt, paraissent être encore un 
sujet,de controverse que nous ne pourrions aborder convenable. 
ment ici. Peu importent , au reste, ces principes dans le cas par- 
ticulier qui nous occupe. Ce qui doit surtout fixer note attention, 
ce sont les observations de M. Jourdan; elles ont un caractère 
denouveauté et d’exactitude que personne ne pourra leur refuser. 
La science les recueillera, chacun en fera son profit suivant ses 
propres vues, et si, par la suite, on est tenté d’en tirer d’autres 


374 EHRENBERG. -= Infusoires siliceuses. 


résultats que ceux qu'il en a tirés lai-mème, on ne pourra, du 
moins, lui refuser cette justice que, sans elles, ces résultats nou- 
veaux n'auraient probablement pas été obtenus. 

Nous concluons donc par demander que M. Jourdan soit in- 
vité à continuer de recueillir’ses observations et d’en faire part 
à l’Académie. 


Nore sur Les masses que forment les infusoures siliceuses actuel- 
lernent vivantes, et sur un nouveau conglomérat de tripoli 
trouvé à Jastraba en Hongrie. (Lue à l’Acad. des Sc. de Berlin 
le 29 juillet 1837.) | 


Par M. EnrenBErG. (Extrait.) 


Le tipoli de Jastraba est crayeux, blane, compacte, non feuilletée. En l'examinant 
au microscope, on voit qu’il se compose de dix espèces différentes d'Infusoires mêlés 
avec des aiguilles d’éponges. Sur ce nombre, il y en a huit encore existantes dans les 
eaux douces, savoir: deux appartenant au genre Navicula(N. viridiseiN. fulva), 
une au genre Æunotia ( E. Westermanni), deux au genre Gallionella (G. va- 
rians et G. distuns), et trois au genre Cocconéma (C. cymbiforme, C. Cistula; 
C. gibbum). I fautremarquer quel'une des espèces de Gallionella (G.distans)est 
la même qui forme Ja roche de Bilin, et qui, vraisemblablement, est encore vivante, 
Les deux autres espèces, Bacillaria hungarica et Fragillaria gibbu, sont 
nouvelles et n’ont point encore été observées à l’état vivant. Il suit de là que ce 
tripoli de Hongrie a la plus grande ressemblance avec celui de Cassel, puisque, 
sur onze des parties dont il se compose, huit lui sont communes avec ce 
dernier. : | 

La découverte de ces nouvelles formes porte à 97 le nombre des organisines 
fossiles microscopiques actuellement conrus. Dans ce nombre, 25;appartiennent 
aux silex pyromaques de la craie, et les autres à des formations plus récentes. 
En tout, on a observé 79 Infusoires, 2 Polythalamies et 16 plantes. Les orga- 
nismes supérieurs , tels que les Flustres, les Eschares , les Oursins, les Poissons, 
les feuilles de plantes, etc., ne sont pas pris ici en considération, parce que, comme 
ils ne se présentent que rarement, ils ne jouent qu’un rôle subordonné, et n'ont 
âté enveloppés qu'accidentellement. Les Infasoires appartiennent à 15 genres 


FHRENBERG.— /nfusoires siliceuses. 395 


différens, dont 13 sont du monde actuel, et 2 inconnus. Sur les 79 espèces qu'ils 
comprennent, 71 Ontune carapace siliceuse naturelle, de même que les Limaçons 
ont une coquille calcaire, et ne sont point silicifiés. De huit espèces seulement, 
on ne saurait dire avec assurance qu’elles n’aient pas été simplement englobées 
dans la masse siliceuse comme les Poissons, les Oursins et les Algues. Il résulte 
de l’ensemble des faits, que maintenant on ne peut plus prétendre avec certi- 
tude, ni même avec vraisemblance que toutes les Infusoires fossiles sont des 
espèces encore vivantes actuellement , puisque dans le nombre il n’ÿ en a guère 
que la moitié qui appartienne réellement au monde actuel. Les Polythalamies 
(Rhizopodes Dujardin) ne sont vraisemblablement pas des Infusoires , puisque 
toutes portent une coquille calcaire, ce qu'on n’observe jamais chez les Infusoires, 
et que leur structure ne les en rapproche pas non plus. Les Xanthidies des 
silex pyromaques ne sont pas des œufs de Cristatelles, puisqu'ils sont globuleux 
et non lenticulaires, qu'ils se présentent pêle-mêle avec des fnfusoires bien 
constatées, qu'ils sont beaucoup plus petits, et que souvent ils se montrent 
doubles en se divisant eux-mêmes. C’est avec les œufs de l'Hydra vulgaris, 
nouvellement observés par l’auteur, qu'ils ont le plus d’analogie; mais ce n’est là 
qu’une ressemblance et point une identité. 

On a cherché à expliquer ce qu'il y a de frappant dans l'existence de ces 
masses fossiles, qui forment une couche de 14 pieds d'épaisseur, en se livrant à 
une suite de recherches sur celles qui prennent naissance par l’entassement des 
espèces vivantes. Dès l’année 1836, M. Ehrenberg avait mis sous les yeux de 
PAcadémie plusieurs onces d’une masse terreuse qu'il avait préparée avec les 
coquilles siliceuses des Infusoires appartenant aux eaux des salines. Dernièrement, 
ila réussi à trouver un plus grand atelier de la nature pour la fabrication du 
tripoli. Les Tnfusoires siliceuses forment dans les eaux stagnantes , pendant les 
temps chauds, une couche vaseuse de l'épaisseur de la main. Quoique plus de 
cent millions de ces animalcules pèsent à peine un grain, on a cependant pu, 
dans l’espace d’une demi-heure, en rassembler près d’une livre , et dans le mois 
de juin il eût été possible d’en recueillir , en peu d'heures, 25à 50 livres dansla 
ménagerie de Berlin. Ainsi, on ne devrait plus se demander comment il est pos- 
sible qu’il y ait des roches entières d’Infusoires; il faudrait plutôt élever cette 
question : où vont se perdre les quantités innombrables et les masses des ani- 
maux microscopiques de la silice qui vivent actuellement, et qui dans un grand 
nombre de fossés et de marais , devraient donner lieu à d’épaisses couches deterre 
siliceuse. 

Plusieurs botanistes considèrent encore comme des plantesles animalcules de 
la famille des Bacillarices qui constituent ces masses ; mais M. Ehrenberg annonce 
avoir mis hors de doute leur animalité en rendant visible leur nutrition au moyen 
de solutions colorées. Chez les Navicula gracilis, amphisbæna, viridula, fulva, 
Nitsschii, lanceolata et capitata, par conséquent dans sept espèces, 4 à 20 pe- 
tites cellulesstomacales se remplirent d'ndigo. Il en fut de même chez le Gom- 


376 3. F. BRANDT. — Myriapodes. 


phonema iruncatum,' Ve Cocconema Cistula, Y Arthrodesmus quadricaudatus 
et le Closterium acerosum. 

Dans ses dernières expériences, M. Ehrenberg a remarqué que les Infusoires 
siliceuses vivantes forment une sorte de terreau, et qu’elles ont besoin d’ane si 
petite quantité d’eau pour vivre qu’une pareille terre, devenue cassante après 
être restée quinze jours à sec, contenait encore suffisamment d'humidité pour 
qu'un grand nombre d’animalcules, dès qu’ils étaient transportés dans une goutte 
d’eau, montrassent encore des traces de vie, et se traïînassent çà et là avec agi- 
lité. Après, une dessiccation complète, ils moururent et ne revinrent plus à la 
vie. (Anstitut , n° 224.) 


NorTE sur un ordre nouveau de la classe des Myriapodes et sur 
l’etablissement des sections de cette classe d'animaux en gé- 
néral , 


Par M. J. F. BRANDT. 


> 


Il y a déjà quelques années que j'ai eu l'honneur de mentionner, dans un rap- 
port fait à l'Académie, un genre nouveau de Myriapodes très singulier, sous le 
nom de Polyzonium , genre que je proposai alors, à cause de la conformation des 
anneaux du corps, comme type de la seconde division de la famille de Glome- 
ridia ou Pentazonia créée récemment par moi. Mais des recherches suivies et 
encore plus exactes sur la structure de la bouche m'ont porté à croire que les 
Polyzonies ne peuvent point prendre des substances dures , parce qu’ils manquent 
d'organes propres à triturer les alimens, mais qu'ilsse nourrissent plutôt de sub- 
stances liquides , qu’ils avalent en suçant. 

Durant mon dernier séjour à Berlin, l’obligeance de M. Klug me fournit 
l’occasion d'examiner le Museum royal si riche en Myriapoes. J'y trouvai deux 
espèces en général très voisines du genre Polyzonium par la conformation du 
corps, mais dans lesquelles les parties de la bouche, encore beaucoup plus pro- 
noncées comme organes propres à sucer, contribuèrent à me confirmer positive- 
ment l’existence des Myriapodes suceurs. Il résulte de ma découverte que la 
division des Myriapodes proposée par Latreille et déjà modifiée par moi doit 
être changée de nouveau; car l'absence ou l’évolution d’un appareil masticatoire 
est d’une si haute importance pour la physiologie des animaux , qu’il doit êtreun 
des premiers principes,de classification, principe déjà depuis long-temps ob- 
servé avec soin par Îles naturalistes dans la détermination des ordres des animaux 


J.F. BRANDT. — ÂMyriapodes. 377 


Hexapodes où Insectes proprement dits. Envisagés sous ce rapport, les Polyzonia 
ne peuvent plus former une section des Chilognathes, mais plutôt constituer un 
ordre tout-à-fait particulier. Je crois donc nécessaire de partager les Myriapodes 
en ordres et sections ainsi qu’il suit. 


I. PREMIER ORDRE. 
Myriapoda manducantia ou Gnathogena. Nob. 


II. SECOND ORDRE. 
Myriapoda sugentia ou Siphonizantia. Nob. 


I. PREMIER ORDRE. 


Gnathogena. 


Cet ordre, qui répond aux Myriapodes de Latreille, peut se subdiviser 
selon ce célèbre entomologiste en deux sections ou sous-ordres, appelés par lui 
familles , 

A. Chilopoda. 
B. Chilognatha. 
le 

Les Chilognathes offrent, pour la structure des anneaux du corps , trois types 
très différens, types que j'ai découverts il y a six ans, et qui sont indiqués 
dans le Tome vr du Bulletin des naturalistes de Moscou, comme familles parti- 
culières. Les noms de ces types sont: 


a. Familia Monozonia ou Polydesmata. 
b. Familia Trizonia ou Julidea. \ 
c. Familia Pentazonia ou Glomeridia. 


II. SECOND ORDRE. 


Siphonizantia. 


Mandibulæ et maxillæ, nec non labia in proboscidem plus minusve evolutam 
coalita. Corpus valdè elongatum, angustuin. Corporis media cingula singula, ut 
in Pentazonüs, e partibus quinque composita. 

Les trois espèces d'animaux encore inédits, qui, selon mes recherches, com- 
posent cet ordre, doivent constituer les types de trois genres très distincts, et 
- que l’on peut distribuer , selon la présence ou l'absence des yeux, en deux sections, 
Ommatophora et T'yphlogena. 


378 3.F. BRANDT. — Myriapodes. 


I. SECTION. 


Ommatophora. 


Oculi parvi simplices in fronte inter antennas conspicui. 


1. Genre Polyzsonium Nob. ? 
Genus Polyzonium Brandt. Isis 1834. p. 704. 


Oculi quatuor, quorum bini approximati. Capitis inferioris faciei pars labio 
inferiori analoga appendice palpiformi quovis latere aucta, Rostrum antennis ferè 
duple brevius, acutum. Antennæ geniculatæ. 


Species Polyzonium germanicum. Nob. 
Habite l'Allemagne, 


2. Genre. Siphonotus. Nob. 


Oculi duo distincti. Appendix palpiformis nulla. Rostrum elongatum, apice 
obtusiusculum, antennis longitudine ferè æquale. Antennæ subrectæ, clavatæ. 
Species Siphonotus brasiliensis. Nob. 
Vit au Bresil. 
IT. SECTION. 


T'yphlogena. 


Oculi nulli. 


1. Genre Séphonora. Nob. 


Capat parvum, angustum. Rostrum acutissimum, tenuissimum, elongatum, 
subulatum, subdeflexum, antennas subæquans. Antennæ satis elongatæ, subcur- 
vatæ. Appendix palpiformis nulla. 

Species Siphonora portoricensis Nob. 

De l’île de Porto-Rico. à 

(Bulletin de l Académie de Saint-Pétersbourg , T. 1 n° 23.) 


DENIS BEUDANT. — Composition du sang. 379 


Recnercnes sur la composition du sang à l’état sain et à l'état 
pathologique. (Extrait d’une lettre de M. Denis Beupanr à 
M. Dumas.) 


... Je crois, relativement au sang sain, être arrivé à prouver, entre autres 
choses : 1° que l'albumine et Ja fibrine ne sont qu’une seule et même substance, 
et que l’albumine n’est liquide qu’en raison de la combinaison qu’elle a contrac- 
tée avec un mélange salin de 13 parties de sels neutres solubles dans l’eau, et 
d’une partie de soude contenues dans le sang. Aussi, peut-on faire à volonté 
artificiellement du sérum ou du blanc d'œuf avec de la fibrine et un solutum des 
mêmes sels additionnés de soude. 


2° Que les corpuscules centraux des globules colorés du sang sont formés 
d’albumine solide ou fibrine , ce que je démontre en la séparant avec facilité , sous 
l'aspect feutre de cette substance. 


3° Que le sang sain renferme toujours la substance jaune biliaire qu'on a 
rencontrée constamment aussi dans le sang et les tissus des ictériques. 


4° Que le sérum a constamment une composition identique chez tous les indi- 
vidus bien portans ; qu’il en est de même des globules, et que les diverses 
espèces de sang ne diffèrent entre elles que par la proportion de ces deux parties. 


5° Que les substances immédiates groupées dans la composition du sérum et 
des globules, s’y trouvent en proportions numériques très simples. Ainsi le sérum 
étant 1000, les sels sont 10 ; les matières grasses neutres joiutes aux corps colo- 
räns jaune et bleu, 20; l’albumine 80; et l’ensemble de ces substances solides 
relativement à l'eau , laquelle est 900 , forme un total de 100. 

Pour lé sing malade , en me basant sur mes analyses comparatives avec le 
sang sain, je crois être parvenu à déterminer : | 

1° Que le sang couenneux ne diffère du sang ordinaire que par une diminu- 
on de chlorure de sodium et une augmentation de soude, ou par une perte de 
chlore. 

2° Que ke sang grumeleux, couleur lie de vin, qu’on a remarqué quelquefois 
dans le corps des sujets qui ont succomhbe à certaines maladies violentes, est en- 
core ce sang couenneux porté au dernier point, ou privé de chlorure de sodium, 
et, au contraire, très alcalin, ou entièrement privé de chlore. ! 

3, Que le sang incoagulable, observé aussi quelquefois, tient à uu excès 
des sels naturels de cette humeur, J'ai recueilli deux observations dans l’une 
desquelles le sang était ammoniacal, et dans l’autre, surchargé de chlorure de 
sodium. Le premier provénait d’un sujet atteint de fièvre typhoïde, le second , 
d’un malade affecté d’une espèce de scorbut. 

4° Que le sang des ictériques n’est que le sang ordinaire dans lequel la substance 
jaunâtre biliaire qui lui est naturelle, et formée par le foie opérant sur un pro- 
duit liquide venant du canal alimentaire et de la rate, se trouve accidentellement 
augmentée de quantité. 


(Académie des Sciences , séance du 26 décembre;) 


TABLE DES MATIÈRES 


CONTENUES DANS CE VOLUME. 


PHYSIOLOGIE, 


Troisième mémoire sur le Mécanisme de la rumination. Expériences 
touchant l’action de l'émétique (tartrate de potasse et d’antimoine), sur 
les animaux ruminans, par M. Fcourens. . . . . . . . . . . . 


Sur la Spécialité des nerfs des sens, par M. Peczerax (extrait). . . . 


De la présence de l’oxigène , de l’azote et de l’acide carbonique dans le 
sang, et sur la héorie de la respiration , par G. Maçnus. . . . . . 


Notesurle Mouvement vibratile à la surface des muqueuses, par M. Donxé. 


Recherches physico - chimiques et physiologiques sur le Z'orpille, 
pe Mann feed e ain lé ne mie fn aie 


Recherches sur la Génération, par M. WaGner. 4 « . . . . . . . 


Note sur le développement d’un courant électrique, qui accompagne Ja 
contraction musculaire , par M. Prévost. . . . . . . . . . . . 


Sur les Zoospermes des mammifères et sur ceux du cochon d’Inde en 
particulier, par M. Dusanniniot sosmars st 16 uêlis 0 ensitéile 


Sur les Zoospermes de la carpe , par le même. . . . . . . . . . . 
Expérience sur Ja voix humaine , par M. Caienarn-Larour. . . . 
Expérience sur la Génération équivoque , par M. Scuuzrz. . . . . . 
Recherches microscopiques sur l’organisation et la vitalité des lobules du 
lait, sur leur germination , leur développement et leur transformation 
en un végétal rameux et articulé, par M. TurriN . . . . . . . . 
Recherches sur la composition du sang à Vétat sain et à l’état patholo- 
gique, par M. Denis Beupanr. (Extrait.). . . . . . . . . . .. 


ANIMAUX VERTÉBRÉS. 


Essai sur les dêmensions de la tête osseuse , considérées dans leur rapport 
avee l’histoire naturelle du genre humain, par M. J. Van ner Hor- 
NDS Lu maso à 20000 20 bg Le | . 2e 2 

Structure du cerveau chez les Marsupiaux, par R. Owen. . . . : 

Notice sur les Mammifères épineux de Madagascar, par M. Isipore 
Grorrroy SaiNT-HiLaiRE (extrait), . 1e 4 «0 0.5 + 5.0 à «. 


190 


282 
318 
291 
297 


319 
320 


338 


379 


116 


Table des matières. 


Notice sur les Mammifères des Antilles, par M. P. Gervais. . ,-, ,, 


Description de quelques animaux nouveaux ou peu connus qui se trouveut 
au musée de Neufchätel par M. C uzox (extrait). . . . . .:,. . 


Description de quelques mammifères nouveaux ou peu connus, par 
M, Gnasfannance): Doyen tt. Mrs) , doiretiguer-el ty cotes st 


Mémoire sur un rongeur fossile des calcaires d’eau douce du centre de la 
France, considéré comme un type générique nouveau, le genre T'heri- 
dome sua Jouanan (extrait). : +4 1... 1 


Recherches sur la structure des membranes de l’æœuf des mammifères, 
PR OUNL Pasecuer et. GLUGE. ., . 44 = ee. . « e éérauve. 


Notice sur deux nouveaux geures de mammifères carnassiers, les Zchneu- 
mies, du continent africain, et les Galicies, de Madagascar, par M. Isip, 
Grorrroy SamNT-HicaiRE (extrait) . : 2. . «le + + et. à à 


Sur le système dentaire du Protèle , par le même. . . . . . . .. 


Note sur la découverte de deux nouvelles espéces de Quadrumanes 
fossiles, par MM. Fazxoner et CANTELEY . , . . . . . . , . . 


Notesur quelques Mammifères nouveaux de l’ Australasie, par M. Ociey. 


Rapport sur un mémoire de M. Jourdan, concernant deux nouvelles es- 
P L - ; 
pèces de Mammiftres de l’Inde, par M. de BLaïNviLze. . . . . . 


Addition au rapport précédent, par le même. . . . ... . . . . . 


Rapport sur un mémoire de M. Jourpax concernant quelques Mammifères 
rio CMS ER Guvien, 1 2 MARNE, M6 ER dure 


Recherches anatomiques sur quelques genres d’Oiseaux rares ou en- 
core peu connus sous le rapport de l’organisation profonde, par 
2 Ctenmnun: (extrait). : "76:22 002 AIN 4 eff) 201 


Note sur la forme des extrémités articulaires du corps des vertébrés, 
RONDE dE BLAINVISLE (exrait).) 44. La VEND 3h bide not 


Note sur deux Bulbes artériels faisant les fonctions de cœurs accessoires, 
qui se voient daus les artères innominées de la Chimère arctique, par 
os een let io eif ae TOR Le dt ne ee URSS Li 


MOLLUSQUES, 


Note sur le développement de l'embryon chez les Mollusques cépha- 
RO De dt ee AUS à es 


Mémoire sur l’'embryogénie des Mollusques gastéropodes, par M. C. Du- 
MORTIER. L L1 LA - L L LL L L L LL . L L2 . L1 LA LL LL L LI LZ LI L 


Recherches sur l'anatomie des Mollusques , comparée à l'ovologie et à 
l'embryogénie de l’homme et des vertébrés, par M. Serres. . . . . 


Observation sur une Ærgonaute fossile (extrait). . . . . , . . . 
Mémoire sur le Mayile , par M. Canus (extrait). . . . . . . . , . 


ANIMAUX ARTICULÉS. 


Notice sur les ravages causés dans quelques contons du MAconnais par 
la Pyrale de la vigne , et sur les moyens qui ont été jugés les plus 
conyenables pour arrêter le fléau , par M. AupouIn, . , .., , . . 


58 


35 


107 
129 


168 
128 
186 


382 Table des matières. 


Considerations nouvelies sur les dégâts occasionés par la Pyrale de la 
vigne ; particulièrement dans la commune d'Argenteuil, par M. Victor 
AUBOUIN.» me « (51423) toast. D M seuinsitinont sb 4ems 


Mémoire sur la température-des .Insecres , considérée dans ses rapports 
avec la circulation et la respiration, par M. Newporr (extrait). . . . 


Note sur une difformité observée chez un Lépidoptère, par M. WesmarL. 
Observations sur absence des tarses dans quelques insectes, par M, Brut. 


Recherches anatomiques et physiologiques sur ia maladie contagieuse qui 
attaque les vers à soic et qu'on désigne sous le nom de Muscardine ; 
par M.-Aunewen... :. :. +... 1,4 0.30 ramené. MIN 


Nouvelles expériences sur la nature de la maladie contagieuse qui attaque 
les vers à soie et qu’on désigne sous le nom de Hascardine, par le même. 


Introduction à lentomologie, par M. Lacorpatre (annonce). . . : .': 


Note sur un ordre nouveau de la classe des My riapodes , et sur létablis= 
sement des sections de cette classe d'animaux en général, par M. Branpr. 


Mémoire sur quelques points d'organisation concernant les appareils d’ali= 
mentation et de circulation, et l'ovaire des Squilles, par M. Duvernoy. 


Nouvelles observations sur la zoologie et l'anatomie des Annélides 
abranches séngères , par M. Ducës. 4 . : . . , , . 


ZOOPHYTES, 


Note sur la structure microscopique des Hydatides , par M. Gruce . . 


Sur l'embryon des Entozoaires et sur les mouvemens de cet embryon 
dons lœut, pas Ne DH ARDIN, nn, . fs 


Sur les infusoires munis d’un double filament locomoteur, par /e méme. 

Sur une nouvelle espèce de Gromie et sur les Difflugies ; par le méme. 
Mémoire sur les polypes du genre Tubulipore, par M. Mizxe Enwarps. 
Anatome //ydræ fuscæ , exposuit A. J. Corpa . :  . . = . . : « 


Note sur les masses que forment les infusoires siliceuses actuellement vi- 
n . Q ’ 

vantes, et sur un nouveau conglomérat de Tripoli trouvé à Jastraba, 

par M. EnmméNgene. sugar see 0 + x + nn à 


TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. 


Avpoutx: — Notice sur les ravages 
causés , dans le Maconnais, par la 
Pyrale de la vigne, . . . . , 

— Considérations nouvelles sur les dé- 
gâts occasionés par la Pyrale de la 
vigne, particulièrement dans là com- 
mune d'Argenteuil, . , « . . . 

— Recherches anatomiques et physio- 
logiques sur la maladie contagieuse 
qui attaque les vers à soie, et qu'on 
désigne sons le nom de Muscardine. 

— Nouvelles expériences sur la nature 
de la maladie contagieuse qui attaque 
les vers à soie et qu’on désigne sous le 
nom de Muscardine, . . . . . . 

Brainvicze. — Sur la forme des extré- 
mités articulaires du corps des 7er- 
DIESEL MIE See diet ee 

— Rapportsurun mémoirede M Jour- 
dan, concernant deux nouvelles es 
pèces de mammiferes de l'Inde, . , 

— Addition au rapport précédent. 

Braxpr, — Sur un ordre nouveau de 
Myriapodes; etc. .-......4..,.1 

Brescaer et Gruce.—Recherches sur 
la structuré des membranes de œuf 
des mammifères . . . : . . . . 

BRuLLÉ. — Observation sur l'absence 
des tarses dans quelques insectes. . 

Cacniarp-Larour. — Expériences sur 
la vo AnMANE ne 0 + 0 

Canus.— Sur le Hagile, . . . . . 

Conpa. — Anatome Hydræ fuscæ. ... 

Couron.,— Animaux nouveaux ou peu 
connus qui se trouvent au musée de 
Neufchâtel (extrait), .1, 1, . . . 

Cuvren ( Frédéric). — Rapport sur un 
mémoire de M. Jourdan concernant 
quelques mammifères nouveaux . . 

Dexis, — Recherches sur la composi- 
tion du sang, (Extrait.)...,..... 

Doxxé.—Mémoire sur le /ait (extrait). 

— Note sur le mouvement vibratoire h 
la surface des muqueuses (extrait); . 

Ducis. — Nouvelles observations sur 
la zcologie et l'anatomie des Anne- 
lides abranches sétigères, . + : 

— Sur le développement de l'embryon 
chez les Mollusques céphalopodes, , 


65 


229 


257 


58 


000 


107 


Dusarpin.— Sur les Zoospermes des 
mammifères et sur ceux du cochon 
d’Inde en particulier , . . 4 . . 

—— Sur les Zoospermes de la carpe . 

— Sur l'embryon des Entozoaires et 
sur les mouvemens de cet embryon 
daps l'œufi{iiten NE dent 

— Sur les #fusoires munis d'un double 
filament locomoteur. . , , , . . 

— Sur une nouvelle espèce de Gromia 
et sur les Difflugies, « ... 4, 

Domorrier, — Mémoire sur l’'embryo- 
génie des Mollusques gastéropodes. 129 

Duvernoy.— Note sur deux bulbes, 
faisant les fonctions de cœurs acces 
soires, quise voient dans les artères 


291 
297 
303 
305 


310 


innominées de là Chimère arctique. 35 
— Mémoire sur les appareils d’alimen- 

tation et de circulation, et sur l’ovaire 

des Squilles sr ulmal 1. sai 4x 
Evwanos (Milne ). — Mémoire sur les 

polypes du genre Tubulipore ; . . 32r 


EurensenG.— Sur les masses que for- 
ment les infusoires siliceüses actuel- 
lement vivantes, et sur le tripoli de 
Destraba 46.14. 5:50... 000 

FazkONER et Caurreyx.— Note sur la dé- 
couverte de deux nouvelles espèces 


de Quadnumanes fossiles, . . . . 25% 
FLrourens. — Troisième mémoire sur 

la Rumination, 1% 4 . . . . . Bo 
Grorrroy Sarnr-Hicarre (ISidore).— 

Sur les Mammifères épineux de Ma- 

dagascar (extrait). . . … Æ, , , 60 


— Notice sur deux nouveaux genres de 
mammifères carnassiers, les Zchneu- 
mies, du continent africain, et les 
Galicies, de Madagascar (extrait). . 249 
— Sur le système dentaire du Protèle, 25a : 
Gervais. — Note sur les Mammifères 


des'Antilles,  . 0% 2BAN7, , "60 
Grue , voyez BRrescner. 
— Note sur la structure microscopique 

des Hydatides Hu VAR . 314 
Gray. — Mammifères nouveaux (an- 

DONC) MA RAE. 0e . 63 


Jounban, — Sur le Theridomys, ron- 
geur fossile des calcaires d’eau douce 
de la France centrale (extrait), , , 127 


384 


— Mémoire sur des Mammifères nou— 
veaux. ( Voyez Bramnvizrk et F. 
CoviEr .) 

Lacorpaire, — Introduction à l’Ento- 
mologie (annonce) . 

LasrminteR. — Sur des oiseaux rares 
(Extrait). . . Le Re 

Macxus.—De la présence de l’oxigène, 
de l'azote et de l’acide carbonique 
dans le sang, et sur la théorie de la 

. respiration. . Ne 

Marreuccr. — Recherches physiques, 
chimiques et physiologiques sur la 
Torpille RU TE. MS 

Newport, — Sur la température des 
Insectes (extrait). + . . . . . . 

Ocizsx.— Note sur quelques Mammi- 
fères nouveaux de l’Australasie . . 

Owen. — Structure du cerveau chez 
les Marsupiaux . us 

PaczeTan.—Sur la spécialité des 2erfs 
des sens (extrait). . 

Prévosr, — Note sur le développe- 


vote ee ee 


192 - 


64 


Table par noms d'auteurs. 


ment d'un courant électrique qui 
accompagne la contraction de la 
fibre musculaire. . . . . . . . 
Scaurrz. — Expérience sur les géné- 
rations équivoques . «+ + «+ + + « 
Serres. — Recherches sur l’anatomie 
des mollusques, comparée à l’ovolo- 
gie et à l'embryogénie de l’homme 
et des vertébrési. . 
Sismonpa, — Argonaute fossile. . . 
Turrin.— Recherches microscopiques 
sur les globules du lait, sur leur 
germination, leur développement et 
leur transformation en un végétal ra- 
meux et articulé. .....s.e..ss. 
Vax per Hæven.—Sur les dimensions 
de la téte osseuse, considérées dans 
leurs rapports avec l’histoire natu- 
relle du genre humain. . . . . . 
Wacxer. — Recherches sur la gené- 
ration. 
Wasmaez. — Sur une difformité ob- 
servée chez un Lépidoptère. . .